Déclaration de Mme Roselyne Bachelot, ministre des solidarités et de la cohésion sociale, sur l'accompagnement et les soins palliatifs pour enfants, adolescents et leurs familles, Seysses le 2 mai 2011.

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Circonstance : Inauguration de la 1ère maison d'accompagnement de soins palliatifs pédiatriques de la Croix Rouge à Seysses le 2 mai 2011

Texte intégral


Une oasis, c’est un espace dans lequel on peut faire une halte, pour souffler, se reposer, mettre entre parenthèses les difficultés traversées et reprendre des forces avant de repartir vers l’adversité.
Une oasis, c’est aussi un lieu de vie dans lequel des êtres se rencontrent et des relations humaines se tissent.
A n’en pas douter, cette maison pas comme les autres que nous inaugurons aujourd’hui, ici, à Seysses, est bel et bien une oasis.
Une oasis pour quelques-uns des 2000 enfants de moins de 18 ans qui, chaque année, en France, ont besoin de soins palliatifs parce qu’ils vivent la fin de leur vie.
Une oasis, également, pour leurs parents et leurs frères et sœurs qui doivent faire face à la douleur de voir s’achever une vie qui vient seulement de commencer.
Pour aider chacun à affronter de tels moments de désarroi, notre pays a entrepris depuis quelques années de développer une culture palliative.
C’est dans ce cadre qu’a été conçue cette première maison de répit, d’accompagnement et de soins palliatifs pédiatriques, à mi-chemin entre l’hôpital et le domicile.
Son ambition est simple : apporter de vraies réponses aux carences de la prise en charge des enfants et à leur détresse, comme à celle de leurs parents.
Pour cela, cette maison – et c’est un terme auquel je suis très attachée – obéit à une triple démarche :
* elle propose d’abord une véritable avancée en matière de prise en charge globale des soins palliatifs pédiatriques en France (I) ;
* elle résulte également d’un partenariat exemplaire au service des enfants en souffrance (II) ;
* elle regroupe enfin en un seul lieu les soins et des activités ludiques et récréatives, dont les enfants ont besoin pour continuer à être des enfants (III).
L’Oasis propose d’abord une réelle avancée en matière de soins palliatifs (I).
S’il a longtemps concerné seulement les adultes, le développement des soins palliatifs et de l’accompagnement de la fin de vie a progressivement investi le champ de la néonatalogie et de la pédiatrie.
Il constitue en effet un véritable enjeu de santé publique.
Car ne nous y trompons pas : si la mortalité infantile a considérablement reculé grâce aux progrès significatifs réalisés ces 30 dernières années, les professionnels de santé sont confrontés, dans le même temps, à des handicaps lourds et à des maladies, souvent neuromusculaires, qui mettent la médecine face à ses propres limites.
Pour les enfants atteints de ces pathologies, l’espérance de survie a été multipliée par 3 en 20 ans, ce qui nous oblige à repenser de manière globale leur qualité de vie.
Cela passe notamment par des structures nouvelles, qu’il nous appartient d’imaginer et de construire.
Expérimentation inédite en France, l’Oasis fait en la matière figure de précurseur et de modèle.
Elle s’inscrit dans la mesure n°9 du Programme national de développement des soins palliatifs 2008-2012, voulu par le Président de la République, pour remédier à l’inadaptation actuelle des structures d’accueil des enfants atteints de maladies graves.
Cette maison de répit est également un lieu de stage et de formation pour les médecins et les personnels paramédicaux investis dans les soins palliatifs pédiatriques.
Par ailleurs, l’Oasis contribuera à améliorer la recherche dans le traitement de la douleur et le contrôle de la symptomatologie spécifique à l’enfant atteint d’une maladie à l’issue fatale.
L’équipe de professionnels de l’Oasis œuvre au service des jeunes malades, avec un professionnalisme et un dévouement auxquels je veux rendre l’hommage appuyé qu’ils méritent.
Dans une société souvent charmée par les sirènes d’un individualisme forcené, si un métier a du sens, c’est bien le vôtre. Soyez profondément remerciés pour l’engagement quotidien dont vous faites preuve.
Par ailleurs, pour diffuser plus largement cette culture palliative que nous appelons de nos vœux, 4 millions d’euros sont consacrés, depuis 2010, au financement, dans chaque région, d’une « équipe ressource de soins palliatifs pédiatriques », rattachée à un établissement de santé. C’est une initiative unique au monde.
Il s’agit ainsi d’intégrer, concrètement, la démarche palliative dans la pratique des équipes de soins confrontées à la fin de vie des enfants et adolescents.
C’est pourquoi, comme les équipes mobiles de soins palliatifs, ces équipes ressource de soins palliatifs pédiatriques exercent un rôle de conseil et de soutien auprès des équipes soignantes.
Partout, à l’hôpital, mais aussi dans les structures médicosociales et au domicile, elles leur apportent une expertise en matière de prise en charge des nouveau-nés, des enfants et des adolescents, ainsi que de leurs proches.
L’Oasis, je le disais, c’est donc une réelle avancée en matière de soins palliatifs.
C’est aussi le fruit d’un partenariat exemplaire entre la Croix-Rouge française et Enfant-Do, équipe mobile régionale douleur soins palliatifs pédiatriques du CHU de Toulouse (II).
Je veux rappeler que le CHU de Toulouse agit en faveur des soins palliatifs, à travers différentes initiatives : l’unité Résonance de soins palliatifs adultes au Pavillon Junod ; le secteur Casselardit, en complément de l’équipe mobile douleurs ; et, à présent, cette maison de répit pédiatrique qu’est l’Oasis.
Enfant-Do, l’équipe mobile de soins palliatifs pédiatriques, a été l’une des premières équipes en France à développer une compétence et une offre de soins spécifiques dans le domaine des soins palliatifs pédiatriques, une sur-spécialité qui n’existait pas jusqu’alors.
Ainsi, elle propose une prise en charge globale de l’enfant, de ses parents et de l’ensemble de sa famille. Son expertise va de la gestion des symptômes à l’organisation du retour à domicile, pour garantir au jeune malade le meilleur confort et la meilleure qualité de vie.
Cette expertise, Enfant-Do l’a d’ailleurs mise à la disposition du ministère de la santé pour organiser les soins palliatifs pédiatriques, dans le cadre du programme de développement des soins palliatifs 2008-2012. Enfant-Do fait partie des premières équipes ressources régionales en soins palliatifs pédiatriques authentifiées dans le cadre de ce programme.
C’est précisément cette légitimité qui a conduit Enfant-Do, naturellement, a imaginer le projet de l’Oasis, un projet partagé ensuite avec la Croix-Rouge française.
Premier acteur associatif du secteur médico-social et sanitaire, cette dernière est présente à toutes étapes du parcours de soins : l’offre hospitalière, la médecine sociale de proximité, l’accompagnement des personnes handicapées et des personnes âgées, en établissement ou à domicile. Dépassant ainsi les clivages traditionnels, la Croix-Rouge française propose des solutions au plus près des attentes et des besoins des patients.
A tous les bénévoles qui la font vivre, je veux d’ailleurs exprimer ma gratitude, car je sais le rôle majeur qu’ils jouent auprès de nos concitoyens les plus vulnérables.
Adjoindre au geste soignant, nécessairement technique, l’accompagnement, fondamentalement humain.
Prendre en charge l’enfant en situation de vulnérabilité, mais aussi et surtout lui témoigner empathie et chaleur, avec pour impératif inaliénable le respect de sa dignité.
Diversifier les approches pour favoriser une prise en charge globale : telle est bien la conception qui anime l’équipe pluridisciplinaire de l’Oasis, une conception que je partage.
Car, malade ou bien portant, au début comme à la fin de sa vie, un enfant doit pouvoir rester un enfant.
C’est pourquoi l’Oasis réunit en un lieu unique les soins et des espaces ludiques et récréatifs (III). Là encore, c’est une innovation à laquelle je suis particulièrement sensible.
Aujourd’hui encore, dans notre société moderne, la mort des enfants reste bien souvent de l’ordre de l’indicible et de l’insupportable.
Ce tabou, peut-être l’un des plus ancrés dans nos consciences, peut même s’apparenter à un déni collectif et, malheureusement, retarder l’adoption de programmes et de financements à la hauteur des enjeux.
La connaissance de ces pathologies si complexes, l’organisation du parcours de soins, la formation des professionnels de santé : dans tous ces domaines, nous devons encore progresser.
Au-delà, notre effort doit également porter sur le soutien psycho-social des enfants en fin de vie, des familles et des professionnels de santé qui les accompagnent. C’est cela, aussi, l’originalité et le sens de l’Oasis.
Si l’Oasis est une maison de fin de vie, c’est aussi un lieu de vie, qui privilégie la dimension humaine et le bien-être, si fondamentaux pour les enfants comme pour leurs familles, envers qui s’étendent également les devoirs de la collectivité.
J’en veux pour preuve sa situation géographique au cœur d’un superbe parc, sa conception architecturale et son aménagement intérieur qui en font un espace d’échanges et de convivialité.
Grâce à l’Oasis, structure faiblement médicalisée, les enfants peuvent s’échapper, même pour quelques jours, du seul univers hospitalier pour retrouver, en partie au moins, une vie presque « normale », se révéler et s’épanouir, autant que la maladie le leur permet.
Les familles, quant à elles, se voient momentanément soulagées de contingences matérielles souvent éreintantes et peuvent se consacrer exclusivement à l’accompagnement de leur enfant.
Lorsque celui-ci s’éteint, ces familles ne restent pas seules. L’Oasis continue à accompagner les parents, les frères et sœurs, ainsi que les équipes avec lesquelles des liens forts se sont nécessairement créés.
Je ne doute pas que cette expérimentation, centrée sur une approche globale et décloisonnée que j’ai toujours soutenue, portera ses fruits et pourra être largement généralisée.
Nous le savons bien, le soin n’est jamais seulement le soin du corps. C’est toujours aussi le soin de l’autre.
Au-delà des compétences techniques, si indispensables et de plus en plus perfectionnées, l’exercice de la médecine ne peut se concevoir sans cette dimension humaine et psychologique, sans cette relation si particulière qui unit soignant et soigné.
Les équipes exerçant en soins palliatifs le savent mieux que quiconque : la maladie oblige.
A cette injonction, à la fois forte et discrète, l’Oasis apporte une belle réponse.
Source http://www.solidarite.gouv.fr, le 3 mai 2011