Déclaration de M. François Fillon, Premier ministre, sur le rôle nouveau assigné à la force Licorne en Côte d'ivoire, Abidjan le 15 juillet 2011.

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Circonstance : Visite officielle en Côte d'Ivoire - Discours aux militaires français stationnés au camp Port-Bouët dans le cadre de la force Licorne, Abidjan le 15 juillet 2011

Texte intégral

Je ne sais pas si j’ai le droit de vous dire "repos" !
Mon Colonel, Mesdames et Messieurs les officiers, Sous-officiers et militaires du rang de la Force Licorne, Mes chers compatriotes,
Il y a trois semaines, Gérard Longuet, le ministre de la Défense, est venu saluer votre engagement. A mon tour, j’ai tenu à venir vous dire personnellement toute la fierté que nous inspire votre action en Côte d’Ivoire. Alors qu’il y a quelques semaines, ce pays a connu des heures parmi les plus sombres de son histoire, je me tiens aujourd’hui dans un pays apaisé, qui a reconnu son dirigeant légitime et qui marche vers la réconciliation.
Eh bien sans le courage et sans le professionnalisme des troupes françaises mobilisées au sein de la Force Licorne, je crois que chacun reconnaît que cette évolution heureuse n’aurait jamais pu se concrétiser.
Pour ce qu’elle a accompli pour la Côte d’Ivoire il y a bientôt trois mois, la Force Licorne a mérité l’hommage de la Nation.
Face à l’urgence d’une situation qui coûtait chaque jour de nouvelles vies humaines, elle a contribué de façon déterminante à enrayer l’engrenage de la violence.
Cette dernière intervention s’inscrit dans la continuité de notre engagement depuis 2003. Et je n’oublie pas qu’au nom de cet engagement, 26 des vôtres sont tombés et qu’une centaine d’entre eux ont été blessés.
Je les associe ainsi que leur famille au témoignage de reconnaissance que je suis venu aujourd’hui adresser à la Force Licorne.
Pour mettre fin au massacre des populations civiles et à la stratégie suicidaire de Laurent Gbagbo, la France, à la demande des Nations unies, a choisi de prendre ses responsabilités sur la base de principes simples : le respect de la volonté du peuple ivoirien, le soutien à la démocratie, l’appui aux efforts de la communauté internationale et le respect de nos engagements.
Face à l’évolution des événements et à la demande du Président légitime de Côte d’Ivoire et du Secrétaire général des Nations unies, l’attitude de la Force Licorne a progressivement basculé d’une attitude discrète et rassurante à une posture visible et dissuasive et ceci afin de remplir son mandat, notamment la protection de nos compatriotes.
Cela a été possible parce que notre volonté politique existait au niveau national et au niveau international. Cela a été possible aussi parce que la Force Licorne était associée avec l’ONUCI et que cela lui a apporté la légitimité dont elle avait besoin pour intervenir.
La maturité de votre comportement dans la crise a été exemplaire. Votre maîtrise de la force, y compris dans les moments les plus tragiques, fait honneur à notre pays.
J’ai en mémoire les courageuses interventions aéromobiles de nuit pour récupérer les personnels des missions diplomatiques.
Au nom des 5.000 personnes de 66 nationalités différentes dont les événements vous ont donné la charge, je salue le professionnalisme avec lequel vous avez su leur ménager ici à Port-Bouët, l’accueil qu’ils recherchaient dans leur désarroi.
En contribuant à un retour rapide à la normalité, la Force Licorne a répondu à l’aspiration profonde de la population. Elle a donc pleinement accompli sa mission et elle peut en être fière.
Le succès de l’intervention de la Force Licorne confirme la pertinence de notre dispositif de présence en Afrique. En permettant d’acheminer des renforts rapidement à partir du Tchad mais aussi du Gabon ou du Sénégal, il a été d’une grande réactivité. Ce soutien, il a été capital pour la réussite de la mission, il a été capital aussi pour le soutien à nos ressortissants puisqu’il a permis de les évacuer vers ces pays par des moyens aériens.
Alors maintenant que la crise est résolue, beaucoup reste à faire encore en Côte d’Ivoire. Je suis venu ici pour manifester le soutien de la France aux autorités ivoiriennes. J’ai dit au président Ouattara : il ne faut pas laisser se perdre la paix qui vient d’être conquise. La Côte d’Ivoire va devoir répondre à plusieurs défis majeurs, des défis immédiats et puis des défis de long terme : rétablir la sécurité – nous savons que le chemin reste encore long à parcourir - restructurer ses forces de sécurité après des années et des années de crise, reconstruire le pays, réussir la réconciliation.
En tout cas la France soutient la Côte d’Ivoire dans toutes ses aspirations. Et parmi nos mesures de soutien, l’une vous concerne directement puisque la Force Licorne va évoluer. Le Président de la République l’a annoncé lors de sa visite à Abidjan le 21 mai : prochainement, les effectifs vont progressivement s’adapter aux nouvelles réalités et diminuer.
Comme je l’ai confirmé tout à l’heure au président Ouattara, le détachement français en Côte d’Ivoire comptera après les élections législatives ivoiriennes, environ 300 militaires qui seront sur le camp de Port-Bouët et dont la mission essentielle sera d’appuyer la réforme des forces de sécurité ivoiriennes. Je précise – et c’est pour nous un élément capital comme manifestement pour tous nos ressortissants qui vivent en Côte d’Ivoire – nous conservons la possibilité d’une réversibilité de notre dispositif, pour remonter rapidement en puissance si la nécessité se faisait sentir.
Nous allons dans ce sens et nous engageons ces modifications parce que le monde autour de nous a changé, parce que la sécurité de l’Afrique, c’est d’abord et naturellement l’affaire des Africains qui sont maîtres de leur destin. C’est la raison pour laquelle nous devons aider l’Afrique à bâtir son propre dispositif de sécurité collective.
Et dans cette logique, nous avons souhaité lancer un nouveau partenariat de coopération en matière de défense. Un projet d’accord qui renouvelle celui qui datait de 1961, il a été remis par le ministre de la Défense au Président Ouattara la semaine dernière et nous allons négocier avec les autorités ivoiriennes pour mettre sans délai ce dispositif en place.
Voilà, mes chers compatriotes, ce que je voulais vous dire. En œuvrant de façon exemplaire au retour de la paix et de la démocratie, la Force Licorne a fait honneur à l’armée française. Maintenant, c’est une nouvelle page qui s’ouvre en Côte d’Ivoire et c’est une nouvelle vocation qui s’offre à vous. Vous avez déjà commencé à engager des actions de coopération avec les forces de sécurité ivoiriennes. Ce que je viens de voir au cours de ce bref séjour me conforte sur vos capacités à relever ces nouveaux défis.
Je veux vous dire naturellement que vous pouvez compter sur la confiance du Gouvernement et sur l’estime de la Nation. Et je ne veux pas terminer cette allocution devant vous sans évoquer vos camarades qui sont tombés en Afghanistan, pour redire une nouvelle fois le respect qui est celui de la France toute entière pour leur engagement et pour leur sacrifice ; la France en Afghanistan aux côtés de ses alliés, s’est battue, se bat pour éradiquer le terrorisme de ce pays, pour faire en sorte que ce pays ne soit pas un nœud international du terrorisme . Elle s’est battue aussi pour que de nouvelles institutions plus respectueuses du droit des personnes, se mettent en place mais la France n’a pas vocation à rester éternellement en Afghanistan parce que chaque pays doit se prendre en charge et ce qui se passe autour de nous dans le monde aujourd’hui le montre. Alors oui, c’est difficile, oui il y a des étapes à franchir, oui nous devons rester aux côtés des Afghans pour les aider à monter en puissance comme nous devons rester aux côtés des autorités ivoiriennes pour les aider à mettre en puissance leurs forces de sécurité. Mais la logique du 21e siècle qui débute, c’est que chaque pays assume la responsabilité de sa sécurité.
En tout cas il faut que vous sachiez que le Premier ministre, le Gouvernement, les parlementaires qui sont ici avec moi et qui représentent unanimement l’avis du peuple français, sont fiers de leurs forces armées. Nous savons que vous œuvrez souvent dans des conditions très difficiles . Nous savons que souvent vous n’avez pas tous les moyens que vous voudriez avoir pour agir dans le meilleur environnement possible mais en même temps nous savons l’engagement, le professionnalisme, le courage qui est le vôtre et je suis heureux d’avoir l’occasion à Port-Bouët de vous dire au nom de la Nation française : merci.
Source http://www.gouvernement.fr, le 29 juillet 2011