Texte intégral
Permettez-moi, dabord, de toutes et tous vous remercier pour la bonne tenue des échanges.
Ces deux tables rondes, en interaction permanente avec la salle, ont été particulièrement dynamiques et passionnantes.
Elles nous ont permis de cerner lensemble des enjeux soulevés par la question de la dépendance, quils soient humains, sociaux, économiques ou éthiques. De bien comprendre, aussi, la complexité du sujet et la multiplicité des pistes à explorer.
La qualité des intervenants, choisis pour leur expérience et leur complémentarité, y est évidemment pour beaucoup. Elus, professionnels de santé, assureurs, économiste, représentant dusagers : cette diversité de profils a évidemment constitué une chance pour nous permettre dappréhender au mieux la question de la dépendance.
Je veux donc exprimer ma gratitude au préfet de région Jean Daubigny et à la directrice générale de lagence régionale de santé Marie-Sophie Desaulle, ainsi quau préfet de Maine-et-Loire Richard Samuel et au président du conseil général Christophe Béchu, pour lorganisation de ce débat.
Il nest quun nouveau témoignage, si besoin était, de votre rigueur et de votre efficacité.
Je ne lai pas caché : jai souhaité que le premier débat interdépartemental se tienne ici, dans les Pays de la Loire, pour les raisons que vous connaissez bien.
Cest dailleurs dans cette région chère à mon cur, et plus précisément au Lion dAngers, que javais commencé, dès le mois de décembre, à rencontrer nos concitoyens sur ce thème décisif.
Aujourdhui, cest une nouvelle phase qui souvre dans notre réflexion collective sur la dépendance.
Ce 1er débat interdépartemental vient initier et structurer, en effet, une deuxième étape décisive.
Jusquau mois de juin, des débats tels que celui-ci se tiendront partout en France, pour permettre à tous ceux qui le souhaitent de sinformer et de participer.
Auront également lieu 4 colloques interrégionaux, reprenant les thématiques des groupes de travail que nous avons lancés au mois de janvier : Nantes le 9 mai, Bordeaux le 31 mai, Marseille le 14 juin et Strasbourg le 20 juin.
Pour chacune de ces rencontres, une synthèse des échanges sera mise en ligne, sur le site Internet spécialement dédié au débat national sur la dépendance : www.dependance.gouv.fr. Vous pouvez trouver, sur ce site, toutes les informations utiles et poster des contributions. Y figureront également les comptes-rendus des travaux des groupes.
A partir de ces différentes contributions et du rapport que doivent me rendre, en juin, les 4 groupes de travail, je remettrai à lété au Président de la République une synthèse générale.
Alors, en quoi cette première rencontre marque-t-elle une étape importante ?
En premier lieu, parce que le débat vient désormais vers vous, et je suis particulièrement heureuse de vous voir aujourdhui si nombreux.
Jeunes et moins jeunes, professionnels, usagers, aidants, experts : par votre présence et vos prises de parole, vous avez toutes et tous témoigné de votre intérêt pour un sujet majeur, la perte dautonomie.
Si je souligne la diversité des profils aujourdhui rassemblés, dans la salle comme sur lestrade, cest bien quelle sinscrit parfaitement dans les objectifs poursuivis par le débat national sur la dépendance : une démarche participative, qui associe lensemble des Français, et une logique de rassemblement.
Car cest précisément ce à quoi la notion de dépendance nous invite : question essentielle, qui nous concernera tous un jour, directement ou indirectement via un proche, la dépendance porte en son cur le lien à lautre.
Etre dépendants, cest ne plus pouvoir faire seuls ce que nous faisions hier. Cest faire appel à laide de notre entourage familial et amical, et à celle de professionnels. Cest ainsi prendre conscience de notre inter-dépendance, tout autant que de notre vulnérabilité.
Aussi, il ne me paraît pas exagéré de considérer cette rencontre, et toutes celles qui suivront, comme un moment de cohésion sociale, autour des valeurs fondatrices de notre vivre-ensemble.
Lancer un débat national sur la dépendance, cest tenter de répondre à des difficultés concrètes et quotidiennes, que beaucoup de familles rencontrent. Mais cest aussi « faire société », et jy suis attachée.
En outre, et cest un autre apport de cette nouvelle phase, ces débats interdépartementaux doivent nous permettre de mieux prendre en compte les spécificités locales et ainsi étayer notre réflexion nationale.
Les différentes consultations que nous avons menées avec Marie-Anne Montchamp, les premières avancées des 4 groupes de travail, ou encore les contributions mises en ligne sur Internet nous ont permis de dresser, jeudi dernier, un premier bilan.
Aujourdhui, ce bilan senrichit de réflexions très concrètes, ancrées sur une réalité que vous connaissez parfaitement.
Vos échanges lont bien montré : la prise en compte de ces spécificités locales est absolument essentielle, à la fois pour identifier les bonnes pratiques régionales comme vous lavez fait dans les Pays de la Loire et pour adapter nos réponses aux réalités territoriales.
Mais ce que je note aussi, cest, au-delà des Pays de la Loire, la qualité de la prise en charge des personnes âgées dépendantes dans notre pays.
En témoignent lEHPAD Sainte-Marie dAngers, que jai pu visiter ce matin, tout comme ceux de Gorron, de Montsurs ou de Craon, mais cette qualité se retrouve dans bien dautres régions, grâce à limplication des professionnels.
Ainsi donc, même si une réforme simpose pour relever le défi de la dépendance, je constate que nous ne partons pas de rien, à la fois en termes de prise en charge financière et daccueil et daccompagnement des personnes âgées.
Toutes ces questions étaient évidemment au cur de vos préoccupations cet après-midi.
Après la remarquable synthèse que vient de nous proposer Marie-Sophie Desaulle, je voudrais, à présent, vous livrer ce que je retiens moi-même de ces échanges.
Jen retiens, dabord, la nécessité daméliorer la coordination des différents intervenants autour de la personne âgée dépendante.
Pour garantir une prise en charge de qualité, son inscription dans un parcours cohérent, coordonné et adapté paraît effectivement primordiale. Le groupe de travail animé par Annick Morel a lui aussi souligné cet impératif.
Lexemple de la maison pour lintégration et lautonomie des malades Alzheimer (MAIA), que nous avons vu dans lun des films, illustre parfaitement cette problématique, en ce que les MAIA favorisent la mise en place dun réseau de partenaires pour les soins et laccompagnement des personnes.
Monsieur Williamson, directeur du centre local dinformation et de coordination (CLIC) de La-Roche-sur-Yon, a également rappelé limportance doffrir un guichet unique.
Pour tous ceux qui se trouvent confrontés à la dépendance et au « parcours du combattant » quelle induit, il sagit là, bien entendu, dune avancée considérable. Et cest certainement dans ce sens que nous devons encore progresser.
Organiser une meilleure coordination autour de la personne âgée dépendante, cest donc améliorer la qualité de la prise en charge, mais cest aussi soulager les familles.
Le rôle des familles, et plus généralement des aidants, est justement un autre enseignement fort que je retiens de ce débat, comme de toutes les contributions à ce stade.
Ainsi, une grande partie des personnes ayant participé à la réflexion sur Internet insistent sur la nécessité de mieux soutenir, de mieux reconnaître et de mieux valoriser les aidants : en un mot, daider les aidants qui sont dailleurs souvent des aidantes.
La situation des aidants et lamélioration de leur accompagnement ont été dailleurs largement évoquées par le groupe de travail chargé détudier les rapports de notre société au vieillissement.
Mieux coordonner ; mieux accompagner les familles : la qualité de laccompagnement passe aussi, bien évidemment, par la variété de loffre de services. Cette offre, en effet, doit être la mieux adaptée aux différentes situations de dépendance et à des états par nature évolutifs.
Telle est la thématique abordée par lun des 4 groupes de travail. Ce dernier a évoqué, notamment, la polarisation actuelle de notre système de prise en charge entre, dun côté, le maintien à domicile souhait de la très grande majorité dentre nous et, de lautre côté, des établissements de plus en plus médicalisés.
Entre ces deux formes de prise en charge, ny aurait-il pas un intérêt à développer des structures intermédiaires, pour les personnes faiblement dépendantes ?
La petite unité de vie de Sainte-Flaive-des-Loups, qui nous a été présentée tout à lheure dans le film, est un exemple de ces lieux de vie moins médicalisés, qui prennent en compte la diversité des situations de dépendance.
Cest dans cet esprit que lon pourrait également développer davantage daccueils de jour, qui offrent, par rapport aux maisons de retraite hébergeant 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24, une souplesse qui répond tout à la fois à des besoins et à une attente.
La question de la dépendance ne trouvera pas de réponse unique : ce constat est partagé par le groupe de travail animé par Evelyne Ratte, mais aussi par tous ceux que jai pu recevoir au cours dentretiens bilatéraux.
Mais cest dans tous les cas dans la proximité que les meilleures réponses seront proposées, au plus près des besoins.
Cette nécessaire proximité fait largement consensus, car elle est le gage, aussi, dune meilleure équité sur le territoire.
Si, ce matin, jai pu visiter un EHPAD de qualité, je sais que, dans certaines régions, les établissements manquent. A cet égard, nos efforts en matière de création de places doivent se poursuivre, là où cest nécessaire. Car ce nest pas dun manque global de places dont nous souffrons, mais bien plutôt de déséquilibres entre territoires surdotés et territoires sous-dotés.
Pour autant, sans créer de nouvelles structures, il est aussi sans doute possible et les EHPAD mayennais qui nous ont été présentés dans les films nous le prouvent de mieux sorganiser localement pour répondre aux besoins.
Par une plus grande articulation des secteurs ambulatoire, hospitalier et médico-social, cest une meilleure prise en charge qui est facilitée.
Les expériences réalisées depuis de nombreuses années en Mayenne ont, en ce sens, nourri la loi « Hôpital, Patients, Santé et Territoires », réforme soucieuse doffrir à tous, sur tout le territoire, un accès à des soins de qualité.
Les agences régionales de santé, créées par cette réforme, disposent des outils et des leviers pour agir et piloter nos politiques de santé et médico-sociales. Qui plus est, elles associent étroitement professionnels, usagers et élus à ce pilotage, faisant vivre une réelle démocratie sanitaire.
Je sais que certaines améliorations peuvent être apportées à cette loi. Les ARS elles-mêmes sont encore en période de rodage, après laquelle elles devront être véritablement autonomes. Cest à cette plus grande autonomie quil nous faut tendre, pour que notre système, tout simplement, soit plus efficient.
Mais au-delà, le chantier de la dépendance nous conduira nécessairement à repenser notre gouvernance.
Cest bien la priorité donnée à une gouvernance de proximité qui ressort, à ce stade, de notre réflexion collective, comme cela peut se faire, du reste, dans dautres pays comme la Suède, où je me suis rendue il y a peu.
Vous laurez compris : la question du financement de la dépendance ne se pose que dans un second temps. Avant de savoir comment nous allons financer, nous devons, dabord, déterminer ce que nous voulons financer.
Néanmoins, cette interrogation est plus que légitime : comment financer la dépendance dans la pérennité ?
De ce débat comme des consultations que jai menées, il ressort que le maintien dun large socle de solidarité nationale est une volonté partagée.
Ce socle solidaire sélève aujourdhui, je le rappelle, à 25 milliards deuros et il nest pas question de le diminuer.
Autre principe partagé : le refus daugmenter la dette en reportant le financement sur les générations futures. Cela, le Président de la République la lui-même rejeté, toute comme il a écarté lidée de taxer davantage le travail.
Je le répète cependant, les aspects financiers, pour importants quils soient, ne doivent pas masquer lessentiel.
Lessentiel, cest le regard que nous portons sur le vieillissement dans une société trop régie par le culte de la jeunesse et de la performance.
Le professeur Gilles Berrut la bien rappelé, les groupes de travail également : nous devons nous garder de confondre vieillesse et dépendance.
Nombreux sont ceux qui vieillissent en bonne santé. Pour tous ceux là et pour toutes les personnes fragiles, il est essentiel de favoriser la préservation de lautonomie, en mettant laccent sur la prévention ou sur ladaptation de lenvironnement aux personnes âgées (logement, mobilier urbain, transports ).
Ce matin, je visitais, à Angers, deux centres remarquables : le centre de rééducation de la basse vision et le centre dévaluation et de réadaptation des troubles de laudition.
Dans ces deux endroits, des personnes atteintes de déficience auditive ou visuelle apprennent à mobiliser dautres sens, à utiliser des techniques de compensation. Accorder à chacun ce temps de réadaptation est un autre moyen de faciliter le maintien de lautonomie.
Quelle place accorder aux personnes âgées dans notre société ? Comment accueillir le grand âge et ainsi promouvoir nos valeurs solidaires ? Cest bien cela, lenjeu de ce débat.
Il nous invite à adopter une vision positive du vieillissement, loin des stéréotypes tristes et négatifs trop souvent véhiculés. La vision la plus juste, cest sans doute Romain Gary qui nous linspire : « Les hommes vieillissent toujours mal quand ils restent jeunes » !
source http://www.dependance.gouv.fr, le 21 avril 2011