Texte intégral
A partir du 1er juillet 2011, la Pologne sera chargée de la présidence du Conseil de lUE. Quelles sont vos attentes envers Varsovie ?
L. W. : Dabord, je veux dire combien cette première présidence polonaise est importante à mes yeux. La réunification du continent européen, la libération des pays dEurope centrale et orientale est le grand tournant historique de la seconde moitié du XXème siècle. Que la Pologne prenne aujourdhui la tête de lUE est évidemment pour moi un symbole très fort. La Présidence a été très bien préparée, depuis de longs mois et jai toute confiance dans la Pologne pour assumer cette responsabilité. Cest un moment important pour lUE, les enjeux sont majeurs, du renforcement de lespace Schengen à la gouvernance économique. La France fera naturellement tout pour soutenir la Présidence polonaise dans ses travaux et je serai mobilisé pour ly aider avec mon partenaire Milkolaj Dowgielewicz. Cest pour cela que voulais venir à Varsovie quelques semaines avant le début de la Présidence !
Varsovie sest donné des objectifs nombreux et ambitieux, notamment le rapprochement avec lUkraine et le Partenariat oriental. Au moment où surtout la France mais également le reste de lUE est tournée vers les pays de lAfrique du Nord et les pays arabes dans la tourmente, ces objectifs semblent difficiles à réaliser
L. W. : Il ny a aucune hiérarchie à faire entre voisinage oriental et voisinage méridional. Le "printemps arabe" est un événement historique, comme lavait été lannée 1989, et le défi pour lUE est dêtre à la hauteur des attentes au Sud de la Méditerranée. Cela ne veut évidemment pas dire que lon sacrifie le voisinage oriental. Je vais vous donner un seul chiffre pour le démontrer : dici 2013, lUE aura augmenté de plus de 60% son aide financière au voisinage Est par rapport à 2007 et ce malgré la crise financière et économique mondiale. La France est très active en direction de nos voisins orientaux, nous lavons prouvé durant notre Présidence, que ce soit vis-à-vis de la Géorgie ou de lUkraine. Comme le montrera le sommet du Partenariat oriental à Varsovie fin septembre, le rapprochement entre lUE et ses voisins de lEst progresse réellement. Mais soyons réalistes ! Les choses ne changeront pas du jour au lendemain. Les objectifs que nous nous sommes fixés sont très ambitieux et demandent de gros efforts dadaptation à nos voisins.
Lélargissement de lUE, que Varsovie veut faire avancer, nest pas du goût de tout le monde. Vous-même avez dit récemment, après larrestation de Ratko Mladic, quil faut plus de temps avant daccueillir les pays des Balkans. Cet élargissement est-il encore possible ? Est-ce une façon de dire que rien ne va plus ?
L. W. : Les États des Balkans occidentaux ont clairement vocation à intégrer lUnion européenne. Il ny a aucune ambiguïté et larrestation de Mladic rapproche la Serbie de lUnion européenne. La Croatie sera le 28e État membre de lUnion. La France y est très favorable et souhaite que le traité dadhésion avec la Croatie puisse être signé rapidement. Cette adhésion est très importante car elle constituera un signal positif pour les tous les pays des Balkans et pour la stabilité de la région. Avec la mise en place des réformes attendues, la perspective dadhésion devient en effet une réalité tangible. Là aussi, soyons réalistes. Pour que lélargissement reste accepté par nos opinions publiques, nous devons veiller au sérieux du processus jusquau bout. Cest une démarche résolument européenne qui nous anime, et il en va de la crédibilité de lUE toute entière.
Q : La Pologne souhaite relancer de lEurope de la Défense. Objectif que la France na pas pu réaliser pendant sa présidence de lUE. Pourquoi cette fois-ci ce projet devrait-il aboutir ?
L. W. : Dabord, je suis convaincu que pour peser sur la scène internationale et défendre sa sécurité, lEurope a besoin doutils rénovés, y compris militaires. Je me félicite que la Pologne ait pris conscience de lenjeu et en ait fait une priorité de sa Présidence. Cela se fait dans la continuité de la présidence française de 2008 et je me réjouis de la volonté de progresser avec lAllemagne dans le cadre du triangle de Weimar. Nos trois pays ont ainsi proposé des pistes daction à Mme Ashton pour muscler la politique de défense européenne. Je souhaite quelles puissent être mises en uvre rapidement sous présidence polonaise. Il faut en particulier que lEurope soit capable de planifier plus rapidement ses interventions militaires. Par ailleurs, le contexte budgétaire est difficile. Mieux mutualiser nos capacités et nos matériels est une nécessité. LEurope doit développer des projets concrets pour le transport militaire aérien ou le déminage maritime par exemple. Tout cela se fait de façon complémentaire avec lOtan et je men réjouis.
La sécurité énergétique est une autre priorité de la présidence polonaise. Le projet North Stream a montré que ceux qui parlent le plus de politique commune et dintérêt commun, conduisent ensuite une politique favorable à leur intérêt national. Comment la France veut-elle soutenir Varsovie à cet égard ?
L. W. : Là encore il y a beaucoup de convergences entre la Pologne et nous. La sécurité énergétique était lune des priorités de la présidence française en 2008. La Présidence polonaise a saisi lampleur de lenjeu et veut passer aux actes. Il faut len féliciter. Chaque État membre fait librement son choix entre les différentes sources dénergie pour atteindre nos objectifs communs, cest-à-dire une énergie qui soit à la fois propre, sûre et compétitive. Cest ce que dit le traité. Ça ne veut pas dire quil ny ait pas de place pour une action forte de lUnion, bien au contraire ! Les pays européens doivent mieux se coordonner pour parler dune seule voix dans les négociations avec les pays tiers, notamment la Russie. Nous devons aussi appliquer le principe de réciprocité à lénergie : cest une excellente chose que lEurope soit à la pointe sur la lutte contre le changement climatique ou les normes de sûreté nucléaire mais nous devons pousser les pays voisins à accepter le même niveau dexigence.
La Pologne souhaite également aider les démocraties naissantes en Tunisie, Libye et Égypte. Quel rôle la Pologne peut-elle jouer dans le processus de transformation dans ces pays ?
La Pologne a vécu une transition politique et une démocratisation rapide depuis 1989. Elle accorde donc une attention particulière aux événements des pays de la rive Sud de la Méditerranée. Je pense que la Pologne, comme les autres pays dEurope centrale, peut être une source dinspiration pour nos voisins méridionaux qui, à leur tour, sengagent dans la voie de la démocratie. Comme la récemment déclaré le Ministre polonais des Affaires étrangères, M. Sikorski : « Les pays arabes peuvent sinspirer de nos succès et sinformer de nos erreurs ». Nous attendons beaucoup du rôle très positif que peut jouer la Pologne en ce sens.
Source http://www.ambafrance-pl.org, le 21 juin 2011
L. W. : Dabord, je veux dire combien cette première présidence polonaise est importante à mes yeux. La réunification du continent européen, la libération des pays dEurope centrale et orientale est le grand tournant historique de la seconde moitié du XXème siècle. Que la Pologne prenne aujourdhui la tête de lUE est évidemment pour moi un symbole très fort. La Présidence a été très bien préparée, depuis de longs mois et jai toute confiance dans la Pologne pour assumer cette responsabilité. Cest un moment important pour lUE, les enjeux sont majeurs, du renforcement de lespace Schengen à la gouvernance économique. La France fera naturellement tout pour soutenir la Présidence polonaise dans ses travaux et je serai mobilisé pour ly aider avec mon partenaire Milkolaj Dowgielewicz. Cest pour cela que voulais venir à Varsovie quelques semaines avant le début de la Présidence !
Varsovie sest donné des objectifs nombreux et ambitieux, notamment le rapprochement avec lUkraine et le Partenariat oriental. Au moment où surtout la France mais également le reste de lUE est tournée vers les pays de lAfrique du Nord et les pays arabes dans la tourmente, ces objectifs semblent difficiles à réaliser
L. W. : Il ny a aucune hiérarchie à faire entre voisinage oriental et voisinage méridional. Le "printemps arabe" est un événement historique, comme lavait été lannée 1989, et le défi pour lUE est dêtre à la hauteur des attentes au Sud de la Méditerranée. Cela ne veut évidemment pas dire que lon sacrifie le voisinage oriental. Je vais vous donner un seul chiffre pour le démontrer : dici 2013, lUE aura augmenté de plus de 60% son aide financière au voisinage Est par rapport à 2007 et ce malgré la crise financière et économique mondiale. La France est très active en direction de nos voisins orientaux, nous lavons prouvé durant notre Présidence, que ce soit vis-à-vis de la Géorgie ou de lUkraine. Comme le montrera le sommet du Partenariat oriental à Varsovie fin septembre, le rapprochement entre lUE et ses voisins de lEst progresse réellement. Mais soyons réalistes ! Les choses ne changeront pas du jour au lendemain. Les objectifs que nous nous sommes fixés sont très ambitieux et demandent de gros efforts dadaptation à nos voisins.
Lélargissement de lUE, que Varsovie veut faire avancer, nest pas du goût de tout le monde. Vous-même avez dit récemment, après larrestation de Ratko Mladic, quil faut plus de temps avant daccueillir les pays des Balkans. Cet élargissement est-il encore possible ? Est-ce une façon de dire que rien ne va plus ?
L. W. : Les États des Balkans occidentaux ont clairement vocation à intégrer lUnion européenne. Il ny a aucune ambiguïté et larrestation de Mladic rapproche la Serbie de lUnion européenne. La Croatie sera le 28e État membre de lUnion. La France y est très favorable et souhaite que le traité dadhésion avec la Croatie puisse être signé rapidement. Cette adhésion est très importante car elle constituera un signal positif pour les tous les pays des Balkans et pour la stabilité de la région. Avec la mise en place des réformes attendues, la perspective dadhésion devient en effet une réalité tangible. Là aussi, soyons réalistes. Pour que lélargissement reste accepté par nos opinions publiques, nous devons veiller au sérieux du processus jusquau bout. Cest une démarche résolument européenne qui nous anime, et il en va de la crédibilité de lUE toute entière.
Q : La Pologne souhaite relancer de lEurope de la Défense. Objectif que la France na pas pu réaliser pendant sa présidence de lUE. Pourquoi cette fois-ci ce projet devrait-il aboutir ?
L. W. : Dabord, je suis convaincu que pour peser sur la scène internationale et défendre sa sécurité, lEurope a besoin doutils rénovés, y compris militaires. Je me félicite que la Pologne ait pris conscience de lenjeu et en ait fait une priorité de sa Présidence. Cela se fait dans la continuité de la présidence française de 2008 et je me réjouis de la volonté de progresser avec lAllemagne dans le cadre du triangle de Weimar. Nos trois pays ont ainsi proposé des pistes daction à Mme Ashton pour muscler la politique de défense européenne. Je souhaite quelles puissent être mises en uvre rapidement sous présidence polonaise. Il faut en particulier que lEurope soit capable de planifier plus rapidement ses interventions militaires. Par ailleurs, le contexte budgétaire est difficile. Mieux mutualiser nos capacités et nos matériels est une nécessité. LEurope doit développer des projets concrets pour le transport militaire aérien ou le déminage maritime par exemple. Tout cela se fait de façon complémentaire avec lOtan et je men réjouis.
La sécurité énergétique est une autre priorité de la présidence polonaise. Le projet North Stream a montré que ceux qui parlent le plus de politique commune et dintérêt commun, conduisent ensuite une politique favorable à leur intérêt national. Comment la France veut-elle soutenir Varsovie à cet égard ?
L. W. : Là encore il y a beaucoup de convergences entre la Pologne et nous. La sécurité énergétique était lune des priorités de la présidence française en 2008. La Présidence polonaise a saisi lampleur de lenjeu et veut passer aux actes. Il faut len féliciter. Chaque État membre fait librement son choix entre les différentes sources dénergie pour atteindre nos objectifs communs, cest-à-dire une énergie qui soit à la fois propre, sûre et compétitive. Cest ce que dit le traité. Ça ne veut pas dire quil ny ait pas de place pour une action forte de lUnion, bien au contraire ! Les pays européens doivent mieux se coordonner pour parler dune seule voix dans les négociations avec les pays tiers, notamment la Russie. Nous devons aussi appliquer le principe de réciprocité à lénergie : cest une excellente chose que lEurope soit à la pointe sur la lutte contre le changement climatique ou les normes de sûreté nucléaire mais nous devons pousser les pays voisins à accepter le même niveau dexigence.
La Pologne souhaite également aider les démocraties naissantes en Tunisie, Libye et Égypte. Quel rôle la Pologne peut-elle jouer dans le processus de transformation dans ces pays ?
La Pologne a vécu une transition politique et une démocratisation rapide depuis 1989. Elle accorde donc une attention particulière aux événements des pays de la rive Sud de la Méditerranée. Je pense que la Pologne, comme les autres pays dEurope centrale, peut être une source dinspiration pour nos voisins méridionaux qui, à leur tour, sengagent dans la voie de la démocratie. Comme la récemment déclaré le Ministre polonais des Affaires étrangères, M. Sikorski : « Les pays arabes peuvent sinspirer de nos succès et sinformer de nos erreurs ». Nous attendons beaucoup du rôle très positif que peut jouer la Pologne en ce sens.
Source http://www.ambafrance-pl.org, le 21 juin 2011