Déclaration de Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, sur les initiatives de la France concernant la création d'une organisation mondiale de l'environnement (OME) dans la perspective de la conférence de Rio+20, à Paris le 1er septembre 2011.

Prononcé le 1er septembre 2011

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Circonstance : 19ème conférence des ambassadeurs "Rio + 20", à Paris le 1er septembre 2011

Texte intégral

Je me réjouis de la présence à nos côtés d’Achim Steiner, qui joue un rôle clef dans les préparatifs de Rio+20.
L’année qui vient sera cruciale pour les négociations internationales en matière d’environnement et sera marquée par les grandes échéances du G20 de la Conférence de Durban et du Sommet de Rio. Si nous obtenons des décisions à Cannes sur les financements innovants qui permettent d’alimenter le fond vert à Durban, nous nous inscrirons dans une spirale positive pour Rio.
À moins d’un an de la Conférence de Rio+20, la communication conjointe qu’Alain Juppé et moi-même avons présentée en Conseil des ministres le 1er août, vise à entrer dans une phase de mobilisation pour défendre nos objectifs.
Rio+20 sera une occasion unique d’obtenir un accord politique pour une organisation mondiale de l’environnement (OME).
L’Assemblée générale des Nations unies a en effet mis à l’ordre du jour de la Conférence, le «cadre institutionnel du développement durable». Thème qui recouvre, cette OME que le président de la République avait appelé de ses vœux, en juin 2009, à l’OIT.
Le sujet de la gouvernance internationale de l’environnement a une histoire, maintenant longue, mais peut déboucher sur un résultat à Rio. Le Brésil y a intérêt, pour que Rio+20 soit un succès. L’idée d’une voix d’autorité mondiale pour l’environnement a fait son chemin. Elle a mûri, en lien d’ailleurs avec le thème de l’économie verte, deuxième sujet de Rio+20 et sur lequel nous sommes fortement engagés avec nos partenaires européens. L’on reconnaît la possible valeur ajoutée d’une organisation de type OME pour consolider l’interface science-politique, limiter les conflits de normes, faciliter l’application des engagements environnementaux y compris dans les pays les plus pauvres. Bref, l’OME peut incarner la nouvelle gouvernance indispensable pour accélérer, au Nord comme au Sud, la transition urgente vers une économie bas carbone et plus sobre en ressources.
Il y a là, pour la France, historiquement engagée pour une organisation internationale de l’environnement, un enjeu symbolique, mais aussi un enjeu de fond, de crédibilité du système multilatéral en matière d’environnement. Le système actuel, formé de 500 conventions différentes, véritable industrie de négociation dont les coûts de fonctionnement explosent, n’est pas à la hauteur des enjeux. Le statu quo n’est plus une option.
L’Union européenne en a une conscience croissante, et s’est montrée de plus en plus soudée sur ce sujet au cours des derniers mois. Cette cohésion n’échappe pas au reste du monde : Ban Ki-Moon m’en a parlé d’emblée lorsque j’ai eu l’occasion d’évoquer avec lui Rio+20.
Mais un succès à Rio ne sera pas possible sans votre mobilisation.
S’il fallait appeler votre attention sur les points délicats du dossier, j’en citerais quatre, qui sont tous des points que vous pouvez contribuer à déminer :
- d’abord, conforter l’idée d’une organisation bâtie à partir du PNUE, c’est-à-dire dans le cadre des Nations unies et avec un siège à Nairobi. Il y a là un pré-requis ; par le passé, l’ambiguïté de la France sur la question du siège nous avait coûté le soutien des pays africains. Une OME aura, comme d’ailleurs le PNUE, une structure décentralisée, indispensable pour répondre à un impératif d’efficacité et de dialogue avec les autres institutions (OIT, OMC entre autres à Genève, mais également PNUD et Banque mondiale). Mais elle aura l’autorité sur l’ensemble de l’agenda qui manque aujourd’hui au PNUE. Il ne s’agit pas de créer une nouvelle institution en plus de l’existant ce qui induirait des coûts supplémentaires, autre sujet d’inquiétude de certains pays. En bâtissant l’OME à partir du PNUE, non seulement cela n’entraînera pas de coût supplémentaire majeurs mais surtout cela constituera un gain dans le long terme car l’inaction aura fatalement un coût ;
- ensuite, montrer que l’OME n’est pas une source de coûts ou de bureaucratie supplémentaires, mais qu’elle vise à utiliser au mieux les moyens, à un moment où les défis sont plus importants que jamais. Il s’agit de dépasser un système de négociations prolifique et coûteux, qui ne produit pas les résultats attendus sur le terrain.
Permettez-moi une précision sur un autre point : le projet d’OME inclut bien sûr les enseignements que nous tirons des négociations climat, mais notre intérêt, à la fois dans la perspective de Rio+20 et dans celle, plus proche, de la Conférence de Durban sur le climat, est de ne pas mélanger les deux exercices. Il ne faut ni préempter dans le discours sur l’OME le résultat des négociations climat cette année, ni importer les difficultés de ces négociations à Rio. Prudence sur ce point, donc, et insistance sur un message général d’efficacité.
Enfin, il faut lever les soupçons d’éco-protectionnisme et ne pas faire apparaître l’OME comme une OMC de l’environnement. L’OME doit d’abord être un facilitateur pour la mise en œuvre des engagements environnementaux, en favorisant la production de normes mais aussi le renforcement de capacités, les transferts de technologies pertinentes et la mobilisation de ressources. Donnons-nous les moyens d’aider efficacement les pays à surmonter des difficultés réelles de mise en œuvre, avant d’en venir à un système fondé sur les sanctions et sur un nouvel organe juridictionnel.
Après avoir cité les aspects délicats sur le fond, permettez-moi de vous dire quelles sont selon moi les conditions de réussite qui justifient de mobiliser les postes :
Maintenir et renforcer la cohésion européenne ; la présidence polonaise s’est appropriée le sujet, mais le Danemark craint, après Copenhague, un nouvel échec sous sa présidence de l’Union européenne ; et un certain nombre de partenaires européens, y compris pour des raisons budgétaires, reste en retrait. Il faut souligner les progrès faits depuis Copenhague et mettre en balance le coût lié à la transformation du PNUE en organisation de plein droit (qui sera au demeurant compensé par des économies de fonctionnement) avec le coût, politique et économique, d’un échec : alors que la crise mondiale a mis à mal les impératifs environnementaux, une absence de résultats à Rio en ferait une conférence de commémoration et non d’avenir pour le développement durable.
En soulignant l’intérêt commun qu’il représente pour l’Union européenne et l’Afrique, y compris l’Afrique anglophone. Le déclin du PNUE serait inéluctable en l’absence de réforme ambitieuse. À l’inverse, une OME à Nairobi serait le signal du rôle central de l’Afrique dans les enjeux d’environnement et la gouvernance mondiale.
Favoriser l’appropriation du sujet par les pays émergents. Le G20 sous présidence française aura un rôle clé à cet égard. Parmi les émergents qui sont au G20, certains comme le Mexique, l’Indonésie, la Corée du Sud, ont déjà commencé à être actifs pour une réforme ambitieuse. Avec la cohésion européenne, c’est la bonne nouvelle de ces derniers mois. D’autres, comme la Chine et l’Inde, sont attentistes bien qu’ouverts; ils entendent les principaux opposants à l’OME, et des arguments qui souvent caricaturent nos positions. Vis-à-vis de ces Etats clé qui restent à convaincre, le sommet du G20 peut être un moment de dialogue privilégié. Il s’appuiera sur le rapport demandé par le Président de la République à David Cameron, qui devrait aborder le volet environnement de la gouvernance mondiale. Il peut permettre au G20 de s’accorder sur le diagnostic. Et nous ferons valoir qu’une OME est la seule manière crédible, réaliste, de renforcer le PNUE.
Dernière condition de réussite : l’engagement de la société civile et des acteurs non étatiques au sens le plus large, incluant les entreprises, les collectivités locales, et les nouvelles formes de mobilisation citoyenne sur Internet ; en France, la société civile est partagée entre conscience d’un intérêt général à faire avancer le sujet de l’OME, et tentation de fixer des objectifs trop hauts, au risque d’un échec à Rio, et une dynamique brisée pour les années à venir ; ailleurs dans le monde, les «parties prenantes» vont-elles se mobiliser ? Nous l’espérons comme le Brésil. Et comptons sur vous pour identifier les acteurs clef et vous rapprocher d’eux. Sachez que nous organiserons avec Alain Juppé, fin janvier 2012, une conférence à Paris sur le rôle de tous les acteurs de société civile, au sens Grenelle du terme, dans une gouvernance internationale de l’environnement modernisée.
Permettez-moi de conclure en me félicitant de la parfaite coopération entre le ministère du développement durable et celui des Affaires étrangères et européennes sur ce sujet. C’est indispensable. Un succès à Rio+20 sera crucial pour mon ministère qui porte, au quotidien et parfois dans des négociations très techniques, les politiques de développement durable ; ce serait aussi, je crois, un succès pour la diplomatie française. Je vous remercie.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 5 septembre 2011