Texte intégral
PATRICK COHEN Bonjour Luc CHATEL.
LUC CHATEL Bonjour Patrick COHEN.
PATRICK COHEN Est-il vrai que Nicolas SARKOZY vous a interdit de prononcer le nom de Dominique STRAUSS-KAHN dans vos commentaires publics ?
LUC CHATEL Ecoutez, non. Dabord je nai pas vu le président de la République depuis le début de la semaine, donc
PATRICK COHEN Bon, donc il ne vous a rien interdit.
LUC CHATEL Il ne ma rien interdit, et ensuite je nai pas cette information, Patrick COHEN.
PATRICK COHEN Bon. Est-ce que on peut lire le commentaire dun conseiller de Nicolas SARKOZY dans LE PARISIEN ce matin, malgré la consigne apparente qui est dans tous les journaux, «désormais lespoir a changé de camp», il parle de lélimination probable dun des principaux rivaux du chef de lEtat.
LUC CHATEL Ecoutez, si nous faisions preuve dun petit peu de retenue et si nous prenions un peu de recul, je crois quil faut garder son calme, il faut rester zen et il faut continuer son travail, voilà. La seule chose que le président de la République ma demandé, moi, cest de continuer mon travail, donc je continue mon travail de ministre, cest ça quattendent les Français. Ensuite, cette affaire est évidemment terrible, laissons faire la justice américaine, laissons les choses aller à leur terme et nous verrons, et gardons-nous bien de commentaires hâtifs.
PATRICK COHEN François FILLON a dit, devant les députés UMP hier, que si les accusations sont avérées, il sagit dun acte grave.
LUC CHATEL Il a raison, je veux dire, il a raison, cest un acte qui est assimilé à un crime, et cest extrêmement grave. Maintenant, laissons le procès aller à son terme. Noublions pas la victime, encore une fois, jentends beaucoup de compassion, il faut avoir beaucoup de compassion dabord pour la victime, il y a une victime dans cette affaire, et puis il y a un droit à la présomption dinnocence, donc laissons la justice faire son travail, et encore une fois gardons-nous de spéculations, de commentaires, qui me paraissent hâtifs et parfois déplacés.
PATRICK COHEN Ce nest pas encore une victime, Luc CHATEL, cest une plaignante, victime présumée.
LUC CHATEL Oui, enfin en tout cas, victime présumée.
PATRICK COHEN Une majorité de Français pense que Dominique STRAUSS-KAHN a été victime dun complot. Un commentaire ?
LUC CHATEL Non, moi je nai jamais été un adepte de la théorie du complot, mais la justice nous dira la vérité.
PATRICK COHEN LEducation. La mobilisation contre les suppressions de classes dans le primaire sétend dans toute la France, un rassemblement denseignants, délus locaux, de parents délèves, est prévu aujourdhui près de votre ministère, Luc CHATEL. Sur les chiffres qui sont les vôtres, 9000 postes supprimés chez les professeurs des écoles, 1500 classes de primaire fermées à la rentrée, vous ne bougerez pas ?
LUC CHATEL Ecoutez, le président de la République en 2007, il nétait pas encore président dailleurs, cétait le candidat SARKOZY, a expliqué aux Français que compte tenu de létat de nos finances publiques il proposait de ne pas remplacer la moitié des fonctionnaires qui partaient en retraite, de manière à mieux rémunérer les autres, à mieux les former.
PATRICK COHEN Il a évolué depuis.
LUC CHATEL Non, puisque nous tenons sur cette ligne du non-remplacement d1 fonctionnaire sur 2.
PATRICK COHEN Pas dans la police.
LUC CHATEL Ecoutez, sur lensemble des fonctionnaires nous ne remplacerons pas la moitié des fonctionnaires qui partent en retraite, et cest important dexpliquer aux Français pourquoi nous le faisons. Je suis le ministre de l'Education nationale, le budget voté par le Parlement cette année pour lEducation nationale cest 60 milliards deuros. La France va emprunter pour boucler son budget sur le même exercice, 2011, 180 milliards deuros, c'est-à-dire trois fois le budget de lEducation nationale. Est-ce quon peut continuer éternellement cette fuite en avant ou finalement on laisse aux enfants qui sont dans nos classes aujourdhui, 20 000 euros de dette par élève, 20 000 euros de dette ? Ce nest pas possible. Donc nous avons décidé de mener cette politique, qui est difficile sans doute. Oui, cétait sans doute plus facile dêtre ministre de l'Education nationale quand on créait 10 ou 15 000 postes par an, et quand on ouvrait régulièrement des classes. Simplement, nous devons mener cet effort, nous le menons avec discernement. je rappelle que dans beaucoup de pays dEurope aujourdhui, on licencie des enseignants, on baisse leur rémunération, et on ferme, comme dans certains pays, comme au Portugal par exemple, un tiers des classes, un tiers des écoles de ce pays. Donc, nous navons pas décidé dadopter la même méthode, nous avons décidé dagir avec discernement, c'est-à-dire de réfléchir comment on peut mieux organiser le système éducatif. Je rappelle quà la rentrée prochaine, Patrick COHEN, il y aura plus de professeurs quil ny en avait il y a 15 ans dans le système éducatif, alors quil y a moins délèves.
PATRICK COHEN Il y aura aussi beaucoup plus délèves, Luc CHATEL, 4900 élèves de primaire et de maternelle en plus à la rentrée prochaine, et des professeurs en moins.
LUC CHATEL Regardez sur une longue période. Si vous regardez la démographie à lécole de la République sur une quinzaine, une vingtaine dannées, il y aura 500 000 élèves de moins à la rentrée prochaine quil ny en avait au début des années 90, alors quil y a 35 000 professeurs de plus. Donc le taux dencadrement il est meilleur. A la rentrée il y aura 25 élèves par maternelle en moyenne.
PATRICK COHEN Cest une moyenne.
LUC CHATEL Au début des années 90
PATRICK COHEN Cest une moyenne.
LUC CHATEL Oui cest une moyenne, je compare ce qui est comparable.
PATRICK COHEN Qui risque dêtre beaucoup plus élevée dans des zones où lEducation devrait être prioritaire, dailleurs ça sappelle comme ça, Zones dEducation Prioritaires.
LUC CHATEL Non, cest linverse, la moyenne cest justement le fait que dans les Zones dEducation Prioritaires on ait moins denfants par classe, et on ait plus de moyens.
PATRICK COHEN Cest vraiment le cas ?
LUC CHATEL Cest ce que nous faisons, 1 milliard deuros sont consacrés à léducation prioritaire, et ça passe notamment par le fait que dans les collèges il y a 4 élèves de moins par classe, en moyenne, dans les Zones dEducation Prioritaires. Et donc si on regarde sur une longue période Prenons les lycées professionnels, cest très important de préparer nos jeunes à des filières qui les insèrent dans la vie active, eh bien en lycée professionnel il y a aujourdhui une moyenne de 18 élèves par classe, ils étaient 23 au milieu des années 90. Donc, la vraie question cest, est-ce que moi ministre de l'Education nationale, jai les moyens dassurer un service public dEducation digne de ce nom ? La réponse, je vous le dis ce matin sur France inter, est oui. Le budget de lEducation na jamais été aussi élevé. Simplement la question, Patrick COHEN, cest de savoir comment on répartit ces moyens. Est-ce quon continue à faire comme depuis 20 ans, où la seule réponse que nous avions dans le domaine éducatif, cest de créer des postes et douvrir des classes ? Eh bien ce nest pas la bonne réponse, parce que si cétait la bonne réponse, ça aurait obtenu de meilleurs résultats.
PATRICK COHEN Convenez-vous, Luc CHATEL, que la prochaine rentrée se fera dans des conditions difficiles, comme la dit le rapporteur de la Commission des Finances de lAssemblée nationale, le député UMP Gilles CARREZ ?
LUC CHATEL Gilles CARREZ est dailleurs lui-même un adepte de la révision générale de la politique publique puisque cest lui qui a préconisé le non-remplacement d1 fonctionnaire sur 2, et il a raison, et je le soutiens dans cette démarche.
PATRICK COHEN Dans ce cas despèce, dans lEducation, il pense que la rentrée sera difficile. LUC CHATEL Je pense que la rentrée se passera dans de bonnes conditions, parce que nous avons travaillé sur la base des propositions du terrain. Je nai pas décidé, de manière unilatérale, depuis le 110 rue de Grenelle, où nous allions ouvrir, ou fermer des classes, ne pas remplacer un professeur qui part en retraite. Nous avons travaillé
PATRICK COHEN Non, mais vous avez fixé un cadre très strict et des objectifs que vous avez rappelés tout à lheure.
LUC CHATEL Oui, un cadre strict, et nous avons travaillé au cas par cas, lycée par lycée, école par école, pour optimiser les choses. Vous citiez tout à lheure un chiffre de 1500 classes, mais je rappelle que cette année nous allons ouvrir 3000 classes, et effectivement en fermer 4500, mais cest 0,6% des classes qui existent dans notre pays. Donc il faut rappeler que le service public de lEducation, cest le plus grand service public de proximité, quil y a 55 000 écoles dans notre pays, et que nous allons continuer à investir dans lécole, cest le premier budget de lEtat, je le rappelle, 22% du budget de lEtat y est consacré, et la France continue à investir, près d1 point de plus de son Produit Intérieur Brut, que la moyenne des pays développés, dans lEducation.
PATRICK COHEN Les parents délèves et les enseignants qui vous écoutent, peuvent comprendre des arguments budgétaires. En même temps, sur la règle du 1 fonctionnaire partant à la retraite, sur 2, non-remplacé, on a entendu il y a quelques semaines Claude GUEANT, ministre de lIntérieur, dire «cest une règle qui sera difficile dappliquer dans la police à lapproche de la présidentielle.» Pourquoi ce qui est valable dans la police nest pas valable pour lEducation ?
LUC CHATEL Ecoutez, moi je ne moccupe pas de la police, je moccupe de lEducation nationale. Ce que je constate cest que, encore une fois, depuis 15 ans, si on regarde objectivement les choses, le nombre délèves qui préparent le baccalauréat, naugmente plus. C'est-à-dire que nous avons progressé considérablement entre le début des années 80 et le milieu des années 90, nous avons triplé la proportion dune classe dâge que nous portons au baccalauréat, aujourdhui nous naugmentons plus nos résultats. Quand on regarde les comparaisons internationales, la France, 5ème puissance mondiale, est à la 22ème place des classements dans son système éducatif. Ça veut dire quoi ? Ça veut dire que la politique qui a consisté à garder les mêmes méthodes que nous avions au début des années 80 vis-à-vis de lEducation, ne fonctionne plus, et quil faut mettre en place une autre politique - cest ce que nous faisons depuis 2 ou 3 ans - qui a pour objectif de personnaliser et de faire en sorte quon trouve une solution pour chaque élève, donc de différencier les moyens, de faire plus là où il y a plus de besoins, daccepter quon fasse confiance au terrain, aux acteurs locaux, de mettre en place un système dautonomie des établissements. Cest ça que nous devons faire. Et ce nest pas la réponse, encore une fois, ne réside pas dans un puit sans fond, et nous lavons vu, qui nobtient pas les résultats escomptés.
PATRICK COHEN Luc CHATEL, ministre de l'Education, invité de France Inter.
Source : Premier ministre, Service dInformation du Gouvernement, le 19 mai 2011