Texte intégral
Je suis très heureuse de me retrouver pour la deuxième fois en sept mois à Moscou et douvrir aujourdhui avec Mme GOLIKOVA ces premières Assises de la coopération franco-russe en santé.
Lévénement qui nous réunit aujourdhui sinscrit en effet dans la continuité de mon déplacement avec notre Premier Ministre, François Fillon, le 8 décembre dernier lors du Séminaire intergouvernemental qui clôturait lannée croisée France Russie : la santé figure, en effet, parmi les thèmes prioritaires dans la relation damitié franco-russe.
Ces premières Assises de la coopération franco-russe en santé, co-organisées par les ministères français et russe chargés de la santé et lAmbassade, en partenariat avec Ubifrance et la Chambre de commerce franco-russe, marquent ainsi notre volonté commune, avec Tatiana GOLIKOVA, de valoriser les liens de travail et damitié qui se sont tissés depuis des années entre les professionnels de santé de nos deux pays, déchanger nos bonnes pratiques et de développer de nouveaux axes de coopération.
(les grands axes des assises franco-russes)
La délégation française est venue nombreuse et à un très haut niveau. Et jen profite pour saluer la mobilisation de vos plus grands experts, et me réjouis de leur présence.
Nous sommes confrontés aux mêmes enjeux, même si les échelles géographiques et démographiques sont différentes.
La prévention contre le tabac, lalcool et plus globalement les addictions ou encore la mauvaise alimentation doit aller de pair avec la promotion comme vous lavez rappelé dun « mode de vie sain ».
Notre but commun, Madame la Ministre, est dabord dinstaurer dans nos deux pays une culture de la prévention des maladies, non seulement dans le souci de soulager la prise en charge et le coût des soins, mais surtout pour responsabiliser les citoyens, faire en sorte quils deviennent de véritables acteurs de leur propre santé. Et je crois que notre réflexion commune sur ce sujet peut constituer une coopération fructueuse.
Laccès aux soins par une meilleure répartition de loffre sur le territoire, entre les soins primaires et lhôpital, entre le public et le privé, ainsi que la recherche pour une médecine de pointe constituent également des préoccupations communes.
Je me réjouis notamment de la présence parmi nous de nos trois fédérations hospitalières françaises Fédération Hospitalière de France (FHF), Fédération de lHospitalisation Privée (FHP) et la Fédération des Etablissements Hospitaliers et lAide à la Personne (FEHAP).
Au-delà de ces thématiques qui seront abordées ce matin, nous avons retenu, pour les tables rondes de cet après-midi, quatre domaines majeurs sur lesquels nos plus grands professeurs et meilleurs spécialistes français et russes travaillent ensemble depuis longtemps.
Ces domaines sont plus que jamais dactualité dans nos deux pays, tant sur les aspects organisationnels que réglementaires, ou éthiques : la médecine de la reproduction, la transplantation, le médicament et la formation des médecins et des décideurs hospitaliers [chez vous, les « médecins chefs », chez nous, les directeurs dhôpital], professionnels dont dépendent en grande partie lefficacité des établissements.
(les actions de coopération franco-russes)
Ces assises marquent ainsi une nouvelle étape de la coopération dans le domaine de la santé entre nos deux pays, après les actions engagées à la suite du Mémorandum dintention signé le 16 novembre 2007 entre nos deux ministères.
Je ne serai pas exhaustive, mais je souhaite évoquer avec vous quelques-unes de ces actions :
1- Je pense, dabord, aux coopérations hospitalières qui se sont progressivement institutionnalisées, et qui se pérennisent : Annie PODEUR les mettra en valeur tout à lheure et je me félicite que lappel à projets lancé par la Direction générale de loffre de soins, pour lannée 2011, ait déjà retenu 4 initiatives hospitalières franco-russes :
* le Centre hospitalier universitaire de Strasbourg avec la région de Vologda,
* Assistance Publique-Hôpitaux de Paris avec la région de Krasnoïarsk,
* le Centre Hospitalier Ste Anne avec le Centre psychiatrique Serbski à Moscou,
* et le Centre Hospitalier Universitaire de Grenoble avec la région dIrkoutsk, parmi toutes celles qui existent déjà.
2- Je pense, ensuite, aux différents séminaires et échanges sur le financement du système de santé et la mise en place de la tarification à lactivité, ou sur la qualité du médicament, ou encore en matière de disciplines médicales. Je note avec satisfaction que quasiment toutes les spécialités sont représentées :
* de la chirurgie cardiaque à lorthopédie, la stomatologie, la psychiatrie : je visite cet après-midi le Centre Serbski, aux côtés du Docteur BENHAMOU notamment,
* la neurologie, avec le dernier symposium, en date du 22 juin, entre le professeur Bruno DUBOIS de lAssistance Public-Hôpitaux de Paris et le professeur Valeri YAKHNO, chef de la chaire des maladies nerveuses de la Faculté des soins de lUniversité Setchenov, concernait la maladie dAlzheimer,
* sans oublier la médecine de la reproduction, avec les éminents professeurs FRYDMAN, DE ZIEGLER, POULY ou ADAMYAN, présents aujourdhui,
* et je finirais par la transplantation : le Professeur DUBERNARD qui maccompagne. Emmanuelle PRADA-BORDENAVE Directrice générale de lAgence de la Biomédecine également présente pour soutenir les travaux des Professeurs GAUTIER, PORKHANOV et MASSARD.
Ainsi, et je men réjouis, le programme de transplantation pulmonaire que ces professeurs ont mis en place sera inauguré demain à Krasnodar. Et je tiens à vous dire, chère Tatiana GOLIKOVA, que nous avons été très honorés que vous distinguiez le Professeur MASSARD en 2009 comme « meilleur médecin de Russie » pour la première transplantation bipulmonaire de Russie en 2006 à Saint Petersburg, avec le Professeur TCHOUTCHALINE.
Je pense, enfin, aux 27 collaborations en cours entre les équipes de lInstitut National de la Santé et de la Recherche Médicale (lINSERM) et lAcadémie des sciences russe, lAcadémie des sciences médicales russe et lUniversité Lomonossov. Le Professeur SYROTA nous en parlera tout à lheure.
Ainsi, force est de constater à quel point le domaine de la santé est riche dintérêts partagés entre nos deux pays, car nous considérons en France comme en Russie quil sagit dun secteur stratégique.
(les réformes dans le domaine de la santé)
Depuis quatre ans, vous avez entrepris des réformes majeures de votre système de santé. Il est devenu un « projet national prioritaire » auquel est désormais consacrée une part importante de la richesse nationale. Et à ce titre, je salue votre objectif de court terme délever les dépenses de santé de 3,9% à 5% du PIB, comme la récemment rappelé votre Premier ministre, Monsieur Vladimir Poutine.
De son côté, la France sest engagée depuis plusieurs années, conformément à la volonté de notre Président de la République, dans une série de réformes qui poursuivent les mêmes objectifs : promouvoir la santé comme un bien commun des plus importants, apporter aux usagers plus de qualité et de sécurité, rendre notre système de santé plus efficace et plus performant. Et cela passe par une confiance accrue dans notre système.
I- Cest précisément le but que nous avons recherché en mettant en uvre la loi Hôpital Patient Santé Territoire de juillet 2009. Par ce texte, nous avons voulu améliorer laccès de tous à des soins de qualité, développer les grands enjeux de santé publique, et mieux répondre aux besoins de santé des Français. Pour ce faire, nous avons engagé des évolutions structurelles.
1- Lhôpital sinscrit dans une offre de soins encore plus territoriale afin de mieux sadapter à son environnement. Il doit prendre sa place dans les filières de soins, en relation avec les autres acteurs de santé : médecine libérale, offre de soins médico-sociales à destination des personnes âgées et des personnes handicapées, ..
2- Le deuxième point, cest lorganisation de notre système de santé, qui passe par la création des Agences Régionales de Santé. Elles constituent désormais linstitution administrative régionale unique dépendant des ministères chargés de la santé et de la solidarité, et de lassurance maladie.
En effet, et cest une originalité française, cette agence a réussi à regrouper sept structures administratives en une seule. Les ARS ont donc bien permis de décloisonner les compétences et les outils en matière dadministration de la santé en région.
LARS permet davoir un pilotage de lensemble du système de santé : les cliniques privées, les hôpitaux, les professionnels de santé libéraux, les maisons de retraite qui doivent travailler ensemble ce qui répond aux besoins et aux demandes des patients daujourdhui.
Le parcours de soins du patient devient plus cohérent, continu, et simple, mais aussi beaucoup plus diversifié quavant : on va du public au privé, de lhôpital à la maison de retraite.
3- Nous associons les usagers à la gouvernance du système, avec la participation active des associations représentants ces usagers au sein des conférences régionales de la Santé et de lautonomie, instance consultative qui est associée à la définition de la politique régionale de santé. Lobjectif de lÉtat, dans ce contexte, est véritablement de faire participer lusager, car il aspire légitimement à devenir acteur de sa propre santé, et cest à lEtat de faire de cette aspiration une réalité.
II- La deuxième réforme que nous sommes en train de finaliser est celle du médicament, pour mieux assurer la sécurité des patients, et ainsi restaurer la confiance.
Comme nous venons de connaître en France le drame dun médicament qui a été à lorigine de nombreuses victimes, nous avons décidé de rendre notre système du médicament plus transparent.
Nous voulons que les conventions et rétributions passées entre les laboratoires, les médecins, les experts, la presse spécialisée, les sociétés savantes et les associations de patients soient désormais publiques.
Des personnes qualifiées, comme les représentants dassociations de patients, seront intégrées dans les commissions, et les débats seront rendus publics. Lexpertise interne sera également renforcée, tant quantitativement que qualitativement. Ensuite, nous avons voulu sécuriser le parcours du médicament, au bénéfice du patient.
Cela vaut dès lautorisation de mise sur le marché du médicament (AMM) qui est donnée pour chaque médicament, et cela vaut tout au long de la vie du médicament. Ainsi, pour lattribution de lAMM, nous voulons disposer de données comparatives avec le médicament de référence sil existe. En attendant, au plan national, nous allons adopter dès à présent des règles plus exigeantes : pour être remboursé, le produit devra démontrer quil est au moins aussi bon que celui qui est déjà sur le marché, et remboursable.
Sur chaque boîte de médicament seront inscrits le numéro vert dappel et le site internet de lAgence nationale de sécurité du médicament auxquels les patients peuvent sadresser.
Le troisième pilier de cette réforme, cest la volonté de veiller à la meilleure information des patients et à une meilleure formation et information des professionnels de santé.
Un portail public du médicament sera créé afin doffrir une information publique, indépendante et de qualité, et des campagnes dinformation sur le médicament seront régulièrement lancées.
Il faut aussi renforcer la connaissance du médicament dans les formations initiales, mais également au cours de la formation continue.
III- Vous allez également aborder le sujet de la bioéthique, qui constitue une interrogation essentielle sur notre responsabilité et sur les valeurs qui fondent nos sociétés. Nous venons en France de voter une loi sur la bioéthique pour protéger chaque citoyen et en particulier les plus vulnérables contre des pratiques qui bafoueraient lintégrité et linviolabilité du corps humain.
Notre but est dinformer, daccompagner et de responsabiliser les patients et leur entourage. Cest aussi la volonté de tenir compte tant des avancées scientifiques que de lévolution des murs.
Sagissant du don dorganes, il nous fallait remédier à une pénurie préoccupante en organes pouvant être greffés. Notre nouvelle loi présente une avancée significative, en prévoyant la possibilité dorganiser la pratique de dons croisés entre donneurs vivants, en ne réservant donc plus ce type de greffe à la seule parentèle proche mais également aux personnes ayant des relations étroits et stables avec le donneur, dune durée minimale de 2 ans. En élargissant le cercle des donneurs, nous avons veillé parallèlement à empêcher toute possibilité de pression quelconque sur le donneur, tout danger de marchandisation du corps humain.
Concernant les nouvelles techniques dassistance médicale à la procréation, le premier point important est de conditionner laccès à lassistance médicale à la procréation au constat dune infertilité médicalement constatée au sein dun couple. Ce qui me paraît essentiel dans cette loi, cest aussi laccent mis sur linformation de la femme enceinte aux différentes étapes du diagnostic prénatal. A tout moment, la mère doit être libre de ses choix.
Nous avons maintenu, par ailleurs, le principe dinterdiction de toute recherche sur lembryon et les cellules souches mais avec des dérogations possibles sur autorisation de lAgence de Biomédecine, car il est pour nous primordial daffirmer limportance que notre société accorde à la protection de lembryon, qui est le point de départ du vivant.
Vous le voyez, Madame le Ministre, Mesdames et Messieurs, tous les sujets que je viens dévoquer constituent des enjeux immenses pour nos deux pays, et des défis que nous avons lopportunité de relever ensemble.
Je suis convaincue de lintérêt partagé quont nos deux pays à coopérer étroitement dans le domaine si vital de la santé, qui est un bien collectif de nos deux nations, de nos deux peuples, et de chacun de leurs citoyens.
Je vous souhaite de fructueux travaux et vous félicite dillustrer ici ensemble de la manière la plus noble et la plus utile lamitié franco-russe !
Source http://www.sante.gouv.fr, le 8 juillet 2011