Déclaration de M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication, sur la photographie, le marché de l'art et la création artistique, Arles le 9 juillet 2011.

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Circonstance : Rencontres photographiques d'Arles le 9 juillet 2011

Texte intégral


C'est toujours pour moi un grand plaisir de vous retrouver à Arles autour de la photographie et des magnifiques expositions organisées chaque années par François Hébel, sous la présidence bienveillante, efficace et élégante de Jean-Noel Jeanneney. Chaque année, les Rencontres nous étonnent encore plus, par la richesse de leur programmation. Les Rencontres ont cette capacité unique de saisir à la fois l’actualité de la photographie et la diversité d’une création mondiale en effervescence.
Arles rejoint cette année les préoccupations d’un autre grand festival photographique, je veux parler de VISA à Perpignan. En effet, l’actualité des documents diffusés sur les réseaux internet, les évènements de Tunisie que je suis avec une grande attention, la rétrospective de trente ans de production photographique du New York Times Magazine, les travaux du collectif Tendence Floue, les négatifs retrouvés de l’exceptionnel trio Capa-Taro-Seymour, l’hommage à Roger Théron sont autant d’indices de cette formidable contribution du photojournalisme à l’art et à l’histoire.
Cette capacité à saisir l’actualité, on l’a retrouve dans la remarquable installation qui vient illustrer aux Ateliers le foisonnement de la création autour des images véhiculées sur la Toile. Aux questions que posent cette révolution et cette extraordinaire liberté de créer, les acteurs de la photographie que vous êtes ont une contribution majeure à apporter, pour mieux définir les moyens de défendre les auteurs, d’éduquer aussi les jeunes internautes à les respecter (« Civiliser internet », c’est aussi cela), de mieux valoriser en retour les lieux et les manifestations qui montrent des images réelles, des tirages, des oeuvres palpables, d’encourager enfin les écoles de photographie à s’ouvrir à tous les métiers de la création. Je ne peux d’ailleurs qu’encourager l’école nationale supérieure de la photographie à renforcer le rôle essentiel qu’elle joue au coeur du projet culturel arlésien, aux côtés de la Ville, des collectivités locales et bien évidemment de Maja Hoffmann et de son formidable projet.
Je sais aussi combien cette année la préparation des Rencontres a été rythmée par les évolutions de nos relations avec le Mexique. Aussi, je me réjouis de la mobilisation que vous avez su créer pour maintenir dans la programmation toute la place que mérite ce très grand pays de la création photographique. Je tiens à saluer les partenaires qui vous ont ainsi apporté leur concours en ce sens.
Il y a deux ans déjà, lorsque j'étais venu pour la première fois en tant que ministre au Rencontres d’Arles, je vous avais fait part de mon souhait de voir la photographie bénéficier d’une meilleure prise en compte au sein du ministère de la Culture et de la Communication.
Depuis cette date, la mission de la photographie que j'ai créée au sein de la direction générale des patrimoines a engagé de nombreux chantiers.
J’ai tenu en effet à ce que sur tous les sujets relatifs à la photographie, qu'il s'agisse des aspects patrimoniaux, mais aussi de la création dans son ensemble ou encore du photojournalisme, un interlocuteur unique puisse être identifié, afin qu’il puisse travailler non seulement avec les services du ministère et ses établissement publics, mais aussi avec l'ensemble des professionnels concernés.
Sans vouloir être exhaustif, sur des sujets dont je connais pour vous l'importance, voire parfois l'urgence, notre rencontre d’aujourd'hui est l'occasion de faire le point sur quelques chantiers importants.
1. S'agissant de l'avenir des fonds photographiques, des institutions comme la bibliothèque nationale ou le réseau des archives assurent de longue date, pour certains d’entre eux, un rôle éminent en matière de conservation. Pour autant, de nombreuses institutions publiques restent mal repérées. Par ailleurs, nombreux sont les détenteurs de fonds privés qui cherchent des solutions de reprise susceptibles de leur garantir une bonne conservation et une meilleure valorisation. Plusieurs actions ont donc été engagées dans ce sens.
Tout d’abord, la création, au sein de la Réunion des Musées Nationaux - Grand Palais, du portail ARAGO, qui permettra, sur un site unique, de donner un accès libre et direct à l'ensemble des collections photographiques nationales dans un premier temps, et qui s’ouvrira, par la suite, aux collections publiques et privées sur la base du volontariat. En 1839, Arago avait révélé devant les Académies des Sciences et des Beaux-Arts réunies pour l’occasion, le procédé de Daguerre, et en avait proposé l'acquisition par l'État, afin de l'offrir symboliquement au monde. C’est dans cet esprit que le portail Arago se veut un véritable outil de repérage et de suivi des fonds, adapté à la spécificité des oeuvres proposées, indexées de manière homogène. Le portail, qui vous est présenté ici-même, sera accessible en ligne en novembre.
Je vous propose de le découvrir et d’en apprécier quelques unes de ses fonctions. (on lance la démo)
Le ministre peut alors demander à voir les Le Gray puis le travail de Bernard Plossu ou Sophie Ristelhueber, une information sur les fonds d’Orsay, de s’interroger sur les moyens offerts aux détenteurs de les signaler à la RMN etc.. La démo dure 6 à 8 minutes
J’ai également souhaité que mon ministère se donne les moyens de répondre, de manière plus cohérente et adaptée, aux sollicitations des détenteurs de fonds qui souhaitent transférer ces derniers à une collectivité publique. Nous avons donc mis en place un groupe permanent d'experts, dont les conseils et les avis peuvent être sollicités sur l'intérêt et la nature du fonds proposés, leurs perspectives de conservation, les possibilités envisageables de valorisation.
Par ailleurs, la politique d'enrichissement des collections nationales se poursuit, notamment avec le Centre Pompidou. Je peux d’ors et déjà annoncer l'acquisition, grâce au mécénat de Yves Rocher, de la collection de Christian Bouqueret, fonds exceptionnel de 6 000 photographies qui couvre, principalement la période mythique de 1920 à 1940 avec de très nombreux chefs d’oeuvres.
J’ai souhaité également proposer le lancement d'une exposition de dimension nationale, qui est en cours de préparation entre les institutions consacrées à la photographe tant en régions qu’en Ile de France et à Paris. L’objectif sera de montrer la diversité et la richesses des fonds souvent mal connus que renferment les collections publiques.
2. Je voudrais maintenant revenir sur un certain nombre d’actions que nous avons mené pour renforcer la vitalité et la diversité de la création photographique, ainsi que sa diffusion. Si certains photographes trouvent maintenant leur place sur le marché de l'art, les réalités économiques auxquelles se trouvent confrontés la plupart d'entre eux sont en général lourdement affectées par la situation économique propre aux secteurs de l'édition. Les modèles de diffusion offerts par internet restent économiquement incertains. Il importe donc dans ce contexte, et là plus qu'ailleurs, d'être particulièrement vigilants en ce qui concerne les évolutions que connait le droit des auteurs, notamment sur internet. Pour autant, je reste convaincu que les formes traditionnelles de diffusion de la photographie perdureront : le succès des livres et des expositions de photographie, le succès des Rencontres d’Arles bien sûr, viennent chaque année confirmer cela. Dans l'immédiat, notre action s'est engagée autour des points suivants :
* À Paris, l'installation à l'Hôtel de Nevers - donc à proximité immédiate du quadrilatère Richelieu de la BnF - d'un espace d'environ 650 m2 utiles spécifiquement consacré à la photographie. Ce lieu aura pour vocation d’accueillir les expositions historiques, qui ne trouvent pas toujours dans la capitale de lieu adéquat au sein des institutions nationales. Il pourra également offrir de manière régulière un panorama de la jeune création contemporaine. La gestion de cette nouvelle espace sera confiée au Jeu de Paume sous l’autorité de Marta Gili. Compte tenu des délais nécessaires à la réalisation des travaux sur ce bâtiment, j'ai demandé à ce que soit étudiée et mise en oeuvre une préfiguration au Palais de Tokyo dès le début de l’année 2013. Les travaux seront engagés dès cet hiver, pour une exposition dès l’année prochaine.
* D’ici à la fin de l’année, de nouveaux modes de commandes publiques vont être expérimentés. Dans ce cadre, une attention particulière sera portée aux partenariats entre les structures qui défendent la photographie en France. La diffusion la plus large des oeuvres ainsi produites ainsi que leurs conditions de conservation et de reproduction font partie des priorités de cette relance des commandes. Le pilotage en est confié au Centre National des Arts plastiques, à la direction générale de la création et à la mission de la photographie en lien avec les professionnels, photographes bien sûr, mais aussi les centres d'art en région, galeries, etc...
* De plus, le fond spécifique relatif au photojournalisme, également piloté par Centre National des Arts plastiques, sera opérationnel dès cet automne.
* Je ne saurai oublier ici les engagements que j'avais pris ici même, il y a un an, au sujet des oeuvres orphelines, de la reconnaissance du droit des auteurs, et de l'abus d'usage de la mention "Droits réservés" (D.R.). Une proposition de loi correspondante a fait l'objet d'un premier examen au Sénat ; elle suis son parcours dans le cadre des procédures législatives. J'ai parallèlement demandé à mes services d'engager un processus de concertation - sur la base d'un projet de texte suivant les principes du CPI - entre les différents acteurs concernés, les agences photographiques et les éditeurs. Il importe en effet que l'utilisation d'une photographie soit accompagnée du nom de son auteur ; dans le cas où celui-ci n'est pas connu, cette situation doit faire l'objet d'un traitement spécifique. Il convient aussi de tenir compte de la situation propres aux détenteurs de fonds, publics ou privés, qui en assurent la charge ; ils doivent en effet pouvoir en assurer la valorisation, y compris par la numérisation, dans des conditions juridiques solides. Cette concertation se poursuit. J'ai aussi proposé aux représentants des professionnels concernés d'ouvrir une discussion sur les pratiques relatives à la signature des photographies, afin de limiter le recours à la mention « D.R. ». Il nous faut également engager dans les meilleurs délais, et avec l'ensemble des opérateurs pertinents, une réflexion sur la mise en oeuvre des systèmes de recherche propres aux photographies orphelines et de traçabilité des images diffusées.
* Je sais aussi combien certains d'entre vous sont sensibles au problème posé par le développement des micro-stocks, et les conditions de contrat que ceux-ci proposent à leurs fournisseurs d'images. Le sujet est complexe, car évidemment il n'est pas purement national. Je me propose de saisir dès l'automne le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique de la question de la cohérence entre les conditions de diffusion offertes par les opérateurs concernés et les principes fixés par le code de la propriété intellectuelle.
3. J’en viens maintenant au développement du pôle arlésien, qui aura mobilisé, de manière totalement justifiée d’ailleurs, les services de mon ministère au cours de cette année.
Avec les rencontres photographiques et l'installation, il y a bientôt 30 ans, de l'école nationale supérieure de la photographie, la ville d'Arles constitue aujourd'hui un pôle majeur dont l'importance dépasse largement nos frontières. Cet acquis remarquable va être prochainement renforcé par l'installation, sur l'ancienne friche ferroviaire de la ZAC dite des Ateliers, de la fondation LUMA, portée par Maja Hoffmann. Le projet de cette fondation, qui a été conçu par l'architecte Frank Gehry, à proximité du site sensible des Alyscamps, fait l'objet d'un suivi attentif de la part des services en charge de la protection du patrimoine. À la suite de l'avis rendu par la commission supérieure des monuments historiques, un processus de concertation entre les différents acteurs a été proposé par le directeur général des patrimoines. Une fois dotés de la vision d’ensemble, nous pourrons faire en sorte que les procédures administratives nécessaires puissent être lancées dans les délais les plus courts.
L'école nationale supérieure de la photographie, enfin, doit pouvoir se redéployer, au vu de son développement actuel – je pense au passage au LMD, à la nécessité désormais de maîtriser les différentes formes de production et de traitement de l'image, argentiques comme numériques, aux partenariats avec les universités françaises et étrangères, à la formation professionnelle permanente. Ce nouvel équipement inclura la réalisation du centre de conservation que j’avais proposé il y a deux ans, donnant aux étudiants l’accès à des fonds d'auteurs qui constitueront la matière de leur étude et de leurs recherches - à l'instar des institutions américaines équivalentes. L'ensemble des besoins identifiés en terme de surface utile correspond à environ 5000 m2.
Dès que son implantation en aura été définitivement fixée sur la ZAC des Ateliers, en étroite concertation avec la Ville de Arles et la fondation Luma, je souhaite que le concours d'architecture soit lancé, si possible, dès cet automne, conformément au calendrier prévu, pour une entrée dans les locaux à la rentrée 2015.
Qu’il s’agisse de l’avenir des fonds photographiques, du soutien à la création et à la diffusion, ou encore du développement de ce formidable pôle d’attraction qu’est devenu Arles pour la photographie, j’espère que l’ensemble de ces mesures permettront accompagner comme il le mérite un art plus que jamais florissant.
Enfin, deux chiffres qui illustrent ma volonté d’accompagner l’histoire et les mutations de la photographie : en 2011 le budget global des moyens consacrés à la photographie par le ministère de la culture et de la communication est de 9,5 M€. Il sera de 10 M€ en 2012.
Je tiens enfin à saluer une fois encore l’énergie de tous les acteurs de cette aventure de longue haleine qu’est le vaste et ambitieux projet culturel arlésien.
Sachez que le ministre de la culture et de la communication est à vos côtés chère Maya Hoffmann, cher Michel Vauzelle, cher Hervé Schiavetti.
Sachez qu’il ne ménagera pas ses efforts pour mener ce projet à bien. Je serai, avec mon cabinet, la mission de la photographie et les directions du ministère, toujours prêt à accompagner et faciliter le succès les projets conjugués des présidents Patrick de Carolis et Jean-Nöël Jeanneney, de leurs directeurs, Rémy Fenzi et François Hebel et tous ceux qui aux cotés de Maya Hoffmann et de Franck Gehry, se sont engagés dans un pari assez rare : conjuguer en un même site, la transmission, l’éducation aux images, la mise en valeur du patrimoine et la contribution vivante des archives à la création contemporaine.
Je vous remercie.
Source http://www.culture.gouv.fr, le 29 juillet 2011