Texte intégral
Q - La Grèce peut-elle échapper à la faillite ?
R - La crise de la Grèce, ce nest pas une crise de leuro. Cest une crise de la dette. Cest la crise dun pays qui, faute davoir fait les réformes à temps, a laissé saccumuler les déficits. Des réformes difficiles (retraites, fonction publique, carte de la justice) ont été faites depuis quatre ans pour éviter à la France un destin à la grecque. Concernant la Grèce, un choix a été fait, celui dune solidarité européenne. Cest un choix qui nétait pas évident, qui a été construit à travers lentente Sarkozy-Merkel, et qui ne sest jamais démenti. La détermination européenne du président a payé.
Q - Nétait-ce pas un choix contraint ?
R - Non, dautres choix auraient pu être possibles, ils ont été évalués. On a choisi de considérer quune attaque contre la Grèce est une attaque contre lEurope. Et laide de lEurope est massive, colossale. Aujourdhui, si les Grecs devaient se financer seuls sur les marchés, à deux ans, ils auraient des taux dintérêt de 25 % à 30 %. Cela serait la faillite immédiate. La solidarité européenne leur permet de se financer entre 4,5 % et 5 %. Il ne faut pas se tromper : lEurope nest pas le Père Fouettard de la Grèce. Elle lui apporte au contraire une bouée de sauvetage dans la tempête. Ensuite, les Grecs ont fait des efforts remarquables. Donc, je crois à la possibilité de sortir la Grèce de cette impasse.
Le fait que le dossier grec revienne à intervalles réguliers peut donner limpression dun hamster qui court sans fin dans sa roue. Ce nest pas la réalité. Il y a six mois, on avait le feu sur lIrlande et le Portugal. La situation concernant ces deux pays sest redressée. Petit à petit, la réaction européenne se construit et sétoffe. Les Européens nalimentent-ils pas la crise par leurs divisions ?
Il est évident quon a toujours besoin dune «voix» euro plus coordonnée, avec plus de visibilité. Une proposition consisterait à avoir une présidence commune de lEurogroupe et de lEcofin, une présidence politique et à temps plein. On peut réfléchir à un «M. Euro» à un niveau politique.
Q - Comment inciter les banques à prolonger leur engagement en Grèce ?
R - Il faut que tout le monde prenne sa part du fardeau. Sur une base volontaire. Pourquoi ? Parce que notre obsession est que le feu ne se propage pas plus dans la zone euro. Si du jour au lendemain, vous dites à quelquun qui a prêté de largent à un Etat : «Vous ne serez pas remboursé», vous provoquez un vent de panique.
La Grèce doit faire des efforts. Mais nous devons aussi laider à retrouver une bouffée doxygène. Il ne faut pas quun volet restrictif. Les propositions de la Commission sont intéressantes. Aujourdhui, léconomie grecque est asphyxiée au point de ne plus pouvoir utiliser les fonds européens (faute de moyens pour les cofinancer). Lidée est de mobiliser plus ces fonds afin quils aident à redonner de la dynamique à léconomie grecque. Mais il faut que ce soit sur des bases saines : on ne peut plus injecter à fonds perdus. On pourrait exiger en contrepartie un droit de regard sur leur emploi pour sassurer quils aillent aux projets ayant le plus deffet de levier économique.
Q - En Espagne, les «indignés» revendiquent dêtre mieux entendus par les politiques. Décelez-vous la même insatisfaction en France ?
R - Ce mouvement est propre à certains des pays les plus affectés par la crise, où celle-ci frappe particulièrement la jeunesse. A des pays méditerranéens où une culture de solidarité générationnelle et familiale spécifique a été ébranlée. Je suis assez perplexe devant ce mouvement contemporain dappel à lindignation. Lindignation nest pas un registre daction politique. Autant je comprends historiquement le registre de la révolution, du coup de force, de laction, autant je trouve que cest un signe de crise morale de se contenter dappeler à sindigner. Ce que je propose à cette jeunesse, cest plus dEurope.
Q - La décision allemande de sortir du nucléaire noblige-t-elle pas la France à rouvrir le débat ?
R - Quon ait un débat, oui, mais alors sur tout. On ne peut sortir du nucléaire avec seulement des éoliennes et des panneaux photovoltaïques. Il faut aussi des centrales au charbon, qui ont un impact catastrophique sur lenvironnement. Qui va payer ? Sortir du nucléaire, cela suppose une augmentation de 80 % du prix de lénergie. Presque le doublement de la facture dun ménage qui se chauffe à lélectricité et, pour nos entreprises, un choc très important avec des destructions demplois massives. Ceux qui, parce quil y a eu Fukushima, disent du jour au lendemain «sortons du nucléaire» sont irresponsables.
Q - La Croatie sera-t-elle dans lUnion européenne en 2013 ?
R - Oui. On naviguait entre deux risques : faire de lélargissement naïf, comme par le passé, en donnant le coupon dentrée sans bases solides ; ou la crispation égoïste dune Europe forteresse qui serait passée à côté dun enjeu historique. Le discours de la France autour duquel sest construite la position européenne a été de dire : «Oui, mais à condition de respecter les engagements sur la durée.» Avant, les efforts sarrêtaient avec lentrée dans lUnion européenne : plus de lutte contre la corruption, pour améliorer la démocratie... Là, on suit dans la durée les efforts de la Croatie. Cest une leçon : la France gagne quand elle est sur des positions résolument pro-européennes. Nous sommes alors le centre de gravité de lEurope.
Au moment où lédifice européen semble se fissurer, il est en fait en train de se renforcer. Car, sur beaucoup de dossiers, nous sommes au pied du mur, et lon saperçoit que la seule porte, cest une porte européenne. Sur la gouvernance économique, la taxe sur les transactions financières, une politique commerciale plus offensive, lharmonisation fiscale, il y a une tendance de fond qui construit les surcroîts dintégration européenne de demain.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 28 juin 2011
R - La crise de la Grèce, ce nest pas une crise de leuro. Cest une crise de la dette. Cest la crise dun pays qui, faute davoir fait les réformes à temps, a laissé saccumuler les déficits. Des réformes difficiles (retraites, fonction publique, carte de la justice) ont été faites depuis quatre ans pour éviter à la France un destin à la grecque. Concernant la Grèce, un choix a été fait, celui dune solidarité européenne. Cest un choix qui nétait pas évident, qui a été construit à travers lentente Sarkozy-Merkel, et qui ne sest jamais démenti. La détermination européenne du président a payé.
Q - Nétait-ce pas un choix contraint ?
R - Non, dautres choix auraient pu être possibles, ils ont été évalués. On a choisi de considérer quune attaque contre la Grèce est une attaque contre lEurope. Et laide de lEurope est massive, colossale. Aujourdhui, si les Grecs devaient se financer seuls sur les marchés, à deux ans, ils auraient des taux dintérêt de 25 % à 30 %. Cela serait la faillite immédiate. La solidarité européenne leur permet de se financer entre 4,5 % et 5 %. Il ne faut pas se tromper : lEurope nest pas le Père Fouettard de la Grèce. Elle lui apporte au contraire une bouée de sauvetage dans la tempête. Ensuite, les Grecs ont fait des efforts remarquables. Donc, je crois à la possibilité de sortir la Grèce de cette impasse.
Le fait que le dossier grec revienne à intervalles réguliers peut donner limpression dun hamster qui court sans fin dans sa roue. Ce nest pas la réalité. Il y a six mois, on avait le feu sur lIrlande et le Portugal. La situation concernant ces deux pays sest redressée. Petit à petit, la réaction européenne se construit et sétoffe. Les Européens nalimentent-ils pas la crise par leurs divisions ?
Il est évident quon a toujours besoin dune «voix» euro plus coordonnée, avec plus de visibilité. Une proposition consisterait à avoir une présidence commune de lEurogroupe et de lEcofin, une présidence politique et à temps plein. On peut réfléchir à un «M. Euro» à un niveau politique.
Q - Comment inciter les banques à prolonger leur engagement en Grèce ?
R - Il faut que tout le monde prenne sa part du fardeau. Sur une base volontaire. Pourquoi ? Parce que notre obsession est que le feu ne se propage pas plus dans la zone euro. Si du jour au lendemain, vous dites à quelquun qui a prêté de largent à un Etat : «Vous ne serez pas remboursé», vous provoquez un vent de panique.
La Grèce doit faire des efforts. Mais nous devons aussi laider à retrouver une bouffée doxygène. Il ne faut pas quun volet restrictif. Les propositions de la Commission sont intéressantes. Aujourdhui, léconomie grecque est asphyxiée au point de ne plus pouvoir utiliser les fonds européens (faute de moyens pour les cofinancer). Lidée est de mobiliser plus ces fonds afin quils aident à redonner de la dynamique à léconomie grecque. Mais il faut que ce soit sur des bases saines : on ne peut plus injecter à fonds perdus. On pourrait exiger en contrepartie un droit de regard sur leur emploi pour sassurer quils aillent aux projets ayant le plus deffet de levier économique.
Q - En Espagne, les «indignés» revendiquent dêtre mieux entendus par les politiques. Décelez-vous la même insatisfaction en France ?
R - Ce mouvement est propre à certains des pays les plus affectés par la crise, où celle-ci frappe particulièrement la jeunesse. A des pays méditerranéens où une culture de solidarité générationnelle et familiale spécifique a été ébranlée. Je suis assez perplexe devant ce mouvement contemporain dappel à lindignation. Lindignation nest pas un registre daction politique. Autant je comprends historiquement le registre de la révolution, du coup de force, de laction, autant je trouve que cest un signe de crise morale de se contenter dappeler à sindigner. Ce que je propose à cette jeunesse, cest plus dEurope.
Q - La décision allemande de sortir du nucléaire noblige-t-elle pas la France à rouvrir le débat ?
R - Quon ait un débat, oui, mais alors sur tout. On ne peut sortir du nucléaire avec seulement des éoliennes et des panneaux photovoltaïques. Il faut aussi des centrales au charbon, qui ont un impact catastrophique sur lenvironnement. Qui va payer ? Sortir du nucléaire, cela suppose une augmentation de 80 % du prix de lénergie. Presque le doublement de la facture dun ménage qui se chauffe à lélectricité et, pour nos entreprises, un choc très important avec des destructions demplois massives. Ceux qui, parce quil y a eu Fukushima, disent du jour au lendemain «sortons du nucléaire» sont irresponsables.
Q - La Croatie sera-t-elle dans lUnion européenne en 2013 ?
R - Oui. On naviguait entre deux risques : faire de lélargissement naïf, comme par le passé, en donnant le coupon dentrée sans bases solides ; ou la crispation égoïste dune Europe forteresse qui serait passée à côté dun enjeu historique. Le discours de la France autour duquel sest construite la position européenne a été de dire : «Oui, mais à condition de respecter les engagements sur la durée.» Avant, les efforts sarrêtaient avec lentrée dans lUnion européenne : plus de lutte contre la corruption, pour améliorer la démocratie... Là, on suit dans la durée les efforts de la Croatie. Cest une leçon : la France gagne quand elle est sur des positions résolument pro-européennes. Nous sommes alors le centre de gravité de lEurope.
Au moment où lédifice européen semble se fissurer, il est en fait en train de se renforcer. Car, sur beaucoup de dossiers, nous sommes au pied du mur, et lon saperçoit que la seule porte, cest une porte européenne. Sur la gouvernance économique, la taxe sur les transactions financières, une politique commerciale plus offensive, lharmonisation fiscale, il y a une tendance de fond qui construit les surcroîts dintégration européenne de demain.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 28 juin 2011