Interview de M. Laurent Wauquiez, ministre des affaires européennes, à Radio France le 21 juin 2011, sur la remise en cause par la Commission européenne de la contribution de l'Union européenne aux banques alimentaires.

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Circonstance : Conseil affaires générales, à Luxembourg le 21 juin 2011

Média : Emission Face à Radio France - Radio France

Texte intégral

Q - Quelle est cette problématique et le scandale éventuel au sujet des banques alimentaires et de la contribution de l'Union européenne ?

R - Il faut essayer de l'expliquer assez simplement. Au début, ces banques alimentaires étaient approvisionnées grâce aux surplus de la Politique agricole commune. On produisait trop de beurre, trop de lait, par exemple. Plutôt que de les jeter, un certain nombre de pays dont la France avec Jacques Delors, avaient dit : «utilisons ces excédents pour les donner à des gens qui en ont besoin», les Restos du cœur, les banques alimentaires, le Secours populaire, la Croix rouge, ce qui était finalement une très belle façon de faire de l'Europe, une façon généreuse, une façon concrète. Aujourd'hui, nous n'avons plus d'excédent et un certain nombre de pays ont saisi la Commission pour dire que cela ne rentre plus dans le cadre initial et contestent que cette action relève de la politique communautaire. Quelle est la position de la France ? Il faut faire cesser ces démarches négatives. Le but n'est pas de faire de la technocratie administrative, le but n'est pas d'être tatillon sur tel ou tel dispositif, le but c'est quoi ? Certains citoyens européens sont en souffrance, des gens ont été frappés par la crise, est-ce que là, maintenant, on peut décemment dire que l'Europe va arrêter d'aider ceux qui en ont besoin dans cette période ? Ce serait totalement inepte.

Que l'on ait un problème de mode de financement, que l'on dise, maintenant on ne peut plus le brancher uniquement sur les excédents agricoles, d'accord, mais que l'on ne nous dise pas, en prenant alibi de cela, que maintenant on va arrêter d'aider les Restos du cœur, Emmaüs ou ce type de structure qui en ont besoin. La France plaide pour ne pas abandonner cette politique, même si on comprend que la Commission applique une décision de la Cour de Justice, on comprend qu'on ait besoin de reconcevoir cette politique. Parce qu'à mes yeux, l'Europe doit être une Europe concrète. J'ai besoin d'avoir une Europe que les gens comprennent. J'ai besoin d'avoir une Europe où on peut dire, voilà, l'Europe à côté de chez vous c'est ça, ce n'est pas que les règlements, ce n'est pas que les directives, ce n'est pas que la contrainte ou les efforts budgétaires, c'est une Europe en positif et j'aimerais bien aussi que les politiques français défendent plus souvent cela, que l'on arrête ce côté bouc-émissaire. Ne jetons pas la pierre à l'Europe, travaillons ensemble pour trouver une solution commune.

Q - Mais on ne peut pas dire en même temps, il faut faire des économies au niveau européen, sur le budget communautaire et en même temps dire il faut «claquer» de l'argent pour les banques alimentaires ou d'autres œuvres charitables ?

R - Je crois précisément que cela n'est pas « claquer » de l'argent comme vous le dites, je crois que cette politique-là est très utile parce que c'est le signe aussi d'une Europe qui est capable de prendre en charge et d'avoir une attention pour les plus fragilisés d'entre nous ; je suis attaché à cela, l'Europe est aussi partie du souvenir de la guerre, elle a des traditions humanistes, des traditions qui remontent à la démocratie chrétienne, cela fait partie de notre héritage et de ce qu'est l'identité européenne.

Q - C'est la Politique agricole commune qui devra financer ou on ira chercher cela ailleurs ?

R - Oui. Mais je ne veux pas me faire emprisonner dans une approche européenne où on finit par avoir une logique uniquement administrative. L'Europe c'est plus que cela, cela vaut plus que cela. On se dit qu'il faut aider les plus fragilisés, on le fait.

Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 23 juin 2011