Texte intégral
Nous avons eu une conférence ce matin au Council of Foreign Relations. La semaine va être très chargée, comme vous le savez. Il sera beaucoup question du Proche-Orient et du processus de paix. Dans quelques instants, je dois rencontrer le Secrétaire général de la Ligue arabe ; cet après-midi, je rencontrerai le président Abbas ; et ce soir, lors du dîner de lInternational Peace Institute, nous discuterons également de ce sujet avec mes homologues arabes et européens. Demain, Mme Ashton réunira des ministres des Affaires étrangères et, bien évidemment, le président de la République parlera de cette question lors de son discours à lAssemblée générale mercredi matin.
Comme la situation évolue dheure en heure, je ne mattarderai pas longtemps sur ce sujet. Je dirais simplement que la France na pas changé de ligne. Depuis plusieurs mois, nous ne cessons de dire que le seul moyen déviter une confrontation inutile et même dangereuse pour tout le monde est de reprendre les discussions entre Israéliens et Palestiniens pour aboutir à un accord politique.
Nous avons fait des efforts importants au mois de juin dernier, pour proposer les paramètres dune telle reprise des négociations. Nous navons pas été loin daboutir mais le Quartet na pas pu se mettre daccord. Reste-t-il encore une possibilité daccord au sein du Quartet pour une proposition équilibrée, acceptable à la fois par les Palestiniens et les Israéliens ? Nous allons le voir dans les jours qui viennent.
On parlera beaucoup cette semaine des Printemps arabes et, tout dabord, de la Libye. Le Sommet de demain confirmera lentrée dans une nouvelle phase qui a été ouverte lors du Sommet de Paris avec un rôle accru des Nations unies. Ce sommet comportera plusieurs enjeux : dabord le remplacement du Groupe de contact par un Groupe damis de la Libye - dont la composition devrait être décidée par le Secrétaire général ; ensuite, lexpression par le Conseil National de Transition de ses besoins en matière de reconstruction ; enfin, la réaffirmation du soutien de la communauté internationale à la Libye nouvelle.
Je vous rappelle que le Conseil de sécurité a voté la résolution 2009 qui décide, en plein accord avec le CNT, de lenvoi dune mission politique de soutien de lONU ainsi que de lallègement des mesures de gel des avoirs et de lembargo sur les armes.
Je me réjouis enfin que lAssemblée générale ait décidé que les représentants de la nouvelle Libye siègeront à lAssemblée générale lors de cette session. Demain, mardi, symboliquement, la Libye nouvelle sera donc pleinement intégrée aux Nations unies.
Nous parlerons aussi des printemps arabes lors de la réunion du G8 sous présidence française consacrée au Partenariat de Deauville. Lobjectif est clair : tout faire pour que les transitions en cours réussissent. Les chefs dEtats et de gouvernements ont donné mandat aux ministres des Affaires étrangères avec le soutien des ministres des Finances pour mettre en place ce partenariat. Les représentants des pays en transition - la Tunisie et lEgypte, auxquels se sont joints la Jordanie, le Maroc et la Libye - seront présents demain après-midi. Les pays de la région qui vont soutenir ce partenariat - lArabie saoudite, les Emirats arabes unis, la Turquie, le Koweït et le Qatar - seront également représentés. Ce sera le lancement opérationnel de ce partenariat dans le cadre des plans daction qui ont été proposés par les différents pays. Des contributions ont déjà été annoncées pour un montant qui avoisine les 80 milliards de dollars lorsque lon comptabilise les aides bilatérales et les interventions des organisations internationales, comme la BIRD, le FMI ou dautres. La France pour sa part sest engagée à hauteur de 2,7 milliards de dollars sur les deux années qui viennent, 2011-2013. Mme Hilary Clinton et M. Ban Ki-moon participeront à cette réunion pour témoigner de leur engagement.
En quittant le pourtour de la Méditerranées, nous évoquerons également la situation en Afghanistan. Deux réunions internationales importantes vont se tenir dans les prochains mois : lune à Istanbul, le 2 novembre, et lautre à Bonn, le 5 décembre. Pour les préparer, une table ronde est co-organisée par M. Guido Westerwelle, Mme Hilary Clinton et le ministre afghan des Affaires étrangères, M. Zalman Rassoul. Naturellement, jy participerai.
Nous évoquerons aussi pendant cette semaine les questions de sûreté nucléaire. Le président de la République interviendra lors de louverture de la réunion sur la sûreté et la sécurité nucléaires organisée par le Secrétaire général jeudi matin. Ma collègue, Mme Nathalie Kosciuszko-Morizet, interviendra lors dune des tables rondes qui suivront.
Au-delà de ces priorités que je viens dévoquer, je voudrais évoquer trois thèmes importants pour nous :
La préparation de RIO+20 au mois de juin de lannée prochaine. Là aussi, Mme Nathalie Kosciuszko-Morizet présidera un déjeuner de travail avec plusieurs ministres de lEnvironnement ; Brésil, Kenya, Indonésie, PNUE.
La lutte contre le terrorisme sera à lordre du jour, dix ans après les attentats du 11 septembre. Je me rendrai au symposium sur le contre-terrorisme organisé par le Secrétaire général en fin de matinée.
Enfin, la Francophonie ne sera pas oubliée : la présidente suisse, Mme Calmy-Rey, qui assure jusquen 2012 la présidence de lOrganisation internationale de la Francophonie, tiendra une réunion des ministres francophones demain matin. Cette réunion sera consacrée au soutien aux transitions démocratiques majeures dans lespace francophone : la Tunisie, la Côte dIvoire, la République démocratique du Congo et lEgypte.
Je tiendrai le traditionnel cocktail francophone, moment de convivialité et déchanges, jeudi soir.
Q - Si la demande palestinienne arrive au Conseil de sécurité, comment votera la France ?
R - Nous verrons dabord si elle y arrive. Il sera temps de répondre à cette question à ce moment-là. Le président de la République sexprimera sur ce sujet le moment venu. La France prendra ses responsabilités. Notre objectif, dici là, cest dabord de bien comprendre la stratégie de lAutorité palestinienne. Je demanderai cet après-midi à M. Mahmoud Abbas ce quattendent les Palestiniens de la saisine du Conseil de sécurité dont on sait bien quelle a peu de chances daboutir, puisquil faudrait dabord réunir neuf voix pour adopter une résolution, ce qui nest pas acquis. Ensuite, de toute manière, le gouvernement américain a annoncé quil ferait usage de son droit de veto.
Quel est donc le sens de cette démarche et quattendent les Palestiniens de cette saisine du Conseil de sécurité ? Cest à la lumière de leur réponse que nous pourrons mieux définir notre propre analyse de la situation. Pour le reste, je vous redis ce que jai dit à linstant et ce que jai dit ce matin au Conseil des Affaires étrangères : nous considérons que la seule façon déviter une confrontation inutile et dangereuse pour tout le monde, cest de reprendre les négociations. Nous avons fait de gros efforts en ce sens. Ils ne sont pas encore complètement vains et cest à cela que nous allons travailler au cours des réunions que jai évoquées tout à lheure avec M. Tony Blair, Mme Catherine Ashton et les autres membres du Quartet.
Q - On parle dun plan B que Tony Blair aurait proposé aux Palestiniens et qui serait de leur offrir, dici un an à lONU, la reconnaissance de leur Etat en échange dune reprise immédiate des négociations. Est-ce que la France soutient ce genre dalternative ?
R - Quand M. Blair maura indiqué ses propositions je pourrai répondre plus précisément à votre question.
Q - Est-ce quun passage par lAssemblée générale pourrait être une solution médiane qui permettrait de gagner un peu de temps et de reprendre plus tard les négociations ?
R - Il nest un secret pour personne que lors des réunions à 27, la France avait essayé de contribuer à la réflexion sur ce quaurait pu être une résolution soumise à lAssemblée générale. Mais lAutorité palestinienne semble avoir fait un choix différent.
Q - Est-ce que la position européenne est aujourdhui plus unifiée ?
R - Il y a une position européenne très unifiée pour rester unis. Cest par cette déclaration de principe que commence toute intervention. Ensuite tout se complique.
Q - LEurope demande depuis longtemps un plus grand rôle dans cette question. Certains disent que lEurope rate le coup parce quelle na pas daccord sur une solution
R - Ce que je constate, cest que si lEurope voulait, elle pourrait jouer un rôle décisif. Le gouvernement américain ne peut pas à lui tout seul débloquer la situation. Une position commune de lEurope est souhaitée et attendue. Cest ce à quoi nous travaillons mais, pour linstant, il subsiste des différences dappréciation.
Q - Pensez-vous que lon peut aussi faire avancer les positions israéliennes ? Les Palestiniens évidemment bougeront sil y a des concessions de lautre côté ; est-ce que vous allez y travailler cette semaine ?
R - Cest ce que jai essayé de faire à Jérusalem, en discutant longuement avec le Premier ministre Netanyahu, avec M. Lieberman, avec M. Ehud Barak. Tout change autour dIsraël : lEgypte daujourdhui nest plus lEgypte dhier ; la Syrie est dans uns situation extraordinairement difficile ; des tensions avec la Turquie se sont accrues autour de la période récente. Ce que jai essayé de dire à nos amis israéliens, cest que face à ce monde en plein bouleversements il fallait quIsraël bouge, que le statu quo nétait pas tenable. Nous renouvelons ce message.
Q - Avez-vous limpression que votre interlocuteur était sensible à votre message ?
R - Quand je lai vu en juin, oui, et javais remarqué dans son discours quil y avait eu un certain nombre de mots qui méritaient attention. Par exemple, lidée, à propos de Jérusalem, qu»il fallait faire preuve de créativité». Je ne sais pas trop ce que cela veut dire mais cest quelque chose dimportant ; lacceptation dune discussion sur les échanges de territoires mutuellement agrées ; et puis aussi lidée que la présence militaire israélienne sur le Jourdain ne serait pas éternelle. Il y avait donc peut être quelques marges de négociation. On va voir dans les jours prochains ce qui peut éventuellement se passer. La France ne cautionnera pas une déclaration du Quartet qui ne serait pas équilibrée entre Israéliens et Palestiniens.
Q - Mme Ashton quand elle vu les Palestiniens la dernière fois - dont la position est totalement alignée sur la position américaine et de Tony Blair - a précipité la décision palestinienne daller au Conseil de sécurité, car Mahmoud Abbas a réalisé quil ny avait pas de position équilibrée ; ce sont les déclarations quils ont faites dans les journaux arabes.
R - Mme Ashton a reçu un mandat, puisquelle travaille sur mandat des 27 Etats membres de lUnion européenne, et ce mandat était très clairement équilibré. Je nai aucune raison de penser que ce mandat na pas été respecté puisque pour linstant je nai pas énormément dinformations sur ce que Mme Ashton a proposé. Jen saurai peut être un peu plus dans les jours qui viennent.
Q - Regrettez-vous davoir peu dinformations de la part de Mme Ashton ? Regrettez-vous de ne pas avoir dinformations sur ce que propose Tony Blair ?
R - Oui, absolument, je le regrette car la France a un rôle à jouer dans ce processus. Nous nous sommes beaucoup engagés. Nous avons fait des propositions, dont certaines ont dailleurs été retenues par le Conseil européen à la fin du mois de juin. Je pense donc quil serait utile que nous soyons pleinement impliqués dans lavancement de ces discussions. Cest ce qui va se passer je pense dans les prochains jours.
Q - Quallez-vous dire à Mahmoud Abbas ?
R - Ce que je vous ai dit tout à lheure : «quelle est votre stratégie ?»
Q - Allez-vous lui conseiller quelque chose ? Allez-vous lui dire de ne pas aller au Conseil de sécurité ?
R - Si je lui donne des conseils, cest à lui que jen réserverai la primeur.
Q - Sur les réserves de la France vis-à-vis de la démarche palestinienne, vous avez expliqué que vous avez des réserves vis-à-vis des opportunités, mais sur le fond, politiquement ?
R - Je nai pas émis de réserves. Jai dit que cétait le choix des Palestiniens. Je souhaite savoir quelle est leur stratégie, mais je nai pas émis de réserve. Cest à eux den décider.
Q - Par rapport au raisonnement israélien, et semble-t-il américain, selon lequel cette démarche est forcément une remise en cause de la légitimité dIsraël
R - Je voudrais rappeler que lobjectif, cest deux Etats-nations pour deux peuples. Cest une chose sur laquelle tout le monde est daccord : la feuille de route du Quartet, les principes de Madrid, linitiative arabe... Jen oublie sans doute.
Q - La stratégie semble claire à tout le monde. Peut être quil faut que vous attendiez que M. Abbas vous le dise mais, jusquà présent, la paix pré-conditionne lexistence dun Etat. Ce que dit M. Abbas cest «donner un État et ensuite il y aura la paix» ; cest cela que lon semble comprendre
R - Je préférerais que M. Abbas me le dise lui-même. Je nanticiperai pas sur lentretien de cet après-midi.
Q - Le simple fait que M. Abbas vienne à lONU avec le projet de présenter cette demande dÉtat, cest quand même un constat déchec du Quartet
R - Oui, le Quartet a échoué et jai été le premier à le dire. Le Quartet, au mois de juillet, ne sest pas mis daccord tout simplement parce que Mme Ashton, à ce moment là, a suivi le mandat quelle avait. Il se trouve que nous étions daccord avec les Russes et avec les Nations unies et quil ny a pas eu daccord des Américains ; cest la raison pour laquelle le Quartet ne sest pas mis daccord. Aujourdhui la question est de savoir si la position des uns et des autres évoluent et si on peut arriver à un accord. Comme je viens de vous le faire comprendre - je crois sans détour - la France aimerait bien savoir ce qui a évolué du point de vue de lUnion européenne.
Q - Je crois que lannée dernière le président Obama dans son discours devant lAssemblée générale avait évoqué la possibilité de la création dun État palestinien, en tout cas de son annonce, ce qui avait suscité un espoir quand même réel, que sest-il passé, pourquoi on a limpression de revenir en arrière ?
R - Tout dabord, je fais le même constat que vous, tout le monde est daccord jusquà présent pour dire que les Palestiniens, au même tire que les Israéliens, ont droit à un État sur leur territoire, avec une sécurité garantie : les Etats-Unis - vous faites référence au discours de M. Obama -, lUnion européenne de façon unanime et beaucoup dautres, la Ligue arabe, linitiative arabe Est-ce que nous avons changé là-dessus ? Non, nous considérons toujours que cest lobjectif.
Q - Sur la Syrie, Allez-vous rencontrer les représentants russes et chinois ? Comment sentez-vous lévolution ?
R - Cest déjà fait, jai passé de longues heures avec Sergueï Lavrov la semaine dernière à Moscou. Nous avons beaucoup parlé de cela. Jétais à Pékin il y a quelques jours à peine et lon a également beaucoup parlé de cela.
Cest surtout avec la Russie que le dialogue a été le plus franc. Nous avons une divergence fondamentale dappréciation. Nous considérons que le régime a perdu peu à peu sa légitimité en pratiquant une répression dune brutalité inouïe contre des gens qui étaient pacifiques, qui nont pas utilisé la violence et qui demandaient simplement un peu plus de liberté et de démocratie. Lanalyse russe consiste à dire quil faut mettre sur un même plan le régime et de prétendus terroristes qui utiliseraient la violence contre ledit régime. Nous ne partageons pas cette vision des choses et cest ce qui explique que la situation reste bloquée au Conseil de sécurité pour linstant.
Q - Vous ne voyez pas dévolution ?
R - Quand on voit, à chaque fois que M. Bashar Al-Assad reçoit quelquun à qui il donne des assurances douverture et de réforme, que le lendemain matin il y a cinquante morts de plus, peut-être quun jour cela va amener ceux qui sont les plus réticents à évoluer. Les Turcs et le Secrétaire de la Ligue arabe ont essayé. Ils ont rencontré M. Bashar Al-Assad, ils ont recueilli de bonnes paroles mais il ne sest rien passé ou, en tout cas, il sest passé des choses inacceptables dans les jours qui ont suivi et cela continue encore aujourdhui.
Q - Allez-vous voir votre homologue iranien ?
R - Oui, il a demandé à être reçu. La règle est que lon parle à tout le monde, mais je lui dirai ce que nous pensons, à savoir que nous sommes très préoccupés par la poursuite dun programme qui nous paraît conduire lIran à vouloir se doter de larme nucléaire et que pour nous cest totalement inacceptable. Par conséquent, tout en restant prêts au dialogue - parce quil ne faut jamais fermer la porte au dialogue -, nous continuerons à appliquer et même à renforcer les sanctions pour dissuader lIran de progresser dans cette direction.
Q - Vous allez lui parlez aussi de la Syrie, car apparemment ils aident beaucoup la Syrie ?
R - Bien sûr, je lui dirai ce que nous pensons du comportement du régime syrien.
Q - Sur lIran, il semble quil y ait un recul du côté de la Russie sur lidée de sanctions. Vous voudriez pousser aux sanctions ?
R - Pas vraiment, la Russie a davantage mis laccent sur le volet dialogue que sur le volet sanctions. Nous sommes prêts aux deux mais je crois que lunité du E3+3 - cest-à-dire les trois pays européens, la Chine, la Russie et des États-Unis - est solide et nous tiendrons le même discours à lIran.
Q - les E3+3 vont se réunir ici à New York. Voyez-vous une possibilité de reprise des négociations ?
R - Si lIran fait preuve douverture et répond de façon plus constructive à la lettre que Lady Ashton lui a adressée au mois de juillet. Il y a eu une première réponse, au mois de septembre, qui ne nous a pas paru pour linstant extrêmement constructive et fournir la base dun véritable dialogue.
Q - Sur La Libye, quelle est la position de la France sur la levée des sanctions économiques et du déblocage des actifs libyens gelés ?
R - Les choses sont faites maintenant, puisque la résolution 2009 a décidé un allègement des mesures des gels des avoirs sur des sommes importantes. Je crois que 15 milliards de dollars ont déjà été dégelés. Il en reste encore et nous pensons que cet argent, qui appartient au peuple libyen, doit être mis à la disposition de lautorité légitime qui représente le peuple libyen, cest-à-dire le CNT. On ne peut pas à la fois dire que le CNT siège aux Nations unies comme représentant de lÉtat libyen et ne pas mettre à sa disposition largent qui appartient au peuple libyen.
Dores et déjà, le CNT a tous les moyens de fonctionner : assurer la paie de ses fonctionnaires, de ses troupes, etc. La situation des pays du Partenariat de Deauville - Egypte, Tunisie, Jordanie, Maroc - nest pas du tout la même que celle de la Libye qui est un pays riche, qui a des ressources et qui peut les mobiliser.
R - Le Représentant permanent de la France auprès des Nations unies - Techniquement, nous navons dégelé quune partie des actifs libyens et il faudra dégeler le reste plus tard ; mais tout sera utilisé pour le peuple libyen. Si nous navons dégelé quune partie de ces actifs, ce nest pas une question de méfiance ou de réserve vis-à-vis du Conseil national de transition, il sagit tout simplement de savoir qui a la signature du côté du Conseil national de transition. Nous ne voulons pas que largent parte dans la nature. Le dégel na donc porté que sur des institutions dont nous savons que le CNT les contrôle parfaitement.
Q - Après les discussions que vous avez eues à Tripoli la semaine dernière avec le président de la République, a-t-on une idée du mandat que les Libyens souhaiteraient obtenir ?
R - Cest fait, le Conseil de sécurité a adopté la résolution 2009 qui met en place une mission - Peut être entre 100 et 200 membres ; ce nest pas une force de maintien de la paix, ce ne sont pas des casques bleus. Le régime libyen ne souhaite pas de casques bleus, il souhaite une mission civile qui puisse laider dans le travail de reconstruction dun État de droit - à supposer quil ait jamais existé en Libye - et puis de reconstruction économique.
Q - Est-ce que vous êtes inquiets de la présence dislamistes assez durs au sein du CNT ?
R - Je sais bien que lon a souvent évoqué cet argument pour nous demander pourquoi nous étions intervenus. Nous avons bien sûr pris un risque, mais peut-on décider comme cela, a proprio motu, que dans tous les pays arabes, sous prétexte quil y a un risque islamiste, il ne faut rien faire ? Non. Ce risque existe, il faut simplement être vigilant. Être vigilant, cela veut dire identifier, parmi les Frères musulmans, des interlocuteurs qui respectent les règles du jeu que nous souhaitons voir respectées et qui ne franchissent pas les lignes rouges que nous ne voulons pas voir franchies ; cest-à-dire qui renoncent à la violence, au terrorisme, qui acceptent les principes fondamentaux des droits de lhomme et de la femme. Certains sont daccord, il faut les mettre à lépreuve et dialoguer avec eux.
Je crois que la meilleure voie est de soutenir le développement économique et social de ces pays pour que leur société civile se modernise et que lon voit émerger des forces démocratiques qui contrebalancent cette influence. On sait très bien que cest la misère, la pauvreté et aussi labsence de liberté qui est le terreau des extrémismes. Cest aussi en agissant comme cela, sur le moyen terme, que lon peut faire en sorte que les extrémismes soient marginalisés.
Q - Sur le Quartet, vu que tous les chefs dÉtat sont ici, sera-t-il possible de résoudre les différences avec les Américains dici vendredi, avant que Netanyahou et Abbas ne parlent ?
R - Jai déjà dit que nous avions devant nous trois ou quatre jours de discussions. Je ne pense pas que des réunions du Quartet au niveau des chefs dÉtat et de gouvernement soient prévues.
Q - Au moment des Printemps arabes, la France a pris une position avancée et a poussé à la démocratie. Pouvez-vous vraiment vous permettre une abstention éventuelle au Conseil de sécurité sur lÉtat palestinien, si jamais il va au Conseil de sécurité ?
R - Votre question me fournit la réponse, puisque vous dites «si jamais». Quand le «si jamais» sera levé, on en reparlera.
Q - Mais vous avez quand même réfléchi ?
R - Oui, bien sûr ! Mais parfois je peux réfléchir et ne pas tout mettre sur la table ; à chaque jour sa réflexion.
Q - Quel est le fondement de cette réflexion ?
R - Je vous félicite de votre ténacité, cest une question encore hypothétique. On se revoit, nest-ce pas, dans les prochains jours ? Je vous en dirais plus à ce moment-là. Nessayez pas danticiper, je sais bien que cest votre r??le dessayer den savoir toujours un peu plus, cest à lordre du jour.
Q - À propos des mercenaires français en Libye, est-ce que vous pouvez démentir ?
R - Qui a dit quil sagissait de mercenaires français ?
Q - Le porte-parole de Kadhafi
R - Je vous conseille vivement de retourner à une pratique journalistique fondamentale qui est le croisement des sources. Cela me rappelle un article dun grand journal français, Libération, en double page, il y a huit jours : «La France a reçu du CNT un engagement lui garantissant 35 % des livraisons pétrolières de la Libye». Le lendemain, on sest aperçu que ce texte était un faux grossier ; je ne fais donc pas confiance aux déclarations du porte-parole de Kadhafi. Nous navons pas de mercenaires français en Libye. Des conseillers techniques ont aidé le CNT à sorganiser, mais il ny a pas de mercenaires français. En revanche, il est sûr quil y a eu beaucoup de mercenaires venus dAfrique et payés par M. Kadhafi.
Q - Pour revenir à la Palestine, ne regrettez-vous pas le discours de Barack Obama lan dernier à lAssemblée générale, qui aboutit à la situation dans laquelle on se trouve aujourdhui ?
R - Non, il avait justement évoqué, à ce moment-là, la création dun État palestinien. Vous pensez quil faudrait regretter quil ait dit cela ? Non, au contraire je men réjouis.
Q - Pourrait-on parler dimprudence ?
R - Je nai pas de jugement à apporter sur M. Obama. Ce que je souhaiterais tout simplement, cest que lon ne continue pas indéfiniment à faire croire au peuple palestinien quil aura un jour un État sans jamais se mettre en situation de pouvoir réaliser cette promesse.
Q - Pensez-vous que la présidence du Liban va encore être un obstacle de plus à ladoption dune résolution sur la Syrie ? Et allez-vous voir le président libanais ?
R - Non, ce nest pas prévu. Nous faisons confiance aux autorités libanaises pour effectuer cette présidence.
Q - Reprochez-vous au président Obama de faire croire indéfiniment aux Palestiniens la création dun État sans se donner le moyen de le faire ?
R - Jadmire beaucoup la façon dont on peut interpréter les propos venant dêtre tenus il y a quelques instants. Jai dit que je navais rien à reprocher au discours de M. Obama qui avait pris des positions en faveur dun État palestinien : voilà ce que jai dit, avant de dire ce que je souhaitais. Je ne reproche rien du tout au président Obama. Dailleurs, je pense que la réaction de mon collègue montre que je nai pas été le seul à avoir compris ce que jai dit.
Q - Que pensez-vous de la position de lAdministration américaine par rapport au problème de la Palestine ?
R - Je nai pas de jugement à apporter sur lAdministration américaine. Nous avons une excellente relation avec les Américains et je souhaite la conserver ; cela veut dire travailler ensemble pour trouver des solutions.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 21 septembre 2011
Comme la situation évolue dheure en heure, je ne mattarderai pas longtemps sur ce sujet. Je dirais simplement que la France na pas changé de ligne. Depuis plusieurs mois, nous ne cessons de dire que le seul moyen déviter une confrontation inutile et même dangereuse pour tout le monde est de reprendre les discussions entre Israéliens et Palestiniens pour aboutir à un accord politique.
Nous avons fait des efforts importants au mois de juin dernier, pour proposer les paramètres dune telle reprise des négociations. Nous navons pas été loin daboutir mais le Quartet na pas pu se mettre daccord. Reste-t-il encore une possibilité daccord au sein du Quartet pour une proposition équilibrée, acceptable à la fois par les Palestiniens et les Israéliens ? Nous allons le voir dans les jours qui viennent.
On parlera beaucoup cette semaine des Printemps arabes et, tout dabord, de la Libye. Le Sommet de demain confirmera lentrée dans une nouvelle phase qui a été ouverte lors du Sommet de Paris avec un rôle accru des Nations unies. Ce sommet comportera plusieurs enjeux : dabord le remplacement du Groupe de contact par un Groupe damis de la Libye - dont la composition devrait être décidée par le Secrétaire général ; ensuite, lexpression par le Conseil National de Transition de ses besoins en matière de reconstruction ; enfin, la réaffirmation du soutien de la communauté internationale à la Libye nouvelle.
Je vous rappelle que le Conseil de sécurité a voté la résolution 2009 qui décide, en plein accord avec le CNT, de lenvoi dune mission politique de soutien de lONU ainsi que de lallègement des mesures de gel des avoirs et de lembargo sur les armes.
Je me réjouis enfin que lAssemblée générale ait décidé que les représentants de la nouvelle Libye siègeront à lAssemblée générale lors de cette session. Demain, mardi, symboliquement, la Libye nouvelle sera donc pleinement intégrée aux Nations unies.
Nous parlerons aussi des printemps arabes lors de la réunion du G8 sous présidence française consacrée au Partenariat de Deauville. Lobjectif est clair : tout faire pour que les transitions en cours réussissent. Les chefs dEtats et de gouvernements ont donné mandat aux ministres des Affaires étrangères avec le soutien des ministres des Finances pour mettre en place ce partenariat. Les représentants des pays en transition - la Tunisie et lEgypte, auxquels se sont joints la Jordanie, le Maroc et la Libye - seront présents demain après-midi. Les pays de la région qui vont soutenir ce partenariat - lArabie saoudite, les Emirats arabes unis, la Turquie, le Koweït et le Qatar - seront également représentés. Ce sera le lancement opérationnel de ce partenariat dans le cadre des plans daction qui ont été proposés par les différents pays. Des contributions ont déjà été annoncées pour un montant qui avoisine les 80 milliards de dollars lorsque lon comptabilise les aides bilatérales et les interventions des organisations internationales, comme la BIRD, le FMI ou dautres. La France pour sa part sest engagée à hauteur de 2,7 milliards de dollars sur les deux années qui viennent, 2011-2013. Mme Hilary Clinton et M. Ban Ki-moon participeront à cette réunion pour témoigner de leur engagement.
En quittant le pourtour de la Méditerranées, nous évoquerons également la situation en Afghanistan. Deux réunions internationales importantes vont se tenir dans les prochains mois : lune à Istanbul, le 2 novembre, et lautre à Bonn, le 5 décembre. Pour les préparer, une table ronde est co-organisée par M. Guido Westerwelle, Mme Hilary Clinton et le ministre afghan des Affaires étrangères, M. Zalman Rassoul. Naturellement, jy participerai.
Nous évoquerons aussi pendant cette semaine les questions de sûreté nucléaire. Le président de la République interviendra lors de louverture de la réunion sur la sûreté et la sécurité nucléaires organisée par le Secrétaire général jeudi matin. Ma collègue, Mme Nathalie Kosciuszko-Morizet, interviendra lors dune des tables rondes qui suivront.
Au-delà de ces priorités que je viens dévoquer, je voudrais évoquer trois thèmes importants pour nous :
La préparation de RIO+20 au mois de juin de lannée prochaine. Là aussi, Mme Nathalie Kosciuszko-Morizet présidera un déjeuner de travail avec plusieurs ministres de lEnvironnement ; Brésil, Kenya, Indonésie, PNUE.
La lutte contre le terrorisme sera à lordre du jour, dix ans après les attentats du 11 septembre. Je me rendrai au symposium sur le contre-terrorisme organisé par le Secrétaire général en fin de matinée.
Enfin, la Francophonie ne sera pas oubliée : la présidente suisse, Mme Calmy-Rey, qui assure jusquen 2012 la présidence de lOrganisation internationale de la Francophonie, tiendra une réunion des ministres francophones demain matin. Cette réunion sera consacrée au soutien aux transitions démocratiques majeures dans lespace francophone : la Tunisie, la Côte dIvoire, la République démocratique du Congo et lEgypte.
Je tiendrai le traditionnel cocktail francophone, moment de convivialité et déchanges, jeudi soir.
Q - Si la demande palestinienne arrive au Conseil de sécurité, comment votera la France ?
R - Nous verrons dabord si elle y arrive. Il sera temps de répondre à cette question à ce moment-là. Le président de la République sexprimera sur ce sujet le moment venu. La France prendra ses responsabilités. Notre objectif, dici là, cest dabord de bien comprendre la stratégie de lAutorité palestinienne. Je demanderai cet après-midi à M. Mahmoud Abbas ce quattendent les Palestiniens de la saisine du Conseil de sécurité dont on sait bien quelle a peu de chances daboutir, puisquil faudrait dabord réunir neuf voix pour adopter une résolution, ce qui nest pas acquis. Ensuite, de toute manière, le gouvernement américain a annoncé quil ferait usage de son droit de veto.
Quel est donc le sens de cette démarche et quattendent les Palestiniens de cette saisine du Conseil de sécurité ? Cest à la lumière de leur réponse que nous pourrons mieux définir notre propre analyse de la situation. Pour le reste, je vous redis ce que jai dit à linstant et ce que jai dit ce matin au Conseil des Affaires étrangères : nous considérons que la seule façon déviter une confrontation inutile et dangereuse pour tout le monde, cest de reprendre les négociations. Nous avons fait de gros efforts en ce sens. Ils ne sont pas encore complètement vains et cest à cela que nous allons travailler au cours des réunions que jai évoquées tout à lheure avec M. Tony Blair, Mme Catherine Ashton et les autres membres du Quartet.
Q - On parle dun plan B que Tony Blair aurait proposé aux Palestiniens et qui serait de leur offrir, dici un an à lONU, la reconnaissance de leur Etat en échange dune reprise immédiate des négociations. Est-ce que la France soutient ce genre dalternative ?
R - Quand M. Blair maura indiqué ses propositions je pourrai répondre plus précisément à votre question.
Q - Est-ce quun passage par lAssemblée générale pourrait être une solution médiane qui permettrait de gagner un peu de temps et de reprendre plus tard les négociations ?
R - Il nest un secret pour personne que lors des réunions à 27, la France avait essayé de contribuer à la réflexion sur ce quaurait pu être une résolution soumise à lAssemblée générale. Mais lAutorité palestinienne semble avoir fait un choix différent.
Q - Est-ce que la position européenne est aujourdhui plus unifiée ?
R - Il y a une position européenne très unifiée pour rester unis. Cest par cette déclaration de principe que commence toute intervention. Ensuite tout se complique.
Q - LEurope demande depuis longtemps un plus grand rôle dans cette question. Certains disent que lEurope rate le coup parce quelle na pas daccord sur une solution
R - Ce que je constate, cest que si lEurope voulait, elle pourrait jouer un rôle décisif. Le gouvernement américain ne peut pas à lui tout seul débloquer la situation. Une position commune de lEurope est souhaitée et attendue. Cest ce à quoi nous travaillons mais, pour linstant, il subsiste des différences dappréciation.
Q - Pensez-vous que lon peut aussi faire avancer les positions israéliennes ? Les Palestiniens évidemment bougeront sil y a des concessions de lautre côté ; est-ce que vous allez y travailler cette semaine ?
R - Cest ce que jai essayé de faire à Jérusalem, en discutant longuement avec le Premier ministre Netanyahu, avec M. Lieberman, avec M. Ehud Barak. Tout change autour dIsraël : lEgypte daujourdhui nest plus lEgypte dhier ; la Syrie est dans uns situation extraordinairement difficile ; des tensions avec la Turquie se sont accrues autour de la période récente. Ce que jai essayé de dire à nos amis israéliens, cest que face à ce monde en plein bouleversements il fallait quIsraël bouge, que le statu quo nétait pas tenable. Nous renouvelons ce message.
Q - Avez-vous limpression que votre interlocuteur était sensible à votre message ?
R - Quand je lai vu en juin, oui, et javais remarqué dans son discours quil y avait eu un certain nombre de mots qui méritaient attention. Par exemple, lidée, à propos de Jérusalem, qu»il fallait faire preuve de créativité». Je ne sais pas trop ce que cela veut dire mais cest quelque chose dimportant ; lacceptation dune discussion sur les échanges de territoires mutuellement agrées ; et puis aussi lidée que la présence militaire israélienne sur le Jourdain ne serait pas éternelle. Il y avait donc peut être quelques marges de négociation. On va voir dans les jours prochains ce qui peut éventuellement se passer. La France ne cautionnera pas une déclaration du Quartet qui ne serait pas équilibrée entre Israéliens et Palestiniens.
Q - Mme Ashton quand elle vu les Palestiniens la dernière fois - dont la position est totalement alignée sur la position américaine et de Tony Blair - a précipité la décision palestinienne daller au Conseil de sécurité, car Mahmoud Abbas a réalisé quil ny avait pas de position équilibrée ; ce sont les déclarations quils ont faites dans les journaux arabes.
R - Mme Ashton a reçu un mandat, puisquelle travaille sur mandat des 27 Etats membres de lUnion européenne, et ce mandat était très clairement équilibré. Je nai aucune raison de penser que ce mandat na pas été respecté puisque pour linstant je nai pas énormément dinformations sur ce que Mme Ashton a proposé. Jen saurai peut être un peu plus dans les jours qui viennent.
Q - Regrettez-vous davoir peu dinformations de la part de Mme Ashton ? Regrettez-vous de ne pas avoir dinformations sur ce que propose Tony Blair ?
R - Oui, absolument, je le regrette car la France a un rôle à jouer dans ce processus. Nous nous sommes beaucoup engagés. Nous avons fait des propositions, dont certaines ont dailleurs été retenues par le Conseil européen à la fin du mois de juin. Je pense donc quil serait utile que nous soyons pleinement impliqués dans lavancement de ces discussions. Cest ce qui va se passer je pense dans les prochains jours.
Q - Quallez-vous dire à Mahmoud Abbas ?
R - Ce que je vous ai dit tout à lheure : «quelle est votre stratégie ?»
Q - Allez-vous lui conseiller quelque chose ? Allez-vous lui dire de ne pas aller au Conseil de sécurité ?
R - Si je lui donne des conseils, cest à lui que jen réserverai la primeur.
Q - Sur les réserves de la France vis-à-vis de la démarche palestinienne, vous avez expliqué que vous avez des réserves vis-à-vis des opportunités, mais sur le fond, politiquement ?
R - Je nai pas émis de réserves. Jai dit que cétait le choix des Palestiniens. Je souhaite savoir quelle est leur stratégie, mais je nai pas émis de réserve. Cest à eux den décider.
Q - Par rapport au raisonnement israélien, et semble-t-il américain, selon lequel cette démarche est forcément une remise en cause de la légitimité dIsraël
R - Je voudrais rappeler que lobjectif, cest deux Etats-nations pour deux peuples. Cest une chose sur laquelle tout le monde est daccord : la feuille de route du Quartet, les principes de Madrid, linitiative arabe... Jen oublie sans doute.
Q - La stratégie semble claire à tout le monde. Peut être quil faut que vous attendiez que M. Abbas vous le dise mais, jusquà présent, la paix pré-conditionne lexistence dun Etat. Ce que dit M. Abbas cest «donner un État et ensuite il y aura la paix» ; cest cela que lon semble comprendre
R - Je préférerais que M. Abbas me le dise lui-même. Je nanticiperai pas sur lentretien de cet après-midi.
Q - Le simple fait que M. Abbas vienne à lONU avec le projet de présenter cette demande dÉtat, cest quand même un constat déchec du Quartet
R - Oui, le Quartet a échoué et jai été le premier à le dire. Le Quartet, au mois de juillet, ne sest pas mis daccord tout simplement parce que Mme Ashton, à ce moment là, a suivi le mandat quelle avait. Il se trouve que nous étions daccord avec les Russes et avec les Nations unies et quil ny a pas eu daccord des Américains ; cest la raison pour laquelle le Quartet ne sest pas mis daccord. Aujourdhui la question est de savoir si la position des uns et des autres évoluent et si on peut arriver à un accord. Comme je viens de vous le faire comprendre - je crois sans détour - la France aimerait bien savoir ce qui a évolué du point de vue de lUnion européenne.
Q - Je crois que lannée dernière le président Obama dans son discours devant lAssemblée générale avait évoqué la possibilité de la création dun État palestinien, en tout cas de son annonce, ce qui avait suscité un espoir quand même réel, que sest-il passé, pourquoi on a limpression de revenir en arrière ?
R - Tout dabord, je fais le même constat que vous, tout le monde est daccord jusquà présent pour dire que les Palestiniens, au même tire que les Israéliens, ont droit à un État sur leur territoire, avec une sécurité garantie : les Etats-Unis - vous faites référence au discours de M. Obama -, lUnion européenne de façon unanime et beaucoup dautres, la Ligue arabe, linitiative arabe Est-ce que nous avons changé là-dessus ? Non, nous considérons toujours que cest lobjectif.
Q - Sur la Syrie, Allez-vous rencontrer les représentants russes et chinois ? Comment sentez-vous lévolution ?
R - Cest déjà fait, jai passé de longues heures avec Sergueï Lavrov la semaine dernière à Moscou. Nous avons beaucoup parlé de cela. Jétais à Pékin il y a quelques jours à peine et lon a également beaucoup parlé de cela.
Cest surtout avec la Russie que le dialogue a été le plus franc. Nous avons une divergence fondamentale dappréciation. Nous considérons que le régime a perdu peu à peu sa légitimité en pratiquant une répression dune brutalité inouïe contre des gens qui étaient pacifiques, qui nont pas utilisé la violence et qui demandaient simplement un peu plus de liberté et de démocratie. Lanalyse russe consiste à dire quil faut mettre sur un même plan le régime et de prétendus terroristes qui utiliseraient la violence contre ledit régime. Nous ne partageons pas cette vision des choses et cest ce qui explique que la situation reste bloquée au Conseil de sécurité pour linstant.
Q - Vous ne voyez pas dévolution ?
R - Quand on voit, à chaque fois que M. Bashar Al-Assad reçoit quelquun à qui il donne des assurances douverture et de réforme, que le lendemain matin il y a cinquante morts de plus, peut-être quun jour cela va amener ceux qui sont les plus réticents à évoluer. Les Turcs et le Secrétaire de la Ligue arabe ont essayé. Ils ont rencontré M. Bashar Al-Assad, ils ont recueilli de bonnes paroles mais il ne sest rien passé ou, en tout cas, il sest passé des choses inacceptables dans les jours qui ont suivi et cela continue encore aujourdhui.
Q - Allez-vous voir votre homologue iranien ?
R - Oui, il a demandé à être reçu. La règle est que lon parle à tout le monde, mais je lui dirai ce que nous pensons, à savoir que nous sommes très préoccupés par la poursuite dun programme qui nous paraît conduire lIran à vouloir se doter de larme nucléaire et que pour nous cest totalement inacceptable. Par conséquent, tout en restant prêts au dialogue - parce quil ne faut jamais fermer la porte au dialogue -, nous continuerons à appliquer et même à renforcer les sanctions pour dissuader lIran de progresser dans cette direction.
Q - Vous allez lui parlez aussi de la Syrie, car apparemment ils aident beaucoup la Syrie ?
R - Bien sûr, je lui dirai ce que nous pensons du comportement du régime syrien.
Q - Sur lIran, il semble quil y ait un recul du côté de la Russie sur lidée de sanctions. Vous voudriez pousser aux sanctions ?
R - Pas vraiment, la Russie a davantage mis laccent sur le volet dialogue que sur le volet sanctions. Nous sommes prêts aux deux mais je crois que lunité du E3+3 - cest-à-dire les trois pays européens, la Chine, la Russie et des États-Unis - est solide et nous tiendrons le même discours à lIran.
Q - les E3+3 vont se réunir ici à New York. Voyez-vous une possibilité de reprise des négociations ?
R - Si lIran fait preuve douverture et répond de façon plus constructive à la lettre que Lady Ashton lui a adressée au mois de juillet. Il y a eu une première réponse, au mois de septembre, qui ne nous a pas paru pour linstant extrêmement constructive et fournir la base dun véritable dialogue.
Q - Sur La Libye, quelle est la position de la France sur la levée des sanctions économiques et du déblocage des actifs libyens gelés ?
R - Les choses sont faites maintenant, puisque la résolution 2009 a décidé un allègement des mesures des gels des avoirs sur des sommes importantes. Je crois que 15 milliards de dollars ont déjà été dégelés. Il en reste encore et nous pensons que cet argent, qui appartient au peuple libyen, doit être mis à la disposition de lautorité légitime qui représente le peuple libyen, cest-à-dire le CNT. On ne peut pas à la fois dire que le CNT siège aux Nations unies comme représentant de lÉtat libyen et ne pas mettre à sa disposition largent qui appartient au peuple libyen.
Dores et déjà, le CNT a tous les moyens de fonctionner : assurer la paie de ses fonctionnaires, de ses troupes, etc. La situation des pays du Partenariat de Deauville - Egypte, Tunisie, Jordanie, Maroc - nest pas du tout la même que celle de la Libye qui est un pays riche, qui a des ressources et qui peut les mobiliser.
R - Le Représentant permanent de la France auprès des Nations unies - Techniquement, nous navons dégelé quune partie des actifs libyens et il faudra dégeler le reste plus tard ; mais tout sera utilisé pour le peuple libyen. Si nous navons dégelé quune partie de ces actifs, ce nest pas une question de méfiance ou de réserve vis-à-vis du Conseil national de transition, il sagit tout simplement de savoir qui a la signature du côté du Conseil national de transition. Nous ne voulons pas que largent parte dans la nature. Le dégel na donc porté que sur des institutions dont nous savons que le CNT les contrôle parfaitement.
Q - Après les discussions que vous avez eues à Tripoli la semaine dernière avec le président de la République, a-t-on une idée du mandat que les Libyens souhaiteraient obtenir ?
R - Cest fait, le Conseil de sécurité a adopté la résolution 2009 qui met en place une mission - Peut être entre 100 et 200 membres ; ce nest pas une force de maintien de la paix, ce ne sont pas des casques bleus. Le régime libyen ne souhaite pas de casques bleus, il souhaite une mission civile qui puisse laider dans le travail de reconstruction dun État de droit - à supposer quil ait jamais existé en Libye - et puis de reconstruction économique.
Q - Est-ce que vous êtes inquiets de la présence dislamistes assez durs au sein du CNT ?
R - Je sais bien que lon a souvent évoqué cet argument pour nous demander pourquoi nous étions intervenus. Nous avons bien sûr pris un risque, mais peut-on décider comme cela, a proprio motu, que dans tous les pays arabes, sous prétexte quil y a un risque islamiste, il ne faut rien faire ? Non. Ce risque existe, il faut simplement être vigilant. Être vigilant, cela veut dire identifier, parmi les Frères musulmans, des interlocuteurs qui respectent les règles du jeu que nous souhaitons voir respectées et qui ne franchissent pas les lignes rouges que nous ne voulons pas voir franchies ; cest-à-dire qui renoncent à la violence, au terrorisme, qui acceptent les principes fondamentaux des droits de lhomme et de la femme. Certains sont daccord, il faut les mettre à lépreuve et dialoguer avec eux.
Je crois que la meilleure voie est de soutenir le développement économique et social de ces pays pour que leur société civile se modernise et que lon voit émerger des forces démocratiques qui contrebalancent cette influence. On sait très bien que cest la misère, la pauvreté et aussi labsence de liberté qui est le terreau des extrémismes. Cest aussi en agissant comme cela, sur le moyen terme, que lon peut faire en sorte que les extrémismes soient marginalisés.
Q - Sur le Quartet, vu que tous les chefs dÉtat sont ici, sera-t-il possible de résoudre les différences avec les Américains dici vendredi, avant que Netanyahou et Abbas ne parlent ?
R - Jai déjà dit que nous avions devant nous trois ou quatre jours de discussions. Je ne pense pas que des réunions du Quartet au niveau des chefs dÉtat et de gouvernement soient prévues.
Q - Au moment des Printemps arabes, la France a pris une position avancée et a poussé à la démocratie. Pouvez-vous vraiment vous permettre une abstention éventuelle au Conseil de sécurité sur lÉtat palestinien, si jamais il va au Conseil de sécurité ?
R - Votre question me fournit la réponse, puisque vous dites «si jamais». Quand le «si jamais» sera levé, on en reparlera.
Q - Mais vous avez quand même réfléchi ?
R - Oui, bien sûr ! Mais parfois je peux réfléchir et ne pas tout mettre sur la table ; à chaque jour sa réflexion.
Q - Quel est le fondement de cette réflexion ?
R - Je vous félicite de votre ténacité, cest une question encore hypothétique. On se revoit, nest-ce pas, dans les prochains jours ? Je vous en dirais plus à ce moment-là. Nessayez pas danticiper, je sais bien que cest votre r??le dessayer den savoir toujours un peu plus, cest à lordre du jour.
Q - À propos des mercenaires français en Libye, est-ce que vous pouvez démentir ?
R - Qui a dit quil sagissait de mercenaires français ?
Q - Le porte-parole de Kadhafi
R - Je vous conseille vivement de retourner à une pratique journalistique fondamentale qui est le croisement des sources. Cela me rappelle un article dun grand journal français, Libération, en double page, il y a huit jours : «La France a reçu du CNT un engagement lui garantissant 35 % des livraisons pétrolières de la Libye». Le lendemain, on sest aperçu que ce texte était un faux grossier ; je ne fais donc pas confiance aux déclarations du porte-parole de Kadhafi. Nous navons pas de mercenaires français en Libye. Des conseillers techniques ont aidé le CNT à sorganiser, mais il ny a pas de mercenaires français. En revanche, il est sûr quil y a eu beaucoup de mercenaires venus dAfrique et payés par M. Kadhafi.
Q - Pour revenir à la Palestine, ne regrettez-vous pas le discours de Barack Obama lan dernier à lAssemblée générale, qui aboutit à la situation dans laquelle on se trouve aujourdhui ?
R - Non, il avait justement évoqué, à ce moment-là, la création dun État palestinien. Vous pensez quil faudrait regretter quil ait dit cela ? Non, au contraire je men réjouis.
Q - Pourrait-on parler dimprudence ?
R - Je nai pas de jugement à apporter sur M. Obama. Ce que je souhaiterais tout simplement, cest que lon ne continue pas indéfiniment à faire croire au peuple palestinien quil aura un jour un État sans jamais se mettre en situation de pouvoir réaliser cette promesse.
Q - Pensez-vous que la présidence du Liban va encore être un obstacle de plus à ladoption dune résolution sur la Syrie ? Et allez-vous voir le président libanais ?
R - Non, ce nest pas prévu. Nous faisons confiance aux autorités libanaises pour effectuer cette présidence.
Q - Reprochez-vous au président Obama de faire croire indéfiniment aux Palestiniens la création dun État sans se donner le moyen de le faire ?
R - Jadmire beaucoup la façon dont on peut interpréter les propos venant dêtre tenus il y a quelques instants. Jai dit que je navais rien à reprocher au discours de M. Obama qui avait pris des positions en faveur dun État palestinien : voilà ce que jai dit, avant de dire ce que je souhaitais. Je ne reproche rien du tout au président Obama. Dailleurs, je pense que la réaction de mon collègue montre que je nai pas été le seul à avoir compris ce que jai dit.
Q - Que pensez-vous de la position de lAdministration américaine par rapport au problème de la Palestine ?
R - Je nai pas de jugement à apporter sur lAdministration américaine. Nous avons une excellente relation avec les Américains et je souhaite la conserver ; cela veut dire travailler ensemble pour trouver des solutions.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 21 septembre 2011