Interview de Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'Etat aux solidarités et à la cohésion sociale à RFI le 5 septembre 2011, sur le procès de Jacques Chirac et le climat politique.

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Média : Radio France Internationale

Texte intégral


 
 
 
FREDERIC RIVIÈRE Bonjour Marie-Anne MONTCHAMP.
 
MARIE-ANNE MONTCHAMP Bonjour Frédéric RIVIÈRE.
 
FREDERIC RIVIÈRE Jacques CHIRAC n’assistera pas à son procès qui s’ouvre aujourd'hui puisque selon un rapport médical, son état de santé ne lui permet pas. Est-ce que le procès de Jacques CHIRAC doit se tenir sans lui ?
 
MARIE-ANNE MONTCHAMP Je crois que cela à toujours été la volonté de Jacques CHIRAC d’être un justiciable comme les autres. Aujourd'hui l’âge, la fragilité, fait que les conditions dans lesquelles ce procès pourrait se dérouler seraient modifiées par cette fragilité. Faire en sorte que le procès ait lieu mais en même temps que l’efficacité, la pertinence de son expression, la nécessité de retrouver dans sa mémoire des éléments, des dates, puissent être garanties est quelque chose d’important. C’est vrai pour lui, comme c’est vrai pour tous nos compatriotes.
 
FREDERIC RIVIÈRE Mais si le procès avait lieu, vous pouvez concevoir qu’on condamne un homme vulnérable et fragile, s’il devait être condamné ?
 
MARIE-ANNE MONTCHAMP La question n’est pas de savoir comment apprécier une situation qui par ailleurs s’est déroulée bien des années auparavant et pour laquelle une décision de justice peut être prise. La question là qui se pose aujourd'hui, c’est de savoir si lui-même pourrait à titre personnel évoquer des faits qui sont anciens et pour lesquels il faut que, je dirais, son état de santé, sa solidité personnelle, permettent une expression équitable et juste de ce qui s’est passé alors.
 
FREDERIC RIVIÈRE Et le médecin, sur ce point-là, répond non ; donc il ne faut pas le juger.
 
MARIE-ANNE MONTCHAMP Il y a deux sujets différents : il y a le procès et il y a la participation de la personne à son procès. Il arrive assez fréquemment que quand une personne est fragilisée par la maladie, elle ne soit pas physiquement présente. Voilà, et c’est ce cas qui est en train d’être aujourd'hui débattu concernant le président CHIRAC à qui naturellement je souhaite la meilleure santé possible.
 
FREDERIC RIVIÈRE On a assisté, Marie-Anne MONTCHAMP, ces derniers jours à un conflit ouvert entre Nicolas SARKOZY et Jean-Pierre RAFFARIN sur la question qui pourrait d’ailleurs paraître un peu anecdotique mais enfin, c’était là-dessus que ça portait, la question de la fiscalité des parcs à thèmes. Le président de la République avait traité jeudi matin l’ancien Premier ministre d’« irresponsable » parce qu’il s’opposait à cette mesure ; finalement c’est Nicolas SARKOZY qui a cédé en renonçant à cette idée-là. Est-ce que Nicolas SARKOZY n’est plus le patron de la majorité aujourd'hui ?
 
MARIE-ANNE MONTCHAMP [rires] Je crois que ça n’est pas tout à fait la morale qu’on peut tirer de cet incident. Il y a plusieurs sujets dans cet épisode. Le premier qui est certain, c’est que nous devons retrouver la soutenabilité de nos finances publiques et que nous devons être capables de dégager un milliard de réductions de déficits cette année et onze milliards l’année prochaine, tout ça parce que ce sont nos équilibres macro-économiques qui en dépendent et ça, ça n’est pas négociable. Ce qui est négociable en revanche, ce sont les mesures qui permettent d’y parvenir. La mesure parcs à thèmes, une mesure à 90 millions d’euros ça n’est pas rien mais en même temps ça n’est pas le coeur du dispositif ; eh bien c’est naturellement une mesure qui est discutable, négociable. Les parlementaires l’ont fait et c’est un sujet qui peut être ouvert. Alors ensuite, vous savez, les relations entre des personnalités politiques aussi fortes ne sont pas toujours totalement linéaires et il arrive que sous le feu de, comment dirais-je ?, de la conviction, eh bien les paroles puissent être un peu plus rudes. Les hommes se sont parlé, les sujets sont traités et moi j’ai entendu les discours de Jean-Pierre RAFFARIN tout au long de ce campus de l’UMP à Marseille : je peux vous dire que Jean-Pierre RAFFARIN est toujours très présent, très actif dans la famille. Une petite tempête dans un petit verre d’eau.
 
FREDERIC RIVIÈRE Oui. N’empêche que l’UMP a donné l’image d’une certaine division ce week-end. Vous l’avez regretté, ça ?
 
MARIE-ANNE MONTCHAMP Oh écoutez, je vais vous dire. Vous savez, si les divisions ne tiennent qu’à une demi-journée de bouderie qui se termine par un grand sourire…
 
FREDERIC RIVIÈRE C’était vif, quand même. C’était vif.
 
MARIE-ANNE MONTCHAMP Oui, vous savez, mais il arrive que ce soit vif et c’est assez normal. Ce sont là quand même des hommes et femmes de tempérament. Nous avons l’habitude de ne pas passer par quatre chemins pour dire ce que nous avons à nous dire et nous étions dans notre famille politique, rien de bien dangereux, rien de bien risqué mais je le disais, quand ça se termine en l’espace d’une demi-journée, je pense qu’on ne peut pas tout à fait conclure à la discorde. En tout cas, à Marseille l’unité était au rendez-vous et surtout la bonne humeur.
 
FREDERIC RIVIÈRE C’est toujours l’image qu’on prend : c’est une grande famille, donc normal que dans une famille il y ait des conflits. Il y a aussi des familles où on se fait la gueule tout le temps et on se déteste en permanence et où on ne se voit qu’aux enterrements.
 
MARIE-ANNE MONTCHAMP Oui, j’en connais, à gauche en particulier. Alors là, aux enterrements : je ne veux pas souhaiter de mal à personne mais on a effectivement dans la classe politique française aujourd'hui des exemples d’équations personnelles très difficiles à résoudre.
 
FREDERIC RIVIÈRE Le plan de rigueur dont on parle a sans doute eu en tout cas en partie raison d’un autre plan qui vous tenait très à coeur celui-là : la réforme de la dépendance. Est-ce que vous n’êtes pas trop amère ?
 
MARIE-ANNE MONTCHAMP Mais pas le moins du monde. Vous savez, la réforme de la dépendance, c’était deux axes de réforme extrêmement structurants. D’abord, envisager l’évolution profonde de notre système par une réforme de la gouvernance de ce système et par l’installation de la cinquième protection voulue par le président de la République. C’est toujours d’actualité, Frédéric RIVIÈRE, et nous allons conduire cette réforme.
 
FREDERIC RIVIÈRE Mais ça a tout de même été repoussé.
 
MARIE-ANNE MONTCHAMP Non pas. Ce qui a été repoussé, c’était l’idée de rajouter dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale des mesures supplémentaires pour renflouer le système existant alors que ce système existant, il est contestable. J’ai fait partie de ceux qui effectivement ont considéré qu’il n’était pas de bonne pratique dans la période de tension budgétaire qui est la nôtre de rajouter au poids alors même que le système que nous connaissons n’est pas optimum aujourd'hui. Trop de personnes âgées sont à l’hôpital pour des coûts exorbitants. Elles y sont mal, elles y restent plus longtemps que les gens moins âgés et il faut absolument réformer ce système. C’est la raison pour laquelle l’ordre des facteurs c’es réforme d’abord, et ensuite nous regarderons comment accompagner l’existant. Mais je veux rappeler tout de même que dans le projet de loi de financement de la sécu, nous ne nous désengagerons pas sur l’accompagnement des personnes âgées. Il y aura des créations de places, de la médicalisation comme d’habitude.
 
FREDERIC RIVIÈRE Mais qu’est-ce que vous pensez des pistes évoquées par Bruno LE MAIRE, ministre de l’Agriculture et chargé du programme pour 2012 ? La fiscalisation des allocations familiales ou encore la réforme de l’indemnisation chômage qu’il trouve trop généreuse ?
 
MARIE-ANNE MONTCHAMP Moi si vous voulez ce que je pense, c’est qu’au-delà évidemment de l’intérêt de ce cadrage qu’a proposé Bruno LE MAIRE, il faut maintenant nous engager vers des réformes très structurelles. C’est vrai sur la question de la politique familiale : nous avons une politique familiale tournée vers, je dirais, l’accompagnement de la naissance et de l’éducation de l’enfant ; il faut maintenant développer des axes complémentaires sur la solidarité et les solidarités intrafamiliales. C’est le même sujet que pour la dépendance. Nous avons du fait de la pression de notre situation financière, vraie en France, vraie partout en Europe, dans les économies occidentales la nécessité d’inclure plus profondément des réformes et de les porter comme des éléments de comparaison sur la scène internationale. La protection des Français passe par une France forte ; forte évidemment sur le plan géopolitique, mais forte aussi de ses nouveaux équilibres économiques.
 
FREDERIC RIVIÈRE Il ne serait pas plus juste de soumettre les allocations familiales à conditions de ressources plutôt que de les fiscaliser ?
 
MARIE-ANNE MONTCHAMP Toutes ces idées, je le sais, font débat aujourd'hui. Nous avons une tradition française qui consiste à dire que quand l’enfant naît dans une famille, nous devons accompagner cette famille parce que c’est un acte…
 
FREDERIC RIVIÈRE Oui mais enfin, quand c’est une famille aisée, elle n’en a pas besoin.
 
MARIE-ANNE MONTCHAMP C’est un soutien, c’est un acte volontariste pour encourager une politique familiale qui aujourd'hui a porté ses fruits. Cela ne résume pas les efforts que nous devons faire dans la politique familiale et personnellement, je prône pour qu’un deuxième volet des politiques familiales tourné vers la solidarité pour toutes les formes de familles les plus contemporaines puisse effectivement être mis en oeuvre et ça, ça doit être présent dans le projet pour 2012.
 
FREDERIC RIVIÈRE Merci Marie-Anne MONTCHAMP. Bonne journée.
 
MARIE-ANNE MONTCHAMP Merci à vous.
 Source : Premier ministre, Service d’Information du Gouvernement, le 12 septembre 2011