Déclaration de Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'Etat aux solidarités et à la cohésion sociale, sur les enjeux démographiques et financiers du vieillissement et l'accompagnement des personnes âgées dépendantes, Saint Apploinaire le 13 mai 2011.

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Circonstance : Clôture du débat interdépartemental sur la dépendance à Saint Appolinaire le 13 mai 2011

Texte intégral


Il me revient la difficile tâche de clôturer ce débat.
Difficile car les échanges que nous avons eus tout au long de cet après-midi ont été riches, passionnants et émouvants.
Difficile aussi car le sujet interpelle toute la société française. Les personnes âgées dépendantes, ce sont nos proches aujourd’hui et peut-être nous demain !
Difficile encore car évaluer les enjeux démographiques et financiers, repenser les relations de la société au vieillissement, imaginer des modes d’accompagnement des personnes âgées adaptés à ce défi, concevoir une couverture financière du risque dépendance, ce n’est pas simple !
Difficile enfin car il ne s’agit pas simplement de clore une journée d’échange particulièrement fructueuse, mais bien de s’appuyer sur tous vos témoignages et vos analyses pour progresser, ensemble, sur ce thème qui doit être au centre du débat public.
J’ai dit « doit être », mais en réalité il l’est déjà grâce au Président de la République. Car c’est bien lui qui a voulu associer l’ensemble de la société française à la réflexion sur notre destin commun.
Pour faire émerger un consensus sur cette question fondamentale, nous avons donc d’abord mis en place des groupes de travail nationaux. Nous avons ensuite reçu des représentants de toutes les forces vives et de toutes les familles spirituelles de notre pays. Nous animons enfin avec Roselyne Bachelot ces 26 journées de débat organisées dans toutes nos régions.
Elles nous apportent toujours des éclairages, ancrés sur le terrain local et les réalités, dont l’intérêt le dispute à la diversité.
A cet état d’avancement de notre démarche collective, je voudrais vous présenter les constats et pistes de réflexions qui se dégagent à mi-parcours de ce grand débat national et que les échanges de la journée sont venus conforter :
I) En matière d’accompagnement de la perte d’autonomie, nous ne partons pas de rien.
Notre pays consacre d’ores et déjà quelque 25 milliards d’euros à la couverture des besoins liés à la dépendance, qu’il s’agisse de dépenses directes ou indirectes – par le biais des réductions d’impôts.
Ces dépenses publiques sont portées par la solidarité nationale à hauteur de 80% que ce soit par l’Etat, l’assurance maladie ou la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, et par la solidarité locale à hauteur de 20% à travers la contribution des Conseils généraux. Et ces 25 milliards d’euros n’intègrent pas les quelque 7 milliards d’euros pris en charge directement par les personnes et les familles elles-mêmes.
De plus, ces 10 dernières années ont été marquées, sous les présidences de Jacques Chirac et de Nicolas Sarkozy, par de nombreuses avancées :
- la création de l’allocation personnalisée d’autonomie, l’APA, tout d’abord, qui mobilise les efforts de financement des collectivités locales et de la solidarité nationale. Ce sont près de 5,4 milliards d’euros qui lui sont consacrés, pour 1,2 millions de bénéficiaires.
- le financement des établissements et services médico-sociaux a bénéficié d’une augmentation de moyens sans précédent : les dépenses de l’assurance maladie dédiés à leur financement se sont accrues de plus de 3,3 milliards d’euros entre 2006 et 2009, soit une augmentation de 70%.
- Enfin, l’appui aux aidants familiaux est une préoccupation constante des pouvoirs publics. Elle constitue en particulier un axe fort du plan Alzheimer et maladies apparentées 2008-2012. Elle a donné lieu à la création de solutions de répit pour les familles et a été étoffée d’une attention portée à la formation des aidants, dans la loi HPST votée en juillet 2009.
II) Malgré ces efforts importants de la Nation à destination des personnes âgées dépendantes, notre système est confronté à court terme à des défis auxquels il convient de répondre rapidement.
Les différents acteurs impliqués dans l’accompagnement de nos aînés soulignent tous le caractère central de la question des financements :
- les conseils généraux, qui financent l’allocation personnalisée d’autonomie, font face à des dépenses toujours croissantes, malgré la création de la contribution solidarité pour l’autonomie.
- les professionnels médico-sociaux réclament plus de moyens pour accueillir dans leurs établissements des personnes plus âgées et l’accueil et plus dépendantes.
- les services à domicile alertent sur leur situation financière difficile.
- les personnes concernées elles mêmes et leurs familles subissent un reste-à-charge de plus en plus important, que ce soit en établissement dont le coût s’approche en moyenne de 1500€- et largement plus en zone urbaine - ou à domicile, l’APA ne permettant pas de couvrir tous les besoins.
Le défi démographique ne fait que renforcer l’urgence à agir.
C’était déjà l’objet de la réforme des retraites conduite l’année dernière que de s’adapter à ce vieillissement de la population française. En effet, si rien n’avait été fait, notre système de retraite n’aurait plus pu être financé. C’est pourquoi le Président de la République et son Gouvernement ont décidé d’agir pour sauver et moderniser notre modèle français de cohésion sociale.
C’est aussi ce que nous faisons avec le Chantier dépendance.
A court terme, dans un contexte économique et budgétaire contraint, ce débat national doit nous permettre de trouver, ensemble, des solutions pragmatiques pour des questions extrêmement urgentes :
- Le financement d’abord, pour lequel des solutions innovantes permettant de conjuguer solidarité nationale et solidarités locales, public et privé, doivent être explorées.
- Les garanties à apporter, ensuite, aux 5 millions de Français qui ont souscrit des contrats d’assurance couvrant le risque dépendance.
- La réduction du reste à charge pour nos compatriotes.
- L’amélioration enfin des services à domicile.
Dès l’automne, s’appuyant sur ce processus dynamique et participatif, le Gouvernement apportera des réponses sur ces points.
III) Toutefois, nous devons également concevoir les réponses à apporter aux personnes âgées en perte d’autonomie à horizon de 2030 ou 2040, lorsque notre pays sera au pic de son vieillissement.
Or, ces réponses ne pourront être que différentes. En effet, non seulement la société s’interroge déjà sur l’efficience du modèle social en vigueur, mais en plus les personnes âgées dans 20 ans ne seront plus les mêmes. Les modes d’accompagnement vont devoir évoluer, s’adapter. Cela a été très nettement exprimé aujourd’hui.
Cette deuxième dimension de la réflexion collective, la dimension de moyen-long terme, nous avons le temps d’y répondre, à condition tout d’abord de ne pas en perdre et surtout d’investir pleinement ce débat de société.
Le nouveau modèle social que nous avons à construire pour faire toute leur place aux personnes âgées, j’ai la conviction qu’il doit se fonder sur le triptyque prévention, participation sociale, famille.
1– La prévention d’abord.
Il ne s’agit bien sûr pas de prévenir le vieillissement. Nous visons là la prévention des incapacités entraînées par certaines formes de vieillissement ainsi que leurs conséquences en termes de perte d’autonomie lorsque les incapacités sont là. L’ensemble des dispositifs de santé publique sont nécessaires, bien sûr. Il en est souvent question : l’alimentation, l’exercice sont des facteurs essentiels de maintien de l’autonomie…
Je veux insister sur le fait que la prévention de la dépendance doit mobiliser bien au-delà. Cela passe par l’intégration de la dimension du vieillissement dans toutes nos politiques : politiques locales de solidarité, politiques d’aménagement, politiques familiales… Car, comme cela été souligné, si la dépendance est liée à des pathologies fréquentes chez les personnes âgées, le risque s’accroît dans des situations de fragilité sociale.
Il me parait particulièrement nécessaire de souligner le rôle des villes et des agglomérations dont les politiques d’accessibilité ou de cohésion sociale permettent de lutter contre l’isolement, l’immobilité, la désinsertion sociale, facteurs de fragilité des personnes âgées.
2 – La participation sociale ensuite
Elle est bien évidemment au coeur de la politique de prévention. Elle doit également fonder nos réponses d’accompagnement de la perte d’autonomie.
Depuis 20 ans, nous avons privilégié la réponse santé, en faisant évoluer les maisons de retraite en lieux de soin. L’augmentation du nombre de personnes âgées dépendantes fait encore monter la pression sur le nombre de places d’EHPAD.
Avec le vieillissement de la population française, allons-nous véritablement devoir développer uniquement ce modèle médicalisé et institutionnel de prise en charge ?
Je ne crois pas que nous devions continuer de répondre de manière aussi stéréotypée. Entre le maintien à domicile ordinaire et l’entrée en établissement parfois indispensable, il y a de la place pour des solutions innovantes qui proposent de nouvelles manières de vivre « chez soi ». Je suis persuadée que ces solutions « intermédiaires » d’accompagnement favoriseront la participation des personnes âgées à la société, et qu’elles contribueront à prévenir les phénomènes de glissement vers la dépendance.
Non seulement nous pourrons ainsi améliorer la qualité de vie de nos aînés, mais en plus je suis certaine que cela sera moins coûteux pour notre système de protection sociale. Hospitaliser 15 jours une personne âgée, qui n’a en réalité pas besoin de soins médicaux, uniquement parce qu’il n’y a pas de solution d’aide à domicile, quel gâchis financier et humain ! D’une manière générale, l’accompagnement à domicile coûte deux fois moins cher que l’approche hospitalière.
L’inflexion de notre modèle d’accompagnement des personnes âgées dépendantes contient donc son propre financement.
3 – La famille enfin
Face à la dépendance, les familles sont d’ores et déjà en première ligne. Ce sont les proches qui s’organisent pour apporter les premiers soins ou trouver les réponses portées par des tiers. On a souvent dit que l’enfant fait famille. Je crois que l’on peut dire que la solidarité fait famille.
Or, aujourd’hui, le soutien aux familles est encore trop peu développé, que ce soit pour les aider à comprendre les signes de la dépendance de leurs proches ou pour les appuyer lorsque cette dernière est avérée.
L’Etat n’a certes pas à remplacer les familles, mais il doit les accompagner par une politique familiale renouvelée.
Quel modèle de solidarité devons-nous construire pour intégrer pleinement le fait familial ?
Il faudra mieux prendre en compte la situation des aidants dont le projet de vie est de pouvoir accompagner leur proche et vivre leur vie quand même.
Prendre en compte ce projet de vie, c’est la condition d’une société solidaire ; c’est aussi la garantie de réponses durables.
Mesdames, Messieurs,
Je suis persuadée que la refondation de notre modèle de cohésion sociale nécessite ainsi l’intégration de la problématique du vieillissement dans toutes les politiques publiques.
Je suis certaine qu’en privilégiant la prévention, la participation sociale et le fait familial, nous pouvons accroître la qualité de vie des personnes âgées à un coût moindre pour notre système social.
Pour moi, la bonne méthode pour dessiner ce nouveau modèle serait l’adoption d’une loi cadre autorisant sur plusieurs années des expérimentations locales. C’est en effet à partir de ces expériences que nous pourrons élaborer des prototypes sérieux.
Mesdames, Messieurs, devenez maintenant dans vos familles, vos institutions, vos associations, vos institutions ou vos organisations respectives, les relais de cette réflexion collective !
Je vous remercie.
Source http://www.bourgogne.gouv.fr, le 19 mai 2011