Interview de M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative à RMC le 6 juin 2011, sur la rentrée scolaire, les effectifs et les rémunérations des enseignants, les fermetures de classes et les rythmes scolaires.

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Texte intégral


 
JEAN-JACQUES BOURDIN Notre invité ce matin, Luc CHATEL. Bonjour.
 
LUC CHATEL Bonjour Jean-Jacques BOURDIN.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Ministre de l’Education nationale, de la Jeunesse et de la Vie associative. Question directe sur l’affaire DSK : est-ce que cette affaire entache, selon vous, la candidature socialiste à la présidentielle quel que soit le candidat ou la candidate, franchement ?
 
LUC CHATEL Non, je ne rentrerai pas dans ce débat. Je crois que chacun a dit, c’est une affaire personnelle, c’est pas une affaire du Parti socialiste. C’est une affaire qui met en cause un homme. Laissons la justice faire, laissons-la agir.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Ca n’entache pas la candidature socialiste à la présidentielle ?
 
LUC CHATEL Non, moi, je ne suis pas de ceux qui cherchent un amalgame en quoi que ce soit. Je revendique le fait qu’il puisse y avoir un débat projet contre projet, candidat contre candidat, et donc laissons les socialistes s’organiser et désigner leur candidat.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Bien. Parlons des suppressions de postes prévues à la rentrée, donc des suppressions de classes, dans le primaire essentiellement. L’Association des maires de France réclame depuis la fin du mois de mai l’arrêt des suppressions de postes dans le primaire qui ont pour conséquence la disparition de 1 500 classes. Vous leur avez répondu ? Vous avez répondu à l’association ?
 
LUC CHATEL Alors, l’Association des maires de France elle m’interpelle sur la préparation de la rentrée 2012. Il faut bien expliquer aux auditeurs…
 
JEAN-JACQUES BOURDIN …pas du tout sur la rentrée 2011 ? Elle ne proteste pas ?
 
LUC CHATEL Si vous voulez, ce n’est jamais agréable de fermer des classes. Vous savez, je suis maire de Chaumont…
 
JEAN-JACQUES BOURDIN …surtout quand on est maire, oui !
 
LUC CHATEL L’année dernière, j’ai fermé une école. Cette année, nous fermons des classes. C’est beaucoup plus facile d’être maire ou sans doute ministre de l’Education nationale, quand on crée des postes, quand on ouvre des classes plutôt que quand on est vigilant par rapport aux finances publiques. Simplement, je rappelle une chose très simple, pour les auditeurs de RMC et les téléspectateurs de BFM TV : le budget de l’Education nationale c’est 60 milliards d’euros, et cette année l’Etat va emprunter 180 milliards d’euros, c’est-à-dire trois fois le budget de l’Education nationale. Donc, le premier budget de la Nation se doit de mener cette politique, qui est difficile, de maîtrise de la dépense publique. Et elle se le doit d’autant plus que la France continue à investir davantage que nos voisins européens dans son éducation. Donc, je ne peux pas laisser dire qu’on n’a pas les moyens à l’Education nationale, ce n’est pas vrai. Nous avons les moyens…
 
JEAN-JACQUES BOURDIN …oui mais, Luc CHATEL, nous investissons beaucoup d’argent, je vous interromps, mais tout de même, il y a une particularité ou un paradoxe que je comprends mal : la France a l’un des plus bas niveaux de l’OCDE dans les écoles primaires, je parle du nombre d’enseignants pour le nombre d’élèves. Cinq enseignants pour cent élèves en France, dans l’enseignement supérieur aussi. Dans le primaire, cinq enseignants pour cent élèves, même chose dans l’enseignement supérieur, alors que dans les autres pays de l’OCDE on a beaucoup plus d’enseignants pour le même nombre d’élèves. Alors, expliquez-nous pourquoi parce que, là, je ne comprends pas.
 
LUC CHATEL D’abord, premier point, je veux rassurer vos auditeurs.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Oui.
 
LUC CHATEL A la rentrée prochaine, il y aura par exemple plus de professeurs, y compris dans le primaire, environ 12 000 de plus qu’il y en avait il y a vingt ans dans le système éducatif. Donc, les professeurs ils sont là. C’est vrai qu’historiquement vous avez raison, historiquement, mais ce n’est pas nouveau, ça date d’une trentaine d’années.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Mais pourquoi ?
 
LUC CHATEL Parce qu’il y a eu beaucoup de moyens qui ont été affectés dans le second degré au moment où on a décidé, et c’est une bonne chose, moi je ne veux pas revenir là-dessus, au moment où on a décidé par exemple de faire le collège unique, 100 % d’une classe d’âge jusqu’à 14 dans les établissements scolaires ; au moment où on a décidé de tripler le nombre d’une génération qui atteint le baccalauréat. On a aujourd’hui 65 % d’une génération, c’était 20 % au début des années 80. Eh bien, ça a nécessité des moyens très importants dans le second degré. Et donc, nous avons, à l’époque, l’Education nationale, et pendant vingt-cinq ans, a beaucoup investi sur le second degré. C’est vrai, nous devons nous poser la question de la répartition des moyens de l’ensemble de l’Education nationale tout au long de la scolarité. Et c’est pour cette raison, par exemple, que nous avons réformé l’école primaire il y a deux ans, nous avons remis en place un système en concentrant l’enseignement sur les fondamentaux pour obtenir de meilleurs résultats, en personnalisant l’enseignement. Vous savez que maintenant à l’école pour les élèves qui ont des difficultés, on a du soutien scolaire. Pendant les heures de cours, l’enfant qui a des difficultés de lecture, il peut bénéficier par son maître d’une aide personnalisée de deux heures par semaine de lecture. Donc, nous avons cherché à mettre en place une personnalisation pour obtenir des meilleurs résultats avec les moyens qui nous sont alloués.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Mais, 1 500 classes supprimées à la rentrée prochaine, 4 900 élèves supplémentaires en primaire, ce sont les chiffres, que vous avez. Ca fait quoi ? Ca fait deux, trois, jusqu’à cinq élèves de plus par classe ?
 
LUC CHATEL Non !
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Ca fait quoi en moyenne ? Deux, trois élèves de plus ?
 
LUC CHATEL D’abord, 1 500 classes de moins c’est le résultat de 3 000 ouvertures et de 4 500 fermetures, premier point.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Oui, donc ça fait 1 500 classes en moins.
 
LUC CHATEL 1 500 classes en moins ça représente 0,6 % du nombre de classes. Donc, à la fin, tout se joue à la marge, et on aura 0,1 élève par classe…
 
JEAN-JACQUES BOURDIN …non mais, ça, c’est…
 
LUC CHATEL Mais si ! La moyenne c’est ça.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Oui, mais ça c’est la globalité.
 
LUC CHATEL Oui, c’est la globalité.
 
EAN-JACQUES BOURDIN Mais est-ce qu’on peut raisonner globalement dans cette affaire-là ?
 
LUC CHATEL Non ! Je pense justement que ce qui est important c’est d’être capable de différencier, de faire plus dans les écoles où il y a plus de difficultés, de mettre en place par exemple du soutien scolaire pendant les vacances dans les écoles où il y a des enfants en difficulté. C’est que ce que nous faisons.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Mais enfin, il y a des fermetures dans des ZEP.
 
LUC CHATEL Non.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Dans des écoles classées en ZEP. Ca existe.
 
LUC CHATEL Non ! Non, non, nous agissons avec discernement.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Non ?
 
LUC CHATEL Il y a des fermetures de classes…
 
JEAN-JACQUES BOURDIN …ça n’existe pas ?
 
LUC CHATEL Il y a des fermetures de classes là où il y a moins d’enfants. Dans mon département qui a perdu… en gros, on a perdu…quand on perd des élèves, c’est normal que on ajuste les moyens. Ensuite, Jean-Jacques BOURDIN, je suis désolé de vous dire, mais il y a moins d’enfants par classe aujourd’hui qu’il y en avait il y a vingt ans. Il y a 25 élèves par classe en moyenne en maternelle pour la prochaine rentrée scolaire, ils étaient 27 il y a vingt ans.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN C’est pour ça que les résultats sont meilleurs, hein, Luc CHATEL !
 
LUC CHATEL Oui, mais justement, justement…
 
JEAN-JACQUES BOURDIN …alors, justement.
 
LUC CHATEL Si on sortait de ce débat qui, à mon sens, a biaisé le débat sur l’éducation depuis vingt ans, en pensant que c’est uniquement en créant des postes et des moyens qu’on obtient des résultats. Ca n’est pas vrai. La France investit plus dans son système éducatif que des pays qui ont des meilleurs résultats que nous. Et toutes les études qui sont menées sur notre système éducatif nous disent, attendez, c’est pas les moyens le sujet, le sujet c’est comment vous êtes capable de différencier ces moyens, de les affecter au bon endroit et aujourd’hui de personnaliser l’enseignement, parce qu’aujourd’hui nous accueillons tous les enfants de France. Une classe c’est très hétérogène. Et, nous, ce que nous devons donner à nos enseignants, qui font un travail formidable, c’est les moyens de différencier, c’est-à-dire de détecter les quatre ou cinq élèves…
 
JEAN-JACQUES BOURDIN …mais, avec trois élèves de plus par classe, par exemple…
 
LUC CHATEL …non, mais il n’y a pas trois élèves de plus, arrêtez de caricaturer.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Je ne sais pas, dans certaines classes, bien sûr, Luc CHATEL.
 
LUC CHATEL Mais non ! Il y a des classes où il n’y en a moins.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Dans certaines écoles, mais bien sûr.
 
LUC CHATEL Mais non ! Et d’abord, je vais vous dire, Jean-Jacques BOURDIN, aucune, aucune statistique ne montre que les résultats sont moins bons quand il y a un élève de plus par classe. Vous savez, moi, je reçois des courriers tout l’été de parents d’élèves, de personnalités bien connues, qui m’expliquent que c’est pas grave si leur enfant est le 40e élève au lycée Louis Le Grand ou dans les grands lycées parisiens. Ca ne les dérange pas du tout, là. Par contre, quand au niveau national il y a des problèmes et qu’on dit, « ah, vingt-cinq ça me semble beaucoup dans les collèges », tout le monde hurle. Il faut arrêter ! Ce qui compte c’est l’homogénéité. Quand vous avez une classe homogène à trente-cinq, à quarante, c’est pas le sujet. Par contre, dans un quartier d’éducation prioritaire, oui, il faut moins d’élèves par classe, il faut davantage de moyens pour que l’enseignant puisse différencier des demi groupes, pour qu’on puisse apporter un soutien scolaire. La vraie personnalisation c’est ça et c’est comme ça qu’on obtiendra des résultats.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Mais n’est-ce pas aussi à l’Etat de faire l’effort de ne pas supprimer des classes en zones rurales, justement pour lutter contre la désertification ? Est-ce qu’il n’y a pas là un engagement national ?
 
LUC CHATEL Ecoutez, je suis désolé de le dire, je suis l’élu d’un département rural qui perd mille habitants pas an.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Mais justement, c’est pour ça que je vous pose la question.
 
LUC CHATEL Mais le sujet ce n’est pas de maintenir pour maintenir artificiellement. Pendant des années, dans mon département, qu’est-ce qu’on a fait ? On a fait ce qu’on appelait des regroupements éclatés, c’est-à-dire que vous aviez quatre ou cinq communes qui se retrouvaient et qui disaient, « ben, nous, il nous reste une petite classe, on a envie de la garder, on va faire une école commune, et puis nous on prend le CP, toi tu prends le CE1, et puis toi tu prends le CM2 ». Et vous aviez une école éclatée sur quatre classes. Qu’est-ce que ça a donné ? Ca a donné au total plus de transport, ça a donné moins de services puisque on ne pouvait pas créer d’accueil périscolaire tôt le matin, on ne pouvait pas en créer dans quatre ou cinq communes. Ca a donné au total des équipes pédagogiques éclatées. Eh bien, nous avons changé de stratégie. Et maintenant nous créons des regroupements pédagogiques intégrés, c’est-à-dire nous construisons de nouveaux postes scolaires avec des beaux bâtiments modernes, avec comme c’est regroupé des équipes pédagogiques qui sont soudées, qui travaillent ensemble, on peut accueillir les parents tôt le matin, les élèves plus tôt le matin pour les parents qui commencent tôt à travaille, et on crée une demi-pension. C’est du service en plus et tout le monde est gagnant. Et puis, Jean-Jacques BOURDIN, excusez-moi de vous dire, mais à 60 à l’heure, cinq kilomètres c’est cinq minutes en voiture, voilà, donc c’est moins que pour aller dans un quartier à son école primaire ou maternelle. Donc, le bon choix, si vous voulez, être responsable politique c’est être capable d’être courageux et de faire les bons choix pour dégager, affecter les moyens là où il y a des besoins et obtenir la meilleure efficacité de ces moyens.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Ben, souhaitons que tous ces moyens donnent des résultats ! Nous ferons le bilan.
 
LUC CHATEL C’est l’objectif.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Luc CHATEL, on va résumer ce que nous venons de dire concernant les suppressions de classes. Donc, pour la rentrée 2011, c’est acquis, 1 500 classes supprimées. On est bien d’accord. Pour la rentrée, 2012, vous vous êtes engagé à ne supprimer…enfin, il y aura des suppressions de classes, mais il y aura des créations de classes, et on arrivera à zéro entre les suppressions et les créations.
 
LUC CHATEL Non, ce que j’ai dit pour 2012 c’est que, moi, le président de la République ne m’a pas demandé et il n’a pas demandé aux membres du gouvernement, à aucun membre du gouvernement, d’arrêter la politique de maîtrise de la dépense publique qui consiste à ne pas remplacer la moitié des fonctionnaires qui partent en retraite. Et d’ailleurs, il s’était engagé vis-à-vis des Français en 2007. Donc, il tient cet engagement. Maintenant, la question, je disais tout à l’heure « discernement, différenciation ». Il est clair, et vous l’avez rappelé, que dans le premier degré nous avons une dépense par élève qui est inférieure à ce qu’elle est dans le second degré. Donc, la préconisation que j’ai faite au Premier ministre et au président de la République, c’est dire pour 2012 veillons à ce qu’il y ait une différenciation des moyens et qu’on intègre le fait qu’il y a moins de moyens dans le premier degré, et donc qu’on essaie de faire en sorte qu’il y ait le même nombre de classes à la rentrée 2012.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN C’est ce que vous avez demandé au Premier ministre.
 
LUC CHATEL Voilà. A la rentrée 2012 qu’à la rentrée de 2011.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Et c’est acquis ou pas ?
 
LUC CHATEL Eh bien, écoutez, vous verrez ! Le débat d’orientation budgétaire a lieu à la fin du mois de juin.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN A la fin du mois de juin, mais enfin vous avez de bonnes perspectives, vous êtes optimiste ?
 
LUC CHATEL Ecoutez, je pense que le président de la République et le Premier ministre sont responsables…
 
JEAN-JACQUES BOURDIN …sont sensibles à vos arguments ?
 
LUC CHATEL …sont des responsables politiques.
 
JEAN--JACQUES BOURDIN Oui, surtout que les présidentielles se profilent à l’horizon.
 
LUC CHATEL Non ! Mais au-delà de ça, je pense que…
 
JEAN-JACQUES BOURDIN …ben, Luc CHATEL, oui, ça compte quand même.
 
LUC CHATEL Si vous voulez, ce qui compte aussi c’est de… le un sur deux, oui, mais le un sur deux intelligent, c’est-à-dire qu’on fait du cas par cas.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Enseignement, police, ça pourrait être…non ?
 
LUC CHATEL Non, c’est pas ça !
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Non ?
 
LUC CHATEL C’est que, non, nous continuerons, simplement on peut le faire au cas par cas, on peut tenir compte de la réalité locale, on peut tenir compte de l’impact. Nous avons encore quelques surnombres, il faudra le résorber, donc être des responsables politiques c’est aussi.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Vous auriez envie d’être instituteur ?
 
LUC CHATEL Ah, c’est sans doute le plus beau métier du monde.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Vous savez qu’on gagne… combien gagne un instituteur lorsqu’il débute ?
 
LUC CHATEL Alors, depuis la rentrée dernière, 1 650 € net.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Ah, je vois salaire instituteur débutant, grille des salaires au 1er janvier : 1 332,52 € brut.
 
LUC CHATEL Alors, nous avons revalorisé de 150 € net par mois à la dernière rentrée.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Pour les débutants.
 
LUC CHATEL Pour les débutants.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Ca fait 1 333 et 150, 1 480, oui.
 
LUC CHATEL Donc, on doit être à 1 500 € net par mois en début de carrière.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Brut ou net ? Vous êtes sûr que c’est net ?
 
LUC CHATEL Net, absolument.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN 1 500 €, vous êtes sûr, bon !
 
LUC CHATEL Donc, si vous voulez…
 
JEAN-JACQUES BOURDIN …je réviserai les chiffres alors.
 
LUC CHATEL C’est cinq ans d’études pour 1 500 € net.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Nous regarderons. ?
 
LUC CHATEL Ca paraît peu. Non, c’était sans doute le plus beau métier du monde.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Oui ! A ce tarif-là, c’est le plus beau métier du monde ?
 
LUC CHATEL Mais vous savez, nous avons fait un choix, c’est moins de fonctionnaires, nous venons de parler pendant un certain temps du non remplacement de la moitié des départs, mais nous remplaçons, je rappelle, l’autre moitié, puisque nous recrutons 17 000 personnes dans l’Education nationale cette année.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Oui, personnes, pas enseignant.
 
LUC CHATEL Absolument ! En grande majorité des enseignants. Mais je rappelle que les économies qui sont réalisées sur le non remplacement des départs en retraite, la moitié va à la revalorisation du salaire des enseignants. Et nous avons réaffecté depuis 2007 un milliard d’euros à cette revalorisation. Je le redis, depuis la rentrée dernière, les instituteurs, les professeurs certifiés, les agrégés, ont été augmenté en début de carrière de 10 %. 10 % ! Je ne connais pas beaucoup de pays qui ont augmenté leurs enseignants de 10 % en début de carrière.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Oui, mais enfin dans beaucoup de pays d’Europe les enseignants sont mieux payés qu’en France, vous le savez, Luc CHATEL.
 
LUC CHATEL Ben alors, il faudrait comparer le salaire horaire, parce qu’on a aussi une question de service. Et puis, deuxièmement, aujourd’hui, on a plutôt des pays qui sont en train de licencier leurs fonctionnaires ou qui sont en train de baisser leur rémunération que de l’augmenter de 10 %. Je le dis parce que, oui, c’est difficile de mener une politique de maîtrise de la dépense publique, mais encore une fois, nous la menons avec discernement, en traitant de la situation spécifique de certaines catégories de personnel.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN La semaine de quatre jours, parlons des rythme scolaires, qui est une idée de Xavier DARCOS. A la trappe ?
 
LUC CHATEL Nous verrons ! Je ne vous répondrais pas aujourd’hui parce que j’attends pour la fin du mois de juin le rapport…
 
JEAN-JACQUES BOURDIN …mais vous avez votre avis, en ce qui vous concerne.
 
LUC CHATEL Je me suis interdit d’avoir un avis.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Ah bon, d’accord !
 
LUC CHATEL Tant que le Comité de pilotage que j’ai installé il y a un an ne me rendrait pas son rapport.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN C’est le 30 juin.
 
 LUC CHATEL Ce serait faire preuve de manque de respect vis-à-vis des nombreuses personnalités qui ont planché depuis un an, vis-à-vis de toutes les personnes qui ont été auditionnées. Donc, la question n’est pas uniquement celle de la semaine en primaire, la question c’est de mieux répartir le temps de travail de nos élèves.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Sur une semaine.
 
LUC CHATEL Tout au long de la scolarité.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Et tout au long de la scolarité, oui.
 
LUC CHATEL Tout au long de l’année. En primaire, nos élèves ont 144 jours de cours, ils ont le plus grand nombre d’heures réparties sur le plus petit nombre de journées de travail.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Ce qui est anormal.
 
LUC CHATEL Ca interpelle ! Et comme vous le savez, Jean-Jacques BOURDIN, les choses ont été inversées, c’est-à-dire qu’aujourd’hui c’est plus la société qui rythme l’école, c’est l’école qui rythme la société. Nous sortons d’un week-end de l’Ascension, eh bien vendredi on a pu voir les endroits où il y avait école, les endroits où il n’y a avait pas école. Ca a des conséquences sur la vie des familles, sur le fonctionnement des entreprises. Donc, c’était important qu’à un moment on se pose et on se dise, nous, Education nationale, nous avons une responsabilité d’abord pour nos enfants, pour qu’ils apprennent mieux, pour la répartition du travail, pour les enseignants, pour l’ambiance au sein des établissements scolaires, pour une meilleure efficacité de cet enseignement ; et puis nous avons une responsabilité vis-à-vis du reste de la société parce que douze millions d’élèves, vingt millions de familles, notre devoir c’est de travailler avec tous ceux pour lesquels le temps de travail à l’école a des incidences sur la vie quotidienne.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Alors, Luc CHATEL, le Comité proposerait un rythme hebdomadaire fondé sur neuf demi-journées en primaire, c’est-à-dire une semaine à quatre jours et demi. La décision de faire classe mercredi matin ou samedi matin pourrait être prise au niveau local. C’est une bonne idée ça, prendre la décision au niveau local ?
 
LUC CHATEL Ecoutez, je n’ai pas eu ces informations, Jean-Jacques.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Non ?
 
LUC CHATEL En tout cas, officiellement.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Bon, d’accord. Pas officiellement, officieusement vous les avez eues mais pas officiellement.
 
LUC CHATEL Non, je lis la presse comme vous, Jean-Jacques.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Et des vacances d’été plus courtes, ça aussi ?
 
LUC CHATEL Je constate que dans beaucoup de pays…vous savez, les vacances d’été telles que nous les connaissons aujourd’hui sont un peu les héritières du temps où les petits Français rentraient dans leur famille faire la moisson. Alors, dans mon département de la Haute Marne, oui, c’est vrai qu’il y a des petits Français qui rentrent faire la moisson avec leur père.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Il y en a de moins en moins.
 
LUC CHATEL Mais il y en a, malheureusement, on peut le regretter, de moins en moins.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Malheureusement, oui.
 
LUC CHATEL Donc, c’est vrai que cette organisation, ce rythme de vacances scolaires correspond à une certaine époque de notre histoire. Donc, c’est un des sujets qui a été abordé dans le cadre de la Commission et nous verrons quelles réponses elle me propose d’y apporter.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Bien. Vous avez vu, la semaine dernière, ce maire, le maire de Sevran qui demandait l’intervention de l’armée parce qu’il n’en peut plus, parce que dans deux quartiers de sa ville les enfants ne sortent plus en récréation, enfin ne sont plus sortis en récréation deux ou trois fois de peur des balles perdues. Vous avez vu ça ?
 
LUC CHATEL J’ai vu cela, j’ai vu cela, et comme Claude GUEANT l’a très bien dit, ce n’est pas à l’armée de rétablir la sécurité dans les quartiers, mais c’est bien à la police républicaine.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Ben oui !
 
LUC CHATEL C’est la raison pour laquelle le préfet de Seine Saint Denis…
 
JEAN-JACQUES BOURDIN …mais enfin, pour l’instant…
 
LUC CHATEL …sera ce matin dans cette école de Sevran.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN On est à fermer la récréation.
 
LUC CHATEL Oui, parce que c’est d’abord la sécurité des él??ves qui prime, mais nous avons pris un certain nombre de décisions face à des agissements qui sont inacceptables. Le ministre de l’Intérieur a décidé des moyens supplémentaires dans ce quartier qui fait l’objet d’affrontements entre bandes rivales, liés à certains trafics. Nous avons pris la décision de mobiliser nos policiers référents et nous avons des équipes mobiles de sécurité, c’est-à-dire des équipes qui sont affectées au rectorat et qui peuvent venir en surnombre pour rassurer les familles, pour protéger les enfants, qui sont affectés provisoirement à l’établissement. Mais encore une fois, le préfet de Seine Saint Denis sera ce matin dans l’école.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN C’est malheureusement, c’est malheureusement ce que l’on entend après chaque fait divers ça, Luc CHATEL ?
 
LUC CHATEL Non, mais…
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Ça fait des années, mais c’est vrai, on envoie des CRS, très bien, c’est formidable. Ils restent là 15 jours, ils partent et ça recommence, Luc CHATEL.
 
LUC CHATEL Non, si vous voulez, regardons objectivement les choses…
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Ca s’est vérifié à Marseille, ça se vérifie régulièrement en Seine- Saint-Denis.
 
LUC CHATEL Ecoutez, moi, je parle de ma compétence ministérielle, c'est-à-dire de l’Education nationale.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Oui, bien sûr, bien sûr, vous êtes directement concerné, bah oui !
 
LUC CHATEL Je suis directement concerné et donc je vous réponds directement, les faits d’insécurité à l’école sont globalement stables par rapport aux dernières années. Nous avons décidé…
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Globalement stable ?
 
LUC CHATEL Oui, globalement stable, c'est-à-dire que nous n’avons pas plus de faits constatés, nous avons de temps en temps des faits absolument dramatiques et c’est vrai que lorsque nous avons, comme l’année dernière, un lycéen qui est tué dans un établissement scolaire, c’est un drame absolument épouvantable. Lorsque nous avons une fillette qui est agressée au cutter dans une école, c’est absolument inacceptable et c’est heureusement suffisamment rare pour qu’il y ait une indignation, il y ait une mobilisation de la communauté éducative. Mais nous avons pu, les états généraux, mobiliser des moyens sans précédent, c'est-à-dire quand je dis sans précédent, c'est-à-dire c’est la première fois que l’on fait à la fois en même temps, de la prévention, de la formation, des équipes mobiles, de la sécurisation des établissements…
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Et des résultats quand alors ?
 
LUC CHATEL Des résultats d’abord je vous dis que les…
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Est-ce que c’est globalement maintenu…
 
LUC CHATEL Oui, nous aurons à la fin de l’été, les chiffres pour le premier semestre en matière de d’insécurité dans les établissements scolaires. Ce que je vous dis, c’est que…
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Mais l’insécurité ne progresse pas, mais elle ne régresse pas c’est bien ça ?
 
LUC CHATEL Non, elle est stable, depuis 3 ans, dans les établissements scolaires. Donc oui, nous devons progresser, parce que nous devons faire mieux, et la faire baisser. Mais c’est vrai que de temps en temps, il y a malheureusement et nous devons le combattre, un fait divers qui fait que c’est un petit peu l’arbre qui cache la forêt. Et à juste titre nous, nous indignons, mais on ne voit pas forcément le quotidien, c'est-à-dire 12 millions d’élèves qui vont à l’école tous les jours, l’immense majorité plus de 90 % qui sont heureux d’aller à l’école, c’est ça aussi, l’école de la République.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Matthieu BELLIARD, question des auditeurs de RMC, Matthieu ?
 
MATTHIEU BELLIARD Bonjour, une question de Gaston à Avignon dans le Vaucluse, cela fait un mois que le prof de maths de mon fils en Terminale S est absent, depuis 3 remplaçants qui n’ont pas de licence de maths et qui n’ont jamais enseigné, et qui n’ont aucune licence de maths, bref à un mois du Bac, est-ce qu’on abandonne les élèves pour des raisons budgétaires ? vous demande Gaston.
 
LUC CHATEL Alors non, nous n’abandons pas les élèves pour des raisons budgétaires. Et d’ailleurs nous avons un taux de remplacement des professeurs qui est de 96 %. 96 %, 96,1 % exactement. Alors vous me direz, 3,9 % c’est trop, oui, vous avez raison. Et c’est pour ça que j’ai décidé de mobiliser des moyens supplémentaires en dehors des titulaires remplaçants. Je rappelle qu’ils sont 50 000 nos titulaires remplaçants. J’ai décidé par Académie, de recruter des contractuels, c'est-à-dire qu’on puisse en complément de nos titulaires, avoir des personnels qui peuvent du jour au lendemain, quand il y a une absence répétée, imprévue, qui puissent être mobilisés de manière à ce qu’on améliore le taux de remplacement.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Question politique. On va ouvrir notre cahier d’évaluation des élèves de CM2, d’accord ! Allez !
 
LUC CHATEL Allons-y !
 
JEAN-JACQUES BOURDIN 10 objets identiques coûtent 22 euros, combien coûtent 15 de ces objets ?
 
LUC CHATEL 10 objets identiques coûtent 22 euros,
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Combien coûtent 15 de ces objets.
 
LUC CHATEL Donc objets au total 22 euros c’est ça ?
 
JEAN-JACQUES BOURDIN 10 objets identiques coûtent 22 euros. Combien coûtent 15 de ces objets c’est la question posée dans le cahier d’évaluation des élèves de CM2 ?
 
LUC CHATEL Eh bien ça fait 16,50…
 
 JEAN-JACQUES BOURDIN Non ! Eh non ! 10 objets identiques coûtent 22 euros, combien coûte 15 de ces objets.
 
LUC CHATEL … Ca fait 33 euros. Jean-Jacques, vous me sécherez toujours sur une question comme ça.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Mais non, mais attendez, moi…
 
LUC CHATEL C’est facile, c’est facile, mais vous voyez, ça montre qu’on peut être ministre et on peut…
 
JEAN-
 
JACQUES BOURDIN Et on peut se tromper, ça peut arriver.
 
LUC CHATEL On peut se tromper et il faut l’assumer. J’assume pleinement voilà !
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Il faut l’assumer, ça je suis d’accord.
 Source : Premier ministre, Service d’Information du Gouvernement, le 6 juin 2011