Texte intégral
BRUNO DUVIC Gérard LONGUET, ministre de la Défense, est ce matin linvité de France Inter. Bonjour monsieur.
GERARD LONGUET Bonjour.
BRUNO DUVIC Quelles sont les dernières informations dont vous disposez ce matin sur la situation à Tripoli ?
GERARD LONGUET En Libye, si vous me permettez, en Libye. Cest une situation qui nest pas totalement aboutie, tant sen faut. Les insurgés ont repris en totalité Brega, ce qui est une nouvelle extrêmement importante.
BRUNO DUVIC Terminal pétrolier.
GERARD LONGUET Terminal pétrolier, et ils progressent en direction de Ras Lanouf mais ils ne sont ils sont à vingt kilomètres à louest de Brega. Misrata et Zlitan sont toujours en zone de combats, les combats nont pas cessé. Les insurgés maintiennent leurs positions mais les forces de KADHAFI, en tous les cas celles qui sopposent aux insurgés, continuent de se battre. Sur Tripoli-même, incontestablement il y a des combats très forts dans des parties sensibles notamment autour du port, mais le dispositif de Bab Al-Aziziya qui est le grand quadrilatère contrôlé par KADHAFI et son état-major avec un mur denceinte fortifié nest pas attaqué à cet instant.
BRUNO DUVIC La chaîne Al Arabiya parle de bombardements de lOTAN cette nuit.
GERARD LONGUET Alors il y a eu des bombardements de lOTAN en effet. Ils nont pas, à cet instant, contrairement à ce que la France demande, permis douvrir les brèches dans ce quadrilatère. Pourquoi ouvrir des brèches ? Cest une valeur symbolique, ce nest pas du tout militaire : cest pour montrer quil ny a pas de sanctuaire. Nous voulons détruire lidée dun sanctuaire où les irréductibles pourraient indéfiniment se retrancher, car souvenons-nous que les insurgés ce sont des gens qui se battent pour leur liberté mais ils se battent avec leurs moyens qui sont extraordinairement faibles. Le succès étonnant dans cette affaire, cest quils soient là.
BRUNO DUVIC Pensez-vous que le colonel KADHAFI soit toujours dans cette caserne ? GERARD LONGUET Cest assez vraisemblable.
BRUNO DUVIC Rien dautre ?
GERARD LONGUET Je nen sais pas plus.
BRUNO DUVIC Pas dautres hypothèses ce matin ?
GERARD LONGUET Jajouterai juste ce nest pas un mensonge dÉtat : je nen sais pas plus. Je vous rappelle que la France est à lextérieur, elle est avec ses hélicoptères, avec ses avions, ses systèmes de surveillance ; elle nest pas sur le terrain.
BRUNO DUVIC Lavancée tout au long du week-end a été extrêmement rapide. Hier, on parlait quasiment de chute effective de Tripoli. Diriez-vous ce matin que cette chute annoncée sera plus longue, plus difficile que prévue il y a encore quelques heures ?
GERARD LONGUET Je pense que la Libye est un très, très grand pays et très vaste et quil y a des comportements très différents dune ville à lautre. Je vois par exemple lîle de Sebha dans le sud où lopposition sétait exprimée assez fortement et manifestement le pouvoir local a décidé que lopposition navait pas le droit de sexprimer. Donc nous sommes dans un système qui est encore confus, ce nest pas une victoire aboutie à cet instant.
BRUNO DUVIC Et sur Tripoli précisément ?
GERARD LONGUET Et sur Tripoli en particulier. Les combats sont gagnés par lopposition chaque fois quils sont livrés mais tout le système Kadhafiste nest pas contrôlé par lopposition, tant sen faut.
BRUNO DUVIC Le régime KADHAFI nest pas tombé ?
GERARD LONGUET Le régime KADHAFI est isolé, encerclé, acculé ; il nest pas tombé.
BRUNO DUVIC Est-ce que tout le monde dailleurs, médias comme représentants politiques, nest pas allé un tout petit peu vite hier pour annoncer la chute du régime du colonel KADHAFI ?
GERARD LONGUET Moi je parle comme ministre de la Défense et jessaye de faire remonter des informations de différentes sources. Les gens étaient impatients il y a quelques semaines, lopinion était impatiente et considérait quon senlisait : on ne senlisait pas. Aujourd'hui, la dominante est plutôt enthousiaste. Je considère, je constate quil y a toujours des combats.
BRUNO DUVIC Comment avez-vous reçu lune des informations de cette nuit : le fils du colonel KADHAFI, Seif al-ISLAM, dont larrestation avait été annoncée, est apparu libre cette nuit dans lhôtel notamment où travaillent les journalistes. Cest le signe que le régime se battra jusquau bout et cest le signe de la confusion peut-être aussi.
GERARD LONGUET Oui. On ne peut pas en vouloir au CNT qui est une institution nouvelle de ne pas tout gérer et la rumeur fait partie de la guerre aujourd'hui. Linformation et la rumeur est colportée par des moyens technologiques extraordinairement puissants aujourd'hui les SMS, Internet, la radio, le téléphone. Nous suivons avec nos moyens beaucoup de communications et il se dit à peu près nimporte quoi sur les communications locales.
BRUNO DUVIC Vous en avez dit un mot tout à l'heure à propos du périmètre de KADHAFI. Au stade où on en est, je parle de Tripoli, des combats au coeur dune ville, que peut faire la coalition internationale pour appuyer les rebelles ?
GERARD LONGUET Cest une très bonne remarque. Nous sommes sur des combats qui sont très particuliers. Ce sont en fait des combats dartillerie, c'est-à-dire de loin à loin, de lance-roquettes multiples, et ce sont des combats de snipers c'est-à-dire de tireurs délite.
BRUNO DUVIC Tireurs isolés.
GERARD LONGUET Tireurs isolés. Ce nest pas Verdun. Je veux dire ce ne sont pas des tranchées avec des positions identifiées et des combattants qui se regardent les yeux dans les yeux et qui sentretuent à la baïonnette. Ce nest pas du tout ça. Ce sont des tirs dartillerie et donc il peut y avoir des mouvements extrêmement rapides. Cétait dailleurs déjà le cas en 1942 entre les Italiens et les Allemands dun côté, les Alliés de lautre. Cest des mouvements extrêmement rapides parce que tenir le terrain na pas beaucoup de sens et les mouvements sont sur des kilomètres ou plus exactement tenir le terrain a du sens mais les mouvements peuvent être extrêmement rapides dans un sens comme dans lautre.
BRUNO DUVIC Et donc, quel rôle pour lOTAN dans cette configuration précise que vous venez de décrire ?
GERARD LONGUET Je pense profondément que lOTAN doit faire une frappe symbolique pour montrer quil ny a pas de quadrilatère irréductible, il ny a pas de sanctuaire.
BRUNO DUVIC Quelle part la coalition internationale a-t-elle pris dans la préparation de cette avancée sur Tripoli ? On a souvent parlé de lamateurisme des combattants rebelles. Là manifestement, il y a eu une préparation très minutieuse.
GERARD LONGUET Il y a eu une préparation très minutieuse. Moi je salue les combattants rebelles parce que ce sont des gens qui sont passés du statut davocat, profession libérale, cordonnier ou garagiste, au statut de combattant. Cest extraordinaire de mobilisation, de civisme et je dirais dorganisation. Ce que nous avons, nous comme responsables, et ce que nous avons à gérer comme responsabilités, cest de protéger les populations civiles, c'est-à-dire de donner la certitude aux insurgés quils ne risquaient pas de perdre les territoires quils avaient gagnés, mais nous ne les avons pas accompagnés dans loffensive. Cest leur offensive et cest leur victoire.
BRUNO DUVIC Pas dhommes au sol, pas même des instructeurs ?
GERARD LONGUET Pas dhommes au sol, pas même des instructeurs français.
BRUNO DUVIC Diriez-vous que ces opérations en Libye sont lexemple dune intervention internationale parfaitement réussie ?
GERARD LONGUET Oui. Elle est réussie parce quil y a eu une prise de responsabilités de deux grands pays - la Grande Bretagne et la France, de David CAMERON et du président Nicolas SARKOZY - lintervention internationale, rien na été fait sans le conseil de sécurité des Nations Unies ; cest Alain JUPPÉ qui en portait la décision et sans lintervention extrêmement rapide, permettez-moi de le dire, de larmée française et de laviation, puisque quelques minutes après lautorisation du 19 mars, nous étions en mesure de neutraliser les chars qui attaquaient Benghazi. Je dois dire dailleurs quil y a eu des aspects extrêmement divers pour moi, ministre de la Défense. La Marine, ce sont près dune dizaine de bâtiments qui ont surveillé en permanence. Sait-on par exemple quil y a eu un combat naval et que la frégate Courbet a tiré à Misrata sur des engins kadhafistes qui voulaient miner le port ? Si le port de Misrata avait été miné, Misrata tombait forcément puisque Misrata nétait plus approvisionné. Cest donc une véritable avec avions, hélicoptères, navires.
BRUNO DUVIC Pour lanecdote, mais ça nest pas quanecdotique, quand vous entendez Martine AUBRY décerner des bons points à Nicolas SARKOZY dans cette histoire au 20 heures de TF1 hier soir, quelle réaction avez-vous ?
GERARD LONGUET Personnellement je men réjouis comme Français. Si les Français peuvent être rassemblés sur un point majeur quils partagent, tant mieux.
BRUNO DUVIC Tous les journaux consacrent de longues pages à la Libye ce matin et aux années KADHAFI. Tous évoquent notamment la visite du colonel à lÉlysée au début du quinquennat, cest un événement qui a marqué lopinion. « Notre pays nest pas un paillasson » avait déclaré à lépoque Rama YADE qui était secrétaire dÉtat aux droits de lhomme. Pensez-vous que cette intervention effacera le souvenir de cet épisode qui encore une fois a marqué lopinion ?
GERARD LONGUET Je crois quil y a un mystère KADHAFI. KADHAFI est arrivé par la force, mais une forte en 69, il y a quarante-deux ans, en chassant le roi qui était dailleurs en vacances en Italie et en lui disant : « Mon vieux, ne rentre pas, la place est prise ». Ça navait pas été une révolution sanglante.
BRUNO DUVIC On est loin du début du quinquennat SARKOZY.
GERARD LONGUET Non, jy reviens. Cest un personnage extraordinairement cyclique avec des tentations de toutes sortes pendant ses quarante-deux ans de pouvoir. Et je crois pour ma part, sincèrement, quil a voulu à un moment, avec le danger islamiste, se rapprocher de lEurope et il a perdu totalement conscience, peut-être dailleurs sous la pression de certains de ses fils, au moment au début des incidents, il aurait pu parler politique. Il est entré dans le délire verbal le délire verbal, pardonnez-moi, et laction militaire. Et à ce moment-là, il a complètement changé de nature et Nicolas SARKOZY a eu le courage de reconnaître que ce nétait pas lhomme quil avait reçu et par conséquent, il fallait en tirer les conséquences.
BRUNO DUVIC Ce que vous nous dites, cest quen 2007 il a été reçu alors quon pensait, parmi les autorités françaises, de bonne foi que lhomme avait changé.
GERARD LONGUET Il avait lâché il avait libéré les infirmières bulgares, il avait montré des gestes de bonne volonté ; son système ne lui a pas permis daller dans cette voie.
BRUNO DUVIC Lintervention internationale a commencé au mois de mars.
GERARD LONGUET Le 19 mars.
BRUNO DUVIC 19 mars. Lobjectif initial était de protéger les civils, responsabilité de protéger. Est-ce que vous assumez le fait que cet objectif a glissé et que cest devenu aussi la chute dun régime, voire dun homme, après tout dailleurs peut-être parce que les deux sont imbriqués ?
GERARD LONGUET Vous avez tout à fait raison. Pour protéger les civils, la meilleure façon, et nous lavons dit dès le départ, cest que les soldats rentrent dans leur caserne. Manifestement ils ne lont pas voulu, ils ne lont pas entendu ainsi et nous avons eu une conception dynamique de la protection des civils qui consistait chaque fois quun soldat sortait de sa caserne de lui suggérer de rentrer par des moyens appropriés.
BRUNO DUVIC Mais sans parler de mensonges, on est bien passé dun objectif de protection des civils à un objectif qui mélangeait plus lintervention militaire et politique.
GERARD LONGUET Non ! Non, non, non, non ! Attendez ! La protection des civils, quand vous avez devant vous des chars et des canons, ce nest pas un cordon de gendarmes mobiles ou de Casques Bleus. Cest de frapper sur des chars et sur des canons qui sont, eux, susceptibles à tout moment de tuer des civils. Nous avons eu une protection dynamique et offensive des civils parce que nous pouvions le faire tactiquement. Les fronts étaient nettement séparés.
Source : Premier ministre, Service dInformation du Gouvernement, le 29 août 2011
GERARD LONGUET Bonjour.
BRUNO DUVIC Quelles sont les dernières informations dont vous disposez ce matin sur la situation à Tripoli ?
GERARD LONGUET En Libye, si vous me permettez, en Libye. Cest une situation qui nest pas totalement aboutie, tant sen faut. Les insurgés ont repris en totalité Brega, ce qui est une nouvelle extrêmement importante.
BRUNO DUVIC Terminal pétrolier.
GERARD LONGUET Terminal pétrolier, et ils progressent en direction de Ras Lanouf mais ils ne sont ils sont à vingt kilomètres à louest de Brega. Misrata et Zlitan sont toujours en zone de combats, les combats nont pas cessé. Les insurgés maintiennent leurs positions mais les forces de KADHAFI, en tous les cas celles qui sopposent aux insurgés, continuent de se battre. Sur Tripoli-même, incontestablement il y a des combats très forts dans des parties sensibles notamment autour du port, mais le dispositif de Bab Al-Aziziya qui est le grand quadrilatère contrôlé par KADHAFI et son état-major avec un mur denceinte fortifié nest pas attaqué à cet instant.
BRUNO DUVIC La chaîne Al Arabiya parle de bombardements de lOTAN cette nuit.
GERARD LONGUET Alors il y a eu des bombardements de lOTAN en effet. Ils nont pas, à cet instant, contrairement à ce que la France demande, permis douvrir les brèches dans ce quadrilatère. Pourquoi ouvrir des brèches ? Cest une valeur symbolique, ce nest pas du tout militaire : cest pour montrer quil ny a pas de sanctuaire. Nous voulons détruire lidée dun sanctuaire où les irréductibles pourraient indéfiniment se retrancher, car souvenons-nous que les insurgés ce sont des gens qui se battent pour leur liberté mais ils se battent avec leurs moyens qui sont extraordinairement faibles. Le succès étonnant dans cette affaire, cest quils soient là.
BRUNO DUVIC Pensez-vous que le colonel KADHAFI soit toujours dans cette caserne ? GERARD LONGUET Cest assez vraisemblable.
BRUNO DUVIC Rien dautre ?
GERARD LONGUET Je nen sais pas plus.
BRUNO DUVIC Pas dautres hypothèses ce matin ?
GERARD LONGUET Jajouterai juste ce nest pas un mensonge dÉtat : je nen sais pas plus. Je vous rappelle que la France est à lextérieur, elle est avec ses hélicoptères, avec ses avions, ses systèmes de surveillance ; elle nest pas sur le terrain.
BRUNO DUVIC Lavancée tout au long du week-end a été extrêmement rapide. Hier, on parlait quasiment de chute effective de Tripoli. Diriez-vous ce matin que cette chute annoncée sera plus longue, plus difficile que prévue il y a encore quelques heures ?
GERARD LONGUET Je pense que la Libye est un très, très grand pays et très vaste et quil y a des comportements très différents dune ville à lautre. Je vois par exemple lîle de Sebha dans le sud où lopposition sétait exprimée assez fortement et manifestement le pouvoir local a décidé que lopposition navait pas le droit de sexprimer. Donc nous sommes dans un système qui est encore confus, ce nest pas une victoire aboutie à cet instant.
BRUNO DUVIC Et sur Tripoli précisément ?
GERARD LONGUET Et sur Tripoli en particulier. Les combats sont gagnés par lopposition chaque fois quils sont livrés mais tout le système Kadhafiste nest pas contrôlé par lopposition, tant sen faut.
BRUNO DUVIC Le régime KADHAFI nest pas tombé ?
GERARD LONGUET Le régime KADHAFI est isolé, encerclé, acculé ; il nest pas tombé.
BRUNO DUVIC Est-ce que tout le monde dailleurs, médias comme représentants politiques, nest pas allé un tout petit peu vite hier pour annoncer la chute du régime du colonel KADHAFI ?
GERARD LONGUET Moi je parle comme ministre de la Défense et jessaye de faire remonter des informations de différentes sources. Les gens étaient impatients il y a quelques semaines, lopinion était impatiente et considérait quon senlisait : on ne senlisait pas. Aujourd'hui, la dominante est plutôt enthousiaste. Je considère, je constate quil y a toujours des combats.
BRUNO DUVIC Comment avez-vous reçu lune des informations de cette nuit : le fils du colonel KADHAFI, Seif al-ISLAM, dont larrestation avait été annoncée, est apparu libre cette nuit dans lhôtel notamment où travaillent les journalistes. Cest le signe que le régime se battra jusquau bout et cest le signe de la confusion peut-être aussi.
GERARD LONGUET Oui. On ne peut pas en vouloir au CNT qui est une institution nouvelle de ne pas tout gérer et la rumeur fait partie de la guerre aujourd'hui. Linformation et la rumeur est colportée par des moyens technologiques extraordinairement puissants aujourd'hui les SMS, Internet, la radio, le téléphone. Nous suivons avec nos moyens beaucoup de communications et il se dit à peu près nimporte quoi sur les communications locales.
BRUNO DUVIC Vous en avez dit un mot tout à l'heure à propos du périmètre de KADHAFI. Au stade où on en est, je parle de Tripoli, des combats au coeur dune ville, que peut faire la coalition internationale pour appuyer les rebelles ?
GERARD LONGUET Cest une très bonne remarque. Nous sommes sur des combats qui sont très particuliers. Ce sont en fait des combats dartillerie, c'est-à-dire de loin à loin, de lance-roquettes multiples, et ce sont des combats de snipers c'est-à-dire de tireurs délite.
BRUNO DUVIC Tireurs isolés.
GERARD LONGUET Tireurs isolés. Ce nest pas Verdun. Je veux dire ce ne sont pas des tranchées avec des positions identifiées et des combattants qui se regardent les yeux dans les yeux et qui sentretuent à la baïonnette. Ce nest pas du tout ça. Ce sont des tirs dartillerie et donc il peut y avoir des mouvements extrêmement rapides. Cétait dailleurs déjà le cas en 1942 entre les Italiens et les Allemands dun côté, les Alliés de lautre. Cest des mouvements extrêmement rapides parce que tenir le terrain na pas beaucoup de sens et les mouvements sont sur des kilomètres ou plus exactement tenir le terrain a du sens mais les mouvements peuvent être extrêmement rapides dans un sens comme dans lautre.
BRUNO DUVIC Et donc, quel rôle pour lOTAN dans cette configuration précise que vous venez de décrire ?
GERARD LONGUET Je pense profondément que lOTAN doit faire une frappe symbolique pour montrer quil ny a pas de quadrilatère irréductible, il ny a pas de sanctuaire.
BRUNO DUVIC Quelle part la coalition internationale a-t-elle pris dans la préparation de cette avancée sur Tripoli ? On a souvent parlé de lamateurisme des combattants rebelles. Là manifestement, il y a eu une préparation très minutieuse.
GERARD LONGUET Il y a eu une préparation très minutieuse. Moi je salue les combattants rebelles parce que ce sont des gens qui sont passés du statut davocat, profession libérale, cordonnier ou garagiste, au statut de combattant. Cest extraordinaire de mobilisation, de civisme et je dirais dorganisation. Ce que nous avons, nous comme responsables, et ce que nous avons à gérer comme responsabilités, cest de protéger les populations civiles, c'est-à-dire de donner la certitude aux insurgés quils ne risquaient pas de perdre les territoires quils avaient gagnés, mais nous ne les avons pas accompagnés dans loffensive. Cest leur offensive et cest leur victoire.
BRUNO DUVIC Pas dhommes au sol, pas même des instructeurs ?
GERARD LONGUET Pas dhommes au sol, pas même des instructeurs français.
BRUNO DUVIC Diriez-vous que ces opérations en Libye sont lexemple dune intervention internationale parfaitement réussie ?
GERARD LONGUET Oui. Elle est réussie parce quil y a eu une prise de responsabilités de deux grands pays - la Grande Bretagne et la France, de David CAMERON et du président Nicolas SARKOZY - lintervention internationale, rien na été fait sans le conseil de sécurité des Nations Unies ; cest Alain JUPPÉ qui en portait la décision et sans lintervention extrêmement rapide, permettez-moi de le dire, de larmée française et de laviation, puisque quelques minutes après lautorisation du 19 mars, nous étions en mesure de neutraliser les chars qui attaquaient Benghazi. Je dois dire dailleurs quil y a eu des aspects extrêmement divers pour moi, ministre de la Défense. La Marine, ce sont près dune dizaine de bâtiments qui ont surveillé en permanence. Sait-on par exemple quil y a eu un combat naval et que la frégate Courbet a tiré à Misrata sur des engins kadhafistes qui voulaient miner le port ? Si le port de Misrata avait été miné, Misrata tombait forcément puisque Misrata nétait plus approvisionné. Cest donc une véritable avec avions, hélicoptères, navires.
BRUNO DUVIC Pour lanecdote, mais ça nest pas quanecdotique, quand vous entendez Martine AUBRY décerner des bons points à Nicolas SARKOZY dans cette histoire au 20 heures de TF1 hier soir, quelle réaction avez-vous ?
GERARD LONGUET Personnellement je men réjouis comme Français. Si les Français peuvent être rassemblés sur un point majeur quils partagent, tant mieux.
BRUNO DUVIC Tous les journaux consacrent de longues pages à la Libye ce matin et aux années KADHAFI. Tous évoquent notamment la visite du colonel à lÉlysée au début du quinquennat, cest un événement qui a marqué lopinion. « Notre pays nest pas un paillasson » avait déclaré à lépoque Rama YADE qui était secrétaire dÉtat aux droits de lhomme. Pensez-vous que cette intervention effacera le souvenir de cet épisode qui encore une fois a marqué lopinion ?
GERARD LONGUET Je crois quil y a un mystère KADHAFI. KADHAFI est arrivé par la force, mais une forte en 69, il y a quarante-deux ans, en chassant le roi qui était dailleurs en vacances en Italie et en lui disant : « Mon vieux, ne rentre pas, la place est prise ». Ça navait pas été une révolution sanglante.
BRUNO DUVIC On est loin du début du quinquennat SARKOZY.
GERARD LONGUET Non, jy reviens. Cest un personnage extraordinairement cyclique avec des tentations de toutes sortes pendant ses quarante-deux ans de pouvoir. Et je crois pour ma part, sincèrement, quil a voulu à un moment, avec le danger islamiste, se rapprocher de lEurope et il a perdu totalement conscience, peut-être dailleurs sous la pression de certains de ses fils, au moment au début des incidents, il aurait pu parler politique. Il est entré dans le délire verbal le délire verbal, pardonnez-moi, et laction militaire. Et à ce moment-là, il a complètement changé de nature et Nicolas SARKOZY a eu le courage de reconnaître que ce nétait pas lhomme quil avait reçu et par conséquent, il fallait en tirer les conséquences.
BRUNO DUVIC Ce que vous nous dites, cest quen 2007 il a été reçu alors quon pensait, parmi les autorités françaises, de bonne foi que lhomme avait changé.
GERARD LONGUET Il avait lâché il avait libéré les infirmières bulgares, il avait montré des gestes de bonne volonté ; son système ne lui a pas permis daller dans cette voie.
BRUNO DUVIC Lintervention internationale a commencé au mois de mars.
GERARD LONGUET Le 19 mars.
BRUNO DUVIC 19 mars. Lobjectif initial était de protéger les civils, responsabilité de protéger. Est-ce que vous assumez le fait que cet objectif a glissé et que cest devenu aussi la chute dun régime, voire dun homme, après tout dailleurs peut-être parce que les deux sont imbriqués ?
GERARD LONGUET Vous avez tout à fait raison. Pour protéger les civils, la meilleure façon, et nous lavons dit dès le départ, cest que les soldats rentrent dans leur caserne. Manifestement ils ne lont pas voulu, ils ne lont pas entendu ainsi et nous avons eu une conception dynamique de la protection des civils qui consistait chaque fois quun soldat sortait de sa caserne de lui suggérer de rentrer par des moyens appropriés.
BRUNO DUVIC Mais sans parler de mensonges, on est bien passé dun objectif de protection des civils à un objectif qui mélangeait plus lintervention militaire et politique.
GERARD LONGUET Non ! Non, non, non, non ! Attendez ! La protection des civils, quand vous avez devant vous des chars et des canons, ce nest pas un cordon de gendarmes mobiles ou de Casques Bleus. Cest de frapper sur des chars et sur des canons qui sont, eux, susceptibles à tout moment de tuer des civils. Nous avons eu une protection dynamique et offensive des civils parce que nous pouvions le faire tactiquement. Les fronts étaient nettement séparés.
Source : Premier ministre, Service dInformation du Gouvernement, le 29 août 2011