Déclaration de M. Henri de Raincourt, ministre de la coopération, sur l'art des Dogons du Mali, à Paris le 12 juillet 2011.

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Circonstance : Viste de l'Exposition Dogon au Musée du Quai Branly, le 12 juillet 2011

Texte intégral

Monsieur le Président, Madame,
Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs
Mesdames et Messieurs,
Je suis très heureux et honoré, Monsieur le Président d’avoir été invité ici ce soir, au Quai Branly, pour apprécier les merveilles de l’art Dogon.
Par quel mystère, le peuple de la langue secrète du sigi so, étudié depuis le début du XXème siècle, a-t-il attendu 2011 pour être célébré de si belle manière en France, en ce lieu enchanteur ?
Et pourtant, nul n’a besoin d’être convaincu, au regard des pièces remarquables et pour certaines d’entre elles uniques que nous venons de découvrir, que l’art Dogon a transcendé nos esprits avant de se manifester à notre vue. C’est bien là la force de cette culture, imprégnée des mythes venus du fond des âges et qui, au fil des siècles, s’est fondu dans l’imaginaire collectif.
Le spectacle qui s’offre à nous aujourd’hui, Monsieur le Président, est en effet le fruit d’une longue quête mais surtout de la passion de femmes et d’hommes profondément respectueux de la préservation des traces de l’histoire, de la culture et du mélange des peuples Djennenke, Tombo, Tellem ou encore, N’Douleri.
Du lieutenant Louis Desplagnes, qui le premier exporta les objets dogons, aux membres de la mission Dakar-Djibouti ou de l’expédition Sahara-Soudan et enfin aux collectionneurs, tous ont succombé, parfois sans beaucoup d’empathie au début, à la magie des rites, des sculptures, des étoffes et des modes de vie de ces populations s’égrainant entre Mopti et Bandiagara. Comment ne pas ressentir ce soir leur émotion mais aussi leurs questionnements ?
Monsieur le Président, votre présence ici ce soir, illustre également l’attachement que vous portez à la défense de la culture du Mali et de celle des Dogons en particulier. Comment pourrait-il en être autrement pour qui sait la détermination que vous avez mise à réhabiliter le musée national du Mali à Bamako. L’occasion m’a été donnée de le visiter à la fin du mois de juin et d’y contempler quelques splendeurs dogons. Mais j’y ai également vu des dizaines de jeunes étudiants venus s’enquérir de leur Histoire et comme je le mentionnais alors au directeur général du Musée, M. Samuel Sidibe, permettez-moi de vous dire Monsieur le Président, que c’est là une œuvre d’utilité publique essentielle qui mériterait largement d’être dupliquée.
La jeunesse doit s’emparer de ce passé, enraciné au plus profond et dont les empreintes n’ont pas d’égal aujourd’hui. C’est un témoignage irremplaçable qui prouve que l’art Dogon est à n’en point douter, Monsieur le Président, l’une de ces cultures qui font de l’Afrique subsaharienne l’un des plus étonnant ensemble de l’humanité. Retournons-nous un instant sur cette figure hermaphrodite à bras levé Djennenke du Xème siècle qui ponctue merveilleusement cette exposition ou encore sur cette pièce, de la période pré-tellem : ces trésors inouïs de l’art primitif sont partie intégrante du patrimoine culturel mondial! Ils sont notre richesse à tous !
Monsieur le Président, je sais combien à juste titre cet art et cette culture Dogon sont prisés de mes compatriotes. Au cours de ces dernières années, ceux-ci n’ont eu de cesse de fouler la terre malienne pour mieux y comprendre les mystères de cette civilisation. Je suis également conscient que les mesures que nous avons prises pour protéger les nôtres constituent une contrainte pour votre pays, en particulier au niveau touristique. Vous le savez, Monsieur le Président, il n’est pas de la volonté des autorités françaises de fragiliser votre économie mais de préserver autant que faire se peut l’intégrité physique de nos compatriotes.
Monsieur le Président, les Français ont payé un lourd tribut à AQMI dans le Sahel.
La lutte contre le terrorisme doit être un combat conjoint inlassable de tous les instants. La coopération régionale des pays de la zone sera cruciale pour ramener la sécurité dans cette région. Le soutien des partenaires internationaux dans la mise en œuvre de projets de développement capables de réduire la pauvreté, de désenclaver les secteurs isolés et par conséquent d’offrir à la jeunesse désœuvrée des raisons d’être optimiste sur son propre avenir, doit accompagner ces efforts de sécurisation. C’est grâce à ces actions concertées que nous parviendrons à juguler la menace et à faire en sorte que les touristes retrouvent avec engouement les chemins de Mopti ou des falaises de Bandiagara.
Monsieur le Président, Marcel Griaule, citoyen dogon s’il en est, avait ô combien déjà raison en son temps d’affirmer que le rôle de la France en Afrique n’est plus «celui de l’impérialisme culturel». Non, c’est plus que jamais celui d’un partenariat d’égal à égal, du partage de causes communes (la paix, le développement, la lutte contre le terrorisme). Mais cette relation est aussi et surtout profondément empreinte de confiance et de respect mutuel. Et permettez-moi, pour conclure, de vous dire que ce que nous avons vu ce soir en impose tout naturellement.
Je vous remercie.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 26 juillet 2011