Texte intégral
Mesdames et Messieurs,
Je voudrais tout dabord saluer la présidente de ce comité, Laura FLESSEL. On ne présente plus cette grande championne, la « guêpe », comme on la surnomme, qui sest distinguée en remportant 5 médailles olympiques et en étant la première championne olympique à lépée. Sportive, Laura FLESSEL est aussi une femme engagée. Vous soutenez de nombreuses associations et je sais que votre implication y est réelle. Vous êtes une femme de défi et votre ultime défi sportif, vous lavez annoncé, sera de défendre de nos couleurs à Londres en 2012. Je vous souhaite dy conquérir votre 6e médaille olympique.
Jai pleinement confiance en vous pour jouer le rôle de présidente et de pilote du comité de lutte contre les discriminations.
Je sais bien quà lheure où nous installons ce comité de lutte contre les discriminations, vous avez encore tous à lesprit les soupçons de discrimination qui ont pesé sur la Fédération française de football lors des dernières semaines.
Comme vous le savez, la mission dinspection du ministère a conclu que la solution des quotas na jamais été validée ou appliquée. Il y a cependant eu des paroles déplacées qui laissent un sentiment de malaise. Un sentiment de malaise, parce que ce qui a pu être dit va totalement à lencontre des valeurs éducatives et dintégration que porte le sport. Et parce quen sport, seul le critère de la performance compte.
Cette affaire me conforte dans ma volonté de mettre la question des valeurs du sport au cur de ma politique.
1. Aujourdhui, on constate que les phénomènes de discrimination ne faiblissent pas.
Ils prennent des formes diverses.
On pense bien évidemment à lhomophobie. Cette violence, souvent tabou, quun footballeur amateur (Yoann LEMAIRE) a mis au grand jour lan passé en révélant les agressions dont il a été victime. SOS Homophobie a recensé près de 1 500 témoignages de cas dhomophobie en 2010. Cest 18% de plus quen 2009. Le phénomène ne régresse pas et appelle de notre part la plus grande vigilance.
Je pense aussi aux propos indignes, racistes ou antisémites, qui fusent parfois sur le terrain ou dans les tribunes. En 2009, la LICRA a reçu 93 saisines relatives à des actes de racisme ou dantisémitisme dans le sport.
Je pense enfin au sexisme quon oublie trop souvent, parce que les inégalités hommes femmes tendent à se banaliser. Les associations ici présentes, Femix et Ni putes Ni Soumises, peuvent en témoigner.
La discrimination prend des visages différents, mais, à chaque fois, cest une même peur et un même rejet de lautre qui sexpriment. Il est donc important de ne pas dissocier nos différentes actions de lutte contre les discriminations. Cela reviendrait à stigmatiser certains groupes, à les cloisonner et finalement à accentuer des phénomènes de communautarisme et de repli sur soi. La vocation du sport est au contraire de rassembler, de mélanger, de brasser. Il nous faut mener une politique générale, qui intègrera bien évidemment vos combats individuels.
Il est important enfin de souligner que les phénomènes de discriminations ne sont pas le fruit du sport. Ils sont le reflet de notre société, de ses peurs et de ses dérives. Cest pour cette raison que nous avons voulu que ce comité ne se limite pas au monde sportif et associatif et bénéficie dun éclairage sociologique et psychologique.
2. Votre rôle, au sein du comité de lutte contre les discriminations, sera de mieux comprendre ce phénomène afin dintensifier les actions de lutte et de prévention.
Demain sera la journée internationale de lutte contre lhomophobie, créée par le Comité IDAHO. Nous devons rester pleinement mobilisés sur ce sujet.
A lautomne dernier a été lancé un plan de lutte contre lhomophobie comprenant une Charte de lutte contre lhomophobie. A ce jour, la charte a été signée par 31 fédérations. Le processus est en marche, de plus en plus de fédérations sengagent. Toutes les fédérations ont cependant vocation à signer la Charte, puis à la faire signer à leurs clubs. Jai donc voulu que la signature de la Charte soit désormais une contrepartie obligatoire des aides que nous accordons aux fédérations sportives dans le cadre des conventions dobjectifs.
Un travail important a été engagé sur lhomophobie, mais le phénomène des discriminations est bien plus large. Je souhaite donc que vous élaboriez une charte générale de lutte contre toutes les formes de discrimination dici janvier 2012.
On vient par ailleurs de me remettre une enquête sur la réalité de lhomophobie dans le sport quAnthony METTE va vous présenter dans quelques instants. Il est déterminant de disposer de données qui permettent de mieux appréhender ces phénomènes. Comme vous le savez sûrement, la Fédération française de football et la Ligue de football professionnel ont mis en place deux observatoires des violences dans le football. Nous devons procéder de la même manière avec les discriminations. Je souhaite donc que vous mettiez en place un outil dobservation des phénomènes de discrimination dans le sport. Nous devons mieux cerner ces dérives, « connaître » pour cibler notre action. Cest pour cette raison également que jai chargé le comité du supportérisme de travailler, de son côté, à la mise en place dun observatoire des violences dans le sport.
Le sport est un espace déducation et de transmission de valeurs. Par conséquent, il est un formidable support de communication et de sensibilisation pour tous les sportifs, et en particulier les jeunes. Nous devons former les acteurs du sport sur cette thématique, pour quils soient vigilants au moindre dérapage. Le groupe de travail « formation », piloté par le Pôle ressources national « Sport Education Mixités Citoyenneté », est désormais intégré à ce comité. Il est en charge de mettre en place un module de formation visant à sensibiliser lensemble des acteurs du sport à la lutte contre les discriminations. Les premières formations sont attendues pour début 2012.
Les grandes manifestations doivent également être loccasion de transmettre des valeurs, comme nous lavons fait avec SOS Racisme, lors de la journée du Respect organisée le 27 février 2011 au Parc des Princes.
Enfin, quand des dérives sont constatées, il faut sanctionner. Il existe un délit pénal de discrimination posé par la loi du 16 novembre 2001. Cependant, dans la plupart des cas, il faut privilégier les sanctions éducatives. Les jeunes disent parfois des mots qui dépassent leur pensée, sans se rendre compte du mal quils font. Cest pour cette raison que je souhaite étendre le dispositif sanction-réparation, expérimenté dans le Var à partir de 2006, puis dans la Marne. En 2011, il devrait être étendu aux départements de Charente Maritime et de Gironde ainsi quen région Limousin. Lobjectif de ce dispositif est de punir, mais aussi de guérir et de prévenir la récidive. La généralisation suppose de poser un cadre juridique précis et discuté collégialement. Ce sera une de vos missions au sein de ce comité et vous pourrez vous appuyer, pour ce faire, sur le modèle élaboré dans le département de la Marne qui est aujourdhui le plus abouti.
De manière plus globale, jai voulu renforcer le rôle déducation et de transmission des valeurs des clubs. Jai mis en place un principe de civi-conditionnalité des aides. Les projets de clubs doivent désormais avoir une finalité éducative et ils devront, à partir de 2012, comporter obligatoirement une charte éthique. 16 millions de licences sportives sont délivrées chaque année. Ce sont autant doccasions de sensibiliser un large public.
Je souhaite enfin que vous travailliez en collaboration avec le comité du supportérisme que jai installé le 6 mai dernier. Il nest pas rare que lon entende dans nos stades, ou sur les terrains, des propos injurieux et indignes, des cris honteux, dirigés à lencontre des joueurs, des supporters de léquipe adversaire ou encore des arbitres. Cest tout simplement inacceptable et le comité du supportérisme sattachera, avec votre aide, à lutter contre ces dérives.
Nous ferons un point détape sur lavancement de tous ces travaux à la rentrée sportive de septembre. Je demande par conséquent la permission à Laura de minviter à la réunion plénière que vous organiserez à cette occasion.
Le sport est le reflet de notre société, de ses aspirations et de ses rêves, mais aussi de ses peurs et de ses démons. Nous devons donc essayer de comprendre au mieux doù viennent ces démons. Je suis pour ma part persuadée que cest bien souvent lignorance qui fait le lit de lintolérance. Il nous faut donc sensibiliser, encore et encore, et faire beaucoup de pédagogie.
Source http://www.sports.gouv.fr, le 18 mai 2011