Interview de Mme Nadine Morano, ministre de l'apprentissage et de la formation professionnelle, à Europe 1 le 23 septembre 2011, sur les affaires concernant le financement de la campagne présidentielle d'Edouard Balladur en 1995.

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Média : Europe 1

Texte intégral

JEAN-PIERRE ELKABBACH Bonjour Nadine MORANO.
 
NADINE MORANO Bonjour.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Et une histoire de plus, une. 16 ans après elle revient tel un boomerang, vous vous en seriez probablement bien passée, non ?
 
NADINE MORANO Ecoutez, il ne vous aura pas échappé que nous sommes à 6 mois de l'élection présidentielle, donc il y a beaucoup de choses qui ne devraient pas nous échapper dans les semaines qui vont venir, en termes d'attaques, de calomnies, de coups bas…
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Vous êtes tous blindés ?
 
NADINE MORANO Et nous avons un petit peu l'habitude, mais je crois que ce n'est pas ce que les Français attendent, du débat politique, et ça ne grandit pas la classe politique dans son ensemble.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Alors, la vengeance de deux ex-épouses aurait révélé des soupçons de corruption liée à des contrats d'armement et à la campagne présidentielle d'Edouard BALLADUR en 1995. Dites-nous pourquoi ces accusations vous paraissent infondées ?
 
NADINE MORANO Je n'ai pas à parler d'accusations, que je ne connais pas, je n'ai pas vu le fond du dossier. Moi ce que je vois et ce que j'entends, c'est ce que j'entends comme tous les Français, c'est qu'on essaye de salir le président de la République. Lorsque j'ai entendu l'avocat des victimes de l'attentat de Karachi…
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Votre ami Olivier MAURICE, on a vus hier sur CANAL+.
 
NADINE MORANO Nous dire quand même que Nicolas SARKOZY est au coeur de la corruption, ce sont des propos diffamatoires. Voilà un avocat qui ne se comporte pas en homme de droit, mais qui fait de la politique. Il faut bien être conscient de cela, c'est que, voilà, quand on est capable de dire « la République irréprochable vous pouvez vous la mettre où je pense », c'est un avocat…
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH C'est ce qu'il vous a dit ?
 
NADINE MORANO Qui est totalement discrédité, qui a perdu les pédales et son contrôle sur un plateau télé, et qui démontre bien qu'il n'est pas là pour défendre concrètement les intérêts des familles, et il faut savoir du respect pour ces familles et pour les victimes, parce que c'est d'abord cela qui est en jeu, c'est la vérité dans cette affaire, et Nicolas SARKOZY a tout mis en oeuvre pour que la vérité soit faite. Je vous rappelle, monsieur ELKABBACH quand même, parce qu'il faut dire les choses, que dès 2008 le président de la République a reçu les familles, et leur a dit qu'il mettrait tout en oeuvre pour que la vérité soit faite. Il a fait lever le secret Défense sur toutes les pièces, il a fait lever le secret Défense, l'enquête est en cours. On s'aperçoit aujourd'hui…
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Mais pourquoi les socialistes réclament-ils encore aujourd'hui la levée totale du secret Défense ?
 
NADINE MORANO Ecoutez, je vais vous dire une chose, je voudrais que le respect de la présomption d'innocence ne soit pas le monopole de la droite. Je voudrais entendre, aussi, les socialistes avoir un peu de lucidité lorsqu'ils s'expriment, notamment sur le président de la République, ou sur d'autres personnalités qui peuvent être mises en examen mais pas condamnées. Parce que nous, nous avons été exemplaires…
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Vous parlez des deux vieux amis de Nicolas SARKOZY, très proches d'Edouard BALLADUR, Thierry GAUBERT et Nicolas BAZIRE.
 
NADINE MORANO Oui.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH L'enquête dira en effet leur degré d'innocence ou de culpabilité…
 
NADINE MORANO Exact.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Mais pourquoi la contagion remonte vers Nicolas SARKOZY ? Pourquoi ?
 
NADINE MORANO Mais parce que, monsieur ELKABBACH, ce n'est pas gros pour vous, ça ne se voit pas, comme le nez au milieu de la figure ? C'est que nous sommes à 6 mois des élections présidentielles !
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Oui, mais ce n'est pas un argument suffisant.
 
NADINE MORANO Mais, écoutez, c'est une affaire qui date il y a 16 ans, vous êtes bien d'accord avec moi ?
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Je vous l'ai dit.
 
NADINE MORANO 16 ans. Il y a 16 ans, et là, bizarrement, à 6 mois des élections présidentielles, alors que Nicolas SARKOZY enregistre des résultats exceptionnels sur la scène internationale, avec la Libye, avec la Côte d'Ivoire, hier encore à l'ONU avec ce discours qu'il a fait, dans le cadre du conflit israélo-palestinien, ça sert à occulter tout cela, vous savez.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH On l'a analysé ici, mais ce qu'on vous dit c'est qu'en 1995, Nicolas SARKOZY était le jeune porte-parole d'Edouard BALLADUR, est-ce que vous dites qu'il ne se mêlait pas de question d'argent, et comment vous pouvez l'assurer ?
 
NADINE MORANO Ecoutez, moi j'ai été porte-parole de l'UMP, je ne me mêlais pas des questions d'argent…
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH C'était en 2007.
 
NADINE MORANO Xavier BERTRAND était porte-parole du candidat Nicolas SARKOZY, il ne se préoccupait pas non plus du financement de la campagne, il avait un autre boulot à faire, et Nicolas SARKOZY, lorsqu'il était porte-parole d'Edouard BALLADUR, il gérait le porte-parolat, il était sur tous les plateaux, et voilà, et ce n'était pas lui qui gérait le financement de la campagne.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Karachi, c'est un vrai dossier, tragique, vous l'avez dit, parce qu'il y a des victimes.
 
NADINE MORANO Bien sûr. Et il faut défendre les familles avec dignité.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Oui, oui. Les rétro-commissions, s'il est prouvé qu'elles ont existé, par où et par qui elles ont circulé, sont des moeurs sordides à pourchasser et à bannir de tous les côtés, y compris dans votre camp ?
 
NADINE MORANO Bien évidemment, qui peut vous dire le contraire ?
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Alors, de New York, le président de la République a lancé hier une contre-offensive urgente, rapide, etc, il ne voulait pas attendre son retour à Paris, probablement qui va se faire dans les heures qui viennent. Il dit « calomnie et manipulation », ce qu'a dit également François FILLON un peu plus tard. Est-ce que ça veut dire que ça fait mal personnellement et politiquement ?
 
NADINE MORANO C'est-à-dire qu'il n'est pas acceptable, dans le respect de nos institutions, d'attaquer, sans preuve par ailleurs, le président de la République en des termes que je vous ai dit tous à l'heure. C'est inacceptable. Je vous le dis.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Au passage, hier Olivier MAURICE vous a dit que Brice HORTEFEUX avait téléphoné à Thierry GAUBERT pendant sa garde à vue, c'est vrai ?
 
NADINE MORANO Il me semble que pendant la garde à vue on n'a pas de téléphone portable, monsieur ELKABBACH.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Selon lemonde.fr ce matin, qui sait tout et probablement qui écoute tout, on dirait…
 
NADINE MORANO Ah ben oui…
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Brice HORTEFEUX aurait téléphoné à Thierry GAUBERT, mais le 14 septembre, c'est-à-dire 8 jours après l'audition d'Hélène de Yougoslavie, et Brice HORTEFEUX aurait dit à son ami « elle balance beaucoup apparemment ta femme. »
 
NADINE MORANO Donc vous voyez, ce n'est déjà plus la même version, donc ce n'est pas la même heure d'appel, ni au même moment, donc… voilà.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Les juges d'instruction, Renaud Van RUYMBEKE en tête, vont mener leurs enquêtes librement et jusqu'au bout. Est-ce qu'ils vont, selon vous, eux aussi de la politique ?
 
NADINE MORANO Vous savez, Nicolas SARKOZY avait dit « je veux une République irréprochable », et la justice fait son travail. Des personnalités…
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Est-ce qu'ils vont eux aussi de la politique ?
 
NADINE MORANO Mais ils font leur travail. Certains font de la politique. Ecoutez, on ne va pas se le cacher monsieur ELKABBACH, il faut être juste. Quand vous voyez Isabelle PREVOST-DESPREZ, juge en exercice, aller dire dans un livre qu'elle aurait entendu les confidences d'une infirmière qui aurait dit à sa greffière qu'elle a vu Nicolas SARKOZY amener des… venir chercher des enveloppes d'argent chez madame BETTENCOURT…
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Nadine MORANO, est-ce que ça veut dire que vous reprochez à ces juges, ou à certains d'entre eux, d'être des militants pour le droit et la justice, ou pour une alternance de gauche ?
 
NADINE MORANO Et bien écoutez, en l'occurrence, Isabelle PREVOST-DESPREZ a fait…
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Non, mais et Van RUYMBEKE, c'est lui qui est chargé de cette enquête.
 
NADINE MORANO Je vous parle, en l'occurrence, puisque ça a été démontré, la juge Isabelle PREVOST-DESPREZ a fait une faute professionnelle grave, j'entends à ce qu'elle soit sanctionnée par sa hiérarchie, parce qu'aller calomnier le président de la République en impliquant un soi-disant témoin, qui a démenti après ce qui a été dit, donc vous voyez bien qu'une juge en exercice capable de mentir dans un livre, sur le président de la République…
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Je vous parle de quelqu'un, vous me parlez de quelqu'un d'autre.
 
NADINE MORANO Oui, mais parce que je vous parole de juge aussi, monsieur ELKABBACH.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Est-ce que ça veut dire que face à un exécutif…
 
NADINE MORANO Après vous en déduirez ce que vous voulez.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Face à un exécutif qui se mêlerait de politique, les juges se mêleraient aussi de politique ? C'est ce que je veux savoir.
 
NADINE MORANO Parce que vous pensez que, aucun juge ne se mêle de politique ? Ce que nous espérons tous c'est que les juges fassent leur travail avec objectivité et avec personnalisation de la justice, parce que j'entends « un proche du président de la République », « un proche du président de la République », oui, mais un proche du président de la République ce n'est pas le président de la République.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Si le candidat BALLADUR était fautif en 1985…
 
NADINE MORANO 15.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH 15, il dépendrait moins d'un juge que de la Cour de justice de la République ?
 
NADINE MORANO Ecoutez, laissons la justice, dans cette affaire, faire son travail. Moi je veux que la justice travaille en toute sérénité. C'est ce qu'on attend de la justice. Je ne veux pas qu'on la qualifie, je veux dénoncer certains qui se comportent mal, parce que l'éthique d'une République irréprochable vaut pour tous, elle vaut pour les politiques, elle vaut pour les juges, elle vaut pour les médias, elle vaut pour chacun d'entre nous.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH L'instruction elle n'est plus secrète là !
 
NADINE MORANO Pourquoi ?
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Tout le monde sait tout. Le président de la République affirme que son nom n'apparaît pas, ou n'apparaît dans aucun élément du dossier. L'opposition, la presse, les magistrats, les avocats, disent le contraire. On a l'impression qu'il n'y a pas de secret de l'instruction.
 
NADINE MORANO Ecoutez, l'avocat de Nicolas BAZIRE a dit à la sortie que le nom du président de la République n'apparaissait pas dans la procédure, c'est lui qu'il l'a dit à la sortie…
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Vous voulez dire que c'est de là que c'est parti ?
 
NADINE MORANO Premièrement, et puis deuxièmement un article du 1er décembre 2010 disait aussi qu'au regard des pièces de procédure le nom du président de la République n'apparaissait pas, donc tout ça est dans la sphère publique et médiatique.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Je vous pose une dernière question sur autre chose, parce que vous êtes ministre. François FILLON pense que pour assurer l'avenir du continent européen il faut aller vers une convergence économique et sociale de la France et de l'Allemagne. Et il a défendu une fiscalité d'entreprise commune, un temps de travail commun, et un âge de la retraite commun, en Allemagne c'est 67 ans, en 2029. C'est une gaffe ?
 
NADINE MORANO Non…
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Une improvisation peut-être malheureuse ?
 
NADINE MORANO Non, c'est un cadrage général de convergence souhaitée, à la fois sur la fiscalité, mais, comme vous le savez, notre système de retraite fait l'objet d'une négociation avec les partenaires sociaux, l'Allemagne c'est 2029, pour 67 ans, chez nous, nous n'en sommes pas là.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Mais ça ne veut pas dire que la réforme des retraites qui a été votée récemment est obsolète et insuffisante ?
 
NADINE MORANO Non, mais une réforme des retraites il faut toujours la remettre sur le chantier, et donc en 2018 il y aura une révision, c'était prévu comme tel.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Merci Nadine MORANO.
 Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 23 septembre 2011