Conférence de presse de M. Pierre Moscovici, ministre délégué aux affaires européennes, sur le bilan du Conseil agriculture, les propositions de la Commission européenne et les réserves de la France relatives à la stabilisation des dépenses communautaires, à la reforme du financement de la politique agricole commune et des fonds structurels, et sur la préparation du Conseil européen extraordinaire de Berlin, Bruxelles le 21 mars 1999.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Réunion des ministres des affaires étrangères et européennes à Bruxelles (Belgique) le 21 mars 1999

Texte intégral

Nous sommes maintenant à trois jours de Berlin. Nous avons eu un conclave qui a permis déchanger les positions des uns et des autres sans que se nouent réellement des éléments déchange sur le coût des négociations. Je crois que la résolution pour conclure est assez générale. On voit aussi se dessiner les paramètres de la négociation finale, mais tout reste très ouvert.
Q - Etait-ce une réunion importante ?
R - Cela a été une réunion importante dans la mesure où on a pu voir très exactement ce que pensaient les uns les autres mais je mentirais en disant que la négociation elle-même na pas fait un pas aujourdhui. Cela na pas été négatif du tout. Les choses ont avancé.
On est après la tournée du Chancelier. Il y a une nouvelle proposition allemande, il y a des questions qui sont sur la table, certaines de ces propositions font avancer les choses, et si je devais mexprimer sur le fond, je dirais premièrement, à ce stade, le « paquet » reste trop coûteux. Nous continuons à dire que la stabilisation de la dépense sur toutes les rubriques est la seule solution pour réformer correctement les politiques communes, pour préparer lélargissement et pour résoudre les déséquilibres budgétaires qui se présentent.
On voit se dessiner des éléments de solution sur les ressources, je pense notamment au passage à la ressource PNB qui me paraît progresser, ce qui est quelque chose de favorable. Il y a également une discussion qui se précise sur le chèque britannique. Deux éléments nous paraissent tout à fait négatifs et pas acceptables, qui sont, dune part, la mise en place dun système de financement du rabais britannique qui ferait reposer à lexcès ce financement sur certains pays dont le nôtre, et, dautre part, lécrêtement généralisé des soldes qui est pour nous une solution systémique tout à fait négative et que nous refusons au même titre que le cofinancement. Voilà pour laspect ressources qui a quand même été le principal élément aujourdhui.
Sur les fonds structurels, nous continuons à plaider là aussi pour la stabilisation, cest-à-dire pour une enveloppe qui sen tienne à 200 MDS deuros même si nous sommes prêts à faire des pas pour prendre en compte les problèmes des uns et des autres, même si nous pensons notamment quon peut passer de critères nationaux, à des critères régionaux en tout cas en partie pour les calculs. En ce qui concerne la Politique agricole commune, je ne vous surprendrais pas en disant que nous plaidons là aussi pour la stabilité et que cette stabilité suppose pour nous quon fasse des économies complémentaires, ce qui passe par une réforme du lait qui soit différée, que nous souhaitons également quil y ait de moindres baisses de prix sur les céréales, que nous plaidons pour la dégressivité, ceci sans négliger dautres demandes que nous faisons sur le boeuf ou sur les oléagineux. Il nous paraît donc très important que la dégressivité dont la Commission a reparlé, soit introduite dans ce cadre plus global dans lequel on complète le « paquet » du 11 mars par des mesures positives que nous souhaitons.
Q - La crise de la Commission nimpose-t-elle de trouver un accord à Berlin sur lAgenda 2000 ?
R - Je pense que tout le monde souhaite conclure à Berlin. Cela fait longtemps quon est conscient de cette nécessité. Les éléments sont sur la table depuis longtemps. Gagner du temps ne permettrait pas de progresser davantage. Cest vrai quen plus cela créerait un climat qui serait peu propice. Nous souhaitons donc sincèrement conclure. En même temps, ce nest pas lié à une pression particulière qui découle du contexte national, cest dans les données de lAgenda 2000 elle-même.
Q - Pourquoi rouvrir le paquet agricole sur le plan technique ?
R - Nous ne rouvrons pas le paquet agricole. Pourquoi considérerions-nous que nous rouvrons un paquet agricole que nous navons pas accepté ? Je veux rappeler que pour nous ce nest pas un accord, que des réserves ont été formulées dès le 11 mars et que nous considérons à la fois quil y a des avancées dans ce paquet agricole, que nous ne nions pas, qui peuvent concerner la viande bovine, la prime pour la vache allaitante, le fait quon ait évité la réforme immédiate du lait, quil y a eu quelques concessions sur les céréales ou sur les oléagineux.
Je ne suis pas du tout en train de dire que ce Conseil agricole a été inutile. Il a permis davancer et en même temps nous considérons que ce Conseil a été insuffisant, insatisfaisant, sur plusieurs points. Le premier point est que le « paquet » proposé par la présidence allemande, le 11 mars, est un « paquet » trop coûteux de 7 MDS deuros. Nous disons, et là, nous le dirons à Berlin, il faut en rester à 40,5 MDS deuros. Pas un de plus, pas un de moins.
Par exemple, on envisage que la Commission fasse des économies de gestion, je dis oui, bien sûr, mais pour autant il faut quun chiffre soit affiché, et ce chiffre doit être de 40,5 MDS. Cest la première de nos réserves. Pour le reste, nous pensons quon doit et quon peut aller plus loin dans la voie déconomies et je répète que ces économies, pour nous, concernent essentiellement le report des éléments de la réforme du lait actuellement prévue à partir de 2003, - nous souhaitons quelle soit remise à la date du premier élargissement au moins deux ans. Nous souhaitons, par ailleurs, une moindre baisse du prix des céréales. Nous avons aussi dautres mesures techniques concernant les oléagineux ou le boeuf.
Ce nest pas une réouverture du paquet agricole au sens où nous dirions : tout cela nest ni fait ni à faire ; cela ne sert à rien. Cest le souci de compléter le paquet agricole, de le faire revenir à la stabilité à laquelle nous tenons.
Q - Vous dites, on peut arriver à Berlin, mais à quoi ? Je veux dire à Berlin, ils ne vont pas reporter la réforme du lait, ni renégocier les primes à la vache allaitante. Il y aura nécessairement une instruction aux ministres de lAgriculture de refaire quelque chose.
R - Je ne fais pas de politique fiction. Donc, je ne sais pas à quoi on peut arriver à Berlin. Ce que je sais, cest quà Berlin, il y a deux trois choses qui me paraissent quand même possibles.
Première chose, il faut arriver à une enveloppe financière, vous en serez daccord. Cette enveloppe financière doit être fixée. Cest bien lAgenda 2000 et cela suppose donc quon ait un cadrage budgétaire. Ce cadrage budgétaire concernant la PAC doit être 40,5 MDS deuros. Je le répète.
Deuxième chose : je ne vois nulle impossibilité, quà Berlin, on décide dun report complémentaire de la réforme du lait. Je sais que nous ne sommes pas les seuls à le souhaiter. Certains lont dit aujourdhui, dautres le pensent.
Troisième chose, la proposition de la dégressivité est toujours sur la table. La Commission la évoquée sous une certaine forme, forme qui, dailleurs, ne permet pas, on le voit, de faire toutes les économies nécessaires puisque cest à peu près 3 MDS deuros. Jajoute par ailleurs que décider, par exemple, une moindre baisse du prix des céréales ne me paraît pas hors de portée.
Donc ne disons pas quil nest pas possible de faire ou de ne pas faire à Berlin ! Il est possible de faire. On peut être sceptique. Je ne nierais pas que beaucoup de délégations ont dit quil ne fallait pas rouvrir ce paquet agricole mais ne disons pas « il nest pas possible de ».
Dautant que ce nest pas - encore une fois - une renégociation globale que nous demandons : ce sont des compléments pour entrer dans la mécanique de stabilisation de la dépense qui est celle que nous défendons depuis le premier jour et qui est celle de Petersberg.
Q - (Sur une nouvelle négociation des ministres de lAgriculture)
R - Pour moi, il ne sagit pas de tout rouvrir, de tout dénouer. Il sagit de compléter le paquet agricole - parce quil est insatisfaisant -, par une série de points politiques fondamentaux auxquels nous tenons et qui ont une pertinence dans la globalité budgétaire. Ne faisons pas comme si cétait la France qui casse la baraque agricole ! Ce nest absolument pas cela. Ce sont des compléments utiles que plusieurs pays souhaitent et qui, en plus, permettent datteindre les objectifs financiers de lUnion.
Q - Est-ce que les ministres de lAgriculture seront à Berlin ?
R - Non, cest un Sommet européen.
Q - Pourtant, sur les trois points que vous citez, il y en a deux qui relèvent de lagriculture.
R - Je voudrais faire un petit rappel institutionnel. Berlin est un Conseil européen, cest-à-dire quy siègent chefs dEtat et de gouvernement, comme cest toujours le cas. Nous abordons toujours des questions qui ont trait aux gouvernements mais en général on ne convoque pas les ministres. Les seuls qui sont invités sont les ministres des Affaires étrangères, des Affaires européennes, et les ministres de lEconomie et des Finances pour un certain nombre de points. Cest un Sommet dans un format normal.
Q - Sur les ressources propres : quest-ce quil y a sur la table actuellement ?
R - Il y a le passage à la ressource TVA à la ressource PNB : nous y sommes favorables. Il y a lidée que les dépenses délargissement soient incluses dans les modalités de calcul de chaque Britannique, puisque lon remette aussi en cause un certain nombre de produits indus. Deux autres questions étaient posées, qui pour nous, sont beaucoup moins positives. Dune part, lidée de revoir les modes de financement du chèque britannique. Vous savez que les Allemands paient un peu moins que ce quils devraient ? Ils paient 66%, les autres payant 100% de leur montant théorique. Lidée selon laquelle ce mécanisme dérogatoire pour lAllemagne serait, dune part, accru, dautre part, étendu à dautres pays. Ce qui réduirait, au final, le financement de la contribution britannique à trois, quatre ou cinq Etats dont la France.
Nous ne le souhaitons pas parce que nous pensons que cest à la fois anti-communautaire et extraordinairement coûteux. Puis il y a toujours lécrêtement généralisé des soldes rebaptisé « filet de sécurité général » et nous sommes tout à fait hostiles à cette modalité.
Il y a deux propositions qui vont dans le bon sens : premièrement, le passage TVA/PNB ; deuxièmement, remise en cause du chèque britannique avec inclusion au moins des dépenses délargissement dans le calcul du chèque britannique. Cest assez considérable et représente une réduction du chèque assez significative. Cela représente un retour en plus sur lAllemagne qui est assez important. Et, il y a deux nouveaux mécanismes qui sont proposés. Le premier est de modifier les clés de financement du chèque britannique, donc les contributions des uns et des autres. Ce nest pas une excellente affaire. Quant à lécrêtement, hostilité au nom des principes de lesprit communautaire, voilà ce que sont nos positions sur les ressources propres.
Q - (Sur les pays contributeurs nets)
R - Je ne suis pas favorable à un système dans lequel on distinguerait les « très contributeurs nets », les pays de la cohésion et les autres. Cest cela, au fond, la logique de la proposition ou de lidée allemande. Cela reviendrait à faire payer le chèque britannique par les Italiens, les Français et quelques autres comme les Belges.
Q - (Sur lécrêtement)
R - Cest le principe qui nous gêne. Par contre, sur les modalités de financement du chèque britannique, sil faut faire un geste pour lAllemagne, compte tenu du fait quelle a déjà un statut dérogatoire, cest autre chose. Mais cest la seule ouverture que jai pu faire sur ce point.
Q - (Sur la stabilisation)
R - Il y a dabord au moins deux pays qui sont plus durs que nous sur la stabilisation. Je dis au moins deux. Je pense quil y a dautres. Il y a au moins les Pays-Bas et la Suède. Je pense aussi quil y a dautres pays nordiques. Il y a dautres pays qui sont aussi rigoureux que nous, notamment les Britanniques. La présidence allemande nest pas loin de cela. Il est évident que nous ne sommes pas contre répondre, de façon spécifique, aux problèmes de tel ou tel pays Nous savons que les Portugais ont un problème. Nous sommes favorables à le résoudre. Nous savons que les Espagnols ont des difficultés, que les Suédois ont quelques problèmes. Nous sommes donc favorables à résoudre ces problèmes dans le cadre de la stabilisation mais je pense que le front de la stabilisation est majoritaire au Conseil.
Q - (Sur la nomination de la nouvelle Commission )
R - Je trouve que lidée de nommer un président rapidement est une idée très sage. En revanche, je crois quil faudra tenir compte effectivement de ce qui pourra se passer et aussi des prérogatives du Parlement. Autrement dit, la solution Bénélux est une bonne solution à mes yeux parce quelle est à la fois rapide et sans précipitation. Nommer un président maintenant et avec ce nouveau président, en liaison avec le Conseil, réfléchir au collège pour quensuite ce collège soit ratifié selon la procédure dAmsterdam.
Au niveau des Commissaires, nous avons tout le temps pour examiner sereinement cette importante question.
Q - Mais quest-ce quon fait dici là ? Vous nommez le nouveau président entre Berlin et le 12 avril .
R - Il faut examiner cette chose de façon très pondérée. De toute façon, la Commission est là, elle travaille et dans le papier il y a la demande qui est faite par les pays du Conseil qui lui demande de continuer à travailler.
Q - Vous sentez quil y a un consensus sur le nom du président.
R - Vous faites très bien votre travail et vous savez très bien quels sont les noms sur la table. M. Prodi est un est des noms évoqués par tout le monde et ce nest pas le seul. Tous les noms que lon évoque sont en piste. Ce sont tous des noms de candidats qui peuvent très bien faire de bons présidents de la Commission./.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 25 mars 1999)