Texte intégral
Une oasis, cest un espace dans lequel on peut faire une halte, pour souffler, se reposer, mettre entre parenthèses les difficultés traversées et reprendre des forces avant de repartir vers ladversité.
Une oasis, cest aussi un lieu de vie dans lequel des êtres se rencontrent et des relations humaines se tissent.
A nen pas douter, cette maison pas comme les autres que nous inaugurons aujourdhui, ici, à Seysses, est bel et bien une oasis.
Une oasis pour quelques-uns des 2000 enfants de moins de 18 ans qui, chaque année, en France, ont besoin de soins palliatifs parce quils vivent la fin de leur vie.
Une oasis, également, pour leurs parents et leurs frères et surs qui doivent faire face à la douleur de voir sachever une vie qui vient seulement de commencer.
Pour aider chacun à affronter de tels moments de désarroi, notre pays a entrepris depuis quelques années de développer une culture palliative.
Cest dans ce cadre qua été conçue cette première maison de répit, daccompagnement et de soins palliatifs pédiatriques, à mi-chemin entre lhôpital et le domicile.
Son ambition est simple : apporter de vraies réponses aux carences de la prise en charge des enfants et à leur détresse, comme à celle de leurs parents.
Pour cela, cette maison et cest un terme auquel je suis très attachée obéit à une triple démarche :
* elle propose dabord une véritable avancée en matière de prise en charge globale des soins palliatifs pédiatriques en France (I) ;
* elle résulte également dun partenariat exemplaire au service des enfants en souffrance (II) ;
* elle regroupe enfin en un seul lieu les soins et des activités ludiques et récréatives, dont les enfants ont besoin pour continuer à être des enfants (III).
LOasis propose dabord une réelle avancée en matière de soins palliatifs (I).
Sil a longtemps concerné seulement les adultes, le développement des soins palliatifs et de laccompagnement de la fin de vie a progressivement investi le champ de la néonatalogie et de la pédiatrie.
Il constitue en effet un véritable enjeu de santé publique.
Car ne nous y trompons pas : si la mortalité infantile a considérablement reculé grâce aux progrès significatifs réalisés ces 30 dernières années, les professionnels de santé sont confrontés, dans le même temps, à des handicaps lourds et à des maladies, souvent neuromusculaires, qui mettent la médecine face à ses propres limites.
Pour les enfants atteints de ces pathologies, lespérance de survie a été multipliée par 3 en 20 ans, ce qui nous oblige à repenser de manière globale leur qualité de vie.
Cela passe notamment par des structures nouvelles, quil nous appartient dimaginer et de construire.
Expérimentation inédite en France, lOasis fait en la matière figure de précurseur et de modèle.
Elle sinscrit dans la mesure n°9 du Programme national de développement des soins palliatifs 2008-2012, voulu par le Président de la République, pour remédier à linadaptation actuelle des structures daccueil des enfants atteints de maladies graves.
Cette maison de répit est également un lieu de stage et de formation pour les médecins et les personnels paramédicaux investis dans les soins palliatifs pédiatriques.
Par ailleurs, lOasis contribuera à améliorer la recherche dans le traitement de la douleur et le contrôle de la symptomatologie spécifique à lenfant atteint dune maladie à lissue fatale.
Léquipe de professionnels de lOasis uvre au service des jeunes malades, avec un professionnalisme et un dévouement auxquels je veux rendre lhommage appuyé quils méritent.
Dans une société souvent charmée par les sirènes dun individualisme forcené, si un métier a du sens, cest bien le vôtre. Soyez profondément remerciés pour lengagement quotidien dont vous faites preuve.
Par ailleurs, pour diffuser plus largement cette culture palliative que nous appelons de nos vux, 4 millions deuros sont consacrés, depuis 2010, au financement, dans chaque région, dune « équipe ressource de soins palliatifs pédiatriques », rattachée à un établissement de santé. Cest une initiative unique au monde.
Il sagit ainsi dintégrer, concrètement, la démarche palliative dans la pratique des équipes de soins confrontées à la fin de vie des enfants et adolescents.
Cest pourquoi, comme les équipes mobiles de soins palliatifs, ces équipes ressource de soins palliatifs pédiatriques exercent un rôle de conseil et de soutien auprès des équipes soignantes.
Partout, à lhôpital, mais aussi dans les structures médicosociales et au domicile, elles leur apportent une expertise en matière de prise en charge des nouveau-nés, des enfants et des adolescents, ainsi que de leurs proches.
LOasis, je le disais, cest donc une réelle avancée en matière de soins palliatifs.
Cest aussi le fruit dun partenariat exemplaire entre la Croix-Rouge française et Enfant-Do, équipe mobile régionale douleur soins palliatifs pédiatriques du CHU de Toulouse (II).
Je veux rappeler que le CHU de Toulouse agit en faveur des soins palliatifs, à travers différentes initiatives : lunité Résonance de soins palliatifs adultes au Pavillon Junod ; le secteur Casselardit, en complément de léquipe mobile douleurs ; et, à présent, cette maison de répit pédiatrique quest lOasis.
Enfant-Do, léquipe mobile de soins palliatifs pédiatriques, a été lune des premières équipes en France à développer une compétence et une offre de soins spécifiques dans le domaine des soins palliatifs pédiatriques, une sur-spécialité qui nexistait pas jusqualors.
Ainsi, elle propose une prise en charge globale de lenfant, de ses parents et de lensemble de sa famille. Son expertise va de la gestion des symptômes à lorganisation du retour à domicile, pour garantir au jeune malade le meilleur confort et la meilleure qualité de vie.
Cette expertise, Enfant-Do la dailleurs mise à la disposition du ministère de la santé pour organiser les soins palliatifs pédiatriques, dans le cadre du programme de développement des soins palliatifs 2008-2012. Enfant-Do fait partie des premières équipes ressources régionales en soins palliatifs pédiatriques authentifiées dans le cadre de ce programme.
Cest précisément cette légitimité qui a conduit Enfant-Do, naturellement, a imaginer le projet de lOasis, un projet partagé ensuite avec la Croix-Rouge française.
Premier acteur associatif du secteur médico-social et sanitaire, cette dernière est présente à toutes étapes du parcours de soins : loffre hospitalière, la médecine sociale de proximité, laccompagnement des personnes handicapées et des personnes âgées, en établissement ou à domicile. Dépassant ainsi les clivages traditionnels, la Croix-Rouge française propose des solutions au plus près des attentes et des besoins des patients.
A tous les bénévoles qui la font vivre, je veux dailleurs exprimer ma gratitude, car je sais le rôle majeur quils jouent auprès de nos concitoyens les plus vulnérables.
Adjoindre au geste soignant, nécessairement technique, laccompagnement, fondamentalement humain.
Prendre en charge lenfant en situation de vulnérabilité, mais aussi et surtout lui témoigner empathie et chaleur, avec pour impératif inaliénable le respect de sa dignité.
Diversifier les approches pour favoriser une prise en charge globale : telle est bien la conception qui anime léquipe pluridisciplinaire de lOasis, une conception que je partage.
Car, malade ou bien portant, au début comme à la fin de sa vie, un enfant doit pouvoir rester un enfant.
Cest pourquoi lOasis réunit en un lieu unique les soins et des espaces ludiques et récréatifs (III). Là encore, cest une innovation à laquelle je suis particulièrement sensible.
Aujourdhui encore, dans notre société moderne, la mort des enfants reste bien souvent de lordre de lindicible et de linsupportable.
Ce tabou, peut-être lun des plus ancrés dans nos consciences, peut même sapparenter à un déni collectif et, malheureusement, retarder ladoption de programmes et de financements à la hauteur des enjeux.
La connaissance de ces pathologies si complexes, lorganisation du parcours de soins, la formation des professionnels de santé : dans tous ces domaines, nous devons encore progresser.
Au-delà, notre effort doit également porter sur le soutien psycho-social des enfants en fin de vie, des familles et des professionnels de santé qui les accompagnent. Cest cela, aussi, loriginalité et le sens de lOasis.
Si lOasis est une maison de fin de vie, cest aussi un lieu de vie, qui privilégie la dimension humaine et le bien-être, si fondamentaux pour les enfants comme pour leurs familles, envers qui sétendent également les devoirs de la collectivité.
Jen veux pour preuve sa situation géographique au cur dun superbe parc, sa conception architecturale et son aménagement intérieur qui en font un espace déchanges et de convivialité.
Grâce à lOasis, structure faiblement médicalisée, les enfants peuvent séchapper, même pour quelques jours, du seul univers hospitalier pour retrouver, en partie au moins, une vie presque « normale », se révéler et sépanouir, autant que la maladie le leur permet.
Les familles, quant à elles, se voient momentanément soulagées de contingences matérielles souvent éreintantes et peuvent se consacrer exclusivement à laccompagnement de leur enfant.
Lorsque celui-ci séteint, ces familles ne restent pas seules. LOasis continue à accompagner les parents, les frères et surs, ainsi que les équipes avec lesquelles des liens forts se sont nécessairement créés.
Je ne doute pas que cette expérimentation, centrée sur une approche globale et décloisonnée que jai toujours soutenue, portera ses fruits et pourra être largement généralisée.
Nous le savons bien, le soin nest jamais seulement le soin du corps. Cest toujours aussi le soin de lautre.
Au-delà des compétences techniques, si indispensables et de plus en plus perfectionnées, lexercice de la médecine ne peut se concevoir sans cette dimension humaine et psychologique, sans cette relation si particulière qui unit soignant et soigné.
Les équipes exerçant en soins palliatifs le savent mieux que quiconque : la maladie oblige.
A cette injonction, à la fois forte et discrète, lOasis apporte une belle réponse.
Source http://www.solidarite.gouv.fr, le 3 mai 2011