Déclaration de Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'Etat aux solidarités et à la cohésion sociale, sur la dépendance des personnes âgées et l'accueil et la contribution des familles aux soins médicaux des personnes âgées dépendantes, Vitré le 27 mai 2011.

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Circonstance : Congrès de l'ANCCAS à Vitré le 27 mai 2011

Texte intégral


Je suis très heureuse d’être présente aujourd’hui à Vitré en cette dernière journée de votre congrès. Il constitue pour moi un petit intermède dans le tour de France que j’ai engagé il y a un mois dans le cadre du grand débat sur la dépendance voulu par le Président de la République.
Si j’évoque ce chantier, c’est non seulement parce qu’il m’a conduit à venir en Bretagne il y a peu de temps, à la rencontre d’un certain nombre d’entre vous sans doute, le 22 avril dernier à Dinan. Mais aussi, et ce n’est pas sans lien, parce que les perspectives qui se dessinent, à travers ces débat, pour l’accompagnement des personnes âgées dépendantes intéressent les centres communaux d’action sociale, et leurs cadres.
Le programme de votre congrès le pointe à juste titre.
Je sais donc l’occasion que vous m’offrez pour vous livrer les convictions fortes que je me suis forgé à ce stade de nos réflexions. Je me les suis forgé à travers la participation aux débats, à travers les nombreuses auditions auxquelles Roselyne Bachelot et moi-même nous sommes livrées - et qui nous ont d’ailleurs conduit à rencontrer utilement l’UNCCAS -, ainsi que grâce aux premiers résultats des travaux nationaux.
Elles vous intéresseront, j’en suis sûre, car j’y vois une place renforcée pour les acteurs de l’action sociale de proximité, jusqu’au niveau communal et intercommunal.
1/ Ma première conviction est que les enjeux du chantier voulu par le Président de la République ne se limitent pas à la recherche d’une réponse financière de court terme.
Alors que notre pays a mis en place un dispositif d’accompagnement de la dépendance qui mobilise d’ores et déjà 25 milliards d’euros de financements publics.
Certes, les différents acteurs impliqués dans l’accompagnement de nos aînés soulignent les difficultés financières qu’ils rencontrent :
- les conseils généraux, qui financent l’allocation personnalisée d’autonomie, font face à des dépenses toujours croissantes ;
- les professionnels médico-sociaux signalent les besoins de renforcement de moyens dans les établissements médico-sociaux pour faire face à l’évolution de la population accueillie en EHPAD, plus âgée à l’entrée, plus dépendante ;
- les services à domicile alertent sur leur situation financière difficile ;
- les personnes concernées elles mêmes et leurs familles subissent un reste-à-charge de plus en plus important, que ce soit en établissement dont le coût s’approche en moyenne de 1500€- et largement plus en zone urbaine - ou à domicile.
Le défi démographique ne fait que renforcer l’urgence à agir et invite à trouver des financements supplémentaires, alors que ceux-ci se sont accrus très rapidement dans les dix dernières années.
[Les dépenses de l’assurance maladie dédiées au financement des établissements et services médico-sociaux se sont ainsi accrues de plus de 3,3 milliards d’euros entre 2006 et 2009, soit près de 70%. Les dépenses d’APA ont été multipliées par 2,8 entre 2002 et 2010.]
Le chantier ouvert en début d’année vise ainsi bien entendu à répondre aux difficultés actuelles. Dès l’automne, le Gouvernement apportera des réponses sur ces points, notamment à la question des reste-à-charge et des services à domicile.
Toutefois, nous avons également à construire la réponse qui sera apportée en 2030-2030 aux personnes âgées en perte d’autonomie et leurs familles, lorsque notre pays sera au pic de son vieillissement.
Or, cette réponse ne pourra être que différente. Non seulement la société s’interroge déjà sur le modèle social en vigueur, sa pertinence et son efficacité, mais en plus les personnes âgées dans 20 ans ne seront plus les mêmes. Les modes d’accompagnement vont devoir évoluer, s’adapter.
Cette deuxième dimension de la réflexion collective, c’est donc la dimension de moyen-long terme, une dimension consacrée à l’évolution de l’offre d’accompagnement, qui retraduise nos choix de société sur la place des personnes âgées.
2/ Ma deuxième conviction est que pour apporter une réponse adaptée aux attentes de nos concitoyens, nous devons rééquilibrer notre investissement collectif en amont de la dépendance très lourde.
Je suis très marquée par le fait que les références plus ou moins implicites qui persistent en filigrane de notre modèle d’accompagnement sont très médicales.
Certes, il était nécessaire de faire face à la dépendance très lourde, souvent liées à l’avancée aux grands âges, et qui créent des situations de polypathologie très lourdes. Les mouvements de médicalisation des établissements pour personnes âgées engagés il y a plus d’une dizaine d’années ont cherché à y répondre.
Mais je crois que poursuivre dans cette unique voie, ce serait renoncer à mettre en place une véritable démarche de prévention et par conséquent renoncer à infléchir les perspectives démographiques et épidémiologiques de la dépendance. Or, nous le pouvons !
Le nouveau modèle que nous avons à construire pour faire toutes leurs places aux personnes âgées dans la société française doit répondre avant tout à des logiques de prévention de la dépendance et de participation sociale des personnes âgées.
3/ Ma troisième conviction, elle vous concerne directement. La prévention que j’appelle de mes voeux repose sur une approche large, ancrée dans les territoires.
Pour prévenir les incapacités et la perte d’autonomie consécutifs à certaines formes de vieillissement, l’ensemble des dispositifs de santé publique sont nécessaires, bien sûr. Il en est souvent question : l’alimentation, l’exercice sont des facteurs essentiels de maintien de l’autonomie…
Mais la prévention de la dépendance doit mobiliser bien au-delà. Cela passe par l’intégration de la dimension du vieillissement dans toutes nos politiques : politiques locales de solidarité, politiques d’aménagement, politiques familiales… Car, comme cela été souligné : si la dépendance est liée à des pathologies fréquentes chez les personnes âgées, le risque s’accroît dans des situations de fragilité sociale.
Le rôle des villes et des agglomérations est essentiel : les politiques d’accessibilité ou de cohésion sociale permettent de lutter contre l’isolement, l’immobilité, la désinsertion sociale, facteurs de fragilité des personnes âgées.
La participation sociale est au coeur de la politique de prévention : elle doit fonder nos réponses d’accompagnement de la perte d’autonomie.
Face à l’accroissement de la dépendance, nous avons opposé des solutions répondant point pour point aux questions posées : soins médicaux, sécurité.
N’y a-t-il pas urgence à proposer un modèle qui s’appuie sur les capacités restantes de la personne, sur son projet de vie pour favoriser le maintien ou la restauration de l’autonomie ?
J’ai la conviction qu’en proposant à nos compatriotes des solutions qui répondent à leur besoin de sécurité dès qu’il se fait sentir et à leur volonté de conserver les liens sociaux jusqu’au bout, nous nous viendrons prévenir le phénomène, en mettant fin aux phénomènes de glissement notamment.
Qu’il s’agisse de définir les formes nouvelles de la place qu’ont occupées les foyers-logement que vous connaissez bien ou d’imaginer comment l’ensemble des interventions qui favorisent le maintien au domicile peuvent être coordonnées, l’essentiel est de s’intéresser aux besoins de nos compatriotes âgés, qui sans être lourdement dépendants, demandent une certaine adaptation de leur lieu de vie. Ces solutions intermédiaires ont pour objectif le maintien de la participation sociale, et pour préoccupation principale la qualité de vie des personnes.
Les soins médicaux devront bien entendu trouver leur place dans le système ; mais n’oublions pas que ces soins ne sons pas la fin. Ils sont au service de la vie, dont chacun doit pouvoir goûter la qualité jusqu’au bout.
4/ Quatrième conviction l’évolution de notre modèle détient en lui-même une partie des réponses aux questions de financement.
L’intégration de la question du vieillissement dans toutes nos politiques doit permettre à notre société de faire face à moindre coût au défi démographique qui est devant elle.
Parce que ces solutions participent à l’effort de prévention par le développement du lien social et la participation sociale, dont on sait à quel point ils préviennent la fragilité.
Parce qu’elle prescrit sans doute des solutions moins coûteuses.
Sans rentrer davantage dans ces considérations, je pressens qu’avec un peu d’imagination, il nous est possible de dessiner un modèle de moyen terme qui soit plus efficace du point de vue du système global dans son ensemble, mais vienne également soulager l’économie de notre système de soins qui est aujourd’hui mis à contribution de manière bien souvent inefficiente, en particulier à travers un recours trop important à l’hospitalisation pour les personnes âgées.
Mesdames et Messieurs,
Avec la réforme des retraites, avec l’attention portée à la question de l’égalité hommes femmes, avec le chantier ouvert sur la dépendance, notre pays se sera mis en condition de relever les défis liés à l’évolution des équilibres sociaux et démographiques. Les villes, les CCAS, observateurs de premier plan de ces questions, ont un rôle majeur à y jouer pour y répondre.
Source http://anccas.free.fr, le 29 septembre 2011