Interview de Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'Etat aux solidarités et à la cohésion sociale, à Europe 1 le 30 mai 2011, sur le climat politique et le machisme ordinaire.

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Média : Europe 1

Texte intégral


 
 
GUILLAUME CAHOUR Bonjour Marie-Anne MONTCHAMP.
 
MARIE-ANNE MONTCHAMP Bonjour Guillaume CAHOUR.
 
GUILLAUME CAHOUR Vous êtes secrétaire d’Etat auprès de la ministre des Solidarités et de la cohésion sociale, et amie de Georges TRON. Vous êtes arrivée au gouvernement en tant que Villepiniste tous les deux. Georges TRON a donc démissionné hier de ses fonctions de secrétaire d’Etat, chargé de la Fonction publique, après cette affaire dans laquelle il est mis en cause pour agression sexuelle. Est-ce qu’il a bien fait de démissionner ?
 
MARIE-ANNE MONTCHAMP Eh bien, c’était son intention depuis plusieurs jours, il s’en était ouvert à l’un de vos confrères, et je pense que, effectivement, à la fois pour organiser sa défense, mais aussi par respect, il le disait très clairement, pour sa fonction, pour ne pas entraver l’activité du gouvernement, je pense que c’est effectivement une décision de responsabilité et de courage.
 
GUILLAUME CAHOUR Mais souvent, la tradition, quand on est mis en cause dans une affaire, c’est de démissionner lorsque l’on est mis en examen. Là, ce n’est même pas encore le cas. Est-ce qu’il ne risque pas d’être… est-ce que ça ne risque pas d’être interprété comme un aveu de culpabilité ?
 
MARIE-ANNE MONTCHAMP Ecoutez, je crois que les choses sont très claires, aujourd’hui, il n’est en effet pas mis en examen, simplement, on sait que depuis ces dernières semaines, une affaire génère toute sorte d’emballements emballement médiatique, commentaires en tous genres, et on peut comprendre la décision d’un homme qui veut organiser sa défense, qui veut être à l’abri de cette déferlante médiatique, si je puis dire, et qui donc, du coup, prend ses distances avec le gouvernement, ce qui est par ailleurs un acte de responsabilité vis-à-vis de la fonction qu’il exerce.
 
GUILLAUME CAHOUR Est-ce que cette démission aurait eu lieu, selon vous, avant l’affaire DSK ?
 
MARIE-ANNE MONTCHAMP Ecoutez, comment le dire, ce qui est sûr, c’est que depuis l’affaire DSK, la surexposition médiatique, le signal donné contribuent effectivement à créer une attention particulière et peut expliquer effectivement la nécessité de bien séparer les choses pour suivre sa défense, et d’un autre côté, protéger les responsabilités que l’on exerce.
 
GUILLAUME CAHOUR Si Georges TRON a dû partir aussi rapidement, c’est aussi parce qu’il a moins d’appuis que d’autres personnalités comme Eric WOERTH ou MAM, lui, il est Villepiniste, et vous ne pesez pas grand-chose dans le gouvernement tant que Villepiniste ?
 
MARIE-ANNE MONTCHAMP Vous savez, la question n’est pas de savoir quelles ont été les amitiés du passé, la question est de savoir, dans un équilibre gouvernemental, la contribution que l’on apporte et la force que l’on constitue. Ceux qui soutiennent les Républiques des solidarités, ceux qui relèvent du Gaullisme social ne sont pas des forces isolées à l’intérieur du gouvernement. En tout état de cause aujourd’hui, la collégialité gouvernementale, c’est d’accompagner nos compatriotes dans des temps qui ne sont pas si faciles.
 
GUILLAUME CAHOUR Marie-Anne MONTCHAMP, lorsqu’on lit la presse ce matin, on lit ce titre dans LE PARISIEN : le machisme ordinaire à l’Assemblée nationale. Dans LIBERATION, on lit : pleins feux sur le machisme ordinaire de la classe politique, avec par exemple Rachida DATI qui disait le 24 mai dernier : je pense qu’il y en a beaucoup qui doivent être un petit peu stressés, beaucoup qui regardent leurs pompes en se disant : vivement qu’on passe à autre chose. Est-ce que vous rejoignez ce point de vue ?
 
MARIE-ANNE MONTCHAMP Je pense que – et c’est d’ailleurs l’action qui est la mienne au secrétariat d’Etat aux Solidarités et à la cohésion sociale – il faut que notre société évolue vite sur un certain nombre de représentations. Il y a, c’est vrai, une tentation parfois un peu archaïque d’avoir dans les lieux de pouvoir un ordre un peu masculin, une référence à l’exercice du pouvoir qui est très connotée de valeurs parfois un peu caricaturales, qui sont celles d’une forme de machisme, en tout cas, c’est sans doute les propos que Rachida DATI relevait ; c’est une action constante, vous savez.
 
GUILLAUME CAHOUR Quand je lis l’avis d’une députée socialiste, qui dit, elle arrive en tailleur pantalon, et petit haut, et on lui lance : habillée comme ça, il ne faut pas s’étonner de se faire violer. C’est vraiment le quotidien ça, à l’Assemblée nationale pour des députées femmes ?
 
MARIE-ANNE MONTCHAMP C’est un peu excessif, ce qui est parfois un peu plus compliqué, c’est quand la parole des élues femmes, des parlementaires femmes doit s’exprimer, de se demander si elle est prise en compte avec la même force que celle de leurs collègues, moi, vous savez, j’ai été commissaire des Finances, j’en garde d’ailleurs d’excellents souvenirs, mais à la Commission des Finances, quand on commence à parler gros chiffres, finances publiques, c’est vrai que quand on est une femme, on a intérêt à avoir ses arguments bien calés avec soi, faute de quoi, on peut être un peu moins audible.
 
GUILLAUME CAHOUR Marie-Anne MONTCHAMP, merci beaucoup d’être venue ce matin sur EUROPE 1, et bonne journée !
 
MARIE-ANNE MONTCHAMP Merci à vous.
 Source : Premier ministre, Service d’Information du Gouvernement, le 30 mai 2011