Déclaration de Mme Chantal Jouanno, ministre des sports, sur la violence, l'exclusion et les discriminations raciales dans le sport, et la mise en place d'un Comité de lutte contre les discriminations, Paris le 16 mai 2011.

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Circonstance : Installation du Comité de lutte contre les discriminations dans le sport à Paris le 16 mai 2011

Texte intégral


Mesdames et Messieurs,
Je voudrais tout d’abord saluer la présidente de ce comité, Laura FLESSEL. On ne présente plus cette grande championne, la « guêpe », comme on la surnomme, qui s’est distinguée en remportant 5 médailles olympiques et en étant la première championne olympique à l’épée. Sportive, Laura FLESSEL est aussi une femme engagée. Vous soutenez de nombreuses associations et je sais que votre implication y est réelle. Vous êtes une femme de défi et votre ultime défi sportif, vous l’avez annoncé, sera de défendre de nos couleurs à Londres en 2012. Je vous souhaite d’y conquérir votre 6e médaille olympique.
J’ai pleinement confiance en vous pour jouer le rôle de présidente et de pilote du comité de lutte contre les discriminations.
Je sais bien qu’à l’heure où nous installons ce comité de lutte contre les discriminations, vous avez encore tous à l’esprit les soupçons de discrimination qui ont pesé sur la Fédération française de football lors des dernières semaines.
Comme vous le savez, la mission d’inspection du ministère a conclu que la solution des quotas n’a jamais été validée ou appliquée. Il y a cependant eu des paroles déplacées qui laissent un sentiment de malaise. Un sentiment de malaise, parce que ce qui a pu être dit va totalement à l’encontre des valeurs éducatives et d’intégration que porte le sport. Et parce qu’en sport, seul le critère de la performance compte.
Cette affaire me conforte dans ma volonté de mettre la question des valeurs du sport au cœur de ma politique.
1. Aujourd’hui, on constate que les phénomènes de discrimination ne faiblissent pas.
Ils prennent des formes diverses.
On pense bien évidemment à l’homophobie. Cette violence, souvent tabou, qu’un footballeur amateur (Yoann LEMAIRE) a mis au grand jour l’an passé en révélant les agressions dont il a été victime. SOS Homophobie a recensé près de 1 500 témoignages de cas d’homophobie en 2010. C’est 18% de plus qu’en 2009. Le phénomène ne régresse pas et appelle de notre part la plus grande vigilance.
Je pense aussi aux propos indignes, racistes ou antisémites, qui fusent parfois sur le terrain ou dans les tribunes. En 2009, la LICRA a reçu 93 saisines relatives à des actes de racisme ou d’antisémitisme dans le sport.
Je pense enfin au sexisme qu’on oublie trop souvent, parce que les inégalités hommes femmes tendent à se banaliser. Les associations ici présentes, Femix et Ni putes Ni Soumises, peuvent en témoigner.
La discrimination prend des visages différents, mais, à chaque fois, c’est une même peur et un même rejet de l’autre qui s’expriment. Il est donc important de ne pas dissocier nos différentes actions de lutte contre les discriminations. Cela reviendrait à stigmatiser certains groupes, à les cloisonner et finalement à accentuer des phénomènes de communautarisme et de repli sur soi. La vocation du sport est au contraire de rassembler, de mélanger, de brasser. Il nous faut mener une politique générale, qui intègrera bien évidemment vos combats individuels.
Il est important enfin de souligner que les phénomènes de discriminations ne sont pas le fruit du sport. Ils sont le reflet de notre société, de ses peurs et de ses dérives. C’est pour cette raison que nous avons voulu que ce comité ne se limite pas au monde sportif et associatif et bénéficie d’un éclairage sociologique et psychologique.
2. Votre rôle, au sein du comité de lutte contre les discriminations, sera de mieux comprendre ce phénomène afin d’intensifier les actions de lutte et de prévention.
Demain sera la journée internationale de lutte contre l’homophobie, créée par le Comité IDAHO. Nous devons rester pleinement mobilisés sur ce sujet.
A l’automne dernier a été lancé un plan de lutte contre l’homophobie comprenant une Charte de lutte contre l’homophobie. A ce jour, la charte a été signée par 31 fédérations. Le processus est en marche, de plus en plus de fédérations s’engagent. Toutes les fédérations ont cependant vocation à signer la Charte, puis à la faire signer à leurs clubs. J’ai donc voulu que la signature de la Charte soit désormais une contrepartie obligatoire des aides que nous accordons aux fédérations sportives dans le cadre des conventions d’objectifs.
Un travail important a été engagé sur l’homophobie, mais le phénomène des discriminations est bien plus large. Je souhaite donc que vous élaboriez une charte générale de lutte contre toutes les formes de discrimination d’ici janvier 2012.
On vient par ailleurs de me remettre une enquête sur la réalité de l’homophobie dans le sport qu’Anthony METTE va vous présenter dans quelques instants. Il est déterminant de disposer de données qui permettent de mieux appréhender ces phénomènes. Comme vous le savez sûrement, la Fédération française de football et la Ligue de football professionnel ont mis en place deux observatoires des violences dans le football. Nous devons procéder de la même manière avec les discriminations. Je souhaite donc que vous mettiez en place un outil d’observation des phénomènes de discrimination dans le sport. Nous devons mieux cerner ces dérives, « connaître » pour cibler notre action. C’est pour cette raison également que j’ai chargé le comité du supportérisme de travailler, de son côté, à la mise en place d’un observatoire des violences dans le sport.
Le sport est un espace d’éducation et de transmission de valeurs. Par conséquent, il est un formidable support de communication et de sensibilisation pour tous les sportifs, et en particulier les jeunes. Nous devons former les acteurs du sport sur cette thématique, pour qu’ils soient vigilants au moindre dérapage. Le groupe de travail « formation », piloté par le Pôle ressources national « Sport Education Mixités Citoyenneté », est désormais intégré à ce comité. Il est en charge de mettre en place un module de formation visant à sensibiliser l’ensemble des acteurs du sport à la lutte contre les discriminations. Les premières formations sont attendues pour début 2012.
Les grandes manifestations doivent également être l’occasion de transmettre des valeurs, comme nous l’avons fait avec SOS Racisme, lors de la journée du Respect organisée le 27 février 2011 au Parc des Princes.
Enfin, quand des dérives sont constatées, il faut sanctionner. Il existe un délit pénal de discrimination posé par la loi du 16 novembre 2001. Cependant, dans la plupart des cas, il faut privilégier les sanctions éducatives. Les jeunes disent parfois des mots qui dépassent leur pensée, sans se rendre compte du mal qu’ils font. C’est pour cette raison que je souhaite étendre le dispositif sanction-réparation, expérimenté dans le Var à partir de 2006, puis dans la Marne. En 2011, il devrait être étendu aux départements de Charente Maritime et de Gironde ainsi qu’en région Limousin. L’objectif de ce dispositif est de punir, mais aussi de guérir et de prévenir la récidive. La généralisation suppose de poser un cadre juridique précis et discuté collégialement. Ce sera une de vos missions au sein de ce comité et vous pourrez vous appuyer, pour ce faire, sur le modèle élaboré dans le département de la Marne qui est aujourd’hui le plus abouti.
De manière plus globale, j’ai voulu renforcer le rôle d’éducation et de transmission des valeurs des clubs. J’ai mis en place un principe de civi-conditionnalité des aides. Les projets de clubs doivent désormais avoir une finalité éducative et ils devront, à partir de 2012, comporter obligatoirement une charte éthique. 16 millions de licences sportives sont délivrées chaque année. Ce sont autant d’occasions de sensibiliser un large public.
Je souhaite enfin que vous travailliez en collaboration avec le comité du supportérisme que j’ai installé le 6 mai dernier. Il n’est pas rare que l’on entende dans nos stades, ou sur les terrains, des propos injurieux et indignes, des cris honteux, dirigés à l’encontre des joueurs, des supporters de l’équipe adversaire ou encore des arbitres. C’est tout simplement inacceptable et le comité du supportérisme s’attachera, avec votre aide, à lutter contre ces dérives.
Nous ferons un point d’étape sur l’avancement de tous ces travaux à la rentrée sportive de septembre. Je demande par conséquent la permission à Laura de m’inviter à la réunion plénière que vous organiserez à cette occasion.
Le sport est le reflet de notre société, de ses aspirations et de ses rêves, mais aussi de ses peurs et de ses démons. Nous devons donc essayer de comprendre au mieux d’où viennent ces démons. Je suis pour ma part persuadée que c’est bien souvent l’ignorance qui fait le lit de l’intolérance. Il nous faut donc sensibiliser, encore et encore, et faire beaucoup de pédagogie.
Source http://www.sports.gouv.fr, le 18 mai 2011