Déclaration de M. Henri de Raincourt, ministre de la coopération, sur les financements innovants concernant l'aide au développement des pays les moins avancés, à Istanbul le 9 mai 2011.

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Circonstance : Déplacement en Turquie à l'occasion de la 4ème conférence des Nations unies sur les pays les moins avancés, les 9 et 10 mai 2011

Texte intégral

Monsieur le Président du Groupe pilote,
Monsieur le Secrétaire général adjoint,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs les Directeurs généraux,
Mesdames et Messieurs,
Chers Amis,
C'est un grand honneur pour le secrétariat permanent du Groupe pilote, assuré par la France, d'ouvrir cet événement consacré aux financements innovants pour les PMA. Je voudrais, sous l'autorité de la présidence malienne, remercier les Nations unies car c'est la deuxième fois que nous organisons ensemble un tel événement.
Les Nations unies demeurent l'enceinte historique et légitime où peuvent être formulées des solutions globales à des problèmes mondiaux. C'est naturellement aux Nations unies que le sujet a d'abord éclos, dès 2002, lors de la Conférence de Monterrey sur le financement du développement.
Depuis, des étapes décisives ont été franchies. À Doha en 2008, nous avions plaidé de concert pour un «changement d'échelle» à la fois quantitatif et qualitatif.
Dans le même temps, le Groupe pilote se voyait officiellement reconnaître le rôle de principale plateforme d'échange et d'action en faveur des financements innovants du développement.
Nous pouvons également nous réjouir du vote d'une résolution consacrée aux financements innovants en décembre 2010, grâce à de nombreux gouvernements et en particulier à nos amis brésiliens.
Aujourd'hui cependant, pouvons-nous attendre un accord global sur tel ou tel mécanisme ? Si nous voulons être crédibles, si nous voulons être à la hauteur des engagements pris à New York et Copenhague, regardons les choses en face, le temps presse et nous devons agir.
Car il est un constat que nous partageons tous mais qui mérite d'être rappelé : nous ne pourrons faire face aux besoins du XXIème siècle avec les outils et ressources d'hier.
Le monde change à un rythme accéléré et les besoins liés au financement de la solidarité internationale et de la lutte contre le changement climatique s'accroissent. Ils sont estimés à presque 300 milliards de dollars par an.
La coopération française a pris acte de ces bouleversements. Nous avons augmenté nos volumes d'aide au développement de 8 % en 2010 pour atteindre 12 milliards de dollars tandis que l'APD globale atteignait un niveau historique de 129 milliards de dollars.
L'Aide publique au développement demeure indispensable et doit impérativement être préservée. Mais elle ne pourra suffire. Face à l'ampleur et l'urgence des besoins, nous devons innover.
Nous devons mobiliser de nouvelles sources de financements, plus stables et plus prévisibles, complémentaires de l'aide traditionnelle, reposant sur une assiette large et des activités mondialisées.
Dans les PMA, les trois quarts de la population vivent encore sous le seuil de pauvreté. Les PMA ont impérativement besoin de ressources additionnelles pour faire face aux vulnérabilités économiques, climatiques, et humaines qui les touchent, pour relever les défis de l'éducation et de la santé, pour la création d'emplois productifs et la relance de l'agriculture…
Les financements innovants peuvent changer la donne.
Pour concrétiser le changement d'échelle que la communauté internationale appelle de ses vœux, nous devons raisonner de façon pragmatique et tout d'abord partir de l'existant.
Cinq grandes familles de financements innovants existent déjà :
- des garanties financières d'Etat (comme la facilité internationale de vaccination - IFFIm ou les garanties d'achats futurs - AMC),
- des contributions citoyennes privées (par exemple le mécanisme RED du Fonds mondial),
- des mécanismes de marché (comme l'affectation au développement d'une fraction des enchères de CO2 pratiquée par l'Allemagne),
- des modes de gestion de dette (tels que les contrats de désendettement C2D mis en place par la France),
- et des micro-taxes assises sur des activités mondialisées (par exemple la contribution sur les billets d'avion et bien entendu le projet de contribution sur les transactions financières)
23 pays, parmi lesquels des PMA, ont déjà mis en place des financements innovants. Afin de les recenser et de capitaliser sur l'expérience ainsi acquise, le secrétariat permanent produira, à la prochaine session du Groupe pilote à Bamako, une analyse de chacun de ces mécanismes en termes de volumes et d'impacts. Je suis convaincu que les travaux menés aujourd'hui y contribueront et je remercie les pays présents de bien vouloir communiquer tous les éléments utiles au Secrétariat permanent.
Nous savons d'ores et déjà que les mécanismes existants ont permis de collecter presque 6 milliards de dollars en 5 ans. Dans le domaine de la santé, ils ont contribué à vacciner plus de 260 millions d'enfants et à sauver 6 millions de vies.
C'est bien, mais ce n'est pas assez. Il faut désormais amplifier le mouvement. Les résultats déjà obtenus montrent que cette volonté n'a rien d'utopique.
Vous savez que la France défend aux Nations unies et au G20 la mise en place d'une micro-contribution sur les transactions financières.
La France a pris position au plus haut niveau en faveur de ce mécanisme, pour des raisons évidentes :
D'abord parce que de nombreux experts ont démontré que ce type de contribution est techniquement faisable, sans distorsion économique ni effet négatif dès lors que le taux est très bas.
Ensuite, parce que cette contribution est morale compte tenu des effets de la crise financière. Les méfaits du gonflement extraordinaire de la bulle spéculative sur l'économie réelle se font encore ressentir aujourd'hui. Faut-il rappeler qu'elle a fait perdre plus de 70 milliards de dollars de revenus aux PMA en 2009 ?
Enfin ce mécanisme est assurément le plus efficace en termes de volumes. Le marché des changes représente plus de 4000 milliards de dollars de transactions quotidiennes. Avec 5 centimes prélevés pour 1000 dollars échangés, c'est plus de 30 milliards qui pourraient financer la solidarité internationale chaque année.
Le plaidoyer politique progresse. Plus de 40 pays ont instauré une taxe sur les transactions financières dans leur législation fiscale. D'éminentes personnalités africaines, 1000 économistes de plus de 50 pays ainsi que des PMA ont lancé un appel en faveur de ces financements pour le développement.
Vous aussi, pouvez, dès aujourd'hui, exprimer votre appui en signant la Déclaration sur les transactions financières.
Pour réussir, nous devons maintenant montrer l'exemple.
La question qui se pose désormais est celle de la volonté politique pour lancer une expérience pilote. L'Espagne, la Belgique, l'Allemagne, le Brésil, l'Autriche, la Norvège, le Bénin y réfléchissent déjà, comme les pays de la zone euro et le Parlement européen.
Dès qu'un groupe pionnier aura adopté cette micro-contribution pour le développement, je suis convaincu que les autres suivront.
C'est pourquoi, sous l'autorité bienveillante du Mali, je me tourne vers l'ensemble des PMA, vers les Européens, vers nos partenaires du G20. Nous avons besoin de votre soutien déterminé pour concrétiser ce changement d'échelle. Nous avons une responsabilité commune et des promesses à tenir. Le développement reste, plus que jamais, le grand défi de notre temps. Si, ensemble, nous le décidons, le relever est à notre portée.
Je vous remercie et vous donne rendez-vous à Bamako pour la prochaine session plénière du Groupe pilote le 24 juin.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 13 mai 2011