Déclaration de M. Henri de Raincourt, ministre de la coopération, sur le rôle des femmes en matière de développement, à Paris le 17 mai 2011.

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Circonstance : Colloque des parlementaires du G8/G20 "Jeunes filles et enjeux de population : les leviers oubliés du développement", à Paris les 16 et 17 mai 2011

Texte intégral

Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Mesdames et Messieurs,
Je suis heureux que vous m'ayez convié à cette importante manifestation. Je me réjouis, à quelques jours du Sommet du G8 de Deauville et à quelques mois du Sommet du G20 de Cannes, de constater la mobilisation des parlementaires en faveur des questions de développement, dont la France a souhaité faire un axe fort de sa Présidence du G8 et du G20.
Plus personne ne conteste désormais que le rôle des femmes et des jeunes filles est absolument central en matière de développement. C'est parce que la France n'a cessé d'être consciente de cette réalité incontournable que je me permettrai, avant de vous présenter les grandes priorités que nous proposons à nos partenaires du G8, d'évoquer quelques actions que nous avons portées dans d'autres enceintes ou à titre national, qui constituent les orientations de notre politique de coopération.
Comme vous le savez, c'est la France qui durant sa Présidence de l'Union européenne en 2008 a fait adopter les lignes directrices, toujours en vigueur, visant à combattre les violences faites aux femmes et lutter contre toutes les formes de discrimination qu'elles peuvent subir. Aux Nations unies, la France s'est particulièrement mobilisée afin que le Conseil de sécurité adopte plusieurs résolutions importantes permettant de protéger les femmes victimes de violences dans les conflits armés et les situations de post conflit. Nous avons notamment soutenu les avancées qui ont été réalisés afin de lutter efficacement contre l'impunité, dans les cas où les violences sexuelles sont délibérément utilisées comme une arme de guerre, comme ce fut malheureusement le cas au Soudan, en République démocratique du Congo ou en Côte d'Ivoire.
Sur le terrain, la coopération française mène des actions qui visent à favoriser l'accès à l'autonomie économique des femmes en Afrique de l'Ouest, à lutter contre les violences en Afrique du Nord et en Afrique subsaharienne francophone, ainsi qu'à promouvoir l'accès aux droits fondamentaux en Afghanistan.
Enfin je rappelle que notre stratégie «genre et développement», adoptée en 2007, nous engage à prendre systématiquement en compte les enjeux de l'égalité hommes-femmes dans toutes nos politiques de coopération.
C'est parce que la France milite de manière aussi résolue en faveur des droits des femmes et des jeunes filles qu'elle a soutenu l'inscription de ces sujets au sein de l'agenda du G8.
Le Sommet de Deauville qui aura lieu le 26 mai sera l'occasion d'évaluer la mise en œuvre des engagements très importants qui ont été pris en 2010 au Sommet de Muskoka en matière de santé maternelle et infantile. Il s'agit au total d'une enveloppe de 5 milliards de dollars qui ont été promis par les partenaires du G8. D'autres pays ont rejoint cette initiative, ainsi que de grandes fondations privées et les fonds et programmes des Nations unies, ce qui apporte un financement supplémentaire de 2,6 milliards de dollars. La contribution de la France s'élèvera à 500 millions d'euros sur la période 2011-2015. Cette initiative devrait permettre de progresser de manière déterminante vers l'atteinte des Objectifs du Millénaire pour le développement 4 et 5, pour lesquels le retard pris, notamment en Afrique, est préoccupant.
Une dimension essentielle de l'initiative de Muskoka porte sur la planification familiale. Je le relève car il s'agit d'un sujet majeur pour le continent africain, et en la matière les jeunes filles doivent être une cible privilégiée pour des actions d'information et de sensibilisation. J'ai participé en février dernier à une importante conférence organisée sur le sujet à Ouagadougou par la France et les États-Unis, consacrée spécifiquement à l'Afrique de l'Ouest francophone. C'est en effet la région du continent africain où le retard pris en matière de planification familiale est le plus criant. Dans une Afrique qui devrait voir sa population doubler d'ici 2050 pour compter plus de deux milliards d'habitants, l'Afrique de l'Ouest francophone, qui compte aujourd'hui plus de 110 millions d'habitants, devrait passer à 170 millions en 2025 puis à 280 millions en 2050. Autrement dit, la population de la sous-région pourrait être multipliée par 2,5 en quarante ans. La population du Burkina Faso pourrait tripler et celle du Niger quadrupler. Cette progression extrêmement rapide de la population tient d'abord à un taux de fécondité parmi les plus élevés au monde. Elle résulte aussi d'une offre insuffisante de planification familiale dans les pays de la région.
Je suis de ceux qui croient que la force de sa démographie peut être une chance pour l'Afrique, et aussi pour le monde. Toutefois, nous voyons bien aussi les sérieuses difficultés en matière de développement que crée immanquablement un tel rythme de croissance démographique. Si la population augmente plus vite que les richesses, comment espérer nourrir, éduquer, soigner, et former des générations toujours plus nombreuses ? C'est bien pourquoi il n'y a guère d'exemple de pays dont le décollage économique n'ait pas été accompagné, à un moment ou l'autre, par une transition démographique.
Or, ce sont les femmes qui souffrent les premières de la situation actuelle. En Afrique de l'Ouest francophone, le quart des femmes qui souhaitent espacer les naissances ou arrêter d'avoir des enfants n'ont pas accès à une méthode de contraception sûre et efficace. Des millions de grossesses non planifiées surviennent en Afrique chaque année. Elles conduisent plus de 4 millions de filles et de femmes à recourir à un avortement clandestin, aggravant ainsi la morbidité et la mortalité.
La mise en œuvre effective du droit pour les femmes d'accéder, si elles le souhaitent, à des services de santé reproductive et de planification familiale de qualité passe aussi par une prise de conscience au sein de l'ensemble de la société. Il est important de souligner à quel point l'alphabétisation et la scolarisation des filles peuvent aider à ces choix.
La France et ses partenaires du G8 ont parfaitement pris conscience de l'importance du rôle des femmes et des jeunes filles pour faire avancer l'agenda du développement. Les nouveaux engagements pris à Muskoka seront déclinés avec le concours de l'ensemble des organisations internationales relevant des Nations unies, en particulier ONU-Femmes.
Au moment où le rôle des femmes dans les transitions politiques que connaissent certains pays arabes est apparu aux yeux de tous, vous pouvez compter sur la France, avec le soutien de ses partenaires, pour que les femmes et les jeunes filles ne soient plus les oubliées des politiques de développement, mais pour qu'au contraire elles puissent être les premiers artisans du progrès et de la prospérité de leurs communautés.
Je vous remercie.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 18 mai 2011