Entretien de M. Laurent Wauquiez, ministre des affaires européennes, dans le quotidien croate "Jutarnji List" du 30 mai 2011, sur la perspective de l'entrée de la Croatie dans l'Union européenne.

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Média : Jutarnji List

Texte intégral

Q - Concernant l'entrée de la Croatie dans l'Union européenne, est-il réaliste d'espérer la fin des négociations en juin ou juillet, et pourquoi ?
R - La France soutient avec détermination la candidature de la Croatie à l'entrée dans l'Union européenne. François Fillon l'avait déclaré l'été dernier à Dubrovnik : la Croatie sera le 28ème État-membre de l'Union européenne. Je l'ai rappelé la semaine dernière à Bruxelles, pour la France, c'est une certitude. Les efforts considérables consentis par votre pays pour satisfaire tous les critères d'adhésion devraient permettre une clôture rapide des négociations, si possible en juin.
Q - Quel sont les obstacles les plus importants, dans les prochaines années ?
R - La France est là pour aider la Croatie. Elle est à vos côtés et travaille pour que les négociations progressent vite. Des efforts restent à accomplir, s'agissant notamment du chapitre 23 (Justice et droits fondamentaux). Toute la difficulté est que l'appréciation de certains de ces efforts ne peut se faire qu'en tendance. Par exemple, il ne suffit pas d'avoir posé des règles garantissant le recrutement de magistrats indépendants ; il faut s'assurer que les magistrats effectivement recrutés sont bien indépendants et travaillent efficacement. Pour le dire autrement, il est important de vérifier que les réformes que la Croatie a effectuées sont bien mises en œuvre dans la durée.
Notre approche est pragmatique. Nous ne voulons pas bâcler l'élargissement mais nous ne voulons pas non plus retarder indéfiniment une adhésion au prétexte que l'on n'a aucun moyen de s'assurer de l'effectivité des mesures proposées. D'où l'idée d'un suivi.
Q – Qu'y a-t-il derrière cette idée de suivi ? Pensez-vous qu'elle sera acceptée ?
R - Il faut comprendre l'objectif de la France. Il ne s'agit pas de retarder l'adhésion de la Croatie mais au contraire de faciliter cette adhésion sur la base d'un processus sérieux et solide. C'est une position résolument européenne. C'est une position en soutien des efforts de la Croatie.
Votre pays ne s'y trompe pas. J'ai eu de nombreux contacts avec vos autorités et je crois que le gouvernement croate comprend bien que cette proposition aidera aussi à convaincre les États les plus réticents. J'ai en outre fait le déplacement à Berlin pour aller présenter cette approche. Nos amis allemands ne sont pas fermés à l'idée. Nous continuons de travailler avec eux, les autorités croates, la Commission et d'autres partenaires aux modalités envisageables. Les choses avancent bien.
Q - Pour quelle raison certains États expriment encore des réserves sur la fin des négociations ? Que pensez-vous des positions britannique et allemande ?
R - Ces États ont des préoccupations légitimes. Nourris par l'expérience des derniers élargissements et soucieux de ne pas créer de précédents fâcheux. Ils veulent être sûrs que l'élargissement croate sera irréprochable. C'est pourquoi ils sont intéressés par l'idée d'un mécanisme de suivi.
Q - Est-il réaliste de prévoir l'adhésion de la Croatie à l'Union européenne en juillet 2013 ?
R - Ce qui compte c'est que les efforts considérables entrepris jusqu'à la clôture des négociations ne s'arrêtent pas soudainement au lendemain de celle-ci. C'est pourquoi je suis convaincu de la pertinence de la proposition française : elle permet de clôturer les négociations et de fixer une date d'accession, tout en offrant des garanties sur la poursuite des réformes jusqu'à l'adhésion. Nous n'avons pas de calendrier préétabli en tête, les choses peuvent aller très vite.
Q - Que pouvons-nous attendre des pays de l'ex-Yougoslavie ? Y a-t-il un calendrier prévu pour leur avenir dans l'Union européenne ?
R - Ces pays ont vocation à intégrer à terme l'Union européenne, comme l'a dit très clairement le président Sarkozy. Mais leur situation est très hétérogène. L'Union discute avec chacun d'entre eux et la France, qui a toujours entretenu avec cette région une relation nourrie, suit ces discussions de près.
Q - Que peut attendre la Croatie dans les premières années d'adhésion, en particulier s'agissant de l'usage des fonds européens ?
R - L'entrée de la Croatie dans l'Union sera un événement historique. C'est le rassemblement de notre famille européenne. De façon plus pratique, quand la Croatie deviendra membre de l'Union européenne, elle aura accès à tous les financements, à toutes les aides auxquels les États membres sont éligibles. Mais attention ! Des droits impliquent aussi des devoirs : la Croatie devra supporter sa part des charges de l'Union européenne. Elle devra s'impliquer dans ce projet collectif qui nous rassemble. Je pense en particulier au rôle que la Croatie peut jouer pour soutenir la dimension méditerranéenne de l'Union dont les événements actuels dans le monde arabe nous montrent bien combien elle est essentielle.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 31 mai 2011