Texte intégral
Ces assises nationales sachèvent ; notre combat commun commence.
Commun comme nous y a enjoints Marcel Rufo :
* de la maternelle au lycée, parce que les enfants vulnérables doivent être protégés dès leur plus jeune âge du harcèlement de leurs pairs ;
* commun à tous les adultes ayant autorité, qui ne devraient plus penser que la récréation des enfants est également la leur ;
* aux parents comme aux équipes éducatives, parce que la préoccupation du harcèlement ne saurait être seulement celle des parents denfants harcelés, qui trop souvent doivent intervenir pour expliquer ce que vivent leurs enfants à lécole.
Un combat commun comme nous la préconisé Kevin Jennings :
* commun dans notre attention à toutes les modifications de comportement de lélève qui peuvent masquer un harcèlement ;
* dans notre vigilance à légard de tous les élèves vulnérables ;
* Kevin Jennings nous a hier raconté, la voix encore tremblante, le drame vécu par Carl, ce jeune élève qui sest suicidé en 2009 dans le Massachusetts : nous devons à tout prix éviter quun jour, un élève préfère mourir plutôt que daller à lécole où il était harcelé, et ce sans que notre institution scolaire sen émeuve.
Commun, comme nous y a encouragés Hana Shadmi :
* dans notre condamnation de toutes les violences, des bousculades et insultes aux agressions physiques plus graves, parce que le harcèlement est dabord le résultat dune accumulation de violences dans le temps ;
* dans notre mobilisation, parce quon ne peut demander aux élèves de réagir au harcèlement si les adultes ne simpliquent pas eux-mêmes et ne les accompagnent pas ;
* commun, enfin, dans lintérêt de toute la communauté éducative, parce que la prévention du harcèlement améliore le climat de létablissement.
Un temps de partage
Jai voulu que ces assises soient un temps de partage. Car qui peut croire que nous ne partageons pas la même préoccupation, celle du bien-être des 12 millions délèves qui, aujourdhui, fréquentent nos écoles, nos collèges, nos lycées ?
Tout au long de ces deux jours, nous avons déjà :
Partagé des connaissances :
* une expertise scientifique, que nous ont transmise les professeurs psychologues, psychiatres, sociologues ;
* des remontées du terrain, assurées par les acteurs éducatifs ;
* une expérience internationale, grâce aux présentations sur les politiques éducatives menées contre le harcèlement dans dautres pays ;
* des initiatives menées dans les établissements et, plus largement, dans les territoires.
Nous avons partagé le même souci dhumanité, devant le vécu et le ressenti des victimes. Jespère que ces récits dexpériences auront dessillé les yeux des sceptiques sur limpact du harcèlement dans la vie des élèves qui le subissent.
Et je souhaite quen ces domaines scientifique et humain, ces assises aient eu au moins le rôle, fondamental à mes yeux sur ce sujet tabou, de révélateur.
Jusquà aujourdhui, en effet, nous avons sombré contre plusieurs écueils face au harcèlement :
* une ignorance délibérée, que dis-je, une cécité, devant des violences à tort évaluées comme quantités négligeables ayant un impact nul sur la psychologie, la santé et la réussite scolaire des élèves victimes ;
* une tolérance coupable, en pensant que le temps de lenfance était nécessairement celui de la soumission à un rite dépreuves initiatiques, fussent-elles humiliantes et blessantes, censé former le caractère de nos enfants, sans voir que ces épreuves accablaient les plus vulnérables.
Maintenant que nous savons, il nous faut désormais nous départir des images angéliques dont nous avons affublé le comportement de nos enfants et ouvrir les yeux sur la réalité quils vivent au contact de leurs pairs, au sein des écoles et des établissements scolaires.
Il nous faut voir leurs souffrances denfants autrement quavec nos yeux dadultes, comprendre que ce que nous estimons anodin peut être important.
Il nous faut cesser de considérer lenfance comme lâge de labsolue résilience, où un enfant pourrait sereinement surmonter tous les sarcasmes, toutes les humiliations, toutes les brimades.
Le harcèlement est destructeur et son impact sera dautant plus lourd de conséquences quil aura été repéré tardivement.
Aussi, pendant ces deux jours, nous avons partagé un même élan, une même ambition :
* redonner, au sein de notre École, toute sa force à lindissociable lien entre éducation et apprentissage ;
* amener tous les acteurs éducatifs à une éthique de responsabilisation qui donne à léducation civique toute sa dimension concrète ;
* rendre ainsi à notre École toute sa dimension humaine et civique, par lattention constante de tous au respect de chacun.
Et nous savons désormais que cest dans cet engagement collectif que réside une des clés, sans doute la plus importante, la plus efficace, de notre combat.
Nous sommes aujourdhui en ordre de marche.
Je tiens à remercier chacun des participants à ces assises pour son engagement et son ouverture : chacun de vous a contribué à une action absolument nouvelle, à cette première quil va désormais falloir déployer dans nos écoles et nos établissements.
Le plus difficile, mais aussi le plus stimulant est devant nous : faire de notre aspiration collective une réalité :
* afin de permettre à chaque enfant de vivre sereinement sa scolarité, dans le respect de sa personnalité et la conscience quelle senrichit au contact des autres ;
* afin de construire lavenir des générations montantes dans la confiance en soi et en nos institutions.
Notre défi, désormais, consiste à tourner la page sur laquelle on a trop longtemps et trop souvent laissé sécrire la réponse binaire apportée au harcèlement :
* pour la victime, son changement détablissement ou son orientation vers un spécialiste ;
* pour lagresseur, son exclusion ou son maintien impuni au sein de létablissement.
Plan d'actions
Notre plan dactions, fondé sur quatre axes, envisage lensemble du problème.
Le premier axe vise à connaître et faire reconnaître le harcèlement
* Ce matin, je reviendrai juste sur le guide que je vous ai annoncé hier et que le Docteur Catheline a accepté de rédiger avec nous. Il sera diffusé par voie électronique dans tous les établissements, de la maternelle au lycée et mis en ligne ;
* les travaux de latelier A ont fait émerger des critères simples, je dirais même de bon sens, qui doivent nous interpeller et y figurer clairement ;
* à chaque fois quun de ces clignotants sallumera, il faudra que la question du harcèlement soit posée. Je pense, notamment :
- aux retards, qui peuvent être les premiers signes dune phobie scolaire, dont Marcel RUFO nous a dit que dans 35 % des cas elle avait un lien avec le harcèlement,
- aux baisses des résultats scolaires,
- ou aux passages répétés à linfirmerie.
* ce guide appellera également à la vigilance des équipes éducatives sur certains lieux car, comme la montré létude dÉric Debarbieux, il existe des lieux propices aux harcèlements.
Le deuxième axe de notre plan vise à faire de la prévention du harcèlement à lÉcole laffaire de tous
* trois ateliers, le B, le C et le D, ont permis davancer sur les propositions que jai faites dans cette perspective.
* latelier B a notamment bénéficié du retour de lexpérience polonaise, qui a su sappuyer sur un partenariat fructueux entre le secteur privé, - en loccurrence la fondation Orange -, et léducation nationale pour construire une politique de lutte efficace contre le harcèlement.
Le troisième axe : former
* latelier C a permis davancer sur les enjeux de la formation au sein des établissements, afin de mobiliser tous les acteurs éducatifs, à tous les instants de lÉcole.
* je vous avais hier annoncé que les équipes éducatives bénéficieraient de la mise en place dun réseau de formateurs académiques. Latelier C a conforté cette nécessité et permis den affiner les contours :
- les membres de ce réseau devront représenter la diversité des métiers que lon trouve dans les établissements : car cest cette diversité qui nous permettra de nous assurer de la prise en compte, par tous, du harcèlement ;
- en outre, et cest une des préconisations de latelier C, je proposerai aux associations de parents délèves de désigner, au niveau de chaque académie, un représentant qui participera à cette formation et la diffusera ensuite.
- latelier D a, lui, permis de préciser les contenus du site internet.
* ce site permettra, notamment grâce à un partenariat dynamique noué avec e-Enfance (association déjà agréée par l'éducation nationale pour intervenir dans les établissements scolaires) et avec la Commission nationale de linformatique et des libertés, de fournir à tous, enfants, parents, adultes, tous les éléments pour faire en sorte que lusage des réseaux sociaux ne conduise pas des élèves déjà harcelés à lÉcole à lêtre également sur le net.
* tous pourront y trouver les ressources pédagogiques utiles pour comprendre les fonctionnalités et les usages des réseaux et pour lutter au mieux contre cette nouvelle forme de harcèlement.
Le quatrième et dernier axe : traiter les cas de harcèlement avérés
* au-delà de la réforme des sanctions, qui nous permettra de mieux prendre en compte les victimes, mais surtout déduquer les auteurs de harcèlement, cest à la question du harcèlement sur internet que lon doit sattaquer en fournissant des outils aux chefs détablissement.
* je peux aujourdhui vous lannoncer : nous allons construire un partenariat avec Facebook, pour faire en sorte que ce réseau social (qui compte en France 20 millions d'utilisateurs dont 11 millions de personnes qui partagent une information par jour) reste un espace de convivialité où les élèves harceleurs ne peuvent plus poursuivre impunément leur victime.
* je remercie les responsables de Facebook qui sengagent à nos côtés : cest la démonstration que la lutte contre le harcèlement constitue une de leurs priorités.
* la solution est simple : nous signalerons systématiquement les élèves qui auront été convaincus de harcèlement sur ce réseau, ils verront leur compte fermé.
* pour les cas les plus graves, nous ferons en sorte que les familles des élèves victimes puissent bénéficier dun accompagnement adapté pour déposer plainte, et ce via un partenariat avec lOffice central de lutte contre la cybercriminalité.
Le harcèlement entre élèves, quil se produise à lÉcole ou sur internet, ne doit plus rester impuni.
Rappelons-nous en effet les dangers que nous encourons et quont déjà traversés dautres pays :
* en Finlande, les enquêtes sur les tragiques fusillades de 2007 (Jokela) et 2008 (Kauhajoki) qui ont fait une vingtaine de morts, ont mis en lumière le harcèlement répété dont avaient été victimes les deux jeunes tueurs au stade de lécole primaire et du collège ;
* aux États-Unis, une étude du FBI publiée en 2000 sur les tirs meurtriers dans les écoles entre 1974 et 2000 révèle que 75°% de tous les school shooters avaient été victimes de maltraitance entre élèves : persécutés, harcelés, humiliés, ils sétaient approprié cette violence et lavaient retournée contre les autres.
La violence du harcèlement entraîne la violence, parfois sous des formes plus graves encore. Nous ne pouvons plus rester aveugles et muets face à elle.
Ensemble, à partir daujourdhui, nous allons écrire une autre réponse, tracer une nouvelle voie :
* celle de lécoute et de la considération de lélève victime par les adultes quil fréquente au quotidien dans son école ou dans son établissement ;
* celle de léducation de lagresseur, afin quil se dégage de la spirale dans laquelle il se perd lui aussi.
Lannée scolaire 2011-2012 sera une année dexpérimentation de la politique que nous aurons ainsi construite dans tous les établissements qui souhaitent sengager dans la lutte contre le harcèlement à lÉcole.
Jaurai, bien évidemment, loccasion de me ressaisir de ce sujet :
* lors de la conférence de presse de rentrée,
* lors du lancement, à lautomne, du site internet et du numéro dappel accessible aux enfants, pour leur permettre de dénoncer les cas de harcèlement dont ils sont victimes ou témoins ; car rappelons-nous toujours que les victimes ont honte den parler,
* je men saisirai encore en dautres circonstances.
Mais soyons tous conscients dune chose, et je madresse particulièrement aux médias : parler du sujet, cest déjà avancer. Parler du harcèlement, cest déjà soutenir les victimes.
Nous allons parler. Nous allons agir. Vous pouvez compter sur mon total engagement. Je vous remercie.
Source http://www.education.gouv.fr, le 5 mai 2011