Déclaration de Mme Roselyne Bachelot, ministre des solidarités et de la cohésion sociale, sur le partage des responsabilités familiales, la politique de la famille et l'égalité professionnelle, Paris le 28 juin 2011.

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Circonstance : Clôture de la conférence sur le partage des responsabilités professionnelles et familiales à Paris le 28 juin 2011

Texte intégral

Permettez-moi d'abord de souligner et de saluer la richesse des travaux qui se sont tenus aujourd'hui. Je veux rendre un hommage tout particulier à vos qualités de synthèse et d'analyse, chère Sabine Fourcade.
Ils ont tout d'abord permis de confirmer la place centrale du partage des responsabilités familiales pour réduire significativement les inégalités professionnelles entre les femmes et les hommes.
Ils ont aussi montré que, par-delà le cadre législatif complet dont nous disposons, un chantier ambitieux s'offre à nous.
L'évolution des représentations et des mentalités est à l'œuvre, en particulier parmi les jeunes générations.
Il nous faut à présent accompagner le monde du travail dans sa mutation.
Le prochain rendez-vous des partenaires sociaux aura lieu, comme vous le savez, à l'automne.
Il concerne l'ouverture d'un dialogue social interprofessionnel sur les conditions de travail et la conciliation des temps de vie.
D'ici là, je recevrai les représentants des partenaires sociaux et, je l'espère ardemment, leurs représentantes, pour faire le point sur les défis qu'il nous reste, ensemble, à relever.
Ces consultations porteront en priorité sur les pistes que vous avez dégagées aujourd'hui. Je vous en remercie à nouveau.
Des travaux de cette journée je retiens cinq idées centrales.
Cinq idées qui nécessitent la mobilisation de l'ensemble du Gouvernement pour proposer, avant la fin de cette année, un plan d'accompagnement du monde du travail en matière d'égalité professionnelle.
Première idée : l'égalité professionnelle, c'est agir en amont, dès la formation initiale des jeunes filles et des garçons.
Le ministre de l'éducation nationale l'a rappelé ce matin : les jeunes filles connaissent une meilleure réussite sur le plan scolaire que les garçons.
Mais force est pourtant de constater qu'elles n'en tirent pas parti, au moment de leur choix d'orientation scolaire et professionnelle. En effet, elles sont encore peu nombreuses à se diriger vers les filières et les écoles les plus valorisées sur le marché du travail.
L'enjeu est donc bien d'améliorer l'orientation scolaire et professionnelle en diversifiant les choix et de favoriser un égal accès aux différentes formations pour une meilleure insertion dans l'emploi.
C'est dans cet objectif qu'est organisé chaque année le Prix de la vocation scientifique et technique des filles, qui récompense des élèves de terminales.
Ainsi, 650 prix, d'un montant de 1 000 euros chacun, sont remis sur l'ensemble du territoire à des jeunes filles qui font le choix de s'orienter vers une filière scientifique ou technologique de l'enseignement supérieur comptant moins de 40% de filles.
Il nous faut continuer nos efforts en ce sens. C'est d'ailleurs tout l'enjeu de la convention interministérielle pour l'égalité des filles et des garçons qui sera renouvelée cette année et qui assurera notamment une meilleure formation des professionnels de l'orientation en milieu scolaire.
Deuxième idée : l'égalité professionnelle, c'est aussi accompagner les secteurs professionnels et les entreprises dans leur démarche.
D'abord, par la mobilisation de dispositifs spécifiques.
Pour les PME, il existe des aides financières spécifiques destinées à accompagner leurs démarches de progrès en matière d'égalité professionnelle :
* l'aide au conseil pour étudier leur situation en matière d'égalité professionnelle et la mise en place de mesures susceptibles d'être prises en compte pour rétablir l'égalité des chances entre les femmes et les hommes ;
* des aides à l'action : le contrat pour l'égalité professionnelle et le contrat pour la mixité des emplois.
Ces deux dispositifs permettent la prise en charge par l'Etat d'une partie des coûts des mesures de sensibilisation, de formation, de promotion ou d'amélioration des conditions de travail, dès lors qu'elles revêtent un caractère exemplaire.
Pourtant, dans la pratique, ces contrats sont peu utilisés.
Aussi, afin de répondre aux besoins des entreprises de façon plus opérationnelle, il a été décidé d'opérer la fusion de ces deux dispositifs.
L'objectif est de simplifier et d'assouplir les modalités de recours à ces deux contrats pour susciter davantage de mesures en faveur de l'égalité professionnelle.
Désormais, il n'y aura qu'un dispositif unique ouvert aux seules entreprises permettant de cofinancer des mesures individuelles comme des mesures collectives.
Ensuite, il faut accompagner les secteurs professionnels et les entreprises par la contractualisation avec des secteurs professionnels porteurs d'emplois.
Je compte développer le travail entamé il y a quelques années avec le secteur du bâtiment, tant avec la Fédération du bâtiment qu'avec la Confédération de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises du bâtiment (Capeb).
Il nous faut rendre plus mixtes ces deux secteurs dans lesquels de nombreuses femmes travaillent aujourd'hui et ont obtenu des qualifications. Depuis 2004, ce sont près de 28 000 femmes qui travaillent au sein du bâtiment.
Lancé par la Capeb, avec le soutien de mon ministère, le concours « Conjuguez les métiers au féminin », destiné aux jeunes filles de troisième, s'est déployé dans tous les départements.
Je souhaite mobiliser d'autres secteurs, comme celui des nouvelles technologies de l'information et de la communication, qui souffrent aujourd'hui d'une désaffection des jeunes, notamment des jeunes femmes.
Mais -et c'est là la troisième idée -tout cela suppose de faciliter l'articulation des temps professionnels et personnels.
Le bilan de la France est plus que positif. La plus belle illustration est le cumul de deux indicateurs : un taux de natalité élevé de près de 2 enfants par femme en âge de procréer et un taux d'activité professionnel féminin de 85%.
L'intervention publique en matière de politique familiale fait l'objet d'un consensus large et puissant, légitimant les prélèvements sociaux dédiés au financement de la branche famille.
Les dépenses de prestations sociales consacrées à la famille représentent environ 53,3 Mds€ en 2010, soit environ 17 % des dépenses du régime général de la sécurité sociale.
Au cours de ces dernières années, l'accent a été mis sur l'amélioration de la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle. Je pense notamment à la signature en avril 2009 d'une convention d'objectifs et de gestion (COG) entre l'Etat et la CNAF.
Elle prévoit une action sociale particulièrement dynamique en matière de petite enfance. Ainsi, elle est passée de 3,8 Mds - en 2008 à 5,0 Mds - en 2012, ce qui représente un effort de 1,3 Md€ supplémentaires.
Permettre aux parents de mieux concilier travail et vie familiale est une priorité qui, cette journée le démontre à nouveau, fait l'objet d'un large consensus.
Le plan de développement de la garde d'enfant 2009-2012 a justement pour objectif de répondre aux besoins les plus prioritaires pour les familles dont les deux conjoints travaillent, ainsi que pour les familles monoparentales.
L'objectif fixé par le Président de la République est clair : il s'agit d'augmenter de 200 000 possibilités nouvelles les solutions de gardes crées d'ici 2012. Cela suppose de maintenir le niveau actuel des efforts.
Je citerai également le recentrage du crédit d'impôt famille sur la participation aux frais de mise en place de crèches d'entreprise ou crèches interentreprises puisque le taux de crédit d'impôt pour ce type de dépenses a été augmenté en passant de 25 à 50%.
Vous le savez, la situation de déficit que connait la branche famille ( -2,8 Mds€ estimés pour 2011 selon la commission des comptes, le 9 juin 2011) doit nous conduire à bien cibler nos mesures, a fortiori en direction des familles précaires et singulièrement des familles monoparentales.
Deux mesures sont actuellement à l'étude :
1. La création d'une majoration du plafond de ressources du parent isolé pour le bénéfice du complément de mode de garde de la prestation d'accueil du jeune enfant (PAJE).
2. Le versement du montant plafond de l'allocation de solidarité familiale ASF (88,44€), en cas de défaillance de l'ex-conjoint débiteur d'une pension alimentaire.
Les actions à mener impliquent la mobilisation de trois acteurs principaux : l'Etat, les collectivités locales et les entreprises, financées pour partie par le Fonds social européen ou s'inscrivant dans le cadre de programmes communautaires.
La palette des mesures concrètes dont peuvent s'emparer les entreprises est extrêmement diversifiée.
La mise en place d'un entretien avec des femmes enceintes avant leur congé de maternité et à leur retour, afin de leur permettre de reprendre le travail dans les meilleures conditions possibles, s'est concrétisée dans de nombreuses entreprises.
Les propositions qui m'ont été remises par Brigitte Grésy sont à la hauteur des ambitions que j'avais appelées de mes vœux.
Elles visent à promouvoir les moyens d'une paternité active et à inscrire la parentalité des femmes et des hommes dans l'entreprise, tout au long de la carrière professionnelle.
Une fois encore, elles ont vocation à inspirer le contenu des délibérations qui auront lieu à l'automne et elles seront sur la table quand je recevrai les représentants des partenaires sociaux.
Quatrième idée : il est nécessaire de s'appuyer sur le monde économique et de valoriser les entreprises qui s'engagent.
Le label Egalité est la marque d'organismes novateurs dans leur approche de l'égalité entre les femmes et les hommes. Il récompense l'exemplarité de leurs pratiques.
Depuis le 10 mars 2005, date de la première labellisation, un nombre croissant d'organismes, issus de secteurs aussi variés que l'électronique, les transports, les assurances, la communication, l'agro-alimentaire ou les banques, se sont ainsi employés à l'obtenir.
Plus d’1 million de salarié-e-s travaillant au sein d'entreprises ou d'administrations sont aujourd'hui concernés et bénéficient de cette démarche d'égalité.
Ce label constitue une feuille de route pour les entreprises permettant de fixer des objectifs quantifiables et des actions concrètes en matière de gestion des ressources humaines, de communication et d'articulation des temps de vie professionnelle et familial.
L'entreprise mobilise ainsi différents leviers pour faire progresser l'égalité de traitement : recrutements, formations, promotions, gestion de parcours individualisés.
Dans ces entreprises, davantage de femmes ont accédé à des postes de direction et les écarts de rémunération se sont réduits.
Enfin, cinquième et dernière idée, la création d'entreprises par les femmes est source de création d'emplois.
Dans le cadre de l'égalité professionnelle, je souhaite également développer la création d'entreprises par les femmes.
Aujourd'hui, seulement 29% des entreprises sont créées par des entrepreneures, ce qui est encore bien insuffisant.
Et pourtant, le Fonds de garantie pour la création, la reprise et le développement d'entreprises à l'initiative des femmes (FGIF) a permis en vingt ans la création de plus de 5000 entreprises.
Créé en 1989 pour permettre faciliter l'accès au financement bancaire par les femmes qui souhaitent créer une entreprise, il leur apporte un soutien personnalisé dans leur démarche.
Ce dispositif doit pouvoir être davantage mobilisé et couplé avec d'autres prêts bancaires complémentaires, comme celui de NACRE (Nouvel accompagnement à la création reprise d'entreprise).
Je souhaite pour cela renforcer les partenariats, notamment avec la Caisse des dépôts.
Je ne voudrais pas conclure sans remercier à nouveau l'ensemble des intervenants pour leur mobilisation et la qualité de leurs réflexions.
Mais je tiens aussi à saluer particulièrement les participants pour leurs questions et leurs remarques. Elles ont permis d'enrichir cette journée au sein des séminaires de préparation à ces tables-rondes.
La construction du plan d'accompagnement du monde du travail annoncé s'inscrit, grâce à vous, dans une démarche collaborative. Je m'en réjouis car je crois profondément dans les vertus de la concertation, notamment sur des sujets qui concernent chacune et chacun d'entre nous.
Je vous donne rendez-vous à la fin de l'année pour son lancement officiel.
Merci à toutes et à tous !

Source http://www.solidarite.gouv.fr, le 30 juin 2011