Interview de M. François Patriat, secrétaire d'Etat aux PME, au commerce, à l'artisanat et à la consommation, dans "AFECEI" de mars 2001, sur la campagne d'information sur l'euro destinée aux PME et aux artisants.

Prononcé le 1er mars 2001

Intervenant(s) : 

Média : AFECEI

Texte intégral

Le Gouvernement a annoncé les grandes lignes de la campagne de communication sur l'euro qui vient de démarrer. Pensez-vous que ce sera suffisant pour que les PME, les commerçants et les artisans soient prêts en temps et en heure ?
Nous faisons et ferons tout pour cela. Je tiens juste à rappeler que, depuis le début de la période transitoire de basculement à l'euro en 1999, les sondages réguliers sur l'état de préparation des PME, commerçants et artisans indiquent une montée en puissance continue vers l'euro qui ne correspond, certes, pas encore aux attentes, mais qui est significative d'une forte prise de conscience de l'importance et de l'urgence de l'enjeu que représente l'échéance du 1er janvier 2002. Les entreprises continuent à aborder le passage à l'euro de manière sereine. Cela étant, des actions fortes vont être menées pour accélérer le passage à la nouvelle monnaie unique.
Les pouvoirs publics mettent déjà à la disposition des PME, des commerçants et des artisans de nouveaux outils leur permettant de faciliter leur adaptation à l'euro : la charte de mobilisation des PME/PMI, l'Euroguide entreprise, des informations sur la législation fiscale, la législation douanière, les règles d'arrondis. La campagne en direction des PME se poursuit.
Une nouvelle campagne à destination des commerçants et artisans va être lancée.
Tel est l'objet de la charte qui a été signée courant février entre le Ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, le Secrétariat d'État aux PME, au commerce, à l'artisanat et à la consommation et les réseaux d'appui aux PME : organisations professionnelles, chambres de commerce et d'industrie, chambres de métiers, établissements bancaires, experts comptables, centres de gestion agréés, etc.
Dans cette charte, les réseaux s'engagent, d'une part, à mener des actions spécifiques d'information, de conseil, de formation, et à mettre à disposition des chefs d'entreprises les outils appropriés et, d'autre part, à coordonner leurs actions au niveau national et au niveau local, et à mettre en commun les outils élaborés dans chaque réseau.
Quels conseils donneriez-vous aux PME, aux commerçants et aux artisans pour qu'ils puissent aborder le passage à l'euro dans les meilleures conditions ?
Le principal conseil, c'est de mettre au point dès maintenant son plan de passage à l'euro en s'informant auprès de ses principaux partenaires : banques, comptables, organisations consulaires et organisations professionnelles. Le premier objectif, c'est de régler, avant la fin du premier semestre 2001, tous les problèmes de gestion interne liés à l'euro, avec notamment l'adaptation du matériel (caisses, terminaux de paiement) et de la comptabilité, ainsi que la formation du personnel.
Il faut se réserver le troisième trimestre pour se concentrer sur les questions commerciales, et notamment l'adaptation des prix et des étiquettes et la pratique systématique du double affichage. Enfin, il faut bien préparer la période de double circulation des monnaies du 1er janvier au 17 février 2002, qui sera la plus difficile à gérer : prévoir précisément ses besoins de fonds de caisse pour rendre la monnaie en euros, organiser le stockage différencié des monnaies et le retrait progressif du franc, accepter des paiements en chèques ou en cartes de paiement même pour des petites sommes.
Un basculement précipité dans les dernières semaines de 2001 pourrait avoir en effet des conséquences préjudiciables pour l'entreprise à la fois au plan interne et au plan externe :
en interne :
*allongement des délais, voire indisponibilité des prestataires de services (banques, experts-comptables, commissaires aux comptes, SSII, imprimeurs, etc.) et des spécialistes de certains domaines (organisations, ressources humaines, formation marketing, etc.) due à une surcharge de travail ;
*augmentation des coûts : les tarifs de certains prestataires pourraient augmenter significativement, entraînant des surcoûts préjudiciables à l'entreprise ;
*difficultés à résoudre instantanément d'éventuels problèmes, notamment en ce qui concerne les systèmes comptables ou de gestion de trésorerie ;
*préparation insuffisante des salariés et notamment des commerciaux à l'utilisation concrète de l'euro.
en externe :
des préjudices commerciaux :
une tarification non adaptée, une facturation non conforme, voire impossible à établir, et des encaissements décalés auraient des répercussions sur les relations avec les clients et les fournisseurs.
Les grandes lignes du passage à la monnaie fiduciaire ont été adoptées. Comment envisagez-vous le rôle des établissements de crédit dans le déroulement du processus ?
Ce rôle sera évidemment essentiel dans toutes les phases du processus ; au-delà des aspects techniques qui sont décrits par ailleurs, le plus important est de convaincre les responsables des petites entreprises que leur banque leur facilitera au maximum la transition en offrant tous les services nécessaires pour la mise à disposition d'euros et le retrait du franc. Plusieurs questions sont décisives : l'adaptation très rapide des terminaux de paiement et des distributeurs automatiques de billets, la non-pénalisation de l'utilisation des chèques et des cartes de paiement pour des petites sommes au moins sur la période de double circulation, l'adaptation des horaires d'ouverture des guichets au moins pour les petites entreprises, et enfin, la sécurité.
Quel rôle le commerce devra-t-il jouer pour faciliter le retrait des francs pendant le mois de janvier 2002 ?
Le commerce sera en première ligne dans les opérations de retrait des francs : son rôle essentiel sera de former sa clientèle et de lui donner confiance en lui dispensant toutes les informations nécessaires, notamment pour les clients les plus fragiles. Une des questions clés pour chaque commerçant sera de bien gérer les rendus de monnaie en euros sur des paiements effectués en francs et donc de s'y être bien préparé par des exercices de simulation et en ayant veillé à disposer de stocks suffisants d'euros en petite monnaie.
Je donnerai ici un conseil qui peut sembler très pratique mais qui me paraît de bon sens : il est souhaitable que chaque commerçant dispose, sous la main, à proximité de sa caisse ou en permanence sur lui, d'un convertisseur afin d'être en mesure de répondre à toute demande de la clientèle sans retarder le service aux autres clients et sans laisser s'allonger démesurément une file d'attente.
Il est donc important que les commerçants et artisans apprennent à "jongler" le plus rapidement possible avec les opérations à effectuer dans la nouvelle monnaie.
Le remplacement des pièces et des billets en francs par des pièces et des billets en euros dans les premiers mois de 2002 va sans doute poser de nombreux problèmes à une frange de la population française, notamment à la frange dite "fragile". Comment le Gouvernement entend-il aider ces citoyens ?
Le terme "citoyen" que vous employez dans la question me paraît revêtir un sens tout particulier dans le cadre du passage à l'euro. En effet, l'introduction de la nouvelle monnaie, au-delà de ses aspects purement techniques, représente un changement symbolique important, notamment dans la représentation que chacun se fait de son appartenance à la collectivité nationale, à la démocratie et aux valeurs qu'elle véhicule. Ce changement concerne tous les citoyens sans exception, ni discrimination ni encore moins exclusion. Il induit une participation active de tous. Personne ne peut ni ne doit être laissé en route. Personne ne peut se trouver, du fait de ce changement, éloigné du fonctionnement normal du marché ou être davantage marginalisé. Tous doivent avoir les moyens de s'approprier le nouvel instrument monétaire sans heurts et en toute confiance.
C'est plus particulièrement vrai pour les publics dits fragiles dont le profil peut être très variable : personnes sourdes ou malvoyantes, illettrées, personnes en situation économique précaire ; ces publics requièrent, de notre part, une attention plus soutenue et une vigilance sans faille ; l'effort de solidarité entrepris depuis le début de la période transitoire de basculement à l'euro doit être poursuivi et amplifié.
Des actions fortes sont prévues dans ce sens en 2001. L'opération décentralisée des journées "l'Euro pour tous", lancée depuis le 25 janvier 2000, durant lesquelles se sont rencontrés les relais naturels de ces populations que sont les associations, les organisations caritatives et d'insertion et les intervenants sociaux des collectivités locales, va se poursuivre dans les régions afin d'échanger les expériences, d'identifier les meilleures pratiques et de mettre en commun les outils de communication créés par ces relais. Ces journées se structurent autour de trois priorités majeures : permettre un accès égal à l'information afin que le passage à l'euro ne soit pas vécu par certains comme un facteur d'exclusion, favoriser l'émergence d'un fort mouvement de solidarité et développer une politique de formation active et efficace.
Le Gouvernement a décidé de permettre l'utilisation d'un taux publicitaire de l'euro à 6,50 F. Ne craignez-vous pas que ce taux ne crée une confusion au moment des conversions réelles ?
En effet, lors de sa conférence de presse du 14 décembre dernier, M. Fabius a indiqué qu'afin de faciliter l'apprentissage, le calcul mental avec 5 chiffres derrière la virgule n'étant pas très simple, la communication, et la communication seulement, pourra afficher de manière symbolique une conversion simplifiée : 1 euro = 6,50 F. Mais il ne s'agit en aucun cas d'un taux de conversion. Cette valeur a été retenue pour faciliter l'acquisition d'ordres de grandeur. Ainsi 2 euros = 13 F, 10 euros = 65 F, 20 euros = 130 F, etc.
Cette simplification est destinée à faciliter le calcul mental.
Elle ne se substitue en aucun cas au taux officiel avec les 5 chiffres derrière la virgule. Le taux irrévocable de l'euro est fixé à 6,55957 francs pour 1 euro. Ce taux ne peut être arrondi sous aucune forme que ce soit, conformément au règlement communautaire du 17 juin 1997.
Le Gouvernement ne pourrait, en tout état de cause, pas envisager une telle mesure car le taux de conversion de l'euro a été inscrit dans un règlement européen auquel ont souscrit tous les États membres de la zone euro et qui s'impose de plein droit aux États, sans nécessiter de mesures de transposition ou d'adaptation.
Pour les citoyens, il est la base même du système leur permettant de se constituer un nouveau référentiel de prix en euros par rapport au franc qui va disparaître.
Je tiens à rappeler que toute manipulation frauduleuse du taux lors des opérations de conversion ou d'arrondi peut tomber sous le coup des textes relatifs à la publicité trompeuse ou de nature à induire en erreur, voire de l'escroquerie.

(source http://www.afecei.asso.fr, le 27 juin 2001)