Texte intégral
Monsieur le Commissaire,
Monsieur l'adjoint au Maire,
Mesdames et Messieurs les Présidents,
Mesdames et Messieurs,
Tout d'abord, je voudrais remercier les organisateurs et partenaires de ce Forum, en particulier ACTED, et vous féliciter de cette manifestation annuelle consacrée aux Objectifs du millénaire pour le développement.
Je ne souhaite donc pas vous délivrer un discours trop convenu mais profiter de la présence d'un grand nombre d'acteurs de la communauté du développement réunis ici aujourd'hui pour échanger à partir de quelques réflexions assez libres.
Ma première remarque portera sur les moyens que la France consacre à l'aide publique au développement. Où en sommes-nous par rapport à notre objectif de consacrer en 2015 0,7 % de notre revenu national brut (RNB) à l'aide publique au développement (APD) ? Comme vous le savez, cet engagement pris par l'ensemble des pays du G8 au Sommet de Gleneagles était assorti d'une étape intermédiaire consistant à atteindre 0,5 % en 2010. L'OCDE vient d'indiquer le mois dernier que cet objectif a été atteint par la France, c'est un grand motif de satisfaction pour le gouvernement. Alors que la crise économique mondiale fait peser une contrainte particulièrement sévère sur les finances publiques des pays développés, la France a tenu sa promesse de sanctuariser ses engagements. La part du RNB qu'elle consacre à l'aide au développement a ainsi continué de progresser, puisqu'elle était de 0,38 % en 2008. Avec près de 10 milliards d'euros d'engagements, la France est le 3ème plus important contributeur mondial en matière d'APD. Nous n'avons pas à rougir des efforts que nous avons consentis en la matière.
Est-ce à dire que les perspectives de financement du développement sont favorables ? Soyons lucides, le chemin qui nous mène jusqu'en 2015 sera escarpé. La crise a durablement dégradé les finances publiques de la plupart des grands pays développés. Le niveau d'endettement actuel n'est plus soutenable. Sa réduction devra s'opérer dans un contexte rendu encore plus délicat par la faible croissance que connaissent nos économies au regard du reste du monde, notamment les économies émergentes. On voit qu'ici où là, certains gouvernements envisagent de tailler dans l'aide au développement. Ce ne sera pas le cas de la France. Mais il s'agit d'un effort collectif. La France ne tirerait aucune vanité d'être distinguée favorablement si demain les volumes de l'aide publique reculaient sensiblement partout dans le monde. Car cela voudrait dire que l'atteinte des Objectifs du millénaire pour le développement prendrait encore plus de retard. Et à ces besoins bien identifiés, s'ajoutent les nouvelles exigences de l'adaptation au changement climatique et la préservation des biens publics mondiaux.
Face à ces besoins colossaux qui sont ceux du XXIème siècle, les moyens du passé ne suffiront pas. C'est tout le sens de la mobilisation de la France et de ses partenaires, en faveur des financements innovants. Je connais les réticences de certains, je vois aussi que le consensus progresse de manière indiscutable et je rappelle que cette forme de financement stable, additionnelle et prévisible peut pendre des formes variées, même si nous sommes convaincus de l'utilité et de la faisabilité d'une taxe sur les transactions financières.
Ma deuxième remarque portera sur l'efficacité de l'aide. A force de se concentrer sur les chiffres et d'avoir une logique comptable, on en vient presque à perdre de vue que la réalisation des OMD ne va pas de soi, quand bien même les financements adéquats auraient été mobilisés. Le but premier des OMD n'est pas de toucher une cible statique. Il s'agit de créer une dynamique sur le plan économique et social qui permettra aux pays concernés de répondre durablement aux besoins essentiels de leurs populations, en fonction des réalités et des spécificités qui leur sont propres.
Pour de nombreux pays africains, l'atteinte des OMD dépend de la force relative de leur croissance économique au regard de leur croissance démographique, et de la manière dont ils peuvent quitter ces situations de grande fragilité. C'est pourquoi l'aide française est concentrée sur les pays les plus fragiles, qui sont le plus souvent des Pays moins avancés (PMA), situés en Afrique. La conférence des PMA d'Istanbul, à laquelle je participerai ainsi que M. le Commissaire Piebalgs sera un moment important de mobilisation en faveur de cette catégorie de pays.
En outre, la France est convaincue que l'atteinte des OMD passe par une perspective de développement à long terme qui doit être fondé sur une croissance économique endogène. C'est tout le sens de l'initiative du Cap lancée en 2008 qui mobilise près de 10 milliards d'euros en faveur du secteur privé en Afrique. C'est aussi le sens des priorités en faveur de l'Afrique que nous portons durant notre présidence du G8 et du G20, afin de lutter contre les freins à la croissance en Afrique que sont le manque d'infrastructures, notamment énergétiques, et la faible intégration régionale.
Ces résultats dépendent aussi des pays en développement : leurs engagements pour renforcer la gouvernance, améliorer le climat des affaires et mobiliser leurs ressources fiscales nationales sont déterminants.
Ma dernière remarque sera la plus ouverte et portera sur le rôle qui revient aux États, dans le contexte international actuel. Les bouleversements du monde auxquels nous assistons nous placent devant un paradoxe. Le printemps des peuples arabes est aussi la crise d'un certain modèle de développement. Les transitions politiques, heurtées parfois mais toujours encourageantes, qui se déroulent en Afrique sub-saharienne montrent que la démocratie n'attend pas que le développement la précède.
Ces évolutions politiques appellent des réponses politiques - et diplomatiques. Mais dans la définition des modèles du développement, les États semblent avoir quelque peu perdu la place prééminente qui était la leur au sortir de la décolonisation. A l'heure des grandes fondations privées et des marchés de capitaux, les États n'ont plus le monopole de l'aide financière. A l'heure des experts techniques qui mettent en place, souvent avec grand succès, des filières sectorielles, la vision politique des aspirations des peuples, de leurs souffrances et de leurs revendications, a pu être négligée. Certains ont peut être perdu de vue que la société civile ne résume pas aux banquiers et aux entrepreneurs, mais aussi aux jeunes, aux femmes, aux syndicalistes, aux blogueurs, à tous ceux qui sous nos yeux se sont soulevés dans les pays arabes, au risque de leur vie, faute de trouver dans les statistiques économiques flatteuses qui réjouissaient les bailleurs internationaux une réponse à leur désir irrépressible de dignité et de liberté.
Les États doivent sans doute désormais assumer plus nettement leur rôle d'impulsion politique.
Cela passe bien sûr par l'exercice déterminé de leurs responsabilités en matière de paix et de sécurité internationale : quel développement possible pour des populations soumises à la folie meurtrière de dirigeants illégitimes, comme en Libye ou en Côte d'Ivoire ? Dans ces deux crises, la France a pris ses responsabilités avec ses partenaires pour faire respecter le droit international, préalable indispensable pour que puissent reprendre les actions de coopération en faveur des populations.
Ce réengagement du politique dans les plans de développement passe aussi par la prise en compte des enjeux stratégiques, comme le lien entre développement et sécurité, afin de lutter contre le terrorisme. C'est tout le but par exemple de la stratégie de l'Union européenne en faveur du Sahel, que nous avons élaboré notamment avec le commissaire Piebalgs. Un tel engagement doit désormais se décliner en faveur de la Méditerranée, en ciblant tout particulièrement les attentes de la société civile et ses aspirations à la liberté.
En définitive, les bouleversements du monde auxquels nous assistons nous incitent à réexaminer d'un il neuf nos politiques de coopération. Plus que jamais ce sont les populations et leurs aspirations qui doivent guider notre action, ce qui nous impose d'être avant tout à leur écoute et d'uvrer dans un esprit de respect mutuel.
Je sais que nous partageons tous ces aspirations dans cette salle et je vous souhaite un plein succès dans les travaux de ces trois prochains jours.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 5 mai 2011
Monsieur l'adjoint au Maire,
Mesdames et Messieurs les Présidents,
Mesdames et Messieurs,
Tout d'abord, je voudrais remercier les organisateurs et partenaires de ce Forum, en particulier ACTED, et vous féliciter de cette manifestation annuelle consacrée aux Objectifs du millénaire pour le développement.
Je ne souhaite donc pas vous délivrer un discours trop convenu mais profiter de la présence d'un grand nombre d'acteurs de la communauté du développement réunis ici aujourd'hui pour échanger à partir de quelques réflexions assez libres.
Ma première remarque portera sur les moyens que la France consacre à l'aide publique au développement. Où en sommes-nous par rapport à notre objectif de consacrer en 2015 0,7 % de notre revenu national brut (RNB) à l'aide publique au développement (APD) ? Comme vous le savez, cet engagement pris par l'ensemble des pays du G8 au Sommet de Gleneagles était assorti d'une étape intermédiaire consistant à atteindre 0,5 % en 2010. L'OCDE vient d'indiquer le mois dernier que cet objectif a été atteint par la France, c'est un grand motif de satisfaction pour le gouvernement. Alors que la crise économique mondiale fait peser une contrainte particulièrement sévère sur les finances publiques des pays développés, la France a tenu sa promesse de sanctuariser ses engagements. La part du RNB qu'elle consacre à l'aide au développement a ainsi continué de progresser, puisqu'elle était de 0,38 % en 2008. Avec près de 10 milliards d'euros d'engagements, la France est le 3ème plus important contributeur mondial en matière d'APD. Nous n'avons pas à rougir des efforts que nous avons consentis en la matière.
Est-ce à dire que les perspectives de financement du développement sont favorables ? Soyons lucides, le chemin qui nous mène jusqu'en 2015 sera escarpé. La crise a durablement dégradé les finances publiques de la plupart des grands pays développés. Le niveau d'endettement actuel n'est plus soutenable. Sa réduction devra s'opérer dans un contexte rendu encore plus délicat par la faible croissance que connaissent nos économies au regard du reste du monde, notamment les économies émergentes. On voit qu'ici où là, certains gouvernements envisagent de tailler dans l'aide au développement. Ce ne sera pas le cas de la France. Mais il s'agit d'un effort collectif. La France ne tirerait aucune vanité d'être distinguée favorablement si demain les volumes de l'aide publique reculaient sensiblement partout dans le monde. Car cela voudrait dire que l'atteinte des Objectifs du millénaire pour le développement prendrait encore plus de retard. Et à ces besoins bien identifiés, s'ajoutent les nouvelles exigences de l'adaptation au changement climatique et la préservation des biens publics mondiaux.
Face à ces besoins colossaux qui sont ceux du XXIème siècle, les moyens du passé ne suffiront pas. C'est tout le sens de la mobilisation de la France et de ses partenaires, en faveur des financements innovants. Je connais les réticences de certains, je vois aussi que le consensus progresse de manière indiscutable et je rappelle que cette forme de financement stable, additionnelle et prévisible peut pendre des formes variées, même si nous sommes convaincus de l'utilité et de la faisabilité d'une taxe sur les transactions financières.
Ma deuxième remarque portera sur l'efficacité de l'aide. A force de se concentrer sur les chiffres et d'avoir une logique comptable, on en vient presque à perdre de vue que la réalisation des OMD ne va pas de soi, quand bien même les financements adéquats auraient été mobilisés. Le but premier des OMD n'est pas de toucher une cible statique. Il s'agit de créer une dynamique sur le plan économique et social qui permettra aux pays concernés de répondre durablement aux besoins essentiels de leurs populations, en fonction des réalités et des spécificités qui leur sont propres.
Pour de nombreux pays africains, l'atteinte des OMD dépend de la force relative de leur croissance économique au regard de leur croissance démographique, et de la manière dont ils peuvent quitter ces situations de grande fragilité. C'est pourquoi l'aide française est concentrée sur les pays les plus fragiles, qui sont le plus souvent des Pays moins avancés (PMA), situés en Afrique. La conférence des PMA d'Istanbul, à laquelle je participerai ainsi que M. le Commissaire Piebalgs sera un moment important de mobilisation en faveur de cette catégorie de pays.
En outre, la France est convaincue que l'atteinte des OMD passe par une perspective de développement à long terme qui doit être fondé sur une croissance économique endogène. C'est tout le sens de l'initiative du Cap lancée en 2008 qui mobilise près de 10 milliards d'euros en faveur du secteur privé en Afrique. C'est aussi le sens des priorités en faveur de l'Afrique que nous portons durant notre présidence du G8 et du G20, afin de lutter contre les freins à la croissance en Afrique que sont le manque d'infrastructures, notamment énergétiques, et la faible intégration régionale.
Ces résultats dépendent aussi des pays en développement : leurs engagements pour renforcer la gouvernance, améliorer le climat des affaires et mobiliser leurs ressources fiscales nationales sont déterminants.
Ma dernière remarque sera la plus ouverte et portera sur le rôle qui revient aux États, dans le contexte international actuel. Les bouleversements du monde auxquels nous assistons nous placent devant un paradoxe. Le printemps des peuples arabes est aussi la crise d'un certain modèle de développement. Les transitions politiques, heurtées parfois mais toujours encourageantes, qui se déroulent en Afrique sub-saharienne montrent que la démocratie n'attend pas que le développement la précède.
Ces évolutions politiques appellent des réponses politiques - et diplomatiques. Mais dans la définition des modèles du développement, les États semblent avoir quelque peu perdu la place prééminente qui était la leur au sortir de la décolonisation. A l'heure des grandes fondations privées et des marchés de capitaux, les États n'ont plus le monopole de l'aide financière. A l'heure des experts techniques qui mettent en place, souvent avec grand succès, des filières sectorielles, la vision politique des aspirations des peuples, de leurs souffrances et de leurs revendications, a pu être négligée. Certains ont peut être perdu de vue que la société civile ne résume pas aux banquiers et aux entrepreneurs, mais aussi aux jeunes, aux femmes, aux syndicalistes, aux blogueurs, à tous ceux qui sous nos yeux se sont soulevés dans les pays arabes, au risque de leur vie, faute de trouver dans les statistiques économiques flatteuses qui réjouissaient les bailleurs internationaux une réponse à leur désir irrépressible de dignité et de liberté.
Les États doivent sans doute désormais assumer plus nettement leur rôle d'impulsion politique.
Cela passe bien sûr par l'exercice déterminé de leurs responsabilités en matière de paix et de sécurité internationale : quel développement possible pour des populations soumises à la folie meurtrière de dirigeants illégitimes, comme en Libye ou en Côte d'Ivoire ? Dans ces deux crises, la France a pris ses responsabilités avec ses partenaires pour faire respecter le droit international, préalable indispensable pour que puissent reprendre les actions de coopération en faveur des populations.
Ce réengagement du politique dans les plans de développement passe aussi par la prise en compte des enjeux stratégiques, comme le lien entre développement et sécurité, afin de lutter contre le terrorisme. C'est tout le but par exemple de la stratégie de l'Union européenne en faveur du Sahel, que nous avons élaboré notamment avec le commissaire Piebalgs. Un tel engagement doit désormais se décliner en faveur de la Méditerranée, en ciblant tout particulièrement les attentes de la société civile et ses aspirations à la liberté.
En définitive, les bouleversements du monde auxquels nous assistons nous incitent à réexaminer d'un il neuf nos politiques de coopération. Plus que jamais ce sont les populations et leurs aspirations qui doivent guider notre action, ce qui nous impose d'être avant tout à leur écoute et d'uvrer dans un esprit de respect mutuel.
Je sais que nous partageons tous ces aspirations dans cette salle et je vous souhaite un plein succès dans les travaux de ces trois prochains jours.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 5 mai 2011