Texte intégral
Je suis très heureuse dêtre présente aujourdhui à Vitré en cette dernière journée de votre congrès. Il constitue pour moi un petit intermède dans le tour de France que jai engagé il y a un mois dans le cadre du grand débat sur la dépendance voulu par le Président de la République.
Si jévoque ce chantier, cest non seulement parce quil ma conduit à venir en Bretagne il y a peu de temps, à la rencontre dun certain nombre dentre vous sans doute, le 22 avril dernier à Dinan. Mais aussi, et ce nest pas sans lien, parce que les perspectives qui se dessinent, à travers ces débat, pour laccompagnement des personnes âgées dépendantes intéressent les centres communaux daction sociale, et leurs cadres.
Le programme de votre congrès le pointe à juste titre.
Je sais donc loccasion que vous moffrez pour vous livrer les convictions fortes que je me suis forgé à ce stade de nos réflexions. Je me les suis forgé à travers la participation aux débats, à travers les nombreuses auditions auxquelles Roselyne Bachelot et moi-même nous sommes livrées - et qui nous ont dailleurs conduit à rencontrer utilement lUNCCAS -, ainsi que grâce aux premiers résultats des travaux nationaux.
Elles vous intéresseront, jen suis sûre, car jy vois une place renforcée pour les acteurs de laction sociale de proximité, jusquau niveau communal et intercommunal.
1/ Ma première conviction est que les enjeux du chantier voulu par le Président de la République ne se limitent pas à la recherche dune réponse financière de court terme.
Alors que notre pays a mis en place un dispositif daccompagnement de la dépendance qui mobilise dores et déjà 25 milliards deuros de financements publics.
Certes, les différents acteurs impliqués dans laccompagnement de nos aînés soulignent les difficultés financières quils rencontrent :
- les conseils généraux, qui financent lallocation personnalisée dautonomie, font face à des dépenses toujours croissantes ;
- les professionnels médico-sociaux signalent les besoins de renforcement de moyens dans les établissements médico-sociaux pour faire face à lévolution de la population accueillie en EHPAD, plus âgée à lentrée, plus dépendante ;
- les services à domicile alertent sur leur situation financière difficile ;
- les personnes concernées elles mêmes et leurs familles subissent un reste-à-charge de plus en plus important, que ce soit en établissement dont le coût sapproche en moyenne de 1500- et largement plus en zone urbaine - ou à domicile.
Le défi démographique ne fait que renforcer lurgence à agir et invite à trouver des financements supplémentaires, alors que ceux-ci se sont accrus très rapidement dans les dix dernières années.
[Les dépenses de lassurance maladie dédiées au financement des établissements et services médico-sociaux se sont ainsi accrues de plus de 3,3 milliards deuros entre 2006 et 2009, soit près de 70%. Les dépenses dAPA ont été multipliées par 2,8 entre 2002 et 2010.]
Le chantier ouvert en début dannée vise ainsi bien entendu à répondre aux difficultés actuelles. Dès lautomne, le Gouvernement apportera des réponses sur ces points, notamment à la question des reste-à-charge et des services à domicile.
Toutefois, nous avons également à construire la réponse qui sera apportée en 2030-2030 aux personnes âgées en perte dautonomie et leurs familles, lorsque notre pays sera au pic de son vieillissement.
Or, cette réponse ne pourra être que différente. Non seulement la société sinterroge déjà sur le modèle social en vigueur, sa pertinence et son efficacité, mais en plus les personnes âgées dans 20 ans ne seront plus les mêmes. Les modes daccompagnement vont devoir évoluer, sadapter.
Cette deuxième dimension de la réflexion collective, cest donc la dimension de moyen-long terme, une dimension consacrée à lévolution de loffre daccompagnement, qui retraduise nos choix de société sur la place des personnes âgées.
2/ Ma deuxième conviction est que pour apporter une réponse adaptée aux attentes de nos concitoyens, nous devons rééquilibrer notre investissement collectif en amont de la dépendance très lourde.
Je suis très marquée par le fait que les références plus ou moins implicites qui persistent en filigrane de notre modèle daccompagnement sont très médicales.
Certes, il était nécessaire de faire face à la dépendance très lourde, souvent liées à lavancée aux grands âges, et qui créent des situations de polypathologie très lourdes. Les mouvements de médicalisation des établissements pour personnes âgées engagés il y a plus dune dizaine dannées ont cherché à y répondre.
Mais je crois que poursuivre dans cette unique voie, ce serait renoncer à mettre en place une véritable démarche de prévention et par conséquent renoncer à infléchir les perspectives démographiques et épidémiologiques de la dépendance. Or, nous le pouvons !
Le nouveau modèle que nous avons à construire pour faire toutes leurs places aux personnes âgées dans la société française doit répondre avant tout à des logiques de prévention de la dépendance et de participation sociale des personnes âgées.
3/ Ma troisième conviction, elle vous concerne directement. La prévention que jappelle de mes voeux repose sur une approche large, ancrée dans les territoires.
Pour prévenir les incapacités et la perte dautonomie consécutifs à certaines formes de vieillissement, lensemble des dispositifs de santé publique sont nécessaires, bien sûr. Il en est souvent question : lalimentation, lexercice sont des facteurs essentiels de maintien de lautonomie
Mais la prévention de la dépendance doit mobiliser bien au-delà. Cela passe par lintégration de la dimension du vieillissement dans toutes nos politiques : politiques locales de solidarité, politiques daménagement, politiques familiales Car, comme cela été souligné : si la dépendance est liée à des pathologies fréquentes chez les personnes âgées, le risque saccroît dans des situations de fragilité sociale.
Le rôle des villes et des agglomérations est essentiel : les politiques daccessibilité ou de cohésion sociale permettent de lutter contre lisolement, limmobilité, la désinsertion sociale, facteurs de fragilité des personnes âgées.
La participation sociale est au coeur de la politique de prévention : elle doit fonder nos réponses daccompagnement de la perte dautonomie.
Face à laccroissement de la dépendance, nous avons opposé des solutions répondant point pour point aux questions posées : soins médicaux, sécurité.
Ny a-t-il pas urgence à proposer un modèle qui sappuie sur les capacités restantes de la personne, sur son projet de vie pour favoriser le maintien ou la restauration de lautonomie ?
Jai la conviction quen proposant à nos compatriotes des solutions qui répondent à leur besoin de sécurité dès quil se fait sentir et à leur volonté de conserver les liens sociaux jusquau bout, nous nous viendrons prévenir le phénomène, en mettant fin aux phénomènes de glissement notamment.
Quil sagisse de définir les formes nouvelles de la place quont occupées les foyers-logement que vous connaissez bien ou dimaginer comment lensemble des interventions qui favorisent le maintien au domicile peuvent être coordonnées, lessentiel est de sintéresser aux besoins de nos compatriotes âgés, qui sans être lourdement dépendants, demandent une certaine adaptation de leur lieu de vie. Ces solutions intermédiaires ont pour objectif le maintien de la participation sociale, et pour préoccupation principale la qualité de vie des personnes.
Les soins médicaux devront bien entendu trouver leur place dans le système ; mais noublions pas que ces soins ne sons pas la fin. Ils sont au service de la vie, dont chacun doit pouvoir goûter la qualité jusquau bout.
4/ Quatrième conviction lévolution de notre modèle détient en lui-même une partie des réponses aux questions de financement.
Lintégration de la question du vieillissement dans toutes nos politiques doit permettre à notre société de faire face à moindre coût au défi démographique qui est devant elle.
Parce que ces solutions participent à leffort de prévention par le développement du lien social et la participation sociale, dont on sait à quel point ils préviennent la fragilité.
Parce quelle prescrit sans doute des solutions moins coûteuses.
Sans rentrer davantage dans ces considérations, je pressens quavec un peu dimagination, il nous est possible de dessiner un modèle de moyen terme qui soit plus efficace du point de vue du système global dans son ensemble, mais vienne également soulager léconomie de notre système de soins qui est aujourdhui mis à contribution de manière bien souvent inefficiente, en particulier à travers un recours trop important à lhospitalisation pour les personnes âgées.
Mesdames et Messieurs,
Avec la réforme des retraites, avec lattention portée à la question de légalité hommes femmes, avec le chantier ouvert sur la dépendance, notre pays se sera mis en condition de relever les défis liés à lévolution des équilibres sociaux et démographiques. Les villes, les CCAS, observateurs de premier plan de ces questions, ont un rôle majeur à y jouer pour y répondre.
Source http://anccas.free.fr, le 29 septembre 2011