Texte intégral
ALEXANDRE KARA Bonjour Jeannette BOUGRAB.
JEANNETTE BOUGRAB Bonjour.
ALEXANDRE KARA Merci dêtre avec nous ce matin. Alors on la vu depuis quelques semaines lactualité est dominée par laffaire DSK, laffaire Georges TRON, maintenant il y a les accusations de Luc FERRY, ça veut dire quoi, il y a des lourds secrets dans le milieu politique français ?
JEANNETTE BOUGRAB La question de la situation des femmes en France nest pas un secret, à chaque fois nous avons des tableaux statistiques qui montrent que 27 % des femmes, enfin les écarts de salaire entre les femmes et les hommes est de 27 %. On sait que 80 % des emplois à temps partiel sont occupés par des femmes, je vous fais grâce du temps partiel imposé. Que la pension moyenne dune femme à la retraite est de 50 % de celle dun homme, quune femme meurt tous les deux jours des coups portés par son conjoint et que chaque jour 200 femmes se font violer en France. Et je ne vous parle pas de la représentation politique et notamment de la sous représentation des femmes à lAssemblée nationale ou au Sénat. Donc ce nest pas véritablement une nouveauté.
ALEXANDRE KARA Mais alors cest quoi, il y a une hypocrisie aujourd'hui notamment dans le milieu politique, on ne disait rien et maintenant on va tout dire ?
JEANNETTE BOUGRAB Je ne crois pas quon dira tout, ce nest pas vrai, parce que regardez ce nest pas parce quil y a eu deux scandales et je pense dabord aux victimes, on les oublie toujours. C'est-à-dire que dans laffaire DSK, on a mis quand même quelques temps à se dire quil y a peut-être une femme qui a été victime dun viol et ça, cest dabord, on pense dabord à la personne, à la personne médiatique et au traitement de la presse de cette personne médiatique. Et je ne crois pas que les choses vont si facilement changer, les femmes ont le droit de vote depuis 1944 et 45 et pourtant leur situation ne sarrange pas nécessairement.
ALEXANDRE KARA Alors vous qui êtes une femme politique, comment on réussit dans ce monde dhommes et pourquoi jusquà présent on avait limpression quil y avait un silence, pourquoi on ne vous a pas plus entendu dénoncer ces phénomènes ?
JEANNETTE BOUGRAB Il y a plusieurs choses, enfin moi jai été présidente de la HALDE, jai travaillé énormément sur les questions de femmes, enfin les questions dégalité, on en parle, la seule chose, cest que ça nintéresse pas nécessairement les médias. C'est-à-dire que par exemple quand des études sortent ou quand les chiffres sur les violences faites aux personnes sortent, ça nintéresse pas. Cest que là, ce qui a fait que cest sur le devant de la scène, cest que ça concernait un homme qui était potentiellement futur candidat à lélection présidentielle.
ALEXANDRE KARA Ca veut dire quoi, vous pensez quon est au début dun grand déballage ?
JEANNETTE BOUGRAB Je ne le crois pas non. Je ne le crois pas. Enfin je ne suis pas ce que jaimerais plutôt ce nest pas le déballage, cest surtout quon mette en place des dispositifs et des mesures pour que des femmes puissent être protégées, voilà cest plutôt ça qui mintéresse, de savoir que telle ou telle chose va sortir sur le devant de la scène ne mintéresse pas. Ce qui mintéresse cest que des gens au quotidien, parce que quand vous êtes une femme qui travaillait dans une usine et qui revenait de son congé de maternité et que vous êtes placardisée, ou virée parce que vous avez eu un enfant, cette femme là ne va pas faire lobjet de la Une des médias, alors que cest une victime.
ALEXANDRE KARA Sur un autre sujet, Jeannette BOUGRAB, Marine LE PEN a écrit à lensemble des députés pour demander la suppression de la double nationalité, un peu plus étonnant, au gouvernement, en tout cas à lElysée, Henri GUAINO a dit que cétait une vraie question. Vous pensez vous aussi que cest une vraie question ?
JEANNETTE BOUGRAB Non. Non, je pense que nous avons un certain nombre de conventions qui sont passées avec des Etats, parfois cest possible dêtre binational, dautres fois non, je pense que ça appartient aux gens de choisir.
ALEXANDRE KARA Alors cest quoi, cest du populisme, cest encore un argument électoral ?
JEANNETTE BOUGRAB Enfin cest lextrême droite, donc le rejet de lautre, de la différence, du métissage, voilà. Vous ne choisissez pas vos parents, vous pouvez être le fruit de mariage mixte et donc je trouve quà chaque fois de stigmatiser ainsi des personnes qui nont pas deux parents français, eh bien je trouve cela dommage.
ALEXANDRE KARA Vous dites cest lextrême droite, en même temps on a le sentiment quil y a de plus en plus une porosité justement entre lextrême droite et la droite classique, au cours des derniers mois il y a eu ce débat sur lidentité nationale, sur lIslam, sur limmigration, ça fait beaucoup non, vous vous sentez à laise encore à lUMP ?
JEANNETTE BOUGRAB Je nai aucun problème à lUMP, mais ce qui me surprend un peu cest quand on parle de principe comme la laïcité, cest devenu par exemple un des projets du Front National. Moi, je trouve ça étrange, moi je me suis battue pour le principe de laïcité notamment pour une crèche qui sappelle Baby Loup qui fonctionne 24/24 heures, il y a quelques mois, on était bien seul avec Elisabeth BADINTER notamment et on se faisait attaquer et personne, je nai pas entendu le Front National défendre une crèche au nom du principe de laïcité. Linstrumentalisation fait dun principe qui est constitutionnel, qui est fondateur de notre République par le Front National, on ne doit pas laccepter.
ALEXANDRE KARA Il y a quelques temps vous étiez en meeting à Besançon et dans la salle lune des personnes présentes, un militant UMP a dit, il y en a marre des bougnoules, vous navez pas limpression quand même quil y a une banalisation du retour, dune sorte de racisme ordinaire ?
JEANNETTE BOUGRAB Sans doute, enfin oui, oui parce que je nai jamais entendu, en tout cas lors dune réunion politique de tels propos, cétait des propos violents. Et cest la raison pour laquelle on doit dautant plus se battre contre cette banalisation, contre la montée de lintolérance et cest un devoir de chacun dentre nous, voilà cest un devoir collectif de participer à ce quappelait VOLTAIRE, la tolérance.
ALEXANDRE KARA Jaimerais revenir sur un sujet dramatique, cest le suicide des enfants, il y a quelques jours un jeune garçon de CM2 a trouvé la mort en se pendant à Arles, est-ce quon sait si cétait un accident ou si cétait vraiment un suicide ?
JEANNETTE BOUGRAB Ecoutez, je suis sans doute la personne peut-être, la moins bien placée pour en parler, parce que jétais sur place au moment des événements, parce que quand je suis arrivée dans cette école à Arles Coren était encore là, que les enfants étaient dans la cour et pleuraient et Coren est depuis décédé. Nous travaillons au ministère de la Jeunesse, en tout cas on avait fait le choix il y a quelques mois de demander au neuropsychiatre Boris CYRULNIK de travailler sur le suicide des enfants. Je tiens juste à rappeler que la deuxième cause de mortalité des moins de 25 ans, cest le suicide, et on a vu des derniers mois, ces dernières années, des faits dactualité où des jeunes enfants de 9 ans, 11 ans, 12 ans, soit se défénestraient, soir se pendaient et on ne pouvait plus, en tout cas moi en tant que ministre de la Jeunesse, je ne pouvais pas fermer les yeux sur ce qui paraissait, ce qui est en fait un drame national. Voilà cest un drame national. Quand vous avez des petits qui se jettent dans une rivière, quand vous avez une petite qui en a marre de vivre avec un diabète insulinodépendant et qui se jette par la fenêtre, eh bien il était voilà nous avons confié en tout cas à Boris CYRULNIK ce rapport, je le vois tout à lheure, où il va remettre un rapport détape et nous allons mettre en place une politique de prévention du suicide chez les enfants.
ALEXANDRE KARA Autre dossier qui vous concerne les apéros Facebook, il y a quelques jours il y avait encore 6 000 personnes à Nantes pour un de ces apéros Facebook, il y a eu 22 hospitalisations. Est-ce quil faut les interdire ?
JEANNETTE BOUGRAB Ecoutez, on essaie en tout cas de manière générale sur les événements festifs, non pas de les interdire, mais de mettre en place un système de médiateur dans chaque département pour avoir une interface entre les services de lEtat et notamment les préfectures et les organisateurs. Lannée dernière à Nantes, un jeune garçon sest donné la mort. Il y a eu 57 hospitalisations, cette année a été mis en place un dispositif qui fait que les choses se sont globalement bien passées. Vous ne pouvez pas en réalité tout interdire, parce que sinon vous aurez des événements qui vont être organisés dans la clandestinité et des drames se produiront. On a fait le choix de la pédagogie, dexpliquer, de mettre en place en tout cas des acteurs de prévention, cest ce qui a été fait avec le ministère de lIntérieur et le ministère de la Jeunesse.
ALEXANDRE KARA Jeannette BOUGRAB, merci, bonne journée.
JEANNETTE BOUGRAB Merci beaucoup, à vous aussi.
Source : Premier ministre, Service dInformation du Gouvernement, le 6 juin 2011