Interview de M. Gérard Longuet, ministre de la défense et des anciens combattants, à LCI le 13 juillet 2011, notamment sur l'intervention militaire en Libye, la situation en Syrie et sur le retrait des militaires français d'Afghanistan.

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Média : La Chaîne Info

Texte intégral

 
CHRISTOPHE BARBIER  Gérard LONGUET, bonjour. 
 
GERARD LONGUET  Bonjour. 
 
CHRISTOPHE BARBIER  Je voudrais interroger le libéral avant le ministre de la Défense, la  crise de l’euro ne nous mène-t-elle pas au gouffre ? 
 
GERARD LONGUET  En tous les cas, oui, il y a un risque majeur si les pays européens  ne s’entendent pas, il faut sauver l’euro par une entente forte des grandes  Nations, et notamment un accord entre la France et l’Allemagne, qui  commande le succès de l’euro. 
 
CHRISTOPHE BARBIER  Ça, c’est le programme du sommet d’urgence qu’on évoque. 
 
GERARD LONGUET  C’est le programme du sommet d’urgence que l’on évoque,  ensuite, il y a un deuxième problème de moyen terme, c’est rapprocher  les productivités au sein d’un même espace monétaire, on ne peut pas  avoir des pays qui ont des productivités trop différentes. 
 
CHRISTOPHE BARBIER  L’accord d’urgence devrait prendre quelle forme, mutualiser la  dette ; ce n’est plus la dette des Etats, c’est la dette de l’Europe ? 
 
GERARD LONGUET  C’est la dette des Etats, c’est d’abord… une dette des Etats, c’est  une solidarité de l’Europe. Toute la question en fait posée est de savoir  quelle est la participation du secteur privé ; je comprends les Allemands  qui veulent symboliquement que le secteur privé participe, mais une  participation du secteur privé forcée aboutirait en quelque sorte à  reconnaître que la dette grecque ne serait pas vraiment remboursée. Or,  nous avons besoin que la dette grecque soit vraiment remboursée, même  si la Grèce met du temps à la rembourser. 
 
CHRISTOPHE BARBIER  Les parlementaires ont donc autorisé hier la prolongation de  l’intervention militaire française en Libye, quand prendra-t-elle fin cette  intervention ? 
 
GERARD LONGUET  Lorsque les conditions de la résolution de 1973 seront réunies,  c’est-à-dire… 
 
CHRISTOPHE BARBIER  Elles sont déjà réunies, il s’agissait de protéger les populations, il  n’y a plus de risque… 
 
GERARD LONGUET  Non, non, non, il faut protéger les populations et ne sont protégées  que les populations qui ont obtenu leur liberté par l’engagement personnel, en Cyrénaïque, dans le Djebel Nafoussa, à Misrata. Mais les  autres ne peuvent pas s’exprimer, les autres sont toujours sous le  contrôle, notamment en Tripolitaine, des forces militaires de KADHAFI, qui  interdisent toute libre expression. 
 
CHRISTOPHE BARBIER  Il faut donc un accord politique. 
 
GERARD LONGUET  Et il faut naturellement préparer un accord politique entre libyens,  entre libyens sans KADHAFI, car la grande différence – on a beaucoup  progressé depuis quatre mois – la grande différence, c’est que les pays,  les puissances responsables désormais reconnaissent – unité africaine  comme Russie – que l’on ne peut plus construire avec KADHAFI, qui s’est  discrédité dans son propre pays, et aux yeux des Nations. 
 
CHRISTOPHE BARBIER  Avec KADHAFI, non, mais avec le clan KADHAFI, ses fils, ses  proches… 
 
GERARD LONGUET  Bon, disons que la Libye existe, et tous les Libyens ont le droit de  parler dès lors qu’ils n’ont pas de sang sur les mains. 
 
CHRISTOPHE BARBIER  Confirmez-vous que du sein du clan KADHAFI, on commence à  être sur cette position-là aussi : oui, le guide partira. 
 
GERARD LONGUET  Dans tout bateau qui fait naufrage, il y a des gens qui cherchent  des bouées de sauvetage, et en fonction… voilà… 
 
CHRISTOPHE BARBIER  Est-ce que vous vous fixez le début du ramadan – début août –  comme date limite, il faut absolument un accord avant ? 
 
GERARD LONGUET  C’est en effet culturellement une date extrêmement importante  dans le monde arabo-musulman, ce serait formidable d’aller vite, mais ce  qui est important, c’est d’aller bien, et si ça doit prendre quelques  semaines de plus, l’importance de l’enjeu le mérite. 
 
CHRISTOPHE BARBIER  Ça sera un partage du pouvoir entre les différentes factions, ex-  Kadhafistes… 
 
GERARD LONGUET  Le CNT s’ouvre, et s’ouvre progressivement, je crois que nous  sommes partis de gens qui ont pris des responsabilités considérables,  avec des risques considérables, et aujourd’hui, ils sont en train d’unifier et  de fédérer. Mais manifestement, il faut que les portes soient ouvertes et  que tous les Libyens de bonne volonté puissent parler. 
 
CHRISTOPHE BARBIER  Pourquoi ne pas partager le territoire, aux uns l’est, aux autres  l’ouest ? 
 
GERARD LONGUET  Parce que ça n’a pas de sens, ce qui est commun, c’est la liberté,  la liberté, c’est pour tous. Ce que nous reprochons à KADHAFI, ce n’est  pas d’être dans un territoire, c’est de frapper avec des chars et des  canons lorsque les gens sont en désaccord avec lui. Et ce que nous  demandons, c’est un régime où tous les biens de Tripolitaine, de  Cyrénaïque, du Fezzan puissent s’exprimer librement. 
 
CHRISTOPHE BARBIER  Il doit quitter le pouvoir, doit-il aussi quitter le pays ? 
 
GERARD LONGUET  Ça, c’est une affaire de Libyens, il doit quitter le pouvoir. 
 
CHRISTOPHE BARBIER  Est-ce que vous, vous souhaitez qu’on renonce à le juger au  tribunal pénal international, ce qui lui permettrait de quitter le pouvoir  moins inquiet. 
 
GERARD LONGUET  Le CPI a lancé une procédure, cette procédure se poursuivra, c’est  inexorable. 
 
CHRISTOPHE BARBIER  Que faire pour que l’organisation des Nations Unies agisse aussi  contre la Syrie, alors que la Chine et la Russie bloquent tout vote. 
 
GERARD LONGUET  Eh bien, convaincre la Chine et la Russie que ce blocage est  indécent. 
 
CHRISTOPHE BARBIER  C’est-à-dire ? 
 
GERARD LONGUET  Il est indécent parce que manifestement, Bachar EL ASSAD a  mobilisé des moyens qui sont invraisemblables, là encore, pour  neutraliser son opposition, et des pays qui évoluent comme la Russie ou  des pays qui affirment leur appartenance à la communauté des Nations,  comme la Chine, doivent accepter les règles communes, c’est qu’un  gouvernement ne traite pas son opposition à coups de canon. 
 
CHRISTOPHE BARBIER  Puisque là aussi, les populations sont menacées, si résolution de  l’ONU il y a, elle doit prévoir également des frappes ? 
 
GERARD LONGUET  La solution militaire est un peu vraisemblable en Syrie, d’abord,  parce qu’il y a… 
 
CHRISTOPHE BARBIER  Pourquoi, quelle est la différence ? 
 
GERARD LONGUET  En bien, parce que fondamentalement, nous sommes dans une  logique de guerre civile, c’est quartier par quartier, maison par maison,  cage d’escaliers par cage d’escaliers. La solution ne peut pas être miliaire  dans ces cas-là. 
 
CHRISTOPHE BARBIER  Comment fait-on alors, on assèche financier, on oblige l’Iran,  voisin… 
 
GERARD LONGUET  On assèche financièrement, on demande aux voisins qui ont de  l’influence politique, économique, morale, sur la Syrie de peser, je pense à  la Turquie qui joue un rôle, de peser sur son voisin pour leur dire : bon,  arrêtez de faire ceci, arrêtez de faire cela. 
 
CHRISTOPHE BARBIER  Il faut reprendre le dialogue aussi avec l’Iran pour faire pression  sur la Syrie ? 
 
GERARD LONGUET  Je ne suis pas sûr que l’Iran soit très impliqué dans cette affaire. 
 
CHRISTOPHE BARBIER  Plus un seul soldat en 2013, François HOLLANDE accélérera d’un  an le retrait d’Afghanistan des troupes françaises s’il est élu président.  Est-ce que c’est faisable ? 
 
GERARD LONGUET  Nous appartenons à une coalition qui a fixé des règles, et cette  règle, qui a été rappelée à l’automne dernier, en 2010 à Lisbonne, c’est  que la transition, c’est-à-dire la transmission de relais des responsabilités  de la coalition vers l’Etat Afghan serait terminée en 2014. Donc 2014,  c’est la règle commune, c’est ce qu’a reconnu le président de la  République française, Nicolas SARKOZY, présent en Afghanistan. Quand  on appartient à une coalition, on entre ensemble, on part ensemble, on  respecte des règles. 
 
CHRISTOPHE BARBIER  Est-ce que le principe même de cette transition n’est pas une  fiction, si on s’en va, ça sera le chaos, l’assassinat du demi-frère de  KARZAÏ en donne un avant-goût. 
 
GERARD LONGUET  C’est sûrement une situation difficile, mais la République afghane  estime qu’elle est à sa portée, et en tous les cas, j’ai lu des déclarations  de KARZAÏ demandant le rythme de cette transition et acceptant cette  responsabilité, après tout, c’est lui qui est directement concerné, il était  hier… il est aujourd’hui, et il sera demain en Afghanistan, pas nous. 
 
CHRISTOPHE BARBIER  La France n’a plus les moyens militaires de ses ambitions  politiques, c’est le titre du MONDE hier ; est-ce que vous confirmez ce  diagnostic budgétaire ? 
 
GERARD LONGUET  C’est un titre mensonger, nous avons une loi de programmation  militaire qui a été votée en 2009, qui est appliquée en 2009, en 2010, en  2011, et que nous avons les moyens de financer également en 2012 et  2013. Alors, évidemment après, tout dépend de la conjoncture française  et de la conjoncture européenne. Aujourd’hui, nous sommes,  contrairement à ce que dit LE MONDE, dans les limites de notre budget,  voté en 2009. 
 
CHRISTOPHE BARBIER  Est-ce qu’on ne devrait pas renoncer ou réduire considérablement  le défilé du 14 juillet, qui est extrêmement coûteux ? 
 
GERARD LONGUET  Il fédère notre armée et notre pays, les militaires sont heureux de  défiler parce qu’ils montrent leurs compétences, leur professionnalisme, et  pour ceux qui ont combattu et qui reviennent d’Afghanistan, c’est une  vraie fierté. Mais les Français aiment leur armée, et nous avons réussi –  bien qu’elle soit une armée de professionnels – à rétablir et à maintenir ce  lien entre l’armée et la Nation, c’est la raison pour laquelle le 14 juillet, à  Paris et dans toutes les préfectures et sous-préfectures de France, c’est  une occasion de rencontres qu’il faut défendre, bien au contraire. 
 
CHRISTOPHE BARBIER  On est les derniers au monde à faire ça, il y avait l’Armée Rouge,  ils ne le font plus, il n’y a plus un pays qui défile… 
 
GERARD LONGUET  Ce n’est pas les mêmes proportions, et ce n’est pas le même  esprit, c’est simplement rappeler que l’Etat a une armée, que cette armée  protège la France, et donne à la parole de la France, dans l’ordre  international, toute son autorité. C’est une fierté pour moi de me dire que  lorsque la France parle à l’ONU, eh bien, il y a des soldats qui donnent de  la force à cette parole. 
 
CHRISTOPHE BARBIER  Vous vous présenterez au Sénat en septembre, est-ce à dire que,  à ce moment-là, vous quitterez le gouvernement ? 
 
GERARD LONGUET  Non, je suis sénateur depuis dix ans, et j’ai envie en quelque sorte  d’avoir la confiance de mes électeurs en Meuse pour le travail accompli.  Mais comme la Constitution de la 5ème République ne permet pas d’être  ministre et sénateur, j’ai un suppléant qui fait le travail aujourd’hui et qui le  fera dans les mois de responsabilités ou les années de responsabilités qui  me resteront à accomplir. 
 
CHRISTOPHE BARBIER  TOTAL renonce à une niche fiscale qui lui permettait de ne pas  payer d’impôts en France en 2010 en tout cas, mais TOTAL répercute  aussi les hausses sans pitié sur les consommateurs. Est-ce une gestion  raisonnable ? 
 
GERARD LONGUET  Je ne suis pas président de TOTAL, et pour être très franc, ma  compétence n’est pas universelle, donc je ne suis pas capable de vous  répondre, si ce n’est le fait que TOTAL est une grande entreprise  française, ce qui est une chance pour notre pays, ensuite, qu’il y ait eu  des discussions avec la direction des impôts, eh bien, c’est le lot de  chaque entreprise qui doit défendre son bifteck, et nous, l’Etat, nous  avons à prendre l’argent là où il est, au bénéfice de notre action collective. 
 
CHRISTOPHE BARBIER  Les Verts ont choisi Eva JOLY plutôt que Nicolas HULOT, êtes-vous  surpris, ravi pour Nicolas SARKOZY. 
 
GERARD LONGUET  Je suis triste pour Nicolas HULOT, parce que c’est un garçon qui  est plutôt généreux, je pense que Les Verts ont choisi un candidat assez  insolite, on verra bien si leur choix était pertinent. 
 
CHRISTOPHE BARBIER  Gérard LONGUET, merci. Bonne journée ! 
 Source : Premier ministre, Service d’Information du Gouvernement, le 12 août 2011