Déclaration de M. Bruno Le Maire, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire, sur les conclusions du G20 agricole portant notamment sur l'augmentation de la production agricole et la suppression des restrictions à l'exportation pour l'aide alimentaire mondiale, Paris le 23 juin 2011.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Conférence de presse à l'issue du G20 Agriculture, à Paris le 23 juin 2011

Texte intégral

Chers Amis,
Il y a des jours où on est heureux, il ne faut pas se le cacher, donc aujourd’hui est un jour heureux. Je suis en effet heureux de vous annoncer que les Etats membres du G20 ont conclu un accord ce matin sur un plan d’action portant sur la volatilité des prix alimentaires et sur l’agriculture mondiale.
Cet accord, il ne faut pas se le cacher, est un tour de force pour la communauté internationale. Il permet de croire encore dans la force de la solidarité et du travail en commun pour régler les grandes questions qui se posent à la planète comme l’avenir de l’agriculture mondiale. Quand le président de la République, il y a à peu près un an, a mis sur la table la question de la volatilité des prix alimentaires mondiaux et la question de l’agriculture, sa proposition, ne le cachons pas, avait été accueillie avec un certain scepticisme. Et bien le président de la République française, président du G20, avait vu juste, nous avons pu trouver un accord sur cette question essentielle. Je crois que c’est un message d’optimisme, un message d’avenir qui est adressé à l’ensemble de la communauté internationale qui a connu nombre d’échecs en matière de négociations multilatérales et qui ce matin a connu un vrai succès.
Avec cet accord, nous jetons les bases de la nouvelle agriculture mondiale. Une agriculture qui sera durable, une agriculture qui sera solidaire et une agriculture dont les marchés seront régulés.
Cet accord, je le tiens à le dire, n’est pas spécialement une victoire du G20 en tant que tel. C’est d’abord une victoire de la communauté internationale toute entière, c’est une victoire des organisations internationales qui ont été associées depuis le début à chaque étape de la négociation de ce plan d’action, qui à chaque étape ont apporté leur contribution, leur expertise et nous ont permis de trouver les voies d’un accord.
Cet accord est aussi une victoire de tous les Etats qui sont su faire preuve de sens des responsabilités face à ces enjeux et qui ont su dépasser leurs intérêts nationaux pour construire un intérêt collectif mondial.
C’est enfin la victoire d’une méthode de négociation : une méthode de négociation ouverte et directe. Cette négociation de près de 11 mois a été difficile et, je vais vous dire, cette négociation a eu une âme. Elle n’a pas été uniquement fondée sur les questions des intérêts nationaux directs des Etats, elle a pris en compte la nécessité absolue de lutter contre la faim dans le monde et de mettre fin à ce scandale qui est la faim dans le monde pour des centaines de millions de personnes. De ce point de vue, l’accord que nous avons conclu ce matin est aussi une victoire contre la faim dans le monde, une victoire des paysans et de tous les agriculteurs de la planète.
Ce plan comporte, comme nous le souhaitions et comme le président de la République l’avait indiqué dès le début de la négociation, des décisions concrètes, précises et ambitieuses. Le président de la République l’avait rappelé hier, nous ne pouvions pas accepter un plan qui se contenterait de déclarations de principe. Nous avions fixé comme ligne rouge à la négociation – j’avais eu l’occasion de le dire à nombre d’entre vous – la nécessité absolue d’avoir des décisions concrètes, précises et ambitieuses.
Décisions concrètes, précises et ambitieuses d’abord sur l’augmentation de la production agricole mondiale. Tous les membres du G20, toutes les organisations internationales se sont accordés à reconnaitre qu’il fallait augmenter la production alimentaire mondiale pour nourrir correctement la population d’ici 2050 et tout de suite. Nous avons rappelé les engagements financiers pris par les Etats membres du G20 notamment dans le cadre de L’Aquila et rappelé la nécessité de les tenir. Nous avons pris, pour augmenter la production agricole, une initiative concrète sur l’augmentation de la productivité notamment sur le séquençage du génome du blé.
Nous avons également pris au-delà de la production agricole des décisions concrètes, précises et ambitieuses sur la transparence sur les marchés agricoles. Plus de transparence sur les marchés agricoles cela voudra dire moins de volatilité des prix. Plus de transparence sur les marchés cela voudra dire un meilleur fonctionnement du marché au service des agriculteurs mais aussi au service des consommateurs qui sont lassés de la fluctuation des prix alimentaires. Nous allons donc mettre en place très rapidement une base de données internationale sur la production, la consommation et les stocks de matières premières agricoles. Cette base de données appelée AMIS sera mise en œuvre le plus rapidement possible. Elle bénéficiera du soutien technique de tous les Etats membres du G20. Elle aura une vocation mondiale. Elle sera installée dans le cadre de la FAO et elle sera au bénéfice de tous, membres du G20 ou non. Elle sera complétée par la mise en place d’un dispositif de surveillance satellitaire qui permettra de mettre en commun les images satellitaires sur la production agricole et qui permettra également de tenir compte des effets du changement climatique sur la production agricole mondiale.
Nos décisions concrètes, précises et ambitieuses ne portent pas simplement sur la production et la productivité agricoles, pas simplement sur la transparence mais également sur l’amélioration de la coordination des réactions entre les membres du G20. Nous avons décidé de ne plus accepter les réactions unilatérales lorsqu’un Etat producteur est confronté à une sécheresse, une inondation ou un problème particulier. Nous avons voulu mettre en place des dispositifs de coordination qui permettront de décider en commun les réactions adaptées en cas de chute brutale de production dans un pays ou dans un autre. Nous mettrons donc en place un mécanisme de réaction rapide au niveau des membres du G20 qui sera placé au sein de la FAO. Ce mécanisme de réaction rapide comportera des représentants de haut niveau du G20, permettra de prendre des décisions dans les meilleurs délais possibles en cas de chute de production dans un des Etats membres ou dans un des grands Etats producteurs, il nous permettra de nous consulter et de réagir collectivement là où nous avions pris la mauvaise habitude de réagir individuellement. Toute décision en cas de crise sera désormais prise dans le cadre de ce mécanisme de réaction rapide.
Nos décisions concrètes, précises et ambitieuses portent également sur la protection des pays en développement car ce sont les pays en développement qui sont le plus frappés par la volatilité des prix agricoles. Ce sont les pays en développement qui souffrent le plus lorsque nous avons un accroissement brutal des prix agricoles dans le monde. Lorsque ces prix agricoles augmentent de 30%, de 50% ou lorsqu’ils doublent dans le cas du blé comme cela a été le cas l’année dernière, c’est un problème économique pour les pays développés mais c’est un problème de vie ou de mort pour les pays en développement. Nous avons donc la responsabilité morale, que nous avons prise, d’apporter des solutions concrètes. Nous avons donc pris pour la première fois au niveau de la communauté internationale l’engagement de supprimer toute restriction à l’exportation pour l’aide alimentaire mondiale. Cet engagement de suppression de toute restriction à l’exportation pour l’aide alimentaire mondiale est un engagement totalement nouveau qui vient compléter les dispositifs qui existaient déjà sur l’importation.
Nous avons également pris l’engagement de transformer cet accord politique en obligation juridique dans le cadre de l’OMC et nous allons commencer à y travailler. C’est un élément là aussi tout à fait nouveau de la vie de la communauté internationale.
Enfin, décisions concrète, décisions précises, décisions ambitieuses sur la production, sur la transparence, sur la coordination, sur la défense des pays en développement mais également sur la régulation financière. Nous avons voulu que la régulation financière figure dans le plan d’action agricole de la présidence française. Elle y figure en toutes lettres et elle y figure avec, là aussi, des engagements précis et vérifiables.
Nous reconnaissons tous à l’échelle des Etats membres du G20 la nécessité de disposer de marchés agricoles régulés. Nous reconnaissons tous la nécessité de mettre en place sur les marchés des matières premières agricoles des règles de fonctionnement nouvelles. Nous reconnaissons tous la nécessité de lutter contre les abus de marché et contre les manipulations croisées dans le cadre des marchés financiers de matières premières agricoles. Nous encourageons donc fortement les ministres des Finances à avancer dans cette voie de la régulation et nous faisons des propositions concrètes qui figurent dans le plan d’action comme les limites de position ex-ante qui sont explicitement mentionnées dans le plan d’action sur la volatilité des prix agricoles et l’agriculture mondiale.
Nous avons également voulu sur chacun de ces engagements concrets qu’un suivi soit assuré, nous avons donc pris la décision d’assurer le suivi de ces décisions et nous avons souhaité recommander le maintien de l’agriculture à l’agenda du G20 en estimant que le succès de cette première négociation montrait que c’était un point de départ et pas un point d’arrivée, que nous avions jeté les bases de cette nouvelle agriculture mondiale et qu’il fallait donc nécessairement poursuivre dans cette voie-là dans les années à venir.
Voilà les quelques éléments que je voulais vous transmettre ce matin. A titre plus personnel, je dois vous dire que cette année de négociations a été une année tout à fait enthousiasmante pour le ministre de l’Agriculture français et je dois dire que c’est avec beaucoup de bonheur que j’accueille la conclusion de cet accord entre Etats membres du G20 car c’est un accord qui se fait au bénéfice de la communauté internationale toute entière et au bénéfice des pays les plus pauvres de la planète en particulier.
Merci à tous.
Source http://www.agriculture.gouv.fr, le 27 juin 2011