Interview de Mme Chantal Jouanno, ministre des sports à France-Info le 24 juin 2011, sur le financement du sport, le football et le cyclisme notamment et le dopage lors du Tour de France cycliste.

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Média : France Info

Texte intégral


 
 
 
RAPHAËLLE DUCHEMIN Bonjour Chantal Jouanno. Merci d’être venue en direct ce matin, dans le studio de FRANCE INFO. Nous allons parler cyclisme avec le Tour de France qui début dans une semaine ; rugby avec la délicate situation du Stade français. Mais d’abord football, avec les droits de diffusion télé qui ont été attribués, donc hier, par la Ligue de football professionnel. CANAL+ reste le partenaire de la Ligue 1 avec donc une nouvelle venue dans le paysage : la chaîne du Qatar, AL JAZEERA, qui va créer dans les mois qui viennent une chaîne francophone 100 % sport, dont les modalités de diffusion restent encore à définir. AL JAZEERA SPORT diffusera les rencontres du vendredi soir et du dimanche en début d’après-midi. En tant que ministre des Sports, vous réjouissez-vous de l’arrivée de la chaîne AL JAZEERA dans le monde du foot français ?
 
CHANTAL JOUANNO Alors, vous avez raison de rappeler qu’elle n’a, entre guillemets, qu’un petit lot, puisque c’est 90 millions d’euros sur 510. Donc, c’est pas la grosse partie. CANAL+ reste le partenaire principal. Ce qui pose question, entre guillemets, c’est le modèle économique du football dans ce débat. On voit bien que la difficulté de la Ligue 1 c’était de trouver absolument de l’argent, et beaucoup d’argent, et que c’est pour ça qu’ils se réjouissent effectivement qu’il y ait des nouveaux partenaires. Donc, ça, c’est la première difficulté : pourquoi est-ce que le football n’a pas réussi à capitaliser, à créer des actifs et est toujours aussi déficitaire ? Et la deuxième difficulté, bien évidemment, c’est, bon, pour l’avenir comment est-ce qu’on va réussir à redresser la situation du football ? Et vous savez, on a un problème en France qui est très simple, par rapport aux autres pays, c’est que notre football professionnel est financé principalement par les droits télévisuels, et d’autre part…
 
RAPHAËLLE DUCHEMIN …d’où la nécessité de trouver beaucoup d’argent.
 
CHANTAL JOUANNO Voilà, beaucoup d’argent puisqu’ils étaient à 680 millions d’euros annuels. Et d’autre part, par la vente des joueurs. Ce qui est moralement toujours un peu choquant. Alors que dans les autres pays, la part des recettes qui sont liées à la possession des stades, ce qu’on appelle la billetterie, les recettes que l’on peut tirer quand on vent des paquets commerciaux, entre guillemets, est beaucoup plus importantes. C’est beaucoup plus équilibré. Donc, nous, on a un modèle extrêmement fragile. Ce qui fait qu’à chaque renouvellement, ils sont un peu aux abois. Et c’est la raison pour laquelle moi je leur dis, bon, très bien, nous on a vous aider, on va vous aider à financer des nouveaux stades, qui soient des stades plus confortables, qui vont permettre d’accueillir plus de public, mais en échange changez votre modèle économique, arrêtez dans la course aux salaires, comme d’ailleurs à l’échelle européenne, c’est un sujet de comportement à l’échelle européenne, mais investissez dans l’avenir. Et puis, l’autre sujet, bien évidemment, c’est une situation quasi monopolistique de CANAL+ dans ce débat. Invités du Vendredi 24 juin 2011 Département Veille et Ressources d’informations – 01.42.75.54.58 21
 
RAPHAËLLE DUCHEMIN Les matchs vont être du coup étalés un petit peu sur la fin de la semaine. On va avoir vendredi, samedi, dimanche en début d’après-midi, dimanche soir. Est-ce que vous n’avez pas peur que…
 
CHANTAL JOUANNO …qu’on sature !
 
RAPHAËLLE DUCHEMIN Voilà, qu’on sature de football et que ça nuise aux autres sports, parce que finalement il va y avoir du football tout le temps.
 
CHANTAL JOUANNO Oui, alors en tant que ministre des Sports, moi, mon objectif c’est effectivement d’inciter tous les Français à pratiquer tous les sports. Je veux dire, tout le monde peut avoir des choix très différents. Donc, on est en train de travailler avec FRANCE TELEVISIONS, qui est la chaîne de service public, pour justement lui donner des indicateurs beaucoup plus précis de présentation de la plus grande diversité des sports. Et pas seulement de la plus grande diversité des sports, mais aussi de la plus grande diversité des pratiquants et des pratiquantes, j’insiste sur ce point.
 
RAPHAËLLE DUCHEMIN Oui, parce qu’on parle effectivement beaucoup de foot masculin, beaucoup moins du foot féminin, et c’est pareil pour tous les autres sports. Donc, FRANCE TELEVISIONS aurait la possibilité de diffuser plus d’autres sports. Ben, tant mieux ! Et puis, il y a aussi les amateurs de rugby.
 
CHANTAL JOUANNO Absolument.
 
RAPHAËLLE DUCHEMIN Et là, rien ne va plus pour le Stade français. Le club parisien est au bord de la faillite, dix millions d’euros à trouver d’ici lundi. Ca ne va pas être facile. Le Stade français pourrait passer du Top 14 en 3e division. Vous avez reçu, hier, Max GUAZZINI et Bernard LAPORTE, les dirigeants du Stade, qui ont visiblement été victimes d’une escroquerie. Que leur avez-vous dit ?
 
CHANTAL JOUANNO Déjà, on a fait le point sur leur situation. Alors, effectivement, ils sont dans une situation totalement improbable. Je veux dire, une escroquerie de cette ampleur sur un club de cette ampleur, c’était totalement…
 
RAPHAËLLE DUCHEMIN …il n’y a pas eu un défaut à un moment ou à un autre de surveillance, de vigilance ?
 
CHANTAL JOUANNO Ce ne sont pas des oiseaux nés de la dernière pluie, donc ils ont quand même une certaine expérience dans le domaine des affaires. Donc, ils se trouvent dans une situation vraiment exceptionnelle et totalement délicate. C’est la raison pour laquelle, moi, j’ai voulu les recevoir. On a évoqué effectivement leurs pistes pour l’avenir. Nous, on est facilitateurs puisque l’Etat, vous savez, ne peut pas financièrement investir évidemment dans des clubs, heureusement parce que les clubs de foot sont très déficitaires, et certains de rugby aussi. Donc, notre rôle c’est d’être facilitateur et de voir éventuellement si il y avait des possibilités que la décision de l’organe de contrôle de gestion, la DNACG, que vous évoquiez tout à l’heure, puisse être reportée. La DNACG est complètement indépendante et souveraine. Donc, ça n’est qu’en opportunité qu’elle appréciera. Mais pour autan, on va, nous, les aider en tant que facilitateurs, sans pouvoir dire c’est l’Etat qui va sauver le Stade français. Mais le Stade est tellement mythique, tellement mythique ! Et puis, Max GUAZZINI en a fait aussi un telle fête, c’est la fête du rugby, il a redonné une âme au rugby au Stade français, il a été un des plus grands porteurs de la lutte contre les discriminations, donc c’est aussi pour ça qu’il faut l’aider.
 
RAPHAËLLE DUCHEMIN Le Tour de France, à présent, débute le week-end prochain. Vous avez pu entendre à 7 h15 « Le plus de France Info » sur la difficulté de lutter contre les réseaux mondiaux de produits dopants. La fin des années 90 a été marquée par l’affaire Festina. Le dopage aujourd’hui est-il toujours une réalité dans le monde du cyclisme ? Il y a quand même un coureur sur le départ, CONTADOR, qui a été soupçonné de dopage. C’est quand même un peu gênant encore.
 
CHANTAL JOUANNO Sur l’affaire CONTADOR, c’est gênant pour le sport, parce que effectivement toute l’attention va être focalisée sur cette affaire alors que le Tour de France c’est une vraie fête populaire. Il y a 3,5 milliards de personnes qui regardent le Tour de France. C’est l’évènement annuel le plus populaire dans le domaine sportif. Donc, c’est dommage pour le Tour de France qui doit être une fête populaire, et pas effectivement une course à l’argent et une course donc aux produits dopants. Ca, c’est le premier point, et j’aurais préféré que la situation de CONTADOR soit clarifiée, comme c’était initialement prévu, avant le Tour de France.
 
RAPHAËLLE DUCHEMIN Il a ensuite été blanchi par la Fédération espagnole de cyclisme.
 
CHANTAL JOUANNO Voilà. S’agissant du dopage, on le trouve malheureusement dans tous les sports. On le trouve malheureusement pas seulement dans le sport de haut niveau, pas seulement dans le sport élite, mais aussi chez les amateurs. On a aujourd’hui un dispositif de répression qui est assez complet, avec une agence qui est indépendante, avec un office centrale qui rassemble police, gendarmerie, droite… douane, pardon, qui est très efficace. Aujourd’hui, on agit beaucoup sur la prévention en obligeant notamment les fédérations et les clubs à avoir des plans de prévention. Et moi, j’ai adopté un principe très simple, c’est que ils ne bénéficient pas d’argent public, ou en tout cas on réduit leurs subventions si ils n’ont pas un plan de prévention. Parce que les affaires ont montré que les parents pouvaient être impliqués, que les médecins de famille pouvaient être impliqués, et si on ne leur montre pas les désastres que ça fait sur la santé à moyen terme et à long terme, évidemment on continuera dans cette voie.
 
RAPHAËLLE DUCHEMIN Vous parliez de droite à l’instant, un lapsus, on va donc parler politique.
 
CHANTAL JOUANNO C’était un lapsus, oui !
 
RAPHAËLLE DUCHEMIN Vous venez de vous installer avec votre famille dans le 12e arrondissement de Paris et vous avez été investie pour mener les sénatoriales à Paris. Le vote aura lieu en septembre. La bataille a donc commencé pour une municipale de 2014 ?
 
CHANTAL JOUANNO Non, attendez, chaque étape en son temps ! Moi, je poursuis mon investissement sur Paris, à la suite des régionales puisqu’effectivement pendant les régionales j’étais déjà tête de liste, et j’ai adoré cette campagne parce que les régionales vous faites une vraie campagne de terrain. J’ai fait une centaine de déplacements à rencontrer toutes les Parisiennes et les Parisiens, donc c’est extrêmement intéressant de voir comment est-ce qu’on peut être utile. C’est ça la politique, en réalité. Donc, les sénatoriales c’est la poursuite. Après, les municipales c’est encore une autre étape. Moi, mon, objectif aujourd’hui en tant que tête de liste, c’est l’unité et d’appeler les uns et les autres à la responsabilité. Si vous croyez un petit peu à la droite et à ses valeurs, vous n’avez pas le droit d’être dissident.
 
RAPHAËLLE DUCHEMIN Mais vous avez envie d’être candidate en 2014, parce qu’il y a visiblement plusieurs candidats à droite ?
 
CHANTAL JOUANNO Oui, ça se bouscule !
 
RAPHAËLLE DUCHEMIN Rachida DATI, François FILLON.
 
CHANTAL JOUANNO Moi, je suis candidate pour la suite pour une implantation dans un arrondissement, pas pour être maire de Paris, parce que ma conviction c’est que pour être maire de Paris il faut une grande expérience de la politique, il faut avoir une dimension d’homme ou de femme d’Etat nationale, qui dépasse un peu les frontières de Paris. C’est pas encore mon profil. Peut-être qu’un jour je l’aurai, mais en tout cas aujourd’hui c’est pas encore mon profil. Et puis, j’ai d’autres valeurs qui sont les valeurs de ma famille, et qui sont en tout cas encore pour quelques années ma première priorité.
 Source : Premier ministre, Service d’Information du Gouvernement, le 5 juillet 2011