Déclaration de Mme Roselyne Bachelot, ministre des solidarités et de la cohésion sociale, sur l'organisation les responsabilités et les missions des agences régionales de santé (ARS), Marseille le 1er avril 2011.

Prononcé le 1er avril 2011

Intervenant(s) : 

Circonstance : Colloque en PACA sur "les ARS un an après" à Marseille le 1er avril 2011

Texte intégral

« Aujourd'hui, on se demande comment cela pouvait fonctionner sans les ARS », me confiait récemment un directeur général.

Un autre me disait aussi : « Les ARS, c'est une évidence ».

Ces directeurs généraux ont raison !

115 sites et plus de 200 000 m² - et j'inaugurerai demain deux nouveaux sites : celui de l'ARS de Provence-Alpes-Côte d'Azur et celui de l'ARS Nord-Pas-de-Calais ;

26 directrices et directeurs, et plus de 9 000 agents ;

Un comité national de pilotage qui s'est réuni plus de 30 fois depuis juillet 2009 ;

Un taux de participation de 85% aux dernières élections professionnelles, signe d'une extraordinaire vitalité du dialogue social ;

Les ARS existent et les chiffres le montrent !

Les ARS ne sont pas des entités abstraites et désincarnées.

Les ARS, ce sont des femmes et des hommes qui font vivre sur le terrain des missions exigeantes, ambitieuses et innovantes, au service de l'intérêt général.

A toutes et à tous, les directeurs généraux bien sûr, mais aussi les équipes et l'ensemble des personnels, j'adresse ma profonde reconnaissance pour le travail déjà accompli.
Dès à présent, vous avez fait des ARS une réussite.

Grâce à la confiance que vous avez su nouer dans vos relations et à votre sens des responsabilités, la continuité du service a toujours été assurée.

Vous pouvez être fiers de vous, comme, avec Xavier Bertrand, nous le sommes de vous.

Je sais que cela n'était pas simple, car il n'est jamais confortable de changer d'environnement de travail et de devoir modifier ses repères, ses habitudes en si peu de temps.

Mais, notamment grâce à l'effort pédagogique qui a été fait collectivement, chacun a compris que cette réforme était nécessaire et très attendue par nos concitoyens.

Vous avez fait preuve d'un esprit moderne, résolument tourné vers l'avenir que nous voulons bâtir ensemble.

Ainsi, vous vous êtes dotés d'une nouvelle culture, respectueuse de chacun et partagée par tous, au sein de ces « maisons communes » que sont les ARS.

Mais au-delà, vos agences ont pour principale mission de faire adhérer autour d'un projet régional de santé l'ensemble du champ élargi du monde de la santé : les usagers bien sûr mais aussi les services de l'Etat, les collectivités territoriales et l'assurance maladie.

C'est pour cela que j'ai tenu à créer dans la loi HPST les commissions de coordination des politiques publiques.

Car la santé ne se réduit pas à l'offre de soins, c'est aussi l'environnement, l'accompagnement social, le travail et les actions menées par les élus et collectivités territoriales.

Demain, nous fêtons le premier anniversaire des ARS.

Pourtant, ces dernières sont moins jeunes qu'elles ne le paraissent !

C'est à 2007 que remonte en réalité leur genèse, dès l'entrée en fonction du Président de la République, qui a immédiatement pris la mesure, avec beaucoup de lucidité, de la situation difficile dont il héritait.

En effet, les ARS sont nées d'un constat unanimement partagé : malgré sa performance, notre système de santé présente de réelles fragilités.

Des politiques de prévention insuffisamment ancrées dans la réalité du terrain.
Des déficits lourds qui menacent la soutenabilité de l'édifice des soins.

L'apparition de « déserts médicaux » entre régions mais aussi à l'intérieur d'une même région. En Provence-Alpes-Côte d'Azur, je sais qu'il existe de profondes disparités entre les zones.

Une trop grande lenteur causée par des circuits en tuyau d'orgue qui imposent des décisions venues de Paris et souvent coupées des réalités du terrain.

Des cloisonnements nuisibles qui entravent les parcours de soins de nos concitoyens, les regroupements de structures et l'émergence de pratiques innovantes.

Un vieillissement démographique auquel notre système de santé n'est pas suffisamment préparé.

Un déficit démocratique dans la gestion du système de santé.

Autant de facteurs qui suscitent chez nos concitoyens des attentes particulièrement fortes auxquelles, très tôt, le Gouvernement a voulu répondre.

Le Président de la République m'avait chargée d'élaborer la loi « Hôpital, patients, santé et territoires » (HPST) qui a permis de moderniser en profondeur notre système de santé.

La tâche n'était pas facile !

Car, lorsque l'on s'attaque aux mauvaises habitudes qui ont été prises et se sont ancrées dans le temps, on se heurte souvent aux pesanteurs et aux conservatismes de tous ordres.

Ces pesanteurs, ces conservatismes, ils peuvent entraver l'action. C'est ce que j'ai farouchement refusé.

Pour avancer, j'ai pu compter sur la mobilisation sans faille de Jean-Marie Bertrand puis, aujourd'hui encore, d'Emmanuelle Wargon, qui ont tous deux participé à l'élaboration puis à l'accompagnement de cette réforme sans précédent.

Il a également fallu convaincre les parlementaires et je n'oublie pas le rôle décisif que m'ont alors apporté les rapporteurs des deux assemblées, Jean-Marie Rolland et Alain Millon à qui j'adresse toute ma gratitude. Je n'oublie pas non plus les contributions éminentes d'André Flajolet, d'Yves Bur et de Valérie Boyer.

Car les ARS, ce n'est pas une simple réforme institutionnelle, c'est une révolution dans l'organisation et l'administration de la santé qui est maintenant plus autonome, plus proche du terrain et donc, tout simplement, plus efficiente.

La loi HPST, c'est une réforme qui a une vraie cohérence : car on ne peut pas moderniser le système de santé si on ne met pas des outils de pilotage à la disposition à la fois des patrons des agences régionales de santé, mais aussi des professionnels et des usagers.

Pour accompagner les établissements de santé dans leur retour à l'équilibre, les DG ARS peuvent par exemple s'appuyer sur l'agence nationale d'appui à la performance (ANAP).

Pour mettre en cohérence les systèmes d'information de notre système de santé, j'ai également crée l'Agence des systèmes d'information partagés (ASIP).

Pour permettre des échanges de données entre les professionnels et moderniser notre système de santé autour du patient, vient d'être mis à votre disposition le dossier médical personnel (DMP), que j'ai sorti de l'ornière.

On le voit bien, la création des ARS n'est pas une mesure isolée ; ce n'est pas un « coup » politique ; c'est une rupture cohérente s'appuyant sur des outils performants qui retentissent les uns sur les autres au service de l'émergence de pratiques innovantes : je pense par exemple au développement de la télémédecine ; mais surtout, je pense à la sacralisation de l'éducation thérapeutique et à la généralisation des coopérations entre professionnels de santé.

Je ne prétends pas bien sûr que cette réforme soit définitive.

Vous l'avez d'ailleurs bien compris cher Jean-Pierre FOURCADE, en accédant à ma demande de prolonger notre réflexion commune et de porter certaines améliorations à l'édifice que nous avons bâti ensemble.

Mais ce que nous fêtons aujourd'hui, et je veux insister sur ce point, ce n'est pas seulement un premier anniversaire : c'est la réussite d'une première étape au cours de laquelle vos agences ont du à la fois s'installer et former leurs équipes, ce qui est chose faite aujourd'hui. Je tiens encore à vous féliciter, car la tâche n'était pas facile ;

Vous avez du également et devez encore vous approprier les nouveaux outils que la loi HPST à mis entre vos mains ; j'en ai cité un certain nombre ; je pourrai également évoquer le principe de la fongibilité des crédits du secteur sanitaire vers les secteurs médico-social, qui n'en est encore qu'à ses débuts.

Vous devez aussi, au cours de cette première étape, apprendre à mesurer tout le pouvoir qui est le votre : les patrons dans la région, c'est vous !

J'évoquais tout à l'heure les nombreuses instructions (peut être trop nombreuses d'ailleurs au goût de certain) que le conseil national de pilotage vous adresse depuis juillet 2009 : mais, comprenez moi bien : je n'attends pas de vous que vous exécutiez ces instructions ou ces circulaires les unes à côté des autres ; j'attends de vous que vous façonniez vos propres outils « sur mesure », et au service de votre propre vision régionale.

Si j'ai voulu revenir ainsi, en préambule, sur la genèse des ARS, c'est parce que je suis intimement convaincue que l'on ne sait réellement où l'on va que si l'on sait d'où l'on vient.

Vous l'aurez compris, vous qui incarnez les ARS, vous incarnez aussi cette volonté de changement.

Ce changement, nous l'avons conduit en allant au bout de nos idées.

Ce changement, nous commençons à en mesurer les premiers effets : ainsi, en 2010, l'ONDAM fixé à 3% a été respecté pour la première fois depuis 1997, grâce à l'action que j'ai menée pendant plusieurs années, et conformément au souhait du Président de la République.

Nous pouvons également observer l'amorce d'un retour à l'équilibre financière d'un certain nombre d'hôpitaux, que nous avons accompagnés dans leurs efforts.

Mais, comme je l'indiquais à l'instant, il ne s'agit que d'une première étape au cours de laquelle, c'est à vous de jouer : c'est-à-dire qu'il vous appartient de prouver que l'ARS est un outil efficace et que vous savez le manager.

C'est vous qui êtes à la manœuvre, dans chacune de nos régions.

N'ayons pas peur des mots : le pouvoir vous appartient.

Vous disposez des outils et des leviers pour agir.

Vous êtes mêmes les seuls à les détenir sur toute l'étendue du champ de la santé ' la santé publique, l'ambulatoire, l'hôpital, le secteur médico-social et la prévention. Désormais, rien ne pourra se faire en dehors du champ des ARS.

Dès lors que vous aurez atteint votre rythme de croisière, que les premiers résultats de votre action sur le terrain seront connus et reconnus, bref, que tout le monde pourra constater la valeur ajoutée par vos agences, alors, très naturellement, nous devrons donner la pleine mesure de la réforme que le président de la République a souhaité entreprendre.

Ma conviction profonde est que, en France, comme dans les pays que j'ai l'occasion de visiter dans le cadre de la réforme de la dépendance, une politique sociale véritablement efficace, c'est d'abord une politique de proximité : seule une politique de proximité permet une organisation vraiment adaptée aux besoins.

Mais cela suppose de rassembler deux conditions :
* La première, ce sont des moyens financiers à la main des autorités locales.
* La seconde, c'est la responsabilité qui en découle nécessairement.

a- les moyens financiers d'abord :

Les outils dont vous disposez au niveau local sont aujourd'hui certes puissants mais, et nous devons le reconnaître, vos moyens d'intervention sont, encore pour le moment, limités, notamment au regard des enjeux considérables qui sont les vôtres.

Ces moyens sont limités car, comme je le disais tout l'heure, il faut considérer que vous êtes encore en période de rodage.

Mais, dès que cette phase sera passée, il faudra, bien évidemment, aller jusqu'au bout de cette réforme : cela veut dire, vous mettre en situation de responsabilité sur l'ensemble des crédits qui aujourd'hui transitent par vos agences.

Le modèle abouti de la réforme voulue par le Président de la République et de nombreuses fois évoqué par les parlementaires de droite et de gauche confondue consiste à créer des objectifs régionaux de dépenses d'assurance maladie (ORDAM).

Et ça, vous comprendrez bien, qu'on ne pouvait pas le faire d'emblée sans prouver, d'abord, que vous êtes capables de créer les conditions de cette mutation majeure.

b- La mise en place d'ORDAM, ce pouvoir supplémentaire devra aller de pair avec une plus grande responsabilité qui en est la nécessaire contrepartie.

Cette responsabilité, vous l'assumez déjà : c'est celle de remplir les objectifs qui vous sont fixés à travers les contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens (CPOM) qui ont été signés le 8 février dernier.

Sur ces objectifs, vous serez évalués, tant au plan national qu'au plan régional.

Nos concitoyens doivent pouvoir juger de la performance de leur système de santé pour faciliter cette démarche commune de recherche de l'efficience.

Au moment où chacun doit faire un effort compte tenu de la crise économique que nous traversons, les Français ne continueront d'adhérer à notre système de prise en charge solidaire que s'ils ont la certitude que celui-ci est bien piloté et bien géré.

Aujourd'hui, malgré ses difficultés, notre système de santé continue de susciter l'adhésion des Français. Désormais, il vous appartient qu'ils n'en viennent jamais à refuser cette solidarité.

En cela, les ARS sont le moyen de renouveler cette adhésion et de fonder un nouveau pacte.

Cette responsabilité se décline aujourd'hui de manière collective, car vous êtes également chargé de faire vivre la démocratie sanitaire qui permet d'associer nos concitoyens au pilotage des politiques de santé et médico-sociale.

C'est donc, vous l'aurez compris, une responsabilité encore plus importante que je souhaite vous faire assumer, à vous et à vos équipes, à l'avenir.

Cette évolution sera cruciale ; en réalité, elle est garante de la pérennité de notre système de santé.

Je ne pouvais pas, pour terminer mon intervention, venir parler devant vous sans évoquer la réforme de la dépendance.

La prise en charge des personnes âgées se situe au c'ur de vos responsabilités : dois je rappeler que les perspectives de vieillissement démographiques a été l'un des faits générateurs de la réforme '

Mais surtout, rien mieux que la prise en charge des personnes âgées ne mobilise davantage l'ensemble de vos compétences.

Synonyme de transversalité et de coordination, la dépendance, c'est votre mission.

On voit mal comment vous n'auriez pas un rôle central dans la réforme à venir.

Je ne parle pas seulement de l'organisation des débats..

C'est à dessein que j'ai souhaité que les ARS soient représentées dans les groupes de travail que j'ai mis en place au niveau national pour me faire des propositions en vue de la réforme de la dépendance : et j'en profite pour saluer Michel Laforcade, ainsi que Monique Cavalier qui a rejoint récemment le club très fermé des DG d'ARS, qui a succédé à Cécile Courrège à la tête de l'ARS de Bourgogne.

Sans préempter le contenu de la large consultation actuellement en cours et les pistes qui en ressortiront, il est évident pour moi qu'il faudra donner une plus grande implication des ARS dans les politiques dédiées aux personnes âgées dépendantes.

Dans la synthèse que je proposerai au Président de la République à l'été prochain, je ferai évidemment figurer un volet sur la gouvernance, dans laquelle je veux que les ARS aient une place prépondérante, voire qu'elles soient en situation de réel pilotage.

Il s'agit là d'un nouveau chantier structurant pour l'avenir des ARS.

Un an après leur création, les ARS ont fait la preuve de leur utilité auprès de nos concitoyens, en apportant des améliorations tangibles et concrètes à leurs problèmes de santé.

Je pense en particulier à la permanence des soins, qui constitue une attente très forte pour chacun d'entre nous.


Elles devront demain administrer la preuve qu'elles savent manager toutes leurs nouvelles missions et apporter ainsi toute la valeur que l'on attend d'elles.

Vous le voyez, c'est en continuant à renforcer votre position que l'on aura les moyens de notre ambition. Naturellement, cela nécessite un engagement renouvelé de la part de toutes celles et ceux qui les font vivre.

D'ores et déjà, je sais que je peux compter sur vous !

Joyeux anniversaire aux ARS !

Source http://www.solidarite.gouv.fr, le 4 avril 2011