Texte intégral
Le texte que vous examinez aujourdhui en 2ème lecture vise, je vous le rappelle, à réformer la loi relative aux droits et à la protection des personnes hospitalisées en raison de troubles mentaux et à leur conditions dhospitalisation, du 27 juin 1990.
Les fondements de cette loi de 1990 ne sont pas controversés et nous tenons à les préserver. Ils prévoient en effet que les soins psychiatriques libres sont la règle, et que, par exception, sont prévues des hospitalisations sous contrainte lorsque létat du patient le justifie.
Le projet de loi permet que ces prises en charge comprennent des soins ambulatoires, et pas seulement lhospitalisation complète. Une telle mesure est favorable à lalliance thérapeutique que le médecin recherche toujours avec son patient.
Le projet de loi permet aussi quune personne isolée puisse être soignée, en cas de péril imminent, même lorsquil nest pas possible de recueillir la demande dun proche.
Ces dispositions essentielles, qui renforcent les droits et libertés des patients, vous les avez approuvées en première lecture, et elles nont pas été modifiées par lAssemblée nationale.
Je rappelle également que le texte apporte aussi un soin particulier à la situation de certains patients atteints de troubles très spécifiques, pour lesquels les dangers liés à une rechute apparaissent plus sérieux. Il sagit des patients qui sont hospitalisés doffice (ou lont été depuis moins de 10 ans) :
* soit pour irresponsabilité pénale
* soit en unité pour malades difficiles.
Pour ces patients, dont le nombre est extrêmement limité, le projet de loi prévoit détayer la demande de sortie par un avis collégial et pluriprofessionnel. Là encore, il sagit dune disposition importante, qui fait lobjet dun consensus entre les deux assemblées.
Vous avez souhaité supprimer le caractère explicite de la décision du préfet saisi dune demande de sortie de courte durée de tels patients. Votre position a été confirmée par lAssemblée nationale.
Enfin, lAssemblée nationale a pris des positions identiques aux vôtres concernant la réponse à la question prioritaire de constitutionnalité de novembre dernier. Il sagit, je vous le rappelle, de soumettre au contrôle systématique du JLD le bienfondé des hospitalisations complètes sous contrainte, dès lors que leur durée excède 15 jours, puis 6 mois. Cette saisine automatique sajoute à la saisine facultative, exercée à tout moment par la personne soignée.
Il en est de même pour la question de lunification du contentieux que le sénateur René LECERF rapporteur de la commission des lois, a souhaité introduire, et dont lAssemblée nationale a précisé la portée.
Désormais, le texte prévoit en effet que le juge des libertés et de la détention sera compétent pour statuer uniquement sur les irrégularités des décisions administratives de placement, de prolongation et de renouvellement. Pour leur part, les demandes dindemnisation seront faites devant le tribunal de grande instance. Cette précision semble opportune, le tribunal de grande instance étant en effet naturellement compétent en cette matière.
Le Gouvernement ne peut que saluer cette ligne convergente entre vos deux assemblées, et les améliorations que chacune dentre elles a apportées à ce jour.
Votre deuxième lecture permettra dexaminer la réponse à la question prioritaire de constitutionnalité rendue par le Conseil constitutionnel le 9 juin dernier.
Dans cette décision, le Conseil Constitutionnel a indiqué tout dabord que lhospitalisation doffice ne pouvait être maintenue au-delà de quinze jours sans intervention dune juridiction de lordre judiciaire. Il sagit dune décision similaire à celle quil avait prise en novembre dernier, qui concernait uniquement les personnes hospitalisées à la demande dun tiers.
Le texte que vous avez examiné jusquà présent répond à cette demande du conseil constitutionnel, puisque nous avons appliqué le principe de la saisine automatique aux deux types de mesures (mesure prise par le directeur et mesure prise par le préfet).
Dans sa décision du 9 juin, le Conseil constitutionnel a également relevé que, contrairement à lhospitalisation sans consentement, si le certificat médical établi dans les 24 heures suivant ladmission ne confirme pas que lintéressé doit faire lobjet de soins en hospitalisation, la législation en vigueur ne prévoit aucun réexamen de la situation de la personne hospitalisée de nature à assurer que lhospitalisation doffice est nécessaire.
Le Conseil constitutionnel a jugé quen labsence dune telle garantie, cette disposition de la loi de 1990 nassure pas que lhospitalisation doffice est réservée aux cas dans lesquels elle est adaptée, nécessaire et proportionnée à létat du malade ainsi quà la sûreté des personnes ou la préservation de lordre public.
Il a en conséquence déclaré contraire à la Constitution lensemble de larticle L. 3213-1 du code de la santé publique, et a fixé au 1er août 2011 la prise deffet de la déclaration dinconstitutionnalité.
Le gouvernement entend donc préciser ce point, et porte un amendement à ce sujet.
Le gouvernement souhaite que le rappel de ce principe ait une portée générale et quainsi, à tout moment au cours dune hospitalisation complète doffice (et pas seulement à lentrée), le préfet mette fin à la mesure, ou la transforme en forme alternative à lhospitalisation complète, dès lors quil en reçoit la demande par le psychiatre de létablissement, et que cette demande est confirmée par un deuxième avis.
Le gouvernement souhaite également étendre ce principe aux personnes hospitalisées pour irresponsabilité pénale et aux personnes soignées en unité pour malades difficiles, dans le respect des procédures particulières de sortie prévues par le projet de loi.
De telles dispositions complètent le principe de saisine automatique du JLD, déjà prévu dans le texte, lorsque le psychiatre propose la fin de la mesure sous forme dhospitalisation complète (ce que lon a appelé une « sortie sèche »), et que le préfet ne suit pas cette avis.
Larticulation entre les deux principes permettra donc :
* lorsque les deux avis médicaux sont concordants pour une sortie, celle-ci sera ordonnée par le préfet
* lorsque les deux avis médicaux sont divergents, cest-à-dire lorsque la proposition de sortie émise par le psychiatre nest pas confirmée par son confrère, alors, si le préfet nordonne pas la sortie, la situation est soumise au contrôle systématique du JLD.
La mise en oeuvre concrète du nouveau dispositif prévu par le projet de loi fera lobjet de lattention toute particulière du gouvernement, elle sera suivie et évaluée en continu, notamment au travers des travaux des CDSP.
Par ailleurs, et comme je lai dit à plusieurs reprises, la psychiatrie na pas seulement besoin de mesures législatives et réglementaires. La psychiatrie a besoin de sens, et de grandes orientations pour son devenir, pour quensuite les acteurs de terrain pensent les dispositifs les mieux adaptés aux spécificités locales.
Mais notre pays doit rediscuter des grands objectifs de la psychiatrie, et des axes nationaux damélioration prioritaires, nombre dentre eux ont dailleurs été abordés au cours des débats parlementaires.
Je veux que les personnes qui entrent dans la maladie soient aidées et soignées plus rapidement quaujourdhui, je veux que les ruptures de prise en charge diminuent et que les aidants soient mieux accompagnés, je veux que les situations durgence psychiatrique trouvent, en tout endroit du territoire national, une réponse adaptée, je veux aussi que, quelque soit le lieu où ils habitent, y compris lorsquils sont suivis par le secteur médico-social, nos concitoyens bénéficient dune qualité des soins dun niveau équivalent.
Je veux, quà partir dun diagnostic partagé, de telles orientations soient débattues et élaborées, avec les représentants des usagers, des professionnels, des employeurs, des sociétés savantes.
Cest avant tout sur ces sujets majeurs que je veux consacrer les prochains mois, et cest donc à travers le plan psychiatrie santé mentale, pour lequel jai demandé votre appui monsieur le rapporteur (Jean-Louis LORRAIN), que cette construction collective va être menée.
CONCLUSION
Mesdames et Messieurs les Sénateurs,
Les travaux intenses que vous avez conduits avec les députés ont permis daboutir à un texte accompli et nuancé, permettant à chacun de mieux exercer son rôle en faveur dun profond respect des droits des patients.
Il permet à la psychiatrie de résolument se tourner, vers la prise en charge ambulatoire pour lensemble des personnes qui ont en besoin : le projet de loi sinscrit dans lévolution majeure que les psychiatres ont eux-mêmes donné à leurs pratiques.
Le projet de loi apporte des garanties supplémentaires, pour lensemble des acteurs concernés, en mettant au cur du dispositif le psychiatre et léquipe soignante, lesquels visent un seul but : laccès aux soins, la continuité de ces soins, lalliance thérapeutique, la protection des personnes et le respect des libertés.
La réponse à la QPC du 9 juin dernier nous donne loccasion de finaliser la transformation de la législation relative aux hospitalisations sous contrainte, en conservant la construction historique du dispositif, et en confirmant le caractère sanitaire de telles mesures.
Je vous remercie.
Source http://www.sante.gouv.fr, le 16 juin 2011