Texte intégral
G. Morin Dans un livre qui paraît en ce moment, signé d'A. Adler et qui s'appelle "Le communisme", éditions "Que sais-je ?", le dernier chapitre s'appelle "Les six morts du communisme." Est-ce qu'on est en train de vivre la 7ème, celle du communisme municipal en France ?
- "Je ne crois pas. S'il y avait un livre à écrire, ce serait plutôt "Le non communisme" que "Le communisme." Il y a effectivement eu un recul à l'occasion de ces élections municipales, personne ne le conteste. Il touche principalement le Parti communiste dans la gauche plurielle. Il touche aussi d'autres formations de la gauche plurielle. Chacun sait bien que, par exemple, dans les villes de plus de 30 000 habitants où nous avons perdu une dizaine de villes - ce qui est très très important pour nous, et douloureux, je ne le conteste pas -, le Parti socialiste en perd dix-neuf. C'est vrai que Paris et Lyon occultent un peu les choses. Certes, il en avait davantage, mais proportionnellement, on se retrouve dans une situation où la gauche plurielle doit entendre le message, si ce n'est l'avertissement qui a été donné par un certain nombre d'hommes et de femmes dans le pays à l'occasion de ces élections municipales. Il y a notamment dans les quartiers et les milieux populaires - je parle pour le Parti communiste - effectivement un phénomène de mal vie, de difficulté. Ces milieux populaires ne trouvent pas de relais suffisant, y compris parce que le militantisme des communistes doit se moderniser aujourd'hui, prendre une dimension nouvelle qu'il n'a pas encore prise."
Est-ce parce qu'ils sont moins présents, moins motivés ou tout simplement parce que vous n'avez pas assez d'adhérents pour faire tout ce qu'il y a à faire ?
- "Nous sommes le parti qui a le plus d'adhérents dans les quartiers populaires. Le problème, c'est quel type de militantisme nouveau, comment être porteur de la citoyenneté émergente actuelle. Nous sommes confrontés à cette question et c'est bien dans une modernisation, dans une avancée du Parti communiste dans ce domaine que nous pourrons apporter des réponses."
J'ai d'autres bonnes lectures : l'Humanité de ce matin parle de "l'usure du communisme municipal." C'est donc un parti du XXème siècle qui n'est peut-être pas fait pour le XXIème ?
- "Ce qui est tout à fait moderne aussi, c'est que l'Humanité parle "d'usure du communisme municipal" quelques heures après les résultats. Cela montre bien notre volonté de ne pas nous dissimuler les problèmes auxquels nous sommes confrontés."
Donc tout est à revoir ?
- "Il y a beaucoup de choses à revoir. Il n'y a qu'une chose qui, à mon avis, reste fondamentale : c'est que le nouveau communisme reste nécessaire pour faire reculer dans un pays comme la France les inégalités qui perdurent et qui se traduisent dans ce scrutin par un appel. Il faut entendre cet appel. On a parlé des attentes, par exemple des retombées de la politique gouvernementale en matière de pouvoir d'achat, de salaires, de minima sociaux, de retraites. Là, c'est plus que des attentes. Il y a des demandes et la colère s'est manifestée. Elle s'est exprimée à l'occasion de ces élections. Ce n'est pas la seule chose ; il n'y a pas que la politique gouvernementale qui est à regarder de près dans ses effets au niveau des quartiers populaires. Il y a aussi notre propre capacité à porter la politique nouvelle."
Justement, vous allez avoir un congrès à l'automne. Est-ce que ce sera le lancement d'un nouveau Parti communiste avec ce nom et un nouveau visage ? Allez-vous arriver à le faire ?
- "C'est une nécessité. On est au milieu du gué et l'heure n'est pas de reculer dans la mutation que nous avons engagée. L'heure est à avancer. Il y a un formidable appel de nouveautés qui est fait aujourd'hui. Le Parti communiste a décidé, à Martigues, d'aller vers un nouveau Parti communiste, un nouveau communisme. Aujourd'hui, nous devons nous engager plus vite encore dans cette voie."
Cela intéresse-t-il les jeunes ? Ils vont vers la gauche alternative, vers des mouvements associatifs ?
- "Précisément, ils attendent du Parti communiste du nouveau et il faut le leur apporter. Il faut le faire avec eux. Dans le vote - ou l'abstention - qui s'est exprimé dimanche dernier, il y a une limite - y compris pour cette nouvelle citoyenneté, voire l'extrême gauche -, c'est le résultat électoral : il n'y a pas de débouché électoral. Cet avertissement, il faut qu'il puisse être pris en compte pour devenir un débouché électoral. C'est le nouveau militantisme que nous devons faire passer."
Est-ce que vous vous attendez à un nouvel élan du gouvernement pluriel dirigé par L. Jospin ? Quelle est la nouvelle mesure que vous voudriez en premier ?
- "Je continue de penser - je l'ai dit devant le Premier ministre, dans les meetings d'union avec lui, durant la campagne municipale - que sur la question du pouvoir d'achat, il faut vite apporter des réponses. J'ai rencontré des gens entre les deux tours, j'ai été voir des abstentionnistes qui m'ont dit : "d'accord, cela va mieux au niveau de l'emploi, mais pour le moment, notre vie n'a pas changé avec la gauche." Donc il faut bien entendre cela."
Les Verts ont un peu pris votre place dans la gauche plurielle. Ils veulent aussi des choses et eux vont peut-être obtenir satisfaction ?
- "Ne posons pas les Verts et les communistes en concurrence. Quand la gauche plurielle progresse avec les Verts, je m'en félicite. Il faut regarder la réalité : au-delà des chiffres, ce qui est le plus significatif, c'est que dans les villes de plus de 30 000 habitants, le Parti communiste conserve 29 villes. Les Verts, avec leur progression, en ont deux aujourd'hui, ce qui n'est pas négligeable. Il y a donc un rapport de force réel. Mais aujourd'hui, c'est dans une dynamique de l'ensemble de la gauche plurielle - des communistes, des Verts et des socialistes, de toutes ces formations - qu'on va faire avancer les choses."
Une dernière chose : le communisme municipal vous a rapporté de l'argent aussi et des personnels municipaux. Est-ce que vous allez être en difficulté ?
- "Le communisme municipal n'apportait pas d'argent, il en coûtait beaucoup. En tous les cas, il est clair qu'aujourd'hui, c'est un nouveau communisme municipal vers lequel il faut avancer. Un message a été adressé aux communistes à l'occasion de ces élections, je peux dire aux Françaises et aux Français qu'il est entendu."
R. Hue sera-t-il entendu dans le Parti communiste ? Il n'est pas mis en cause personnellement ?
- "Personne n'est jamais en situation de stabilité totale. Ce serait terriblement morose. Je crois vraiment que le renouveau du Parti communiste, le nouveau communisme, c'est l'avenir pour le Parti communiste. J'y travaille."
(Source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 20 mars 2001)
- "Je ne crois pas. S'il y avait un livre à écrire, ce serait plutôt "Le non communisme" que "Le communisme." Il y a effectivement eu un recul à l'occasion de ces élections municipales, personne ne le conteste. Il touche principalement le Parti communiste dans la gauche plurielle. Il touche aussi d'autres formations de la gauche plurielle. Chacun sait bien que, par exemple, dans les villes de plus de 30 000 habitants où nous avons perdu une dizaine de villes - ce qui est très très important pour nous, et douloureux, je ne le conteste pas -, le Parti socialiste en perd dix-neuf. C'est vrai que Paris et Lyon occultent un peu les choses. Certes, il en avait davantage, mais proportionnellement, on se retrouve dans une situation où la gauche plurielle doit entendre le message, si ce n'est l'avertissement qui a été donné par un certain nombre d'hommes et de femmes dans le pays à l'occasion de ces élections municipales. Il y a notamment dans les quartiers et les milieux populaires - je parle pour le Parti communiste - effectivement un phénomène de mal vie, de difficulté. Ces milieux populaires ne trouvent pas de relais suffisant, y compris parce que le militantisme des communistes doit se moderniser aujourd'hui, prendre une dimension nouvelle qu'il n'a pas encore prise."
Est-ce parce qu'ils sont moins présents, moins motivés ou tout simplement parce que vous n'avez pas assez d'adhérents pour faire tout ce qu'il y a à faire ?
- "Nous sommes le parti qui a le plus d'adhérents dans les quartiers populaires. Le problème, c'est quel type de militantisme nouveau, comment être porteur de la citoyenneté émergente actuelle. Nous sommes confrontés à cette question et c'est bien dans une modernisation, dans une avancée du Parti communiste dans ce domaine que nous pourrons apporter des réponses."
J'ai d'autres bonnes lectures : l'Humanité de ce matin parle de "l'usure du communisme municipal." C'est donc un parti du XXème siècle qui n'est peut-être pas fait pour le XXIème ?
- "Ce qui est tout à fait moderne aussi, c'est que l'Humanité parle "d'usure du communisme municipal" quelques heures après les résultats. Cela montre bien notre volonté de ne pas nous dissimuler les problèmes auxquels nous sommes confrontés."
Donc tout est à revoir ?
- "Il y a beaucoup de choses à revoir. Il n'y a qu'une chose qui, à mon avis, reste fondamentale : c'est que le nouveau communisme reste nécessaire pour faire reculer dans un pays comme la France les inégalités qui perdurent et qui se traduisent dans ce scrutin par un appel. Il faut entendre cet appel. On a parlé des attentes, par exemple des retombées de la politique gouvernementale en matière de pouvoir d'achat, de salaires, de minima sociaux, de retraites. Là, c'est plus que des attentes. Il y a des demandes et la colère s'est manifestée. Elle s'est exprimée à l'occasion de ces élections. Ce n'est pas la seule chose ; il n'y a pas que la politique gouvernementale qui est à regarder de près dans ses effets au niveau des quartiers populaires. Il y a aussi notre propre capacité à porter la politique nouvelle."
Justement, vous allez avoir un congrès à l'automne. Est-ce que ce sera le lancement d'un nouveau Parti communiste avec ce nom et un nouveau visage ? Allez-vous arriver à le faire ?
- "C'est une nécessité. On est au milieu du gué et l'heure n'est pas de reculer dans la mutation que nous avons engagée. L'heure est à avancer. Il y a un formidable appel de nouveautés qui est fait aujourd'hui. Le Parti communiste a décidé, à Martigues, d'aller vers un nouveau Parti communiste, un nouveau communisme. Aujourd'hui, nous devons nous engager plus vite encore dans cette voie."
Cela intéresse-t-il les jeunes ? Ils vont vers la gauche alternative, vers des mouvements associatifs ?
- "Précisément, ils attendent du Parti communiste du nouveau et il faut le leur apporter. Il faut le faire avec eux. Dans le vote - ou l'abstention - qui s'est exprimé dimanche dernier, il y a une limite - y compris pour cette nouvelle citoyenneté, voire l'extrême gauche -, c'est le résultat électoral : il n'y a pas de débouché électoral. Cet avertissement, il faut qu'il puisse être pris en compte pour devenir un débouché électoral. C'est le nouveau militantisme que nous devons faire passer."
Est-ce que vous vous attendez à un nouvel élan du gouvernement pluriel dirigé par L. Jospin ? Quelle est la nouvelle mesure que vous voudriez en premier ?
- "Je continue de penser - je l'ai dit devant le Premier ministre, dans les meetings d'union avec lui, durant la campagne municipale - que sur la question du pouvoir d'achat, il faut vite apporter des réponses. J'ai rencontré des gens entre les deux tours, j'ai été voir des abstentionnistes qui m'ont dit : "d'accord, cela va mieux au niveau de l'emploi, mais pour le moment, notre vie n'a pas changé avec la gauche." Donc il faut bien entendre cela."
Les Verts ont un peu pris votre place dans la gauche plurielle. Ils veulent aussi des choses et eux vont peut-être obtenir satisfaction ?
- "Ne posons pas les Verts et les communistes en concurrence. Quand la gauche plurielle progresse avec les Verts, je m'en félicite. Il faut regarder la réalité : au-delà des chiffres, ce qui est le plus significatif, c'est que dans les villes de plus de 30 000 habitants, le Parti communiste conserve 29 villes. Les Verts, avec leur progression, en ont deux aujourd'hui, ce qui n'est pas négligeable. Il y a donc un rapport de force réel. Mais aujourd'hui, c'est dans une dynamique de l'ensemble de la gauche plurielle - des communistes, des Verts et des socialistes, de toutes ces formations - qu'on va faire avancer les choses."
Une dernière chose : le communisme municipal vous a rapporté de l'argent aussi et des personnels municipaux. Est-ce que vous allez être en difficulté ?
- "Le communisme municipal n'apportait pas d'argent, il en coûtait beaucoup. En tous les cas, il est clair qu'aujourd'hui, c'est un nouveau communisme municipal vers lequel il faut avancer. Un message a été adressé aux communistes à l'occasion de ces élections, je peux dire aux Françaises et aux Français qu'il est entendu."
R. Hue sera-t-il entendu dans le Parti communiste ? Il n'est pas mis en cause personnellement ?
- "Personne n'est jamais en situation de stabilité totale. Ce serait terriblement morose. Je crois vraiment que le renouveau du Parti communiste, le nouveau communisme, c'est l'avenir pour le Parti communiste. J'y travaille."
(Source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 20 mars 2001)