Déclaration de Mme Roselyne Bachelot, ministre des solidarités et de la cohésion sociale, sur les enjeux liés à la dépendance, notamment l'accueil et l'accompagnement des personnes âgées dépendantes, Nantes le 18 avril 2011.

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Circonstance : Clôture du débat interdépartemental sur la dépendance à Nantes le 18 avril 2011

Texte intégral


Permettez-moi, d’abord, de toutes et tous vous remercier pour la bonne tenue des échanges.
Ces deux tables rondes, en interaction permanente avec la salle, ont été particulièrement dynamiques et passionnantes.
Elles nous ont permis de cerner l’ensemble des enjeux soulevés par la question de la dépendance, qu’ils soient humains, sociaux, économiques ou éthiques. De bien comprendre, aussi, la complexité du sujet et la multiplicité des pistes à explorer.
La qualité des intervenants, choisis pour leur expérience et leur complémentarité, y est évidemment pour beaucoup. Elus, professionnels de santé, assureurs, économiste, représentant d’usagers : cette diversité de profils a évidemment constitué une chance pour nous permettre d’appréhender au mieux la question de la dépendance.
Je veux donc exprimer ma gratitude au préfet de région Jean Daubigny et à la directrice générale de l’agence régionale de santé Marie-Sophie Desaulle, ainsi qu’au préfet de Maine-et-Loire Richard Samuel et au président du conseil général Christophe Béchu, pour l’organisation de ce débat.
Il n’est qu’un nouveau témoignage, si besoin était, de votre rigueur et de votre efficacité.
Je ne l’ai pas caché : j’ai souhaité que le premier débat interdépartemental se tienne ici, dans les Pays de la Loire, pour les raisons que vous connaissez bien.
C’est d’ailleurs dans cette région chère à mon cœur, et plus précisément au Lion d’Angers, que j’avais commencé, dès le mois de décembre, à rencontrer nos concitoyens sur ce thème décisif.
Aujourd’hui, c’est une nouvelle phase qui s’ouvre dans notre réflexion collective sur la dépendance.
Ce 1er débat interdépartemental vient initier et structurer, en effet, une deuxième étape décisive.
Jusqu’au mois de juin, des débats tels que celui-ci se tiendront partout en France, pour permettre à tous ceux qui le souhaitent de s’informer et de participer.
Auront également lieu 4 colloques interrégionaux, reprenant les thématiques des groupes de travail que nous avons lancés au mois de janvier : Nantes le 9 mai, Bordeaux le 31 mai, Marseille le 14 juin et Strasbourg le 20 juin.
Pour chacune de ces rencontres, une synthèse des échanges sera mise en ligne, sur le site Internet spécialement dédié au débat national sur la dépendance : www.dependance.gouv.fr. Vous pouvez trouver, sur ce site, toutes les informations utiles et poster des contributions. Y figureront également les comptes-rendus des travaux des groupes.
A partir de ces différentes contributions et du rapport que doivent me rendre, en juin, les 4 groupes de travail, je remettrai à l’été au Président de la République une synthèse générale.
Alors, en quoi cette première rencontre marque-t-elle une étape importante ?
En premier lieu, parce que le débat vient désormais vers vous, et je suis particulièrement heureuse de vous voir aujourd’hui si nombreux.
Jeunes et moins jeunes, professionnels, usagers, aidants, experts : par votre présence et vos prises de parole, vous avez toutes et tous témoigné de votre intérêt pour un sujet majeur, la perte d’autonomie.
Si je souligne la diversité des profils aujourd’hui rassemblés, dans la salle comme sur l’estrade, c’est bien qu’elle s’inscrit parfaitement dans les objectifs poursuivis par le débat national sur la dépendance : une démarche participative, qui associe l’ensemble des Français, et une logique de rassemblement.
Car c’est précisément ce à quoi la notion de dépendance nous invite : question essentielle, qui nous concernera tous un jour, directement ou indirectement via un proche, la dépendance porte en son cœur le lien à l’autre.
Etre dépendants, c’est ne plus pouvoir faire seuls ce que nous faisions hier. C’est faire appel à l’aide de notre entourage familial et amical, et à celle de professionnels. C’est ainsi prendre conscience de notre inter-dépendance, tout autant que de notre vulnérabilité.
Aussi, il ne me paraît pas exagéré de considérer cette rencontre, et toutes celles qui suivront, comme un moment de cohésion sociale, autour des valeurs fondatrices de notre vivre-ensemble.
Lancer un débat national sur la dépendance, c’est tenter de répondre à des difficultés concrètes et quotidiennes, que beaucoup de familles rencontrent. Mais c’est aussi « faire société », et j’y suis attachée.
En outre, et c’est un autre apport de cette nouvelle phase, ces débats interdépartementaux doivent nous permettre de mieux prendre en compte les spécificités locales et ainsi étayer notre réflexion nationale.
Les différentes consultations que nous avons menées avec Marie-Anne Montchamp, les premières avancées des 4 groupes de travail, ou encore les contributions mises en ligne sur Internet nous ont permis de dresser, jeudi dernier, un premier bilan.
Aujourd’hui, ce bilan s’enrichit de réflexions très concrètes, ancrées sur une réalité que vous connaissez parfaitement.
Vos échanges l’ont bien montré : la prise en compte de ces spécificités locales est absolument essentielle, à la fois pour identifier les bonnes pratiques régionales – comme vous l’avez fait dans les Pays de la Loire – et pour adapter nos réponses aux réalités territoriales.
Mais ce que je note aussi, c’est, au-delà des Pays de la Loire, la qualité de la prise en charge des personnes âgées dépendantes dans notre pays.
En témoignent l’EHPAD Sainte-Marie d’Angers, que j’ai pu visiter ce matin, tout comme ceux de Gorron, de Montsurs ou de Craon, mais cette qualité se retrouve dans bien d’autres régions, grâce à l’implication des professionnels.
Ainsi donc, même si une réforme s’impose pour relever le défi de la dépendance, je constate que nous ne partons pas de rien, à la fois en termes de prise en charge financière et d’accueil et d’accompagnement des personnes âgées.
Toutes ces questions étaient évidemment au cœur de vos préoccupations cet après-midi.
Après la remarquable synthèse que vient de nous proposer Marie-Sophie Desaulle, je voudrais, à présent, vous livrer ce que je retiens moi-même de ces échanges.
J’en retiens, d’abord, la nécessité d’améliorer la coordination des différents intervenants autour de la personne âgée dépendante.
Pour garantir une prise en charge de qualité, son inscription dans un parcours cohérent, coordonné et adapté paraît effectivement primordiale. Le groupe de travail animé par Annick Morel a lui aussi souligné cet impératif.
L’exemple de la maison pour l’intégration et l’autonomie des malades Alzheimer (MAIA), que nous avons vu dans l’un des films, illustre parfaitement cette problématique, en ce que les MAIA favorisent la mise en place d’un réseau de partenaires pour les soins et l’accompagnement des personnes.
Monsieur Williamson, directeur du centre local d’information et de coordination (CLIC) de La-Roche-sur-Yon, a également rappelé l’importance d’offrir un guichet unique.
Pour tous ceux qui se trouvent confrontés à la dépendance et au « parcours du combattant » qu’elle induit, il s’agit là, bien entendu, d’une avancée considérable. Et c’est certainement dans ce sens que nous devons encore progresser.
Organiser une meilleure coordination autour de la personne âgée dépendante, c’est donc améliorer la qualité de la prise en charge, mais c’est aussi soulager les familles.
Le rôle des familles, et plus généralement des aidants, est justement un autre enseignement fort que je retiens de ce débat, comme de toutes les contributions à ce stade.
Ainsi, une grande partie des personnes ayant participé à la réflexion sur Internet insistent sur la nécessité de mieux soutenir, de mieux reconnaître et de mieux valoriser les aidants : en un mot, d’aider les aidants – qui sont d’ailleurs souvent des aidantes.
La situation des aidants et l’amélioration de leur accompagnement ont été d’ailleurs largement évoquées par le groupe de travail chargé d’étudier les rapports de notre société au vieillissement.
Mieux coordonner ; mieux accompagner les familles… : la qualité de l’accompagnement passe aussi, bien évidemment, par la variété de l’offre de services. Cette offre, en effet, doit être la mieux adaptée aux différentes situations de dépendance et à des états par nature évolutifs.
Telle est la thématique abordée par l’un des 4 groupes de travail. Ce dernier a évoqué, notamment, la polarisation actuelle de notre système de prise en charge entre, d’un côté, le maintien à domicile – souhait de la très grande majorité d’entre nous – et, de l’autre côté, des établissements de plus en plus médicalisés.
Entre ces deux formes de prise en charge, n’y aurait-il pas un intérêt à développer des structures intermédiaires, pour les personnes faiblement dépendantes ?
La petite unité de vie de Sainte-Flaive-des-Loups, qui nous a été présentée tout à l’heure dans le film, est un exemple de ces lieux de vie moins médicalisés, qui prennent en compte la diversité des situations de dépendance.
C’est dans cet esprit que l’on pourrait également développer davantage d’accueils de jour, qui offrent, par rapport aux maisons de retraite hébergeant 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24, une souplesse qui répond tout à la fois à des besoins et à une attente.
La question de la dépendance ne trouvera pas de réponse unique : ce constat est partagé par le groupe de travail animé par Evelyne Ratte, mais aussi par tous ceux que j’ai pu recevoir au cours d’entretiens bilatéraux.
Mais c’est dans tous les cas dans la proximité que les meilleures réponses seront proposées, au plus près des besoins.
Cette nécessaire proximité fait largement consensus, car elle est le gage, aussi, d’une meilleure équité sur le territoire.
Si, ce matin, j’ai pu visiter un EHPAD de qualité, je sais que, dans certaines régions, les établissements manquent. A cet égard, nos efforts en matière de création de places doivent se poursuivre, là où c’est nécessaire. Car ce n’est pas d’un manque global de places dont nous souffrons, mais bien plutôt de déséquilibres entre territoires surdotés et territoires sous-dotés.
Pour autant, sans créer de nouvelles structures, il est aussi sans doute possible – et les EHPAD mayennais qui nous ont été présentés dans les films nous le prouvent – de mieux s’organiser localement pour répondre aux besoins.
Par une plus grande articulation des secteurs ambulatoire, hospitalier et médico-social, c’est une meilleure prise en charge qui est facilitée.
Les expériences réalisées depuis de nombreuses années en Mayenne ont, en ce sens, nourri la loi « Hôpital, Patients, Santé et Territoires », réforme soucieuse d’offrir à tous, sur tout le territoire, un accès à des soins de qualité.
Les agences régionales de santé, créées par cette réforme, disposent des outils et des leviers pour agir et piloter nos politiques de santé et médico-sociales. Qui plus est, elles associent étroitement professionnels, usagers et élus à ce pilotage, faisant vivre une réelle démocratie sanitaire.
Je sais que certaines améliorations peuvent être apportées à cette loi. Les ARS elles-mêmes sont encore en période de rodage, après laquelle elles devront être véritablement autonomes. C’est à cette plus grande autonomie qu’il nous faut tendre, pour que notre système, tout simplement, soit plus efficient.
Mais au-delà, le chantier de la dépendance nous conduira nécessairement à repenser notre gouvernance.
C’est bien la priorité donnée à une gouvernance de proximité qui ressort, à ce stade, de notre réflexion collective, comme cela peut se faire, du reste, dans d’autres pays comme la Suède, où je me suis rendue il y a peu.
Vous l’aurez compris : la question du financement de la dépendance ne se pose que dans un second temps. Avant de savoir comment nous allons financer, nous devons, d’abord, déterminer ce que nous voulons financer.
Néanmoins, cette interrogation est plus que légitime : comment financer la dépendance dans la pérennité ?
De ce débat comme des consultations que j’ai menées, il ressort que le maintien d’un large socle de solidarité nationale est une volonté partagée.
Ce socle solidaire s’élève aujourd’hui, je le rappelle, à 25 milliards d’euros et il n’est pas question de le diminuer.
Autre principe partagé : le refus d’augmenter la dette en reportant le financement sur les générations futures. Cela, le Président de la République l’a lui-même rejeté, toute comme il a écarté l’idée de taxer davantage le travail.
Je le répète cependant, les aspects financiers, pour importants qu’ils soient, ne doivent pas masquer l’essentiel.
L’essentiel, c’est le regard que nous portons sur le vieillissement dans une société trop régie par le culte de la jeunesse et de la performance.
Le professeur Gilles Berrut l’a bien rappelé, les groupes de travail également : nous devons nous garder de confondre vieillesse et dépendance.
Nombreux sont ceux qui vieillissent en bonne santé. Pour tous ceux là et pour toutes les personnes fragiles, il est essentiel de favoriser la préservation de l’autonomie, en mettant l’accent sur la prévention ou sur l’adaptation de l’environnement aux personnes âgées (logement, mobilier urbain, transports…).
Ce matin, je visitais, à Angers, deux centres remarquables : le centre de rééducation de la basse vision et le centre d’évaluation et de réadaptation des troubles de l’audition.
Dans ces deux endroits, des personnes atteintes de déficience auditive ou visuelle apprennent à mobiliser d’autres sens, à utiliser des techniques de compensation. Accorder à chacun ce temps de réadaptation est un autre moyen de faciliter le maintien de l’autonomie.
Quelle place accorder aux personnes âgées dans notre société ? Comment accueillir le grand âge et ainsi promouvoir nos valeurs solidaires ? C’est bien cela, l’enjeu de ce débat.
Il nous invite à adopter une vision positive du vieillissement, loin des stéréotypes tristes et négatifs trop souvent véhiculés. La vision la plus juste, c’est sans doute Romain Gary qui nous l’inspire : « Les hommes vieillissent toujours mal quand ils restent jeunes » !
source http://www.dependance.gouv.fr, le 21 avril 2011