Déclaration de M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication, sur la presse spécialisée dans le cadre de l'édition numérique, les aides à la presse et la distribution, Paris le 17 juin 2011.

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Circonstance : Clôture de l'assemblée générale de la Fédération nationale de la presse française (FNPS) à Paris le 17 juin 2011

Texte intégral


Je voudrais d'abord vous dire combien j'apprécie de me trouver aujourd'hui parmi vous dans ce cadre convivial et vous remercier pour la qualité de votre accueil. Par son « savoir vivre », je constate là encore que la presse spécialisée est bien celle du « savoir » et du « vivre ». Elle confirme aussi qu’elle constitue pour ses lecteurs un label de référence, celui de la connaissance.
Ce qui me frappe, Monsieur le Président, dans la presse spécialisée, et vous l'avez admirablement démontré, c'est qu'elle est « univoque » dans sa qualité d'informer et « multiple » dans ses territoires de savoirs. Ce trait d'union qui rassemble et distingue est une spécificité qu’il ne faut pas sous-estimer. Elle est une force, un gage de crédibilité à la mesure d'un lectorat exigeant et averti qu'il n'est pas besoin de séduire, si ce n'est pour répondre toujours plus à sa curiosité et garantir sa bonne information.
Je rends hommage à la tâche qui a été la vôtre, cher Jacques LOUVET, durant les six années passées à la tête de la fédération, pour rassembler, dans un combat commun, toutes ces familles de presse aux spécificités si fortes. Vous êtes un homme d'action et de conviction, votre parcours professionnel et la diversité de vos engagements vous prédisposaient à soutenir les espoirs de toutes les formes de presse dont vous vous êtes fait l'interprète.
Les instances de concertation ouvertes par les États généraux de la presse ont été pour vous une nouvelle occasion de défendre la cause de vos mandants. Vous l'avez fait avec une résolution jamais démentie et un sens de la solidarité et de l’intérêt général qui vous honore. Comme vous l'avez si justement évoqué, les préoccupations de vos familles de presse, leurs attentes, nous les connaissons bien, et je pense pouvoir vous assurer que nous les partageons. Car je n’ignore pas que c’est la somme des atouts individuels de chaque famille de presse qui stimule et consolide la grande famille des médias écrits, dans son ensemble. Permettez-moi, à cette occasion, de saluer la mémoire d’Alain METTERNICH, qui à la tête de Fédération nationale de la presse française, défendait avec conviction les valeurs de l’action collective que vous incarnait vous-même au sein de la FNPS. Je suis convaincu que notre soutien à la presse spécialisée, contribue à soutenir la presse généraliste, et vice versa. Notre action ne se résume pas au soutien à telle ou telle famille de presse, mais doit au contraire tendre à les rassembler autour de l’intérêt général. Ce qui doit nous guider c’est le renouvellement des publics, de tous les publics, et le développement de l’audience de la presse, au sens large dans un esprit de convergence.
L’évolution du marché de la presse démontre que l’assèchement de la diversité de l’offre, les atteintes au pluralisme, conduisent inévitablement à un affaiblissement de l’intérêt pour l’information dans son ensemble. Il faut donc rester attentif à ne pas fragiliser l’une de ses composantes, car cela conduirait à l’asphyxie de l’ensemble du marché. C’est pourquoi, il est important de rappeler que la solidarité entre familles de presse n’est pas seulement un principe naïf et généreux : c’est l’oxygène même de la presse, c’est une valeur sur laquelle il convient de veiller dans l’intérêt de tous et de chacun.
Monsieur le Président, avec ses 1800 publications d'information spécialisée, « la formation, le savoir et l'innovation » constituent les piliers de votre fédération. Je sais combien au-delà de la crise dont tout le monde parle, vous avez naturellement choisi d’accompagner, avec résolution, cette période de mutation profonde de la presse.
Avec la révolution numérique et l’image globalisée, le monde se trouve dans une phase de transformations profondes. Face aux nouvelles réalités économiques, les entreprises de presse, comme l’État, doivent faire évoluer leur mode d'intervention. On ne peut se résoudre à subir ou gérer le déclin annoncé. Il s’agit au contraire de rebondir grâce notamment à une intervention intelligente, adaptée et cohérente de l’État.
J'ai ainsi réuni en janvier dernier les différentes organisations professionnelles du secteur de la presse pour installer l'instance de concertation sur la gouvernance des aides à la presse, dont j'ai confié la présidence à M. Roch-Olivier MAISTRE, premier avocat général à la cour des comptes. L'instance a achevé ses travaux il y a une semaine et je sais que la FNPS a participé activement à ses échanges dans un esprit ouvert et constructif que je salue.
Le rapport que va me remettre Roch-Olivier MAISTRE constituera une indispensable feuille de route pour les futures évolutions réglementaires. Comme je l’ai annoncé en janvier, je réunirai à nouveau le groupe de travail, début juillet, afin de clôturer ce cycle de concertation et rappeler les termes de la nouvelle gouvernance des aides à la presse qui entrera en pratique dès 2012.
Dans les derniers arbitrages que le Gouvernement pourra prendre, soyez certains que je serai attentif à respecter les règles d’une concurrence équitable afin que la contribution publique n’affecte pas l’équilibre économique complexe de la presse spécialisée.
C’est dans cet esprit que j’ai tenu à associer la Fédération nationale de la Presse Spécialisée aux travaux de l’instance de concertation présidée par Roch Olivier MAISTRE. Je tiens à ce que vous participiez à la suite de ces travaux à travers la conférence nationale des éditeurs que nous réunirons chaque année pour définir ensemble les grandes orientations de l’intervention publique.
A travers cette conférence nationale annuelle, c’est l’esprit des Etats généraux de la presse écrite, que je souhaite préserver. Celui d’un dialogue constructif entre l’État et les acteurs de la profession. Il nous a permis d’établir un diagnostic partagé, de nous accorder sur des objectifs stratégiques. Il est désormais important d’évaluer et d’ajuster le dispositif exceptionnel déployé il y a trois ans. Cette amélioration permanente de la contribution publique autour d’une plate-forme d’échange et de dialogue est la meilleure garantie d’une saine adaptation des politiques de l’État aux évolutions du marché, et aux nouveaux usages qui les accompagnent. Dans le domaine de la presse, un État efficace est un État stratège, un État qui anticipe l’avenir et non pas un État qui gère l’existant.
En 2010, le rapport CARDOSO a posé les bases d'une réflexion sur les fondements de l’intervention publique et sa nécessaire modernisation. Il recommande que la contribution publique à la presse soit organisée sur des bases nouvelles, adaptées à ce qu'attendent les éditeurs, adaptées à la vision stratégique que l’État souhaite renforcer au bénéfice du secteur. L’aide publique doit ainsi être un catalyseur du changement et doit accompagner les mutations économiques et industrielles. Cette nouvelle approche permet de clarifier le dispositif actuel et d’adapter les aides aux besoins d’aujourd’hui, afin de faire émerger des entreprises d’information fortes et indépendantes.
Une des pistes de la réforme des aides à la presse est de créer un véritable Fonds stratégique chargé d'accompagner les mutations industrielles, technologiques et le développement du lectorat. Si j'ai souhaité recentrer les aides directes sur les titres ayant un caractère d’information politique et générale, c’est là que l’intervention de l’Etat est la plus légitime, il me semble néanmoins indispensable de soutenir vos efforts et vos mutations professionnelles. 20% des crédits du fonds stratégique consacrés au développement numérique vous seront donc réservés. Je souhaite également ajouter que la réforme des aides à la presse permet la responsabilisation des acteurs. Celle-ci doit s’appuyer sur deux piliers :
- la contractualisation pour les titres de presse les plus aidés financièrement avec des engagements clairement définis,
- le renforcement de la gouvernance des aides à partir d’une évaluation régulière.
Permettez-moi de vous faire part de ma grande satisfaction de constater la volonté de tous de faire évoluer la relation qui nous unit dans l’intérêt de toute la profession.
Monsieur le Président, vous avez évoqué les sujets d'avenir et je souhaiterais partager avec vous quelques réflexions. La différence de traitement fiscal qui existe au sein de la presse écrite, selon qu'elle est imprimée ou dématérialisée, est assurément une difficulté. Elle constitue une source de distorsion et fausse la concurrence. Vous le savez, l'application du taux réduit de TVA à la presse en ligne est complexe à mettre en oeuvre car elle suppose l'adhésion de la Commission européenne, du Parlement européen et du Conseil de l'Union européenne. C'est la raison pour laquelle le Président de la République a confié à Jacques TOUBON une mission de réflexion et de proposition sur les défis de la « révolution numérique » au regard des règles fiscales européennes. Le rapport qui en résultera permettra d'appuyer le travail d'argumentation et de conviction entrepris par les Ministres des Finances, des Affaires étrangères et moi-même auprès de la Commission européenne.
La matérialité du papier pose également la question de sa distribution. Vous le soulignez, elle est encore en grande difficulté malgré les efforts conjugués de l’État et de la profession. Ces efforts se poursuivent. La prochaine lecture à l’assemblée générale de la proposition de loi sur la modernisation du Conseil Supérieur des Messageries de Presse (CSMP) constitue à cet égard une étape importante dans la modernisation du système de distribution. Je prendrai également pour exemple le soutien exceptionnel de l’État aux diffuseurs spécialisés, que mes services s'apprêtent à reconduire. Ou encore, le plan de développement des kiosques, commerce culturel de proximité, qui a conduit à la signature récente d'une convention entre le ministère de la Culture et de la Communication, le Conseil Supérieur des Messageries de Presse (CSMP), et l'Association des maires de France (AMF).
A l’heure de la « société des écrans », à l’heure où notre société est engagée dans des évolutions qui nous conduisent à repenser l’avenir de l’écrit, je veux vous inviter à y apporter votre contribution et à faire entendre la voix de vos publications. Ce travail de dialogue, de réflexion et d’imagination que j’ai pour mission d’encourager se fera avec vous.
J'ai toute confiance dans votre capacité de relever le défi, avec l'arrivée de Christian BRUNEAU à la tête de la fédération nationale de la presse spécialisée. Ce pari sur l’avenir, je le sais, vous êtes à même de l’affronter, et l'aide du Gouvernement sera à la mesure des efforts de la presse spécialisée pour s'adapter aux changements profonds de la connaissance et des loisirs au XXIe siècle. J’ai évoqué, au début de mon intervention, le « savoir vivre ». Je suis persuadé que vos titres sont pionniers pour affronter les nouveaux enjeux de la « société de la connaissance » et le nouvel « art de vivre » dans nos sociétés connectées. Ces sociétés façonnées par des identités en réseaux, façonnées par « ce temps des tribus », dont parle le sociologue Michel Maffesoli. Je suis persuadé que vos titres, dans leur diversité et dans leur richesse, sont armés pour prendre à bras le corps ces évolutions de notre société.
Je vous remercie.
Source http://www.culture.gouv.fr, le 20 juin 2011