Texte intégral
FREDERIC RIVIÈRE Bonjour Marie-Anne MONTCHAMP.
MARIE-ANNE MONTCHAMP Bonjour Frédéric RIVIÈRE.
FREDERIC RIVIÈRE Jacques CHIRAC nassistera pas à son procès qui souvre aujourd'hui puisque selon un rapport médical, son état de santé ne lui permet pas. Est-ce que le procès de Jacques CHIRAC doit se tenir sans lui ?
MARIE-ANNE MONTCHAMP Je crois que cela à toujours été la volonté de Jacques CHIRAC dêtre un justiciable comme les autres. Aujourd'hui lâge, la fragilité, fait que les conditions dans lesquelles ce procès pourrait se dérouler seraient modifiées par cette fragilité. Faire en sorte que le procès ait lieu mais en même temps que lefficacité, la pertinence de son expression, la nécessité de retrouver dans sa mémoire des éléments, des dates, puissent être garanties est quelque chose dimportant. Cest vrai pour lui, comme cest vrai pour tous nos compatriotes.
FREDERIC RIVIÈRE Mais si le procès avait lieu, vous pouvez concevoir quon condamne un homme vulnérable et fragile, sil devait être condamné ?
MARIE-ANNE MONTCHAMP La question nest pas de savoir comment apprécier une situation qui par ailleurs sest déroulée bien des années auparavant et pour laquelle une décision de justice peut être prise. La question là qui se pose aujourd'hui, cest de savoir si lui-même pourrait à titre personnel évoquer des faits qui sont anciens et pour lesquels il faut que, je dirais, son état de santé, sa solidité personnelle, permettent une expression équitable et juste de ce qui sest passé alors.
FREDERIC RIVIÈRE Et le médecin, sur ce point-là, répond non ; donc il ne faut pas le juger.
MARIE-ANNE MONTCHAMP Il y a deux sujets différents : il y a le procès et il y a la participation de la personne à son procès. Il arrive assez fréquemment que quand une personne est fragilisée par la maladie, elle ne soit pas physiquement présente. Voilà, et cest ce cas qui est en train dêtre aujourd'hui débattu concernant le président CHIRAC à qui naturellement je souhaite la meilleure santé possible.
FREDERIC RIVIÈRE On a assisté, Marie-Anne MONTCHAMP, ces derniers jours à un conflit ouvert entre Nicolas SARKOZY et Jean-Pierre RAFFARIN sur la question qui pourrait dailleurs paraître un peu anecdotique mais enfin, cétait là-dessus que ça portait, la question de la fiscalité des parcs à thèmes. Le président de la République avait traité jeudi matin lancien Premier ministre d« irresponsable » parce quil sopposait à cette mesure ; finalement cest Nicolas SARKOZY qui a cédé en renonçant à cette idée-là. Est-ce que Nicolas SARKOZY nest plus le patron de la majorité aujourd'hui ?
MARIE-ANNE MONTCHAMP [rires] Je crois que ça nest pas tout à fait la morale quon peut tirer de cet incident. Il y a plusieurs sujets dans cet épisode. Le premier qui est certain, cest que nous devons retrouver la soutenabilité de nos finances publiques et que nous devons être capables de dégager un milliard de réductions de déficits cette année et onze milliards lannée prochaine, tout ça parce que ce sont nos équilibres macro-économiques qui en dépendent et ça, ça nest pas négociable. Ce qui est négociable en revanche, ce sont les mesures qui permettent dy parvenir. La mesure parcs à thèmes, une mesure à 90 millions deuros ça nest pas rien mais en même temps ça nest pas le coeur du dispositif ; eh bien cest naturellement une mesure qui est discutable, négociable. Les parlementaires lont fait et cest un sujet qui peut être ouvert. Alors ensuite, vous savez, les relations entre des personnalités politiques aussi fortes ne sont pas toujours totalement linéaires et il arrive que sous le feu de, comment dirais-je ?, de la conviction, eh bien les paroles puissent être un peu plus rudes. Les hommes se sont parlé, les sujets sont traités et moi jai entendu les discours de Jean-Pierre RAFFARIN tout au long de ce campus de lUMP à Marseille : je peux vous dire que Jean-Pierre RAFFARIN est toujours très présent, très actif dans la famille. Une petite tempête dans un petit verre deau.
FREDERIC RIVIÈRE Oui. Nempêche que lUMP a donné limage dune certaine division ce week-end. Vous lavez regretté, ça ?
MARIE-ANNE MONTCHAMP Oh écoutez, je vais vous dire. Vous savez, si les divisions ne tiennent quà une demi-journée de bouderie qui se termine par un grand sourire
FREDERIC RIVIÈRE Cétait vif, quand même. Cétait vif.
MARIE-ANNE MONTCHAMP Oui, vous savez, mais il arrive que ce soit vif et cest assez normal. Ce sont là quand même des hommes et femmes de tempérament. Nous avons lhabitude de ne pas passer par quatre chemins pour dire ce que nous avons à nous dire et nous étions dans notre famille politique, rien de bien dangereux, rien de bien risqué mais je le disais, quand ça se termine en lespace dune demi-journée, je pense quon ne peut pas tout à fait conclure à la discorde. En tout cas, à Marseille lunité était au rendez-vous et surtout la bonne humeur.
FREDERIC RIVIÈRE Cest toujours limage quon prend : cest une grande famille, donc normal que dans une famille il y ait des conflits. Il y a aussi des familles où on se fait la gueule tout le temps et on se déteste en permanence et où on ne se voit quaux enterrements.
MARIE-ANNE MONTCHAMP Oui, jen connais, à gauche en particulier. Alors là, aux enterrements : je ne veux pas souhaiter de mal à personne mais on a effectivement dans la classe politique française aujourd'hui des exemples déquations personnelles très difficiles à résoudre.
FREDERIC RIVIÈRE Le plan de rigueur dont on parle a sans doute eu en tout cas en partie raison dun autre plan qui vous tenait très à coeur celui-là : la réforme de la dépendance. Est-ce que vous nêtes pas trop amère ?
MARIE-ANNE MONTCHAMP Mais pas le moins du monde. Vous savez, la réforme de la dépendance, cétait deux axes de réforme extrêmement structurants. Dabord, envisager lévolution profonde de notre système par une réforme de la gouvernance de ce système et par linstallation de la cinquième protection voulue par le président de la République. Cest toujours dactualité, Frédéric RIVIÈRE, et nous allons conduire cette réforme.
FREDERIC RIVIÈRE Mais ça a tout de même été repoussé.
MARIE-ANNE MONTCHAMP Non pas. Ce qui a été repoussé, cétait lidée de rajouter dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale des mesures supplémentaires pour renflouer le système existant alors que ce système existant, il est contestable. Jai fait partie de ceux qui effectivement ont considéré quil nétait pas de bonne pratique dans la période de tension budgétaire qui est la nôtre de rajouter au poids alors même que le système que nous connaissons nest pas optimum aujourd'hui. Trop de personnes âgées sont à lhôpital pour des coûts exorbitants. Elles y sont mal, elles y restent plus longtemps que les gens moins âgés et il faut absolument réformer ce système. Cest la raison pour laquelle lordre des facteurs ces réforme dabord, et ensuite nous regarderons comment accompagner lexistant. Mais je veux rappeler tout de même que dans le projet de loi de financement de la sécu, nous ne nous désengagerons pas sur laccompagnement des personnes âgées. Il y aura des créations de places, de la médicalisation comme dhabitude.
FREDERIC RIVIÈRE Mais quest-ce que vous pensez des pistes évoquées par Bruno LE MAIRE, ministre de lAgriculture et chargé du programme pour 2012 ? La fiscalisation des allocations familiales ou encore la réforme de lindemnisation chômage quil trouve trop généreuse ?
MARIE-ANNE MONTCHAMP Moi si vous voulez ce que je pense, cest quau-delà évidemment de lintérêt de ce cadrage qua proposé Bruno LE MAIRE, il faut maintenant nous engager vers des réformes très structurelles. Cest vrai sur la question de la politique familiale : nous avons une politique familiale tournée vers, je dirais, laccompagnement de la naissance et de léducation de lenfant ; il faut maintenant développer des axes complémentaires sur la solidarité et les solidarités intrafamiliales. Cest le même sujet que pour la dépendance. Nous avons du fait de la pression de notre situation financière, vraie en France, vraie partout en Europe, dans les économies occidentales la nécessité dinclure plus profondément des réformes et de les porter comme des éléments de comparaison sur la scène internationale. La protection des Français passe par une France forte ; forte évidemment sur le plan géopolitique, mais forte aussi de ses nouveaux équilibres économiques.
FREDERIC RIVIÈRE Il ne serait pas plus juste de soumettre les allocations familiales à conditions de ressources plutôt que de les fiscaliser ?
MARIE-ANNE MONTCHAMP Toutes ces idées, je le sais, font débat aujourd'hui. Nous avons une tradition française qui consiste à dire que quand lenfant naît dans une famille, nous devons accompagner cette famille parce que cest un acte
FREDERIC RIVIÈRE Oui mais enfin, quand cest une famille aisée, elle nen a pas besoin.
MARIE-ANNE MONTCHAMP Cest un soutien, cest un acte volontariste pour encourager une politique familiale qui aujourd'hui a porté ses fruits. Cela ne résume pas les efforts que nous devons faire dans la politique familiale et personnellement, je prône pour quun deuxième volet des politiques familiales tourné vers la solidarité pour toutes les formes de familles les plus contemporaines puisse effectivement être mis en oeuvre et ça, ça doit être présent dans le projet pour 2012.
FREDERIC RIVIÈRE Merci Marie-Anne MONTCHAMP. Bonne journée.
MARIE-ANNE MONTCHAMP Merci à vous.
Source : Premier ministre, Service dInformation du Gouvernement, le 12 septembre 2011