Texte intégral
Je me réjouis de la présence à nos côtés dAchim Steiner, qui joue un rôle clef dans les préparatifs de Rio+20.
Lannée qui vient sera cruciale pour les négociations internationales en matière denvironnement et sera marquée par les grandes échéances du G20 de la Conférence de Durban et du Sommet de Rio. Si nous obtenons des décisions à Cannes sur les financements innovants qui permettent dalimenter le fond vert à Durban, nous nous inscrirons dans une spirale positive pour Rio.
À moins dun an de la Conférence de Rio+20, la communication conjointe quAlain Juppé et moi-même avons présentée en Conseil des ministres le 1er août, vise à entrer dans une phase de mobilisation pour défendre nos objectifs.
Rio+20 sera une occasion unique dobtenir un accord politique pour une organisation mondiale de lenvironnement (OME).
LAssemblée générale des Nations unies a en effet mis à lordre du jour de la Conférence, le «cadre institutionnel du développement durable». Thème qui recouvre, cette OME que le président de la République avait appelé de ses vux, en juin 2009, à lOIT.
Le sujet de la gouvernance internationale de lenvironnement a une histoire, maintenant longue, mais peut déboucher sur un résultat à Rio. Le Brésil y a intérêt, pour que Rio+20 soit un succès. Lidée dune voix dautorité mondiale pour lenvironnement a fait son chemin. Elle a mûri, en lien dailleurs avec le thème de léconomie verte, deuxième sujet de Rio+20 et sur lequel nous sommes fortement engagés avec nos partenaires européens. Lon reconnaît la possible valeur ajoutée dune organisation de type OME pour consolider linterface science-politique, limiter les conflits de normes, faciliter lapplication des engagements environnementaux y compris dans les pays les plus pauvres. Bref, lOME peut incarner la nouvelle gouvernance indispensable pour accélérer, au Nord comme au Sud, la transition urgente vers une économie bas carbone et plus sobre en ressources.
Il y a là, pour la France, historiquement engagée pour une organisation internationale de lenvironnement, un enjeu symbolique, mais aussi un enjeu de fond, de crédibilité du système multilatéral en matière denvironnement. Le système actuel, formé de 500 conventions différentes, véritable industrie de négociation dont les coûts de fonctionnement explosent, nest pas à la hauteur des enjeux. Le statu quo nest plus une option.
LUnion européenne en a une conscience croissante, et sest montrée de plus en plus soudée sur ce sujet au cours des derniers mois. Cette cohésion néchappe pas au reste du monde : Ban Ki-Moon men a parlé demblée lorsque jai eu loccasion dévoquer avec lui Rio+20.
Mais un succès à Rio ne sera pas possible sans votre mobilisation.
Sil fallait appeler votre attention sur les points délicats du dossier, jen citerais quatre, qui sont tous des points que vous pouvez contribuer à déminer :
- dabord, conforter lidée dune organisation bâtie à partir du PNUE, cest-à-dire dans le cadre des Nations unies et avec un siège à Nairobi. Il y a là un pré-requis ; par le passé, lambiguïté de la France sur la question du siège nous avait coûté le soutien des pays africains. Une OME aura, comme dailleurs le PNUE, une structure décentralisée, indispensable pour répondre à un impératif defficacité et de dialogue avec les autres institutions (OIT, OMC entre autres à Genève, mais également PNUD et Banque mondiale). Mais elle aura lautorité sur lensemble de lagenda qui manque aujourdhui au PNUE. Il ne sagit pas de créer une nouvelle institution en plus de lexistant ce qui induirait des coûts supplémentaires, autre sujet dinquiétude de certains pays. En bâtissant lOME à partir du PNUE, non seulement cela nentraînera pas de coût supplémentaire majeurs mais surtout cela constituera un gain dans le long terme car linaction aura fatalement un coût ;
- ensuite, montrer que lOME nest pas une source de coûts ou de bureaucratie supplémentaires, mais quelle vise à utiliser au mieux les moyens, à un moment où les défis sont plus importants que jamais. Il sagit de dépasser un système de négociations prolifique et coûteux, qui ne produit pas les résultats attendus sur le terrain.
Permettez-moi une précision sur un autre point : le projet dOME inclut bien sûr les enseignements que nous tirons des négociations climat, mais notre intérêt, à la fois dans la perspective de Rio+20 et dans celle, plus proche, de la Conférence de Durban sur le climat, est de ne pas mélanger les deux exercices. Il ne faut ni préempter dans le discours sur lOME le résultat des négociations climat cette année, ni importer les difficultés de ces négociations à Rio. Prudence sur ce point, donc, et insistance sur un message général defficacité.
Enfin, il faut lever les soupçons déco-protectionnisme et ne pas faire apparaître lOME comme une OMC de lenvironnement. LOME doit dabord être un facilitateur pour la mise en uvre des engagements environnementaux, en favorisant la production de normes mais aussi le renforcement de capacités, les transferts de technologies pertinentes et la mobilisation de ressources. Donnons-nous les moyens daider efficacement les pays à surmonter des difficultés réelles de mise en uvre, avant den venir à un système fondé sur les sanctions et sur un nouvel organe juridictionnel.
Après avoir cité les aspects délicats sur le fond, permettez-moi de vous dire quelles sont selon moi les conditions de réussite qui justifient de mobiliser les postes :
Maintenir et renforcer la cohésion européenne ; la présidence polonaise sest appropriée le sujet, mais le Danemark craint, après Copenhague, un nouvel échec sous sa présidence de lUnion européenne ; et un certain nombre de partenaires européens, y compris pour des raisons budgétaires, reste en retrait. Il faut souligner les progrès faits depuis Copenhague et mettre en balance le coût lié à la transformation du PNUE en organisation de plein droit (qui sera au demeurant compensé par des économies de fonctionnement) avec le coût, politique et économique, dun échec : alors que la crise mondiale a mis à mal les impératifs environnementaux, une absence de résultats à Rio en ferait une conférence de commémoration et non davenir pour le développement durable.
En soulignant lintérêt commun quil représente pour lUnion européenne et lAfrique, y compris lAfrique anglophone. Le déclin du PNUE serait inéluctable en labsence de réforme ambitieuse. À linverse, une OME à Nairobi serait le signal du rôle central de lAfrique dans les enjeux denvironnement et la gouvernance mondiale.
Favoriser lappropriation du sujet par les pays émergents. Le G20 sous présidence française aura un rôle clé à cet égard. Parmi les émergents qui sont au G20, certains comme le Mexique, lIndonésie, la Corée du Sud, ont déjà commencé à être actifs pour une réforme ambitieuse. Avec la cohésion européenne, cest la bonne nouvelle de ces derniers mois. Dautres, comme la Chine et lInde, sont attentistes bien quouverts; ils entendent les principaux opposants à lOME, et des arguments qui souvent caricaturent nos positions. Vis-à-vis de ces Etats clé qui restent à convaincre, le sommet du G20 peut être un moment de dialogue privilégié. Il sappuiera sur le rapport demandé par le Président de la République à David Cameron, qui devrait aborder le volet environnement de la gouvernance mondiale. Il peut permettre au G20 de saccorder sur le diagnostic. Et nous ferons valoir quune OME est la seule manière crédible, réaliste, de renforcer le PNUE.
Dernière condition de réussite : lengagement de la société civile et des acteurs non étatiques au sens le plus large, incluant les entreprises, les collectivités locales, et les nouvelles formes de mobilisation citoyenne sur Internet ; en France, la société civile est partagée entre conscience dun intérêt général à faire avancer le sujet de lOME, et tentation de fixer des objectifs trop hauts, au risque dun échec à Rio, et une dynamique brisée pour les années à venir ; ailleurs dans le monde, les «parties prenantes» vont-elles se mobiliser ? Nous lespérons comme le Brésil. Et comptons sur vous pour identifier les acteurs clef et vous rapprocher deux. Sachez que nous organiserons avec Alain Juppé, fin janvier 2012, une conférence à Paris sur le rôle de tous les acteurs de société civile, au sens Grenelle du terme, dans une gouvernance internationale de lenvironnement modernisée.
Permettez-moi de conclure en me félicitant de la parfaite coopération entre le ministère du développement durable et celui des Affaires étrangères et européennes sur ce sujet. Cest indispensable. Un succès à Rio+20 sera crucial pour mon ministère qui porte, au quotidien et parfois dans des négociations très techniques, les politiques de développement durable ; ce serait aussi, je crois, un succès pour la diplomatie française. Je vous remercie.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 5 septembre 2011
Lannée qui vient sera cruciale pour les négociations internationales en matière denvironnement et sera marquée par les grandes échéances du G20 de la Conférence de Durban et du Sommet de Rio. Si nous obtenons des décisions à Cannes sur les financements innovants qui permettent dalimenter le fond vert à Durban, nous nous inscrirons dans une spirale positive pour Rio.
À moins dun an de la Conférence de Rio+20, la communication conjointe quAlain Juppé et moi-même avons présentée en Conseil des ministres le 1er août, vise à entrer dans une phase de mobilisation pour défendre nos objectifs.
Rio+20 sera une occasion unique dobtenir un accord politique pour une organisation mondiale de lenvironnement (OME).
LAssemblée générale des Nations unies a en effet mis à lordre du jour de la Conférence, le «cadre institutionnel du développement durable». Thème qui recouvre, cette OME que le président de la République avait appelé de ses vux, en juin 2009, à lOIT.
Le sujet de la gouvernance internationale de lenvironnement a une histoire, maintenant longue, mais peut déboucher sur un résultat à Rio. Le Brésil y a intérêt, pour que Rio+20 soit un succès. Lidée dune voix dautorité mondiale pour lenvironnement a fait son chemin. Elle a mûri, en lien dailleurs avec le thème de léconomie verte, deuxième sujet de Rio+20 et sur lequel nous sommes fortement engagés avec nos partenaires européens. Lon reconnaît la possible valeur ajoutée dune organisation de type OME pour consolider linterface science-politique, limiter les conflits de normes, faciliter lapplication des engagements environnementaux y compris dans les pays les plus pauvres. Bref, lOME peut incarner la nouvelle gouvernance indispensable pour accélérer, au Nord comme au Sud, la transition urgente vers une économie bas carbone et plus sobre en ressources.
Il y a là, pour la France, historiquement engagée pour une organisation internationale de lenvironnement, un enjeu symbolique, mais aussi un enjeu de fond, de crédibilité du système multilatéral en matière denvironnement. Le système actuel, formé de 500 conventions différentes, véritable industrie de négociation dont les coûts de fonctionnement explosent, nest pas à la hauteur des enjeux. Le statu quo nest plus une option.
LUnion européenne en a une conscience croissante, et sest montrée de plus en plus soudée sur ce sujet au cours des derniers mois. Cette cohésion néchappe pas au reste du monde : Ban Ki-Moon men a parlé demblée lorsque jai eu loccasion dévoquer avec lui Rio+20.
Mais un succès à Rio ne sera pas possible sans votre mobilisation.
Sil fallait appeler votre attention sur les points délicats du dossier, jen citerais quatre, qui sont tous des points que vous pouvez contribuer à déminer :
- dabord, conforter lidée dune organisation bâtie à partir du PNUE, cest-à-dire dans le cadre des Nations unies et avec un siège à Nairobi. Il y a là un pré-requis ; par le passé, lambiguïté de la France sur la question du siège nous avait coûté le soutien des pays africains. Une OME aura, comme dailleurs le PNUE, une structure décentralisée, indispensable pour répondre à un impératif defficacité et de dialogue avec les autres institutions (OIT, OMC entre autres à Genève, mais également PNUD et Banque mondiale). Mais elle aura lautorité sur lensemble de lagenda qui manque aujourdhui au PNUE. Il ne sagit pas de créer une nouvelle institution en plus de lexistant ce qui induirait des coûts supplémentaires, autre sujet dinquiétude de certains pays. En bâtissant lOME à partir du PNUE, non seulement cela nentraînera pas de coût supplémentaire majeurs mais surtout cela constituera un gain dans le long terme car linaction aura fatalement un coût ;
- ensuite, montrer que lOME nest pas une source de coûts ou de bureaucratie supplémentaires, mais quelle vise à utiliser au mieux les moyens, à un moment où les défis sont plus importants que jamais. Il sagit de dépasser un système de négociations prolifique et coûteux, qui ne produit pas les résultats attendus sur le terrain.
Permettez-moi une précision sur un autre point : le projet dOME inclut bien sûr les enseignements que nous tirons des négociations climat, mais notre intérêt, à la fois dans la perspective de Rio+20 et dans celle, plus proche, de la Conférence de Durban sur le climat, est de ne pas mélanger les deux exercices. Il ne faut ni préempter dans le discours sur lOME le résultat des négociations climat cette année, ni importer les difficultés de ces négociations à Rio. Prudence sur ce point, donc, et insistance sur un message général defficacité.
Enfin, il faut lever les soupçons déco-protectionnisme et ne pas faire apparaître lOME comme une OMC de lenvironnement. LOME doit dabord être un facilitateur pour la mise en uvre des engagements environnementaux, en favorisant la production de normes mais aussi le renforcement de capacités, les transferts de technologies pertinentes et la mobilisation de ressources. Donnons-nous les moyens daider efficacement les pays à surmonter des difficultés réelles de mise en uvre, avant den venir à un système fondé sur les sanctions et sur un nouvel organe juridictionnel.
Après avoir cité les aspects délicats sur le fond, permettez-moi de vous dire quelles sont selon moi les conditions de réussite qui justifient de mobiliser les postes :
Maintenir et renforcer la cohésion européenne ; la présidence polonaise sest appropriée le sujet, mais le Danemark craint, après Copenhague, un nouvel échec sous sa présidence de lUnion européenne ; et un certain nombre de partenaires européens, y compris pour des raisons budgétaires, reste en retrait. Il faut souligner les progrès faits depuis Copenhague et mettre en balance le coût lié à la transformation du PNUE en organisation de plein droit (qui sera au demeurant compensé par des économies de fonctionnement) avec le coût, politique et économique, dun échec : alors que la crise mondiale a mis à mal les impératifs environnementaux, une absence de résultats à Rio en ferait une conférence de commémoration et non davenir pour le développement durable.
En soulignant lintérêt commun quil représente pour lUnion européenne et lAfrique, y compris lAfrique anglophone. Le déclin du PNUE serait inéluctable en labsence de réforme ambitieuse. À linverse, une OME à Nairobi serait le signal du rôle central de lAfrique dans les enjeux denvironnement et la gouvernance mondiale.
Favoriser lappropriation du sujet par les pays émergents. Le G20 sous présidence française aura un rôle clé à cet égard. Parmi les émergents qui sont au G20, certains comme le Mexique, lIndonésie, la Corée du Sud, ont déjà commencé à être actifs pour une réforme ambitieuse. Avec la cohésion européenne, cest la bonne nouvelle de ces derniers mois. Dautres, comme la Chine et lInde, sont attentistes bien quouverts; ils entendent les principaux opposants à lOME, et des arguments qui souvent caricaturent nos positions. Vis-à-vis de ces Etats clé qui restent à convaincre, le sommet du G20 peut être un moment de dialogue privilégié. Il sappuiera sur le rapport demandé par le Président de la République à David Cameron, qui devrait aborder le volet environnement de la gouvernance mondiale. Il peut permettre au G20 de saccorder sur le diagnostic. Et nous ferons valoir quune OME est la seule manière crédible, réaliste, de renforcer le PNUE.
Dernière condition de réussite : lengagement de la société civile et des acteurs non étatiques au sens le plus large, incluant les entreprises, les collectivités locales, et les nouvelles formes de mobilisation citoyenne sur Internet ; en France, la société civile est partagée entre conscience dun intérêt général à faire avancer le sujet de lOME, et tentation de fixer des objectifs trop hauts, au risque dun échec à Rio, et une dynamique brisée pour les années à venir ; ailleurs dans le monde, les «parties prenantes» vont-elles se mobiliser ? Nous lespérons comme le Brésil. Et comptons sur vous pour identifier les acteurs clef et vous rapprocher deux. Sachez que nous organiserons avec Alain Juppé, fin janvier 2012, une conférence à Paris sur le rôle de tous les acteurs de société civile, au sens Grenelle du terme, dans une gouvernance internationale de lenvironnement modernisée.
Permettez-moi de conclure en me félicitant de la parfaite coopération entre le ministère du développement durable et celui des Affaires étrangères et européennes sur ce sujet. Cest indispensable. Un succès à Rio+20 sera crucial pour mon ministère qui porte, au quotidien et parfois dans des négociations très techniques, les politiques de développement durable ; ce serait aussi, je crois, un succès pour la diplomatie française. Je vous remercie.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 5 septembre 2011