Texte intégral
Q - En quoi cette troisième conférence sur les PMA est-elle différente des deux premières ?
R - Le fait que ce soit à Bruxelles n'est pas sans signification. Paris avait accueilli les deux premières, en 1981 et en 1990. La situation des PMA justifie que la solidarité s'exerce au plan mondial. L'Europe demeurant, de très loin, le premier bailleur de fonds en direction des pays en développement et des PMA en particulier, il était normal que l'on donne ainsi cette visibilité européenne au dossier des PMA.
La différence aussi par rapport aux deux premières éditions, c'est la présence d'une société civile qui a fait irruption dans le champ de l'international.
Une autre différence réside dans l'allongement de la liste des PMA : ils étaient 27 quand le concept a été institué au début des années 1970, ils sont 49 aujourd'hui depuis l'entrée du Sénégal. La situation de 22 d'entre eux s'est dégradée et l'on peut observer que parmi ces 22, une bonne dizaine est en situation de guerre, ou était en situation de guerre. Force est de constater que, globalement, il y a eu aggravation des inégalités.
Mais le changement est aussi dans une plus grande prise de conscience de ces inégalités et l'utilité d'une conférence c'est précisément de mettre davantage l'accent sur ces inégalités avec l'espoir que la société politique va, dans les actions qu'elle est susceptible d'entreprendre en bilatéral ou en multilatéral, engager avec plus de force le combat contre l'inégalité du monde.
Q - Sur la dernière période, a-t-on finalement enregistré quelques bonnes nouvelles?
R - La première bonne nouvelle, c'est la mise en oeuvre de l'effacement de la dette. Nous en attendons beaucoup, à condition évidemment qu'on sache faire une bonne utilisation des marges de manuvre que cela va procurer aux pays qui en seront bénéficiaires. Je rappelle que la France va être le pays qui fera le plus gros effort puisque la part de notre pays sera d'environ 10 milliards d'euros. Cela correspond à peu près à ce que nous avons effacé dans le cadre des différentes procédures du Club de Paris. Mais là on aménageait la dette, ici on l'efface. C'est ça la grande différence.
La seconde bonne nouvelle, c'est l'adoption par l'Union européenne de cette proposition de Pascal Lamy d'ouvrir le marché européen aux exportations des PMA - le "tout sauf les armes" que vous connaissez. Je crois que c'est un signe positif et j'espère surtout que d'autres pays ou ensemble de pays vont aller dans la même direction, je pense en particulier au continent nord-américain.
Il y a une troisième bonne nouvelle qui n'a pas la même portée que les deux autres mais qui est également un signe positif, c'est l'accord intervenu dans le cadre de l'OCDE il y a quelques jours seulement - c'était à la fin du mois d'avril - en ce qui concerne le déliement de l'aide. Cette revendication était également, depuis longtemps, portée par la société civile et ce déliement de l'aide c'est de la liberté en plus pour les pays en développement dans l'utilisation de l'aide publique au développement.
Enfin je voudrais faire observer ce que je considère comme un changement de climat quand on aborde cette question. Le FMI et la Banque mondiale témoignent d'une meilleure coordination pour réduire la pauvreté. Cela n'a pas toujours été le cas. J'observe qu'il y a aujourd'hui une sensibilité aux aspects sociaux du développement - et je suis heureux que la France ait pu y contribuer dans la dernière période- qui n'existait pas auparavant. C'était le temps de la dictature des indicateurs économiques. Je crois qu'aujourd'hui les choses ont bougé et on est mieux à même d'appréhender - en tout cas on s'en soucie - les conséquences sociales des plans de restructuration auxquels le FMI contraint les pays bénéficiaires. La collaboration entre le système de Bretton Woods et la constellation des Nations unies est appelée, elle aussi, à se renforcer.
Dans le même temps on a le sentiment qu'il y a aussi un changement dans les mentalités des responsables des PMA, et je pense en particulier aux africains. La question de la bonne gouvernance n'est plus seulement l'apanage des pays donateurs. On le vérifie déjà dans les efforts qui sont actuellement déployés pour aboutir à un plan d'action. Ces questions de bonne gouvernance, de lutte contre la corruption, ne provoquent pas comme hier de blocage chez nos interlocuteurs. J'observe d'ailleurs que le PNUD a l'intention - et je crois qu'il a raison - de faire de la bonne gouvernance un axe fort de ses priorités. Et puis on assiste à un certain nombre d'initiatives de la part des Etats africains qui expriment leur volonté de porter leur propre développement. Je pense à l'initiative des trois présidents sud-africain, nigérian et algérien autour du programme pour le millenium, le MAP. Je pense également au plan que le président Wade - le plan Omega - a proposé de son côté. On est en train d'assister à l'émergence d'une sorte de leadership de l'Afrique par un certain nombre d'acteurs essentiels qui pourraient non seulement faire avancer la question du développement mais surtout celle de la paix.
J'espère enfin, et j'en resterai là, que le postulat d'une plus grande solidarité mondiale au bénéfice des pays les plus pauvres va pouvoir se vérifier - ce n'est pas si facile. Pour l'instant la part que prennent les pays industrialisés à cette lutte contre le sous-développement est très inégale. La France demeure le premier du G7 en pourcentage du PIB; je ne me satisfais pas du niveau de l'APD française, on pourra en reparler si vous le souhaitez. Si quelques uns plus petits font beaucoup mieux, il en est d'autres beaucoup plus grands qui font beaucoup moins bien. Et je crois qu'il y a besoin d'un partage plus équilibré du fardeau.
Q - Sur l'aide publique au développement, Jacques Chirac rappelait lundi qu'il fallait peut-être profiter du retour de la croissance pour accroître notre effort. Comment avez-vous vécu cet appel du Président de la République ? C'est un peu une pierre dans le jardin du gouvernement ?
R - Oui, on peut le dire ainsi. Il n'est pas le seul à lancer des pierres plus ou moins grosses actuellement sur la place publique autour de cette question de l'aide publique au développement. Il est vrai que les chiffres 2000, publiés par le CAD de l'OCDE, ne sont pas de nature à nous réjouir car il y a une baisse statistique attendue. Toutefois, ce qui donne une mauvaise visibilité, c'est le fait que les TOM (traduisez Nouvelle-Calédonie et Polynésie) aient été sortis des statistiques. Cela a pour conséquence de nous faire passer de 0,39 % à 0,33 %. Je veux simplement faire observer qu'il y a cet objectif de 0,70 % atteint voire dépassé par quelques pays (les pays du nord en particulier), nous restons devant la Grande-Bretagne même s'il faut reconnaître que la Grande-Bretagne a augmenté au cours de la dernière période sa part de participation, devant l'Allemagne qui a également augmenté la sienne mais qui reste sensiblement loin derrière nous. Les Etats-Unis, eux, apparemment ne bougent pas. Je m'en suis entretenu avec les dirigeants américains quand je suis allé à Washington à l'occasion des assemblées du Fonds monétaire et de la Banque mondiale.
Je veux simplement observer que l'APD ne se décrète pas, elle se constate. C'est à la fin de l'année que nous pouvons observer comment les choses se sont passées. Il y a une partie de la baisse de l'APD qui peut-être une bonne nouvelle. C'est ce qu'on appelle les aides structurelles sur le plan financier. Quand la situation des finances publiques d'un pays s'améliore, la demande d'aide publique au développement baisse. Et là il ne faut pas s'en émouvoir. Il y a par contre des situations qui ne sont pas du tout sympathiques. La guerre empêche de conduire les projets de développement qu'on avait prévus. Si on regarde l'évolution de l'APD française, ce sont surtout les aides financières qui ont diminué. Pour faire simple, ce que donne le ministère des Finances. C'était d'ailleurs cela qui avait permis de monter jusqu'à 0,64 % lorsque les aides financières avaient permis de passer le cap de la dévaluation du franc CFA. Le pic de l'aide publique française, c'est en 1994, au moment de la dévaluation du franc CFA. C'est vrai que depuis ça a baissé, mais ce sont surtout les aides financières qui ont diminué. S'agissant des aides du ministère des Affaires étrangères - on va dire Affaires étrangères/Coopération, vous savez la fusion que nous avons réalisée - celles-ci, qui concernent bien les projets de développement, n'ont pas baissé. Elles ont même connu une légère augmentation en ce qui concerne le Fonds de solidarité prioritaire et ce que fait l'Agence française de développement. J'espère d'ailleurs que pour l'an 2001, compte tenu des décaissements constatés et du début de la mise en oeuvre de l'effacement de la dette, nous devrions constater, au printemps prochain, une augmentation du niveau de l'aide publique française. J'en suis à peu près convaincu et j'ai bon espoir que la mise en oeuvre dans d'autres pays de l'effacement de la dette va amener, par additionnalité, le niveau de l'aide publique française à augmenter pendant tout le temps de cet effacement de dette. Je pourrais ajouter que les chiffres dont nous parlons ne comptabilisent pas la coopération décentralisée que les communes, les département et les régions apportent, avec l'aide d'ailleurs de l'Etat, et qui commencent à représenter des sommes qui ne sont pas négligeables. Difficile de les quantifier, plusieurs centaines de millions dès à présent, qui ne sont pas dans l'aide publique française. On pourrait aussi, mais ça c'est un autre débat, évoquer le dossier de la coopération militaire, qui n'est pas identifié comme tel par le CAD de l'OCDE, et pourtant nous avons le sentiment que quand nous mettons en place, en Côte d'Ivoire, une école de formation au maintien de la paix, nous faisons de l'aide au développement.
En tout cas, et pour conclure, je souhaite que l'aide publique au développement puisse être accrue même si, c'est vrai en France, c'est vrai à l'échelle mondiale, la question qui est aujourd'hui posée est au moins autant celle du montant que celle du bon usage de cette aide publique au développement.
Q - Aujourd'hui, à cause des PMA, vous laissez les pays émergents au milieu du gué.
R - On ne peut pas dire qu'on les abandonne, et j'en fais la preuve : la Banque mondiale avait à l'ordre du jour de sa dernière assemblée la question de l'intervention de la Banque en direction des pays émergents, y compris sous la rubrique " lutte contre la pauvreté ". Nous avons conclu qu'il fallait que la Banque continue à s'investir y compris dans les pays émergents avec cet objectif de lutte contre la pauvreté pour une raison très simple : le plus grand nombre de pauvres sont dans les pays émergents. Ils pourraient presque tous reprendre à leur compte ce que disait Cardoso à propos du Brésil : "le Brésil n'est pas un pays pauvre, c'est un pays inégal".
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 21 mai 2001)
R - Le fait que ce soit à Bruxelles n'est pas sans signification. Paris avait accueilli les deux premières, en 1981 et en 1990. La situation des PMA justifie que la solidarité s'exerce au plan mondial. L'Europe demeurant, de très loin, le premier bailleur de fonds en direction des pays en développement et des PMA en particulier, il était normal que l'on donne ainsi cette visibilité européenne au dossier des PMA.
La différence aussi par rapport aux deux premières éditions, c'est la présence d'une société civile qui a fait irruption dans le champ de l'international.
Une autre différence réside dans l'allongement de la liste des PMA : ils étaient 27 quand le concept a été institué au début des années 1970, ils sont 49 aujourd'hui depuis l'entrée du Sénégal. La situation de 22 d'entre eux s'est dégradée et l'on peut observer que parmi ces 22, une bonne dizaine est en situation de guerre, ou était en situation de guerre. Force est de constater que, globalement, il y a eu aggravation des inégalités.
Mais le changement est aussi dans une plus grande prise de conscience de ces inégalités et l'utilité d'une conférence c'est précisément de mettre davantage l'accent sur ces inégalités avec l'espoir que la société politique va, dans les actions qu'elle est susceptible d'entreprendre en bilatéral ou en multilatéral, engager avec plus de force le combat contre l'inégalité du monde.
Q - Sur la dernière période, a-t-on finalement enregistré quelques bonnes nouvelles?
R - La première bonne nouvelle, c'est la mise en oeuvre de l'effacement de la dette. Nous en attendons beaucoup, à condition évidemment qu'on sache faire une bonne utilisation des marges de manuvre que cela va procurer aux pays qui en seront bénéficiaires. Je rappelle que la France va être le pays qui fera le plus gros effort puisque la part de notre pays sera d'environ 10 milliards d'euros. Cela correspond à peu près à ce que nous avons effacé dans le cadre des différentes procédures du Club de Paris. Mais là on aménageait la dette, ici on l'efface. C'est ça la grande différence.
La seconde bonne nouvelle, c'est l'adoption par l'Union européenne de cette proposition de Pascal Lamy d'ouvrir le marché européen aux exportations des PMA - le "tout sauf les armes" que vous connaissez. Je crois que c'est un signe positif et j'espère surtout que d'autres pays ou ensemble de pays vont aller dans la même direction, je pense en particulier au continent nord-américain.
Il y a une troisième bonne nouvelle qui n'a pas la même portée que les deux autres mais qui est également un signe positif, c'est l'accord intervenu dans le cadre de l'OCDE il y a quelques jours seulement - c'était à la fin du mois d'avril - en ce qui concerne le déliement de l'aide. Cette revendication était également, depuis longtemps, portée par la société civile et ce déliement de l'aide c'est de la liberté en plus pour les pays en développement dans l'utilisation de l'aide publique au développement.
Enfin je voudrais faire observer ce que je considère comme un changement de climat quand on aborde cette question. Le FMI et la Banque mondiale témoignent d'une meilleure coordination pour réduire la pauvreté. Cela n'a pas toujours été le cas. J'observe qu'il y a aujourd'hui une sensibilité aux aspects sociaux du développement - et je suis heureux que la France ait pu y contribuer dans la dernière période- qui n'existait pas auparavant. C'était le temps de la dictature des indicateurs économiques. Je crois qu'aujourd'hui les choses ont bougé et on est mieux à même d'appréhender - en tout cas on s'en soucie - les conséquences sociales des plans de restructuration auxquels le FMI contraint les pays bénéficiaires. La collaboration entre le système de Bretton Woods et la constellation des Nations unies est appelée, elle aussi, à se renforcer.
Dans le même temps on a le sentiment qu'il y a aussi un changement dans les mentalités des responsables des PMA, et je pense en particulier aux africains. La question de la bonne gouvernance n'est plus seulement l'apanage des pays donateurs. On le vérifie déjà dans les efforts qui sont actuellement déployés pour aboutir à un plan d'action. Ces questions de bonne gouvernance, de lutte contre la corruption, ne provoquent pas comme hier de blocage chez nos interlocuteurs. J'observe d'ailleurs que le PNUD a l'intention - et je crois qu'il a raison - de faire de la bonne gouvernance un axe fort de ses priorités. Et puis on assiste à un certain nombre d'initiatives de la part des Etats africains qui expriment leur volonté de porter leur propre développement. Je pense à l'initiative des trois présidents sud-africain, nigérian et algérien autour du programme pour le millenium, le MAP. Je pense également au plan que le président Wade - le plan Omega - a proposé de son côté. On est en train d'assister à l'émergence d'une sorte de leadership de l'Afrique par un certain nombre d'acteurs essentiels qui pourraient non seulement faire avancer la question du développement mais surtout celle de la paix.
J'espère enfin, et j'en resterai là, que le postulat d'une plus grande solidarité mondiale au bénéfice des pays les plus pauvres va pouvoir se vérifier - ce n'est pas si facile. Pour l'instant la part que prennent les pays industrialisés à cette lutte contre le sous-développement est très inégale. La France demeure le premier du G7 en pourcentage du PIB; je ne me satisfais pas du niveau de l'APD française, on pourra en reparler si vous le souhaitez. Si quelques uns plus petits font beaucoup mieux, il en est d'autres beaucoup plus grands qui font beaucoup moins bien. Et je crois qu'il y a besoin d'un partage plus équilibré du fardeau.
Q - Sur l'aide publique au développement, Jacques Chirac rappelait lundi qu'il fallait peut-être profiter du retour de la croissance pour accroître notre effort. Comment avez-vous vécu cet appel du Président de la République ? C'est un peu une pierre dans le jardin du gouvernement ?
R - Oui, on peut le dire ainsi. Il n'est pas le seul à lancer des pierres plus ou moins grosses actuellement sur la place publique autour de cette question de l'aide publique au développement. Il est vrai que les chiffres 2000, publiés par le CAD de l'OCDE, ne sont pas de nature à nous réjouir car il y a une baisse statistique attendue. Toutefois, ce qui donne une mauvaise visibilité, c'est le fait que les TOM (traduisez Nouvelle-Calédonie et Polynésie) aient été sortis des statistiques. Cela a pour conséquence de nous faire passer de 0,39 % à 0,33 %. Je veux simplement faire observer qu'il y a cet objectif de 0,70 % atteint voire dépassé par quelques pays (les pays du nord en particulier), nous restons devant la Grande-Bretagne même s'il faut reconnaître que la Grande-Bretagne a augmenté au cours de la dernière période sa part de participation, devant l'Allemagne qui a également augmenté la sienne mais qui reste sensiblement loin derrière nous. Les Etats-Unis, eux, apparemment ne bougent pas. Je m'en suis entretenu avec les dirigeants américains quand je suis allé à Washington à l'occasion des assemblées du Fonds monétaire et de la Banque mondiale.
Je veux simplement observer que l'APD ne se décrète pas, elle se constate. C'est à la fin de l'année que nous pouvons observer comment les choses se sont passées. Il y a une partie de la baisse de l'APD qui peut-être une bonne nouvelle. C'est ce qu'on appelle les aides structurelles sur le plan financier. Quand la situation des finances publiques d'un pays s'améliore, la demande d'aide publique au développement baisse. Et là il ne faut pas s'en émouvoir. Il y a par contre des situations qui ne sont pas du tout sympathiques. La guerre empêche de conduire les projets de développement qu'on avait prévus. Si on regarde l'évolution de l'APD française, ce sont surtout les aides financières qui ont diminué. Pour faire simple, ce que donne le ministère des Finances. C'était d'ailleurs cela qui avait permis de monter jusqu'à 0,64 % lorsque les aides financières avaient permis de passer le cap de la dévaluation du franc CFA. Le pic de l'aide publique française, c'est en 1994, au moment de la dévaluation du franc CFA. C'est vrai que depuis ça a baissé, mais ce sont surtout les aides financières qui ont diminué. S'agissant des aides du ministère des Affaires étrangères - on va dire Affaires étrangères/Coopération, vous savez la fusion que nous avons réalisée - celles-ci, qui concernent bien les projets de développement, n'ont pas baissé. Elles ont même connu une légère augmentation en ce qui concerne le Fonds de solidarité prioritaire et ce que fait l'Agence française de développement. J'espère d'ailleurs que pour l'an 2001, compte tenu des décaissements constatés et du début de la mise en oeuvre de l'effacement de la dette, nous devrions constater, au printemps prochain, une augmentation du niveau de l'aide publique française. J'en suis à peu près convaincu et j'ai bon espoir que la mise en oeuvre dans d'autres pays de l'effacement de la dette va amener, par additionnalité, le niveau de l'aide publique française à augmenter pendant tout le temps de cet effacement de dette. Je pourrais ajouter que les chiffres dont nous parlons ne comptabilisent pas la coopération décentralisée que les communes, les département et les régions apportent, avec l'aide d'ailleurs de l'Etat, et qui commencent à représenter des sommes qui ne sont pas négligeables. Difficile de les quantifier, plusieurs centaines de millions dès à présent, qui ne sont pas dans l'aide publique française. On pourrait aussi, mais ça c'est un autre débat, évoquer le dossier de la coopération militaire, qui n'est pas identifié comme tel par le CAD de l'OCDE, et pourtant nous avons le sentiment que quand nous mettons en place, en Côte d'Ivoire, une école de formation au maintien de la paix, nous faisons de l'aide au développement.
En tout cas, et pour conclure, je souhaite que l'aide publique au développement puisse être accrue même si, c'est vrai en France, c'est vrai à l'échelle mondiale, la question qui est aujourd'hui posée est au moins autant celle du montant que celle du bon usage de cette aide publique au développement.
Q - Aujourd'hui, à cause des PMA, vous laissez les pays émergents au milieu du gué.
R - On ne peut pas dire qu'on les abandonne, et j'en fais la preuve : la Banque mondiale avait à l'ordre du jour de sa dernière assemblée la question de l'intervention de la Banque en direction des pays émergents, y compris sous la rubrique " lutte contre la pauvreté ". Nous avons conclu qu'il fallait que la Banque continue à s'investir y compris dans les pays émergents avec cet objectif de lutte contre la pauvreté pour une raison très simple : le plus grand nombre de pauvres sont dans les pays émergents. Ils pourraient presque tous reprendre à leur compte ce que disait Cardoso à propos du Brésil : "le Brésil n'est pas un pays pauvre, c'est un pays inégal".
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 21 mai 2001)