Interview de Mme Roselyne Bachelot, ministre des solidarités et de la cohésion sociale, à Canal Plus le 23 juin 2011, sur les candidatures UMP à l'élection présidentielle de 2012, les primaires au PS et le climat social.

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MAITENA BIRABEN Roselyne BACHELOT, la ministre des Solidarités et de la cohésion sociale, est l’invitée politique de « La Matinale. » Elle est en charge du dossier de la dépendance et a entre les mains les pistes du financement. Le président tranchera bientôt à l’heure où le patron de la Cour des comptes demande encore vingt milliards d’économies supplémentaires l’année prochaine. Et pendant ce temps, les candidats fleurissent à droite. Roselyne BACHELOT, bonjour…
 
CAROLINE ROUX Bonjour…
 
MAITENA BIRABEN Il est très peu habile ce tabouret, il va falloir qu’on fasse quelque chose…
 
ROSELYNE BACHELOT J’espère arriver à me jucher sur votre tabouret…
 
CAROLINE ROUX Ça va ?
 
MAITENA BIRABEN Bravo, vous l’avez fait ! Soyez la bienvenue !
 
CAROLINE ROUX Et une candidate de plus à droite effectivement, Christine BOUTIN se lance dans l’aventure…
 
ROSELYNE BACHELOT Comme elle l’était d’ailleurs la dernière fois…
 
CAROLINE ROUX Se lance dans l’aventure présidentielle. BORLOO, VILLEPIN, Nicolas DUPONT-AIGNAN, BOUTIN, vous-même, vous êtes candidate ?
 
ROSELYNE BACHELOT Non, je vous rassure.
 
CAROLINE ROUX Alors, plus sérieusement, est-ce que c’est un risque de morcellement des forces de droite à la veille de la présidentielle, est-ce que ça vous inquiète ?
 
ROSELYNE BACHELOT Non, à ce moment du débat politique, je pense qu’il y aura de toute façon, j’allais employer le mot d’écrémage, mais d’abord, il faudra réunir les 500 signatures, ce n’est pas facile, et je trouve assez sympathique de voir que dans le débat actuel, un certain nombre de personnes, qui très certainement renonceront à leur candidature souhaitent l’annoncer, pour pouvoir participer au débat, c’est tout à fait normal, et c’est comme ça à toutes les élections présidentielles.
 
CAROLINE ROUX Des candidatures sympathiques. Est-ce que ça n’est pas le signe que l’UMP a échoué à rassembler différentes sensibilités, comme c’était le cas lors de la dernière présidentielle ?
 
ROSELYNE BACHELOT Il y avait déjà beaucoup de candidats qui sont déjà des candidats plus ou moins déclarés, qui étaient présents lors de la… alors, même à la phase élection présidentielle, il y avait François BAYROU, il y avait Christine BOUTIN, il y avait un certain nombre de candidats qui étaient là. Donc je regarde ça avec philosophie.
 
CAROLINE ROUX Avec philosophie, est-ce que vous regardez avec philosophie les primaires socialistes également, on a compris que c’était un sujet pour la majorité, et on a entendu surtout hier Jean-Louis BORLOO, qui disait, lui, qu’il faisait confiance à la CNIL, Commission Nationale Information et Libertés, qui a donné son accord ; dans quel camp êtes-vous, Roselyne BACHELOT ?
 
ROSELYNE BACHELOT Alors, moi, je suis dans le camp de ceux qui sont inquiets, et je trouve que Claude GUEANT a parlé avec beaucoup de sang-froid, mais a mis chacun devant ses responsabilités. Et d’une certaine façon, le Parti socialiste a reconnu qu’il y avait des difficultés, qu’il y avait un risque de fichage, puisqu’il a lui-même invité, c’était tout à fait extraordinaire, l’UMP à venir vérifier les élections des primaires socialistes, c’est quand même un peu étonnant, et deuxièmement, a convenu qu’il fallait détruire les fichiers immédiatement après ces élections, et sous contrôle d’huissiers, c’est bien reconnaître par cette proposition qu’il y a un risque de fichage. Alors, le ministre de l’Intérieur l’a dit d’ailleurs hier aux « Questions au gouvernement », il est en dialogue avec le Parti socialiste pour voir comment, lors de ces primaires, on peut lever avec le Parti socialiste des risques qui sont avoués par la gauche elle-même.
 
CAROLINE ROUX Est-ce que le but de ces mises en garde, c’est que les primaires socialistes n’aient pas lieu ?
 
ROSELYNE BACHELOT Les primaires socialistes avaient lieu, elles auront lieu, c’est l’affaire du Parti socialiste. Il y a un risque de fichage, il est avéré, il faut y remédier.
 
MAITENA BIRABEN On passe à votre dossier, la dépendance.
 
CAROLINE ROUX Oui, on passe à la dépendance, le financement de la dépendance qui coûtera huit à dix milliards d’euros supplémentaires à l’horizon 2030, alors, on a entendu beaucoup, vous-même, François FILLON, écarter plusieurs pistes de financement, les unes après les autres, donc on se dit : quelles sont les solutions qui restent pour financer un dossier coûteux pour les finances publiques ?
 
ROSELYNE BACHELOT D’abord, il faut dire les choses, on ne parle pas d’abord du financement, il faut voir à quels problèmes les Français sont confrontés. Moi, j’en ai rencontré plusieurs dizaines de milliers dans des débats extrêmement denses, extrêmement riches, ils nous disent que le reste à charge des personnes très gravement dépendantes est trop élevé pour les familles, en particulier, les familles modestes, ils nous disent que les services à domicile ont des difficultés, ils nous disent qu’on a besoin de structures intermédiaires…
 
CAROLINE ROUX Ça, c’était le point de départ du débat, Roselyne BACHELOT, on sait qu’il y a un problème…
 
ROSELYNE BACHELOT Voilà, non, mais il fallait quantifier…
 
CAROLINE ROUX Maintenant, c’est comment le régler…
 
ROSELYNE BACHELOT Il fallait quantifier le besoin, et pour ces besoins nouveaux, il faut un certain argent, qu’on va mettre sur la table lors des lois de financement de la Sécurité sociale de la fin de l’année, et puis, il y a des échéances qui sont plus lointaines, les chiffres que vous évoquez sont des chiffres…
 
CAROLINE ROUX Pour 2030, effectivement…
 
ROSELYNE BACHELOT Pour 2025-2030. On a donc le temps de s’y préparer. Alors, les pistes, elles sont de trois types, le Premier ministre a écarté l’hypothèse d’une augmentation massive et généralisée de la CSG. C’est une cotisation qui pèse sur les revenus, sur l’ensemble des revenus. Il n’a pas exclu pour l’instant un alignement de la CSG des retraités sur les actifs, vous savez…
 
CAROLINE ROUX C’est intéressant ce point-là, ça veut dire que…
 
MAITENA BIRABEN Les plus basses…
 
CAROLINE ROUX On ferait participer les retraités au financement de la dépendance…
 
ROSELYNE BACHELOT Je ne dis pas que c’est la piste qui va être retenue…
 
CAROLINE ROUX Non, vous nous dites qu’elle n’est pas exclue.
 
ROSELYNE BACHELOT Elle n’est pas exclue à ce stade du débat. Vous savez qu’il y a un taux de CSG pour les retraités, pour certains retraités, à 6,6, alors que le taux des actifs est à 7,5. Première piste…
 
CAROLINE ROUX On poursuit.
 
ROSELYNE BACHELOT Deuxième piste : une taxation du patrimoine, c’est l’hypothèse retenue par le conseil économique, social et environnemental. 1% de taxation sur le patrimoine, 1,5 milliard d’euros, et puis troisième piste, la journée de solidarité ou plutôt la contribution de solidarité pour l’autonomie, qui rapporte actuellement 2,3 milliards, mais qui ne touche pas les professions indépendantes et les retraités. Donc on pourrait…
 
CAROLINE ROUX Donc l’idée, ça serait de faire une deuxième journée de solidarité…
 
ROSELYNE BACHELOT Non, alors, j’irai plus loin, c’est d’abord l’alignement, là aussi, de cette journée, de cette contribution de solidarité pour l’autonomie, ça rapporterait presque un milliard, et enfin, une deuxième journée de solidarité, donc ces trois pistes sont…
 
CAROLINE ROUX Alors, ça, ce sont les pistes… laquelle a votre préférence, Roselyne BACHELOT ?
 
ROSELYNE BACHELOT Ah, je ne me prononce pas, pour l’instant…
 
CAROLINE ROUX Vous n’avez pas le droit, j’ai essayé…
 
ROSELYNE BACHELOT C’était bien tenté…
 
CAROLINE ROUX Oui, bon, voilà, c’est l’idée. Est-ce que vous allez, sur la philosophie générale du financement justement, est-ce que vous allez faire plus pour les foyers qui ont le moins ?
 
ROSELYNE BACHELOT Oui, c’est exactement ce que nous voulons faire, c’est-à-dire, on voit bien que pour les personnes très gravement dépendantes, ce ne sont pas les familles très modestes qui sont entièrement prises en charge par des mécanismes de protection sociale, ce sont ces familles moyennes, modestes, vous savez, ces gens qui vous disent : on a juste un petit peu trop d’argent pour toucher des aides, et pourtant, on n’y arrive pas, parce que le reste à charge moyen en établissement ou à domicile, pour des personnes très dépendantes, c’est presque 1.500 euros par mois. Vous savez, c’est très, très lourd vu le niveau moyen des retraites dans notre pays.
 
CAROLINE ROUX Donc ça veut dire que vous allez mettre à contribution les familles qui ont le plus ?
 
ROSELYNE BACHELOT Nous allons avoir un socle de solidarités, qui va évidemment mettre tout le monde à contribution, mais certains recevront plus d’aides, ceux qui en ont le plus besoin.
 
CAROLINE ROUX Alors, Maïtena parlait tout à l’heure d’une interview dans LE MONDE de Didier MIGAUD, qui a alerté sur l’état des finances publiques une nouvelle fois. Est-ce que cette mesure – dont on nous a dit, il y a quelque temps, que c’était une réforme majeure du quinquennat – sera indolore pour les finances publiques ?
 
ROSELYNE BACHELOT Il faudra faire un effort, bien entendu, c’est une dépense nouvelle, bien sûr.
 
CAROLINE ROUX De quel niveau, un effort, qu’est-ce que ça veut dire, c’est… parce que Didier MIGAUD, il rappelle des chiffres qui sont assez inquiétants, il dit qu’il faut encore vingt milliards d’économies l’année prochaine, pour faire plaisir aux agences de notation…
 
ROSELYNE BACHELOT Oui, bien sûr, on va les faire, on va les faire, mais il y aura des recettes nouvelles qui permettront d’affronter des dépenses nouvelles dans le cadre de la dépendance.
 
CAROLINE ROUX C’est Nicolas SARKOZY qui tranchera…
 
ROSELYNE BACHELOT C’est Nicolas SARKOZY qui tranchera d’abord sur le niveau de ce que nous financerons, et sur les moyens de le financer.
 
CAROLINE ROUX On a eu le sentiment que cette réforme avait été revue à la baisse, au début, on nous parlait de la création d’une cinquième branche de la Sécurité sociale…
 
ROSELYNE BACHELOT Ça, c’est autre chose…
 
CAROLINE ROUX Est-ce que…
 
ROSELYNE BACHELOT Attendez…
 
CAROLINE ROUX Juste sur cette notion-là, il y a autant d’ambitions aujourd’hui qu’il y en avait lorsque le président de la République a annoncé cette grande réforme ?
 
ROSELYNE BACHELOT Il a parlé d’abord, pas d’une cinquième branche, il a parlé d’une cinquième protection, mais il y aura des textes de gouvernance, bien entendu, c’est très important l’organisation de cela. Vous m’avez questionnée sur la dépense, j’y réponds, mais effectivement, il y a des questions de gouvernance, et puis, il y a aussi toutes sortes de sujets qui seront abordés à court et à moyen termes, la question du logement, des métiers, de la prévention, très important la prévention, parce que ça peut être aussi une occasion de moindres coûts.
 
MAITENA BIRABEN On va passer au « J’aime/J’aime pas », vous allez nous dire si vous aimez ou si vous n’aimez pas découvrir dans LE CANARD ENCHAÎNE que SERVIER a financé des activités promues par Philippe DOUSTE-BLAZY, alors ministre de la santé ?
 
ROSELYNE BACHELOT Alors, oui, je n’aime pas.
 
CAROLINE ROUX Vous étiez au courant de cette affaire, révélée par LE CANARD ENCHAÎNE ?
 
ROSELYNE BACHELOT Ah non, non, non, je n’étais pas au courant.
 
CAROLINE ROUX Vous-même, lorsque vous étiez ministre de la Santé, vous n’avez jamais fait financer des opérations, quelles qu’elles soient, par des laboratoires pharmaceutiques ?
 
ROSELYNE BACHELOT Ah, jamais, jamais, jamais.
 
CAROLINE ROUX « J’aime/J’aime pas » supprimer les visiteurs médicaux comme le préconise le rapport de l’IGAS ?
 
ROSELYNE BACHELOT Il y a de bons visiteurs médicaux, il y a de la visite médicale de qualité, qui correspond à une charte éthique, et puis, il y a de la mauvaise visite médicale, donc je n’aime pas la mauvaise visite médicale.
 
CAROLINE ROUX Ça veut dire que c’est une mesure que vous trouvez trop radicale sans doute ?
 
ROSELYNE BACHELOT Ecoutez, le ministre de la Santé en jugera, que la visite médicale soit plus encadrée, qu’elle soit plus vérifiée me parait une bonne démarche. Le ministre de la Santé en décidera. En tout cas, il y a des avis qui sont en ce moment collectés par le ministre de la Santé dans le cadre de la rénovation de la filière du médicament, le rapport de l’IGAS est un des éléments, il y a d’autres éléments, les commissions d’enquête (sic)… les missions d’information parlementaires sur ce sujet, il y a des avis très divergents, le ministre prendra les décisions qui conviennent.
 
MAITENA BIRABEN Vous aimez, vous n’aimez pas 13,4 millions de Français qui ont déjà fumé du cannabis ?
 
ROSELYNE BACHELOT Ah, je n’aime pas.
 
MAITENA BIRABEN Vous semblez sur la ligne parfaitement stricte de l’interdiction totale ?
 
ROSELYNE BACHELOT Ah oui, ça, alors absolument…
 
MAITENA BIRABEN Et vous y restez…
 
ROSELYNE BACHELOT Je suis professionnelle de santé, ancienne ministre de la Santé, je n’imagine absolument pas la légalisation du cannabis, et je trouve cette démarche étonnante au niveau de la santé publique.
 
CAROLINE ROUX « J’aime/J’aime pas » le : « tout sauf FILLON à Paris » !
 
MAITENA BIRABEN De quoi parle-t-on ! Mais qu’est-ce que c’est ?!
 
ROSELYNE BACHELOT Moi, j’aime tout avec FILLON.
 
CAROLINE ROUX On ne veut pas savoir…
 
MAITENA BIRABEN Caroline, je vous en prie ! Franchement ! Merci beaucoup Roselyne BACHELOT, d’avoir été avec nous.
 
Source : Premier ministre, Service d’Information du Gouvernement, le 7 juillet 2011