Déclaration de M. Michel Duffour, secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle, sur la transformation des comportements et des pratiques culturelles et la notion d'espaces intermédiaires dans la culture, Paris le 19 juin 2001.

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Circonstance : Remise du rapport de Fabrice Lextrait sur les espaces intermédiaires à Paris le 19 juin 2001

Texte intégral

Mesdames, Messieurs,
Je voudrais d'abord vous remercier de votre présence, mesdames et messieurs les journalistes, artistes, acteurs culturels, responsables d'administration, représentants des ministères de la Ville, de l'Equipement, de la Jeunesse et des Sports, de l'Education Nationale, de l'Emploi et de la Solidarité, de l'Aménagement du Territoire...
Toutes présences qui témoignent d'emblée de l'importance et de la singularité de notre sujet.
Dans les objectifs prioritaires que nous nous étions fixés, il y a maintenant une année, figuraient ce que nous appelions provisoirement, comme nom de code en quelque sorte, " les espaces intermédiaires " expression empruntée au titre d'un très beau livre d'entretiens consacré à Peter Handke.
Je cite Peter Handke :
" Les espaces intermédiaires où se déroulent mes livres sont très étroits. Mais je ne vis que de ces espaces intermédiaires, où l'histoire est comme lorsque deux porte-avions se rapprochent et ne laissent entre eux qu'une mince fente... C'est de ces fentes, de ces regards passant par les interstices que je vis et que j'écris... " dit-il.
Et il ajoute :
" je regarde donc par où puis-je encore m'échapper, mais tout en m'échappant, ce qui est aussi très important, où puis-je susciter un mouvement producteur d'une permanence ou d'un projet ".
Il y a, à travers cette affirmation poétique, comme un écho, une correspondance avec les démarches que nous allons évoquer.
Plus concrètement, il s'agissait pour nous -partant du constat de la transformation profonde des pratiques, des comportements, des attentes artistiques et culturelles de notre pays, observés depuis une quinzaine d'années- d'aborder sérieusement, un champ nouveau, foisonnant et complexe, objet -par méconnaissance- de tous les malentendus, à la fois sous et parfois surestimé.
C'est donc d'abord pour éclairer ces nouveaux territoires de la culture que j'ai commandé à Fabrice Lextrait, ancien administrateur de la Friche la Belle de Mai, une mission d'analyse qui -je cite la lettre de mission- (elle figure dans les dossiers qui vous ont été remis) " appréhende et rende plus explicite les fondements communs de ces initiatives singulières, leurs déterminants artistiques, économiques, éthiques et politiques ainsi que leur mode d'organisation. Il s'agit en effet de construire une approche raisonnée afin que les services du Ministère de la culture puissent mieux les repérer, les écouter et les accompagner sans pour autant les institutionnaliser, les enfermer dans des catégories ou créer (j'insiste) un nouveau label ".
Le rapport est là, résultat d'un travail approfondi, conjuguant enquête et conceptualisation, étayé par la réflexion d'un groupe d'appui de douze personnalités que je remercie chaleureusement, pour leur engagement sans réserve et la qualité de leur production.
Je laisserai à Fabrice Lextrait le soin de présenter, lui-même, son rapport.
Mais, permettez-moi un court instant de revenir sur ce que je crois être un indispensable préalable.
Depuis une année, je sillonne la France, et je vous l'assure, sans naïveté idéaliste, j'observe partout une exceptionnelle vitalité, une multiplication d'initiatives, de projets, de propositions actives, une présence intense, vivante des artistes dans la ville qui nouent avec les populations des rapports très nouveaux, les " embarquant " dans l'aventure de la création à moins que ce ne soit le contraire. Il n'est pas un de mes déplacements en Région qui ne me mette en présence d'une expérience innovante, passionnante, et ce dans tous les domaines de la culture, y compris patrimonial.
C'est une évidence pour moi, il s'agit d'un mouvement profond qui brasse les disciplines artistiques, les fonctions (de la production à la formation), les populations, qui transforme les lieux existants et parfois l'espace urbain, qui cultive le désir d'art autant que l'uvre achevée. Je le crois, ces espaces de rencontres artistiques sont des laboratoires, grandeur nature, d'un nouveau rapport entre l'art et la société.
D'où la difficulté à les nommer. Vous l'avez constaté dès la découverte du rapport, nous n'avons pas choisi d'appellation et sur la couverture même, s'entrecroisent friches, squats, alternatifs, expériences, fabriques, lieux, projets, aventures, expérimentations ...
Ce " non-choix " -qui est tout le contraire d'une solution de facilité- traduit de fait une volonté très claire : ni catégorie nouvelle, ni label.
Chaque projet a choisi son nom qui n'est jamais neutre.
L'exercice était donc délicat puisqu'il fallait révéler sans uniformiser, analyser sans isoler, recenser sans ouvrir une catégorie, arrêter l'image sans lui ôter le mouvement. Je vais donner immédiatement la parole à celui qui l'a tenté et, je crois réussi.
(Source http://www.culture.gouv.fr, le 20 juin 2001)