Interview de Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, dans "Le Figaro" le 11 mai 2011, sur l'éventualité d'une aide supplémentaire de l'Europe à la Grèce.

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Q - La zone euro inquiète toujours les marchés. Vendredi dernier, la presse allemande a révélé la tenue d’une réunion secrète entre certains pays membres de la zone euro pour évoquer les difficultés de financement de la Grèce. Que s’est-il passé à cette réunion ?
R - C’est vrai qu’elle devait rester discrète. Nous avons tous été surpris de voir que les notes de travail de notre collègue allemand, Wolfgang Schäuble, s’étaient retrouvées sur le site Internet du Spiegel… Il n’en reste pas moins qu’il s’agissait d’une réunion de travail normale, prévue de longue date entre les pays de la zone euro membres du G20. Elle n’avait aucun caractère d’urgence. Ce dîner était prévu pour faire le point avant le Conseil du 16 juin, qui portera sur la situation des finances publiques dans la zone euro et plus particulièrement en Grèce. D’où la présence vendredi soir autour de la table de notre collègue grec, à qui nous avions quand même des questions importantes à poser…
Q - De quoi avez-vous parlé, d’un nouveau plan de sauvetage ?
R - Nous avons évoqué la mise en œuvre du programme grec adopté il y a un an. Une mission du FMI, de la Commission et de la BCE est actuellement à Athènes. Nous ne pouvons conclure avant leur retour. Malgré les efforts du gouvernement et les réformes importantes votées, certains objectifs notamment en matière budgétaire n’ont pas été atteints. Dans ces conditions, il est difficile d’envisager un retour sur le marché en 2012, comme prévu initialement. La Grèce doit en outre nous indiquer le calendrier du programme de privatisation particulièrement important de 50 milliards d’euros sur lequel le gouvernement s’est engagé. Nous comprenons que l’État soit confronté à des problèmes d’inventaire des actifs et de définition des titres de propriété, mais il doit savoir que nous sommes très attentifs à ce qu’il respecte tous ses engagements…
Q - La Grèce va-t-elle devoir restructurer sa dette ?
R - Nous l’excluons totalement sous toutes ses formes. Il n’est pas question non plus que la Grèce quitte la zone euro! Je tiens à rassurer les investisseurs.
Q - Le contribuable européen est déjà sous pression. N’est-il pas temps de faire payer aussi les investisseurs privés, comme le demandent les Allemands avec insistance ?
R - Tous nos efforts depuis un an avec la création du Fonds européen de soutien financier (FESF), puis avec la mise en place en 2013 du mécanisme permanent de stabilité visent à ce qu’aucun pays de la zone euro ne puisse faire défaut sur sa dette. Personne n’a envie de continuer à financer ainsi les pays en difficulté ! Mais nous devons impérativement le faire, car une restructuration de la dette d’un État enverrait un message tellement négatif aux investisseurs que toute la zone en pâtirait, et le coût de refinancement de la dette de tous les pays grimperait. En outre, dans l’hypothèse d’une restructuration, les titres grecs détenus par la BCE subiraient une forte décote.
Q - Concrètement, quelle forme pourrait prendre une aide supplémentaire et quel en serait le montant ? On parlait mardi à Athènes de 60 milliards dès juin…
R - Aucune décision n’est prise et le gouvernement grec doit en priorité mobiliser ses propres ressources notamment en mettant en œuvre rapidement son programme de privatisations. Nous disposons des instruments pour faire face à toute situation avec le FESF et l’ESM. Nous discuterons de tout cela le 16 mai prochain.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 12 mai 2011