Conférence de presse de Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'Etat aux solidarités et à la cohésion sociale, sur les principales recommandations des rapports des quatre groupes de travail sur la dépendance, Paris le 20 juin 2011.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Texte intégral

Ces quatre rapports très intéressants viennent compléter les contributions que nous avons pu recueillir, Roselyne Bachelot et moi-même, lors de nos entretiens bilatéraux, les 26 débats interdépartementaux et les 4 débats interrégionaux, ainsi que les avis qui sont actuellement élaborés par les différentes institutions saisies par le Gouvernement : le CESE, le HCCAM, le Haut Conseil de la Famille.
Ils documentent de façon extrêmement approfondie les axes forts qui émergent de toutes ces contributions.
Sans revenir dans le détail sur toutes ces contributions, je voudrais souligner rapidement quelques points forts qui font écho avec des éléments qui ressortent de mon point de vue de façon très nette de ce grand débat et la direction à laquelle nous invite une lecture transversale de ces différents rapports :
1/ Porter une attention aux personnes âgées dépendantes, c'est vouloir prendre appui sur les capacités résiduelles pour restaurer ou maintenir l'autonomie le plus longtemps possible. Telle doit être notre ambition.
C'est ce que les Français nous demandent. C'est ce que retraduit le débat sémantique que nous avons pu avoir de façon systématique lors de chacun des débats. Le rapport d'Annick Morel s'ouvre sur ce sujet.
Il m'importe de le souligner moins en raison d'un intérêt personnel pour la linguistique qu'en raison du changement de posture auquel cela nous invite.
2/ Une politique ambitieuse de réponse à la perte d'autonomie doit faire une part très importante à la prévention.
Un certain nombre de propositions d'amélioration de nos dispositifs de prévention sont faites.
Je veux insister sur la conception large que nous devons avoir de la prévention.
- c'est certes la mobilisation des outils traditionnels de santé publique, le plus tôt possible, et de manière plus ciblée sur les personnes fragiles, afin de ne pas trop se disperser.
- c'est aussi considérer que le maintien des relations sociales, l'adaptation de l'habitat, l'inclusion de la personne âgée dans la société constituent des ingrédients indispensables de la prévention de la dépendance
« Les personnes âgées doivent certes compter sur (le droit – l'aide) mais aussi compter pour (le devoir – la participation sociale) »
La mise à jour des scénarios d'évolution démographique sont une invitation à agir lorsque l'on sait que le scénario central retenu n'est plus celui où chaque année de vie gagnée serait une année en bonne santé, comme c'était encore le cas au début des années 2000.
« Aujourd'hui, les Français attendent des réponses en matière de lien social et d'activité là où nous avons pris l'habitude de répondre surtout en termes de soins. »
3/ Afin de mieux prévenir le phénomène de glissement vers la dépendance et répondre aux attentes des Français, nous sommes invités à infléchir les modes d'accompagnement proposés.
Depuis 20 ans, nous avons privilégié la réponse santé, en faisant évoluer les maisons de retraite en lieux de soin. C'était nécessaire pour faire face au défi de l'allongement de la vie et d'une dépendance toujours plus lourde. Notre attention ne doit plus être accaparée par cette unique préoccupation.
Aujourd'hui, les rapports d'Annick Morel comme d'Evelyne Ratte insistent sur la nécessité de développer des solutions intermédiaires et mieux coordonner les interventions autour des personnes.
Entre le maintien à domicile ordinaire et l'EHPAD parfois indispensable, il y a de la place pour des solutions innovantes qui proposent de nouvelles manières de vivre « chez soi ». Ces solutions « intermédiaires » d'accompagnement doivent favoriser la participation des personnes âgées à la société, et qu'elles contribueront à prévenir les phénomènes de glissement vers la dépendance.
Le sondage commandé par Humanis et publié la semaine dernière montre que le modèle le plus plébiscité est la résidence seniors ou résidence service. Les personnes interrogées dessinent, à travers leurs réponses à ce sondage, le portrait robot de ces solutions intermédiaires, qui se situent probablement dans le champ des politiques du logement et de l'urbanisme, accompagnées en termes de services et de soins par le secteur médico-social.
Cette inflexion vers une prise en charge moins médicalisée doit répondre à l'inefficience globale de notre système dont l'hôpital est le principal symptôme.
Trop de personnes âgées sont hospitalisées ; elles le sont aussi trop longtemps :
- c'est un gâchis humain tout d'abord, lorsque l'on considère les conséquences d'hospitalisations trop longues sur l'autonomie des personnes âgées ;
- cela constitue aussi une gabegie financière lorsque l'on considère le coût de ces séjours hospitaliers qui souvent prolongés faute de disposer d'un environnement adapté pour accueillir la personne à son retour de l'hôpital.
4/ Grâce aux inflexions proposées, nous pourrons trouver, j'en suis sûre, une partie des réponses de financement à moyen et long terme. Car, les défis de demain ne sont pas la simple extrapolation des besoins de financements de 2010 à partir d'un « coefficient de vieillissement ».
A court terme, notre modèle a besoin d'être renfloué : le rapport de Bertrand Fragonard document de manière très utile les implications de chacun des recettes complémentaires que le Gouvernement pourrait être conduit à prendre pour renforcer le socle de solidarité.
A moyen-long terme, des projections ont été fournies par Jean-Michel Charpin sur les besoins de financement du système, à législation et dispositif inchangé. Or, les propositions de Mesdames Ratte et Morel nous invitent à infléchir nos dispositifs d'accompagnement et la place des personnes âgées dans la société française.
Par la mise en œuvre de ces mesures, nous pouvons ainsi – et je dirais même que nous devons - faire mentir ces projections financières, et même les projections démographiques si nous parvenons à éviter les phénomènes de glissement.
Nous pourrons répondre aux besoins de financement supplémentaires à moyen-long terme par redéploiement de nos ressources actuelles dans le périmètre large de nos comptes sociaux. Le Gouvernement attend avec impatience l'avis du Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie qui sera rendu jeudi, et qui documentera de façon précis ce sujet central.
Nous n'aurons sans doute pas défini de façon définitive, le 31 décembre 2011 au soir, le modèle d'accompagnement pour la France de 2030. Toutefois, la gouvernance de cette 5e protection que le Président de la République nous demande de définir devra rendre possibles ces évolutions en les accompagnant. Le scénario retenu par le groupe de Bertrand Fragonard de la consolidation du système actuel présente l'avantage de prôner une association des différents acteurs impliqués.
L'ensemble de ces travaux et les pistes qu'elles ouvrent me confirment dans ma conviction que bien pensée, la réforme de la dépendance peut contribuer au redressement durable de nos comptes sociaux, tout en apportant une réponse adaptée aux besoins d'autonomie des personnes âgées.Source http://www.dependance.gouv.fr, le 22 juin 2011