Déclaration de M. François Fillon, Premier ministre, sur l'adoption d'un second plan de soutien à la Grèce dans le cadre de la crise des dettes souveraines et la mise en oeuvre de propositions concernant la gouvernance économique de la zone euro, à Paris le 22 juillet 2011.

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Circonstance : Conférence de presse à l'issue de la réunion d'information du Parlement sur les suites du sommet de la zone euro, à Paris le 22 juillet 2011

Texte intégral

Mesdames et Messieurs,
J’ai voulu avec Madame Pécresse, Monsieur Baroin, Monsieur Léonetti recevoir les responsables des groupes politiques de l’Assemblée nationale et du Sénat, ainsi que les présidents de ces deux Assemblées pour les informer le plus directement possible sur l’accord qui est intervenu hier au Conseil européen et pour répondre à leurs questions.
Je leur ai dit que cet accord marque une étape absolument décisive dans l’histoire de la zone euro.
C’est une décision qui a été prise hier à Bruxelles qui est du même ordre que celle qui avait été prise à Paris – à l’Elysée – en 2008 en réponse à la crise financière.
A l’époque, c’est la mobilisation des principaux chefs de gouvernement européens, à l’initiative du président de la République, qui avait permis de dire "il n’y aura pas de faillite de banques parce que les Etats garantiront les banques". Et cet acte politique fort a mis un terme au danger systémique qui pesait sur le système financier international.
Et bien, hier soir de la même façon, les chefs de gouvernement européens ont dit « il n’y aura pas de faillite d’Etat dans la zone euro, parce que la solidarité de la zone euro sera totale ».
Le premier plan de soutien à la Grèce avait été jugé suffisant par le Fonds monétaire international et par les institutions européennes, il ne l’a pas été par les marchés qui ont estimé que la dette grecque n’était pas soutenable.
Il fallait donc agir, il fallait agir vite parce que les taux d’intérêt des pays sous assistance internationale, c'est-à-dire la Grèce, l’Irlande et le Portugal, avaient atteint des niveaux historiques ; et parce que les tensions sur les marchés commençaient à se propager à l’Espagne et à l’Italie, c'est-à-dire au fond au cœur de la zone euro.
Ce qui était en cause, c’était donc la capacité des Etats de la zone euro à se financer, mais c’était au-delà la capacité des économies européennes à se financer.
Le couple franco-allemand a une nouvelle fois joué un rôle essentiel pour trouver les bonnes solutions à la crise, et je crois que l’on peut dire que le couple franco-allemand est la clé de la stabilité de la zone euro, ce qui après tout est naturel compte tenu du poids de l’économie allemande et de l’économie française.
Alors s’agissant de l’accord lui-même maintenant, c’est un accord qui prévoit un nouveau programme de soutien financier à la Grèce, un programme de 109 milliards d’euros de nouvelles ressources, qui seront apportés par le Fonds européen de stabilité financière et par le Fonds monétaire.
C’est ensuite un accord qui prévoit un allongement de la durée des prêts et une baisse des taux d’intérêt, aussi bien pour la Grèce que pour les autres pays qui sont soutenus par la communauté internationale : le Portugal et l'Irlande.
C’est un accord qui prévoit une participation volontaire du secteur privé de 135 milliards d’euros en brut, et une baisse des taux d’intérêt s’agissant de l’aide à la Grèce, s’agissant des emprunts grecs comparables à ceux du soutien public autour de 4,5 %.
Enfin c’est un accord qui prévoit des modalités d’intervention du Fonds européen de stabilité financière considérablement assouplies puisque, et c’était, vous le savez, une demande française très ancienne, ce fonds pourra désormais intervenir de façon préventive lorsqu’il y a des risques de spéculation contre la dette d’un Etat de la zone euro.
Ce fonds pourra intervenir pour recapitaliser des institutions financières européennes, et ce fonds pourra intervenir sur le marché secondaire des dettes souveraines, ce qui va d’ailleurs permettre de mettre en place des mécanismes qui vont améliorer la soutenabilité de la dette grecque.
On peut dire que nous avons hier soir posé à Bruxelles les fondements d’un véritable Fonds monétaire européen.
Enfin, le plan qui a été adopté hier est un plan global, puisque c’est un plan qui permet de protéger non seulement la Grèce, mais tout autre pays dont la dette pourrait être attaquée par la spéculation.
C’est un plan qui s’attaque à la question de la croissance de l’économie grecque, qui est évidemment la clé de la sortie de la crise pour la Grèce.
Il a été en effet décidé hier de lancer un plan de croissance pour la Grèce, qui va mobiliser des fonds européens et la Banque européenne d’investissement.
C’est un accord qui a permis de renouveler l’engagement des Etats de la zone euro à réduire leur déficit en dessous de 3 % du Produit Intérieur Brut en 2013, l’Italie s’étant même engagée à le faire en 2012.
Enfin, c’est un accord qui prévoit la mise en œuvre de propositions ambitieuses dans les prochaines semaines sur la gouvernance économique de l’Europe, sur la mise en place d’un cadre budgétaire crédible pour les pays de la zone euro, ce qui me permet de dire que l’adoption de la règle d’or et de la réforme constitutionnelle que le gouvernement propose – et qui a été adoptée par une majorité au Sénat et à l’Assemblée nationale – est plus que jamais d’actualité.
C’est en effet désormais un effort conjoint des pays de la zone euro pour se doter de ce cadre budgétaire crédible qui doit être conduit.
Je voudrais dire, pour conclure, que ces décisions n’ont pas de coût direct pour nos finances publiques. Elles ont un coût indirect puisque nous allons participer à travers des garanties apportées sur les prêts qui seront consentis par le Fonds de stabilité européen à la Grèce.
Ceci aura donc une conséquence indirecte, c’est une augmentation d’ici 2014 de notre niveau d’endettement, compte tenu de l’intégration des garanties à hauteur, d’environ 15 milliards d’euros.
J’ai enfin indiqué aux représentants du Parlement que nous proposerions à leur décision une loi de finances rectificative dès la rentrée parlementaire.
Cette loi de finances rectificative est en effet nécessaire pour mettre en œuvre les nouvelles modalités d’intervention du Fonds européen de stabilité financière. Mais cette loi de finances rectificative ne portera pas augmentation des plafonds de garantie qui sont suffisants pour mettre en œuvre cet accord.
Voilà.
Pour conclure je dirai que les mécanismes de décisions en Europe sont complexes, et ils peuvent parfois nous conduire à regretter une certaine lenteur pour conclure des accords.
Mais en même temps, je voudrais vous faire remarquer que depuis le début de la crise financière, l’Europe a toujours été au rendez-vous pour apporter des réponses, elle a d’ailleurs souvent été au rendez-vous avant les autres grandes économies et notamment l’économie américaine ; et d’une certaine manière l’Europe sort renforcée à chaque fois des crises qu’elle doit affronter et qu’elle doit résoudre.
Il y a 2 ans, le mot de « gouvernement économique européen » était un mot qui n’était quasiment pas possible de prononcer autour de la table du Conseil.
Il y a 2 ans, on aurait indiqué que l’Europe allait se doter d’un Fonds de stabilité financière, personne ne l’aurait cru.
Il y a 2 ans, personne n’aurait imaginé que l’ensemble des Etats de la zone euro puisse avancer sur la voie de la mise en place d’une gouvernance économique européenne, comme cela a été le cas hier soir.
Donc je veux voir dans notre processus de décision européen complexe un aspect positif, l’Europe sort renforcée des crises qu’elle a à affronter.
QUESTIONS – REPONSES
- Vous nous avez parlé d’un cadre budgétaire crédible dans lequel les Etats s’engagent, est-ce que ça veut dire que les Européens – et la France en particulier, les Français en particulier – doivent s’attendre à se serrer un petit peu plus la ceinture que ce qu’ils pouvaient présager ?
Non, ça veut dire tout simplement que les engagements que nous avons pris doivent être respectés. Nous avons pris l’engagement de ramener le déficit public en dessous de 3 % du PIB en 2013, cet objectif doit être atteint, c’est impératif et c’est désormais un souci que nous partageons avec l’ensemble des pays de la zone euro.
Cela suppose pas d’efforts supplémentaires, cela suppose de faire tous les efforts que nous avons annoncés, cela suppose de respecter à la lettre les engagements qui ont été pris dans le cadre de la loi de finance pluriannuelle, de continuer à réduire les niches fiscales, de continuer à réduire la dépense publique, de continuer à ne pas remplacer un fonctionnaire sur deux, de continuer à demander aux collectivités locales de participer à l’effort collectif.
Ce que je souhaite, c’est que l’on puisse ajouter à l’ensemble de ces décisions et de ces dispositifs la révision de la Constitution, de façon à nous engager vraiment sur la voie de la convergence des économies européennes.
Et la convergence des économies européennes suppose que l’ensemble des Etats de la zone euro se dotent des mêmes instruments, aient les mêmes engagements et acceptent les mêmes contraintes.
- L’an dernier, la Grèce a touché un premier plan d’aide de 110 milliards dont elle a touché à peu près la moitié, là c’était les Etats qui prêtaient directement à Athènes. Hier, on a cru comprendre lors du Sommet de Bruxelles que les conditions de prêt des Etats membres de la zone euro à la Grèce étaient allégées en termes de délais de paiement et en termes de taux d’intérêt. Donc ça n’aura aucun impact budgétaire ?
Cela n’a pas d’impact budgétaire dans la mesure où il s’agit de garanties que nous apportons au Fonds européen de stabilité. C’est le Fonds européen de stabilité qui porte les engagements, et les Etats apportent une garantie supplémentaire.
Et j’ai dit que pour la France, grosso modo aujourd’hui, le chiffre n’est pas d’une précision absolue, mais on peut estimer à 15 milliards d’ici 2014 l’engagement français.
- Vous dites que pour respecter votre engagement d’un déficit public en dessous de 3 %, il va falloir poursuivre les économies. Est-ce que vous avez une idée du montant des économies qu’il faudra faire ?
Mais c’est voté par le Parlement. Nous avons voté une loi pluriannuelle qui nous donne toutes les données pour aboutir au résultat que nous nous sommes fixés, c'est-à-dire passer en dessous de 3 % du Produit Intérieur Brut. Donc il n’y a rien de nouveau dans tout cela, c’est la poursuite des efforts qui ont été votés par le Parlement dans les lois de finances pluriannuelles.
- Monsieur le Premier ministre, question plus politique. Vous prenez désormais les habits d’un chef de campagne pour 2012. Le rôle de Nicolas Sarkozy dans cette nuit de négociations et dans le résultat des négociations, a-t-il joué un rôle majeur selon vous ?
Ecoutez, tout le monde l’a vu, tout le monde a bien vu que la France a joué un rôle central, d’abord dans l’élaboration d’un compromis acceptable par tout le monde, puis ensuite pour faire avancer des idées françaises, des idées que Nicolas Sarkozy défend depuis longtemps : le gouvernement économique européen, une régulation plus importante des marchés financiers, cela sera d’ailleurs le sujet qui sera au cœur de la négociation du G20.
Donc voilà, tout le monde le voit, la France est en première ligne, est au premier rang dans la gestion de cette crise depuis 2008. Et nous le faisons avec modestie, c'est-à-dire simplement parce que la France a un poids économique qui est le sien, mais aussi parce que nous défendons des valeurs européennes auxquelles nous sommes extrêmement attachées et que nous voulons faire partager à l’ensemble des pays de la zone euro.
Voilà, merci beaucoup Mesdames et Messieurs.Source http://www.gouvernement.fr, le 29 juillet 2011