Interview de Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, à Canal Plus le 16 mai 2011, sur l'arrestation à New York de Dominique Strauss-Kahn et le lancement d'un club de réflexion intitulé "Action durable novatrice" (ADN).

Prononcé le

Média : Canal Plus

Texte intégral

MAITENA BIRABEN Nathalie KOSCIUSKO-MORIZET, la ministre de l'Ecologie, du développement durable, des transports et du logement, par ailleurs, conseillère politique de lcUMP, est l'invitée de « La Matinale ». La classe politique, droite et gauche confondues, est toujours sous le choc de l'inculpation de Dominique STRAUSS-KAHN dans cette affaire inédite sous la 5ème République. Les petites phrases et les formules assassines ne sont pas de mise, à croire que les mots manquent aux politiques. Nathalie KOSCIUSKO-MORIZET, bonjour.
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Bonjour.
 
MAITENA BIRABEN Soyez la bienvenue.
 
CAROLINE ROUX Bonjour. Il y a une question qui se pose ce matin, est-ce que selon vous, Nathalie KOSCIUSKO-MORIZET, Dominique STRAUSS-KAHN est disqualifié pour la prochaine présidentielle ?
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Ecoutez, moi, d'abord, je suis très surprise de voir à quelle vitesse, en France, on court à la conclusion politique sur un sujet qui est un sujet grave, il est accusé d'actes très graves, on ne parle par exemple quasiment pas de la présumée victime, et puis, il y a déjà une victime avérée en plus de la présumée victime, je pense naturellement à la femme de chambre new-yorkaise, il y a une victime avérée qui est la France. Parce que quand même, l'image de la France, je n'ai pas lu la presse internationale ce matin, mais ça ne doit pas être formidable. C'est ça la réalité aujourd'hui, après, les conséquences politiques, elles vont venir, bien sûr. Mais en France, on y court en écartant, je trouve, tous les autres aspects, et notamment la personne qui est en cause.
 
CAROLINE ROUX Ça veut dire que, aujourd'hui, ce qui compte, c'est le temps de la justice américaine, et le temps politique doit s'accommoder de la justice américaine, sincèrement, vous y croyez ?
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Mais naturellement, on n'est pas dans un sujet avant tout politique, il va avoir des conséquences politiques, mais on est dans un sujet de droit, judiciaire, il y a une mise en accusation. Les faits reprochés sont très graves, ce qui impose d'être d'autant plus prudent. J'entendais ce que vous disiez sur la présomption d'innocence, oui, c'est vrai, les politiques sont prudents, mais je crois que les politiques doivent être d'autant plus prudents que les faits sont très graves, et avec les médias, on a tendance, le système a tendance à condamner, en quelque sorte, avant même… Ceci dit, moi, je dis, il faut être d'autant plus prudent que les faits sont très graves, il faut redire que les faits sont très graves, là-dessus, j'ai été très surprise d'un certain nombre de commentaires qu'il y a sur Internet, en France, on a tendance à traiter ces choses-là un peu à la légère, non, non, il n'y a pas à traiter à la légère. Les faits qui sont reprochés sont très graves. J'ajoute une chose sur la présomption d'innocence, c'est qu'on voit bien que Dominique STRAUSS-KAHN est traité comme un justiciable tout à fait normal, lambda, la nuit au poste, les menottes. Il a tous les droits et tous les devoirs, tous les devoirs, toute la procédure à l'américaine, c'est bien normal, tous les droits, donc la présomption d'innocence.
 
CAROLINE ROUX Certains proches de Dominique STRAUSS-KAHN ont évoqué le complot international pour l'abattre, est-ce que c'est un élément que vous prenez en considération, ou est-ce que vous l'écartez d'un revers de la main ?
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Je fais confiance à la justice américaine, c'est un Etat de droit, et ils diront tout ce qu'il y a à dire sur cette affaire. C'est tellement français de voir des complots partout, c'est un truc qu'on a en nous, à chaque fois qui se passe quelque chose, surtout quelque chose qui concerne les politiques, qui concerne le pouvoir, on va chercher le complot, c'est quelque chose, je crois, qui est dans notre culture.
 
CAROLINE ROUX Alors, est-ce que cette image qu'on voit partout ce matin, de Dominique STRAUSS-KAHN avec les menottes derrière le dos, est-ce que cette image qu'on n'est pas habitué à voir en France, vous dérange, vous choque ?
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Je ne vais même pas rentrer dans ce débat-là, ça vous dérange, vous choque… Le sujet, ça va être maintenant la procédure judiciaire, et quelles en sont les conclusions, les faits qui sont reprochés sont très graves, si les faits sont avérés, cette image, elle a lieu d'être, et toutes celles qui suivront. Si les faits ne sont pas avérés, il faudra qu'il soit blanchi. L'image en tant que telle, vous comprenez, on se concentre sur la personne, les sentiments, on est dans une procédure judiciaire…
 
CAROLINE ROUX Ils auraient pu le faire sortir par une porte dérobée, ça peut se faire, ça arrive en France, ce sont des images qu'on ne voit pas, donc voilà pourquoi on vous pose la question…
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Manifestement, les Américains ont choisi de traiter Dominique STRAUSS-KAHN, patron du FMI, comme un justiciable normal, toute la procédure. Et je dis, du coup, il faut qu'on fasse attention dans les médias à ce qu'il y ait aussi tous les droits, donc la présomption d'innocence, mais il y a bien toute la procédure, et je le redis : les faits reprochés sont très graves.
 
CAROLINE ROUX Bernard DEBRE a été un des seuls à faire un commentaire assez virulent à l'endroit de Dominique STRAUSS-KAHN, il a dit que c'était un homme peu recommandable. Il y a aussi une autre histoire qui est liée à ses propos, portés par Bernard DEBRE, c'est Tristane BANON, journaliste et écrivain, qui affirme que, elle aussi, a été victime d'une tentative de viol de la part de Dominique STRAUSS-KAHN. Comment est-ce que vous appréhendez ces informations, est-ce que là aussi, vous dites : attention, gardons notre calme, ou est-ce que vous approuvez cette déclaration d'un des membres de la majorité ?
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Ce que je dis clairement, c'est que quand on est dans des petits sujets, on peut commenter et avoir un point de vue, là, on est dans des sujets très lourds, il y a une accusation de viol, ça s'appelle un crime, et donc on ne peut pas avoir de point de vue personnel, en quelque sorte, on n'a pas à avoir de point de vue personnel, la justice est là pour dire ce qui s'est passé et pour condamner ou pour blanchir, et on a à avoir un peu de retenue vis-à-vis de la justice. Je crois que tout ce qu'on peut faire, c'est rappeler que s'il y a une victime présumée, c'est bien la femme de chambre new-yorkaise, je vous dis, je suis choquée par la façon, le tour que prennent les commentaires, mais c'est normal, on a notre point de vue à nous, en France, et on parle avant tout des conséquences politiques, c'est comme ça.
 
CAROLINE ROUX Alors, c'est l'actualité, bien entendu, qui commande, mais si on vous a invitée ce matin, c'était aussi pour parler de la présidentielle de 2012 et des idées, pour le coup, alors, j'espère qu'on va y revenir sur la question des idées dans cette campagne politique. Vous lancez ce matin un "think tank", un club de réflexion, et on se dit : tiens, c'est assez curieux, pourquoi Nathalie KOSCIUSKO-MORIZET n'a pas décidé de réfléchir au sein de l'UMP, ça n'est plus possible d'avoir des idées à l'UMP ?
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Ah, si, moi, je continue à le faire, là, j'organise une réunion cette semaine sur le thème du « vivre ensemble », c'était un début de réflexion que j'avais eu il y a un peu plus d'un an. Je participe à différents travaux à l'intérieur de l'UMP, mais là, c'est la suite plutôt de mes activités quand j'étais à la Prospective, et une espèce de frustration que j'ai eue vis-à-vis des "think tanks" existants, j'ai trouvé que c'était très universitaire, donc ce n'était pas beaucoup de la réflexion d'acteurs, on était un peu en retrait par rapport à la réalité des choses.
 
CAROLINE ROUX Mais ça sert à quoi, Nathalie KOSCIUSKO-MORIZET, pourquoi est-ce que vous faites ça ?
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Pour travailler sur un horizon plus lointain justement que celui que vous dites, tout le monde, là, par exemple…
 
CAROLINE ROUX 2017 ?
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Pff, pourquoi choisir forcément un horizon politique, pour travailler aujourd'hui sur les signaux faibles dans la société, il y a des choses qui sont présentes dans la société qui, à mon avis, seront présentes dans la politique en 2020, et dont aujourd'hui, on parle peu. Je prends un exemple, par exemple, la génération Y, tous ceux qui sont nés avec l'Internet, ceux qui ont aujourd'hui moins de 30 ans, qui sont en train d'arriver sur le marché du travail, qui, parfois, ont du mal à trouver une place sur le marché du travail, qui attendent du marché du travail autre chose, un autre mode de relations, moins hiérarchiques, des choses plus directes, du partage de l'information, on est dans un système dans lequel le pouvoir est organisé sur la rétention d'informations. Et là, on a une génération qui arrive sur le marché du travail qui, elle, est complètement dans le partage d'informations, avec les réseaux sociaux, avec Facebook, avec Internet…
 
CAROLINE ROUX Comment il s'appelle votre "think tank", pour terminer ?
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Il s'appelle l'ADN – Action Durable et Novatrice – voilà, on travaille sur la société de demain. On a aussi un très beau sujet sur l'économie politique des sexes, on est en pleine actualité.
 
MAITENA BIRABEN Décidément, l'ADN est dans l'actualité.
 Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 16 mai 2011