Texte intégral
Mesdames et Messieurs,
Après deux ans de travaux, menés à bien sans quil y eut besoin de fermer ses portes, le musée dOrsay présentera la semaine prochaine son nouveau visage au public.
Lancé en 1977 par Valéry Giscard dEstaing, inauguré en 1986 par François Mitterrand, il fête cette année un quart de siècle dexistence en écrivant une nouvelle page de son histoire.
Je veux rendre hommage à Guy Cogeval qui a initié et qui a conduit ce grand chantier.
Un chantier qui redessine pratiquement de fond en comble le musée, mise à part la grande nef.
Un chantier qui octroie à ce musée 2000 m2 supplémentaires. Un chantier au terme duquel plus de la moitié des uvres auront été ré-accrochées. Un chantier qui va permettre daméliorer aussi bien laccueil des visiteurs que la mise en valeur des collections et des expositions temporaires.
Cest vrai quil y a longtemps que la nécessité de ces travaux était reconnue.
Linstallation dun musée dans lancienne gare dOrsay avait été une véritable prouesse architecturale. Jévoquais dailleurs à linstant mon premier souvenir du musée dOrsay ; Cétait en 1978, jétais un tout jeune collaborateur du ministre des Transports et le président Giscard dEstaing avait donné des ordres pour que la SNCF finance la mise en place de systèmes pour faire en sorte que le musée ne tremble pas trop sous le passage des métros. Cétait une prouesse architecturale, mais cétait une prouesse architecturale qui avait engendré des contraintes dont il était apparu assez vite quil faudrait y remédier dans un second temps.
Eh bien, cest aujourdhui chose faite.
Le musée dOrsay dispose, enfin, dun espace qui est à la mesure de son succès et qui va lamplifier.
Plus de 3 millions de personnes sy rendent chaque année.
Ce qui veut dire quavec le Louvre, avec Versailles, avec le Centre Pompidou, Orsay fait partie des dix musées les plus visités au monde.
Ce succès démontre toute la pertinence et toute la richesse de la vocation qui lui a été assignée à sa création.
Françoise Cachin, qui a joué un si grand rôle pour en faire triompher lidée, nest malheureusement plus là, mais je suis heureux que parmi les nouveaux espaces que nous inaugurons, une galerie qui porte son nom préserve la mémoire de tout ce quelle a accompli ici.
Si le musée dOrsay est aussi populaire, sil est aussi apprécié des Français, cest parce quil présente des chefs-duvre qui appartiennent à la fois à notre mémoire collective et à lhistoire de lart mondial.
Cest parce que la période à laquelle il se consacre est encore fondatrice de nos goûts, de notre sensibilité, de notre manière de voir le monde.
Cest parce quil témoigne, sur le vif, des grands bouleversements esthétiques qui ont engendré ces mutations, en confrontant devant nos regards les uvres des artistes qui étaient alors célèbres et qui sont devenus obscurs, et celles des artistes qui étaient au même moment dédaignés et que la postérité a finalement reconnu parmi les plus grands.
Et cest, enfin, parce que cette époque qui est celle que Gaétan Picon le grand critique ami de Malraux appelait "la naissance de la peinture moderne" est aussi celle de la naissance de la France moderne, celle dune modernisation technique, économique, politique, à laquelle font écho les révolutions de la perception et de la représentation dont le musée dOrsay recueille le témoignage.
Derrière la lutte entre les académismes et les avant-gardes, entre Bouguereau et Manet, se dessine en filigrane celle qui oppose le Second Empire finissant et les institutions républicaines dont le sens de lhistoire appelait le rétablissement.
Je suis sensible à ces correspondances entre art et politique qui caractérisent le long demi-siècle couvert par le musée dOrsay et que jalonnent lannée 1863 ; année où Napoléon III concède sous la pression lorganisation du salon des Refusés, et lannée 1897 où la IIIe République signe la défaite officielle de lacadémisme en faisant entrer au musée du Luxembourg les uvres des impressionnistes.
La grandeur de ce musée, cest de ne privilégier aucun courant, cest dexposer tous les partis en présence, cest de révéler les antagonismes qui saffrontent dans un contexte où rien nest encore écrit davance.
Cest de laisser percevoir, sous langle de lart, la richesse de toute cette période marquée par un faisceau daspirations nouvelles, mais aussi par des doutes, des hésitations, des continuités puissantes, soutenues par des forces nombreuses.
La grandeur de ce musée, cest de permettre au visiteur de tracer son propre parcours au milieu de toutes les tendances, celles qui regardent du côté de la tradition comme celles qui regardent du côté de linnovation.
Dans les travaux que vous avez conduits et dont nous célébrons la fin, il y a une ambition qui est double : celle de renforcer lévocation de cette époque si riche, et en même temps dutiliser les ressources de larchitecture et du design contemporain, avec Jean-Michel Wilmotte, avec Dominique Brard, avec Tokujin Yoshioka, avec les frères Campana.
Ce qui frappe, dans ce nouvel Orsay, cest évidemment la couleur, la couleur des murs, qui est au cur du projet esthétique de Guy Cogeval.
Elle est là pour redonner chaleur et subtilité à la perception des uvres.
Elle est là pour recréer les atmosphères dans lesquelles les peintures avaient été conçues et contemplées en leur temps.
En évoquant les statues grecques, qui étaient autrefois polychromes et dont les yeux avaient la prunelle peinte en rouge, Malraux disait quelles avaient été "repeintes en blanc par les siècles" et que "le passé presque entier nous est arrivé sans couleur".
Eh bien, ce sont en quelque sorte les couleurs du XIXe siècle que vous avez cherché à raviver, ces couleurs sur lesquelles celles des tableaux gagnent à être replacées. Cest une ambition qui est fidèle à la vocation du musée dOrsay.
Cest une ambition qui tranche avec le dogme de la blancheur des murs qui sest imposé dans les musées du XXe siècle.
Il y a finalement de laudace dans cette entreprise qui illustre le renouvellement permanent qui caractérise le rapport que nous entretenons avec les richesses de notre patrimoine.
Cette inauguration du nouvel Orsay, cest aussi loccasion pour moi de rendre hommage au travail accompli par tous ceux qui travaillent dans les musées de France, quils soient dEtat, quils relèvent des collectivités locales, ou quils soient privés. Parce que la richesse picturale de notre pays nappartient pas seulement à lEtat, elle est préservée et valorisée par tout un réseau dinstitutions et dacteurs qui font de la France un grand pays de culture.
En lespace de dix ans, nos musées se sont considérablement développés, dynamisés, modernisés.
Ils lont fait dabord de leur propre initiative, dans le cadre dune autonomie plus grande, et avec le soutien actif de la puissance publique, dont leffort budgétaire est passé de 335 à 528 millions deuros entre 2000 et 2010.
Sur cette même période, la fréquentation des musées nationaux a augmenté de plus de 50% - un engouement auquel la gratuité pour les moins de 26 ans instaurée à linitiative du président de la République a aussi contribué depuis deux ans.
Les collections se sont enrichies, grâce à la participation financière de lEtat, des collectivités, grâce au renforcement du mécénat, grâce aux dons des collectionneurs privés pour lesquels le prestige et lattrait de nos musées restent forts.
Les prêts, les dépôts et les transferts en direction des musées territoriaux se sont intensifiés.
Le tournant de la numérisation a été engagé, le programme dinvestissements davenir ayant rendu possible, à cet égard, des initiatives concrètes extrêmement ambitieuses.
Des grands chantiers sont en cours, menés par Frédéric Mitterrand : le département des arts de lIslam du Louvre, le renouveau du musée Picasso, le Mucem à Marseille, la Maison de lHistoire de France.
Le Centre Pompidou Metz, qui est déjà un très beau succès, le Centre Pompidou Mobile, qui sinstalle en ce moment à Chaumont, le Louvre Lens, qui ouvrira dans un peu plus dun an, sont des exemples qui illustrent parfaitement lesprit dinnovation qui anime aujourdhui les musées français.
Je sais quOrsay réfléchit à des initiatives du même ordre et nous pouvons souhaiter quil y ait un jour une grande antenne dOrsay hors de Paris, par exemple au Havre comme cela a été évoqué, et peut-être aussi un "Orsay Mobile" qui permette au plus grand nombre de voir les grandes uvres de votre musée.
A travers ces modes daction nouveaux, ce sont des ambitions anciennes qui se perpétuent et qui se réinventent, des ambitions anciennes mais qui sont encore les nôtres parce quelles établissent la valeur et la dignité de notre destin national.
Nous sommes les héritiers de labbé Grégoire qui avait voulu rendre au peuple les témoignages de la grandeur humaine, jusqualors réservés à quelques-uns, dans le secret des cabinets de curiosité.
Les musées sont devenus un enjeu politique en même temps que naissait lidée républicaine. Cest un enjeu qui est toujours actuel, cest un enjeu qui est à reprendre sans cesse, parce que nul ne doit se sentir éloigné ou privé de ce qui est notre patrimoine commun.
A lenjeu de la démocratisation, sajoute celui du rayonnement de notre pays, dont nos musées sont depuis longtemps un axe essentiel.
Et il ny a, de ce point de vue, aucun sens à considérer leur développement comme une manière de se tourner vers le passé et de négliger laction. Tous nos atouts doivent être valorisés. Toutes nos potentialités doivent être déployées.
La culture, le patrimoine sont des domaines daction à part entière sur lesquelles nous devons nous appuyer pour écrire notre avenir. Ils nous donnent des repères, des valeurs, des ressources dans le monde nouveau qui est en train de se dessiner sous nos yeux. Cest un monde où de grandes puissances émergent sur tous les continents. Cest un monde où les positions dominantes des vieilles nations industrialisées vacillent. Cest un monde où la concurrence sannonce de plus en plus rude.
Les équilibres politiques et économiques subissent des bouleversements qui sont présents à lesprit de chacun. Ils font naître des inquiétudes. Ils nous obligent à la lucidité, au courage, à cette capacité aussi de dominer la vitesse de lHistoire.
Tous nos atouts doivent être mobilisés, et tous nos atouts ne sont pas dordre matériel.
Dans ce qui relève de lesprit et des arts, nous avons des ressources qui nous sont enviées et sur lesquelles nous devons miser.
Je crois que lavenir ne se construira quavec la connaissance de ce que notre humanité nous a légué de plus précieux et de plus beau.
Nous vivons une époque où la préservation du passé a dailleurs atteint un degré inédit.
Il y a dabord la paix entre les nations qui a certainement favorisée cette préservation. Il y a aussi le progrès technologique qui a démultiplié les possibilités darchivage, et les musées sont le symbole de cette démultiplication.
On a beaucoup disserté sur la "muséification" de notre vieux pays. Mais en réalité cest un phénomène mondial qui mérite beaucoup mieux quun slogan péjoratif. Parce quil signifie que nous ne voulons pas céder aux forces de la destruction. Parce quil signifie aussi que jamais les civilisations nont autant aspiré à faire dialoguer le meilleur de leurs héritages.
Et si la France est à lavant-garde de ce mouvement, elle ne doit certainement pas sen désoler. Bien au contraire, il y a de la vie, il y a de la générosité et il y a du respect, dans cette ambition. Cest en continuant à saffirmer comme une grande puissance culturelle que notre pays continuera à peser sur le cours du monde. Et cest en continuant de souligner les liens incandescents entre les élans artistiques du passé et les fulgurances du présent que nous pouvons donner à notre univers contemporain sa profondeur.
Alors, en inaugurant avec vous ces nouvelles salles, je veux saluer la part que prend le musée dOrsay à notre rayonnement national. Et jen appelle, Mesdames et Messieurs, devant toutes ces uvres qui nous entourent en silence, à cette étincelle intime qui peut éclairer à jamais le cur de leurs visiteurs.
Source http://www.gouvernement.fr, le 13 octobre 2011
Après deux ans de travaux, menés à bien sans quil y eut besoin de fermer ses portes, le musée dOrsay présentera la semaine prochaine son nouveau visage au public.
Lancé en 1977 par Valéry Giscard dEstaing, inauguré en 1986 par François Mitterrand, il fête cette année un quart de siècle dexistence en écrivant une nouvelle page de son histoire.
Je veux rendre hommage à Guy Cogeval qui a initié et qui a conduit ce grand chantier.
Un chantier qui redessine pratiquement de fond en comble le musée, mise à part la grande nef.
Un chantier qui octroie à ce musée 2000 m2 supplémentaires. Un chantier au terme duquel plus de la moitié des uvres auront été ré-accrochées. Un chantier qui va permettre daméliorer aussi bien laccueil des visiteurs que la mise en valeur des collections et des expositions temporaires.
Cest vrai quil y a longtemps que la nécessité de ces travaux était reconnue.
Linstallation dun musée dans lancienne gare dOrsay avait été une véritable prouesse architecturale. Jévoquais dailleurs à linstant mon premier souvenir du musée dOrsay ; Cétait en 1978, jétais un tout jeune collaborateur du ministre des Transports et le président Giscard dEstaing avait donné des ordres pour que la SNCF finance la mise en place de systèmes pour faire en sorte que le musée ne tremble pas trop sous le passage des métros. Cétait une prouesse architecturale, mais cétait une prouesse architecturale qui avait engendré des contraintes dont il était apparu assez vite quil faudrait y remédier dans un second temps.
Eh bien, cest aujourdhui chose faite.
Le musée dOrsay dispose, enfin, dun espace qui est à la mesure de son succès et qui va lamplifier.
Plus de 3 millions de personnes sy rendent chaque année.
Ce qui veut dire quavec le Louvre, avec Versailles, avec le Centre Pompidou, Orsay fait partie des dix musées les plus visités au monde.
Ce succès démontre toute la pertinence et toute la richesse de la vocation qui lui a été assignée à sa création.
Françoise Cachin, qui a joué un si grand rôle pour en faire triompher lidée, nest malheureusement plus là, mais je suis heureux que parmi les nouveaux espaces que nous inaugurons, une galerie qui porte son nom préserve la mémoire de tout ce quelle a accompli ici.
Si le musée dOrsay est aussi populaire, sil est aussi apprécié des Français, cest parce quil présente des chefs-duvre qui appartiennent à la fois à notre mémoire collective et à lhistoire de lart mondial.
Cest parce que la période à laquelle il se consacre est encore fondatrice de nos goûts, de notre sensibilité, de notre manière de voir le monde.
Cest parce quil témoigne, sur le vif, des grands bouleversements esthétiques qui ont engendré ces mutations, en confrontant devant nos regards les uvres des artistes qui étaient alors célèbres et qui sont devenus obscurs, et celles des artistes qui étaient au même moment dédaignés et que la postérité a finalement reconnu parmi les plus grands.
Et cest, enfin, parce que cette époque qui est celle que Gaétan Picon le grand critique ami de Malraux appelait "la naissance de la peinture moderne" est aussi celle de la naissance de la France moderne, celle dune modernisation technique, économique, politique, à laquelle font écho les révolutions de la perception et de la représentation dont le musée dOrsay recueille le témoignage.
Derrière la lutte entre les académismes et les avant-gardes, entre Bouguereau et Manet, se dessine en filigrane celle qui oppose le Second Empire finissant et les institutions républicaines dont le sens de lhistoire appelait le rétablissement.
Je suis sensible à ces correspondances entre art et politique qui caractérisent le long demi-siècle couvert par le musée dOrsay et que jalonnent lannée 1863 ; année où Napoléon III concède sous la pression lorganisation du salon des Refusés, et lannée 1897 où la IIIe République signe la défaite officielle de lacadémisme en faisant entrer au musée du Luxembourg les uvres des impressionnistes.
La grandeur de ce musée, cest de ne privilégier aucun courant, cest dexposer tous les partis en présence, cest de révéler les antagonismes qui saffrontent dans un contexte où rien nest encore écrit davance.
Cest de laisser percevoir, sous langle de lart, la richesse de toute cette période marquée par un faisceau daspirations nouvelles, mais aussi par des doutes, des hésitations, des continuités puissantes, soutenues par des forces nombreuses.
La grandeur de ce musée, cest de permettre au visiteur de tracer son propre parcours au milieu de toutes les tendances, celles qui regardent du côté de la tradition comme celles qui regardent du côté de linnovation.
Dans les travaux que vous avez conduits et dont nous célébrons la fin, il y a une ambition qui est double : celle de renforcer lévocation de cette époque si riche, et en même temps dutiliser les ressources de larchitecture et du design contemporain, avec Jean-Michel Wilmotte, avec Dominique Brard, avec Tokujin Yoshioka, avec les frères Campana.
Ce qui frappe, dans ce nouvel Orsay, cest évidemment la couleur, la couleur des murs, qui est au cur du projet esthétique de Guy Cogeval.
Elle est là pour redonner chaleur et subtilité à la perception des uvres.
Elle est là pour recréer les atmosphères dans lesquelles les peintures avaient été conçues et contemplées en leur temps.
En évoquant les statues grecques, qui étaient autrefois polychromes et dont les yeux avaient la prunelle peinte en rouge, Malraux disait quelles avaient été "repeintes en blanc par les siècles" et que "le passé presque entier nous est arrivé sans couleur".
Eh bien, ce sont en quelque sorte les couleurs du XIXe siècle que vous avez cherché à raviver, ces couleurs sur lesquelles celles des tableaux gagnent à être replacées. Cest une ambition qui est fidèle à la vocation du musée dOrsay.
Cest une ambition qui tranche avec le dogme de la blancheur des murs qui sest imposé dans les musées du XXe siècle.
Il y a finalement de laudace dans cette entreprise qui illustre le renouvellement permanent qui caractérise le rapport que nous entretenons avec les richesses de notre patrimoine.
Cette inauguration du nouvel Orsay, cest aussi loccasion pour moi de rendre hommage au travail accompli par tous ceux qui travaillent dans les musées de France, quils soient dEtat, quils relèvent des collectivités locales, ou quils soient privés. Parce que la richesse picturale de notre pays nappartient pas seulement à lEtat, elle est préservée et valorisée par tout un réseau dinstitutions et dacteurs qui font de la France un grand pays de culture.
En lespace de dix ans, nos musées se sont considérablement développés, dynamisés, modernisés.
Ils lont fait dabord de leur propre initiative, dans le cadre dune autonomie plus grande, et avec le soutien actif de la puissance publique, dont leffort budgétaire est passé de 335 à 528 millions deuros entre 2000 et 2010.
Sur cette même période, la fréquentation des musées nationaux a augmenté de plus de 50% - un engouement auquel la gratuité pour les moins de 26 ans instaurée à linitiative du président de la République a aussi contribué depuis deux ans.
Les collections se sont enrichies, grâce à la participation financière de lEtat, des collectivités, grâce au renforcement du mécénat, grâce aux dons des collectionneurs privés pour lesquels le prestige et lattrait de nos musées restent forts.
Les prêts, les dépôts et les transferts en direction des musées territoriaux se sont intensifiés.
Le tournant de la numérisation a été engagé, le programme dinvestissements davenir ayant rendu possible, à cet égard, des initiatives concrètes extrêmement ambitieuses.
Des grands chantiers sont en cours, menés par Frédéric Mitterrand : le département des arts de lIslam du Louvre, le renouveau du musée Picasso, le Mucem à Marseille, la Maison de lHistoire de France.
Le Centre Pompidou Metz, qui est déjà un très beau succès, le Centre Pompidou Mobile, qui sinstalle en ce moment à Chaumont, le Louvre Lens, qui ouvrira dans un peu plus dun an, sont des exemples qui illustrent parfaitement lesprit dinnovation qui anime aujourdhui les musées français.
Je sais quOrsay réfléchit à des initiatives du même ordre et nous pouvons souhaiter quil y ait un jour une grande antenne dOrsay hors de Paris, par exemple au Havre comme cela a été évoqué, et peut-être aussi un "Orsay Mobile" qui permette au plus grand nombre de voir les grandes uvres de votre musée.
A travers ces modes daction nouveaux, ce sont des ambitions anciennes qui se perpétuent et qui se réinventent, des ambitions anciennes mais qui sont encore les nôtres parce quelles établissent la valeur et la dignité de notre destin national.
Nous sommes les héritiers de labbé Grégoire qui avait voulu rendre au peuple les témoignages de la grandeur humaine, jusqualors réservés à quelques-uns, dans le secret des cabinets de curiosité.
Les musées sont devenus un enjeu politique en même temps que naissait lidée républicaine. Cest un enjeu qui est toujours actuel, cest un enjeu qui est à reprendre sans cesse, parce que nul ne doit se sentir éloigné ou privé de ce qui est notre patrimoine commun.
A lenjeu de la démocratisation, sajoute celui du rayonnement de notre pays, dont nos musées sont depuis longtemps un axe essentiel.
Et il ny a, de ce point de vue, aucun sens à considérer leur développement comme une manière de se tourner vers le passé et de négliger laction. Tous nos atouts doivent être valorisés. Toutes nos potentialités doivent être déployées.
La culture, le patrimoine sont des domaines daction à part entière sur lesquelles nous devons nous appuyer pour écrire notre avenir. Ils nous donnent des repères, des valeurs, des ressources dans le monde nouveau qui est en train de se dessiner sous nos yeux. Cest un monde où de grandes puissances émergent sur tous les continents. Cest un monde où les positions dominantes des vieilles nations industrialisées vacillent. Cest un monde où la concurrence sannonce de plus en plus rude.
Les équilibres politiques et économiques subissent des bouleversements qui sont présents à lesprit de chacun. Ils font naître des inquiétudes. Ils nous obligent à la lucidité, au courage, à cette capacité aussi de dominer la vitesse de lHistoire.
Tous nos atouts doivent être mobilisés, et tous nos atouts ne sont pas dordre matériel.
Dans ce qui relève de lesprit et des arts, nous avons des ressources qui nous sont enviées et sur lesquelles nous devons miser.
Je crois que lavenir ne se construira quavec la connaissance de ce que notre humanité nous a légué de plus précieux et de plus beau.
Nous vivons une époque où la préservation du passé a dailleurs atteint un degré inédit.
Il y a dabord la paix entre les nations qui a certainement favorisée cette préservation. Il y a aussi le progrès technologique qui a démultiplié les possibilités darchivage, et les musées sont le symbole de cette démultiplication.
On a beaucoup disserté sur la "muséification" de notre vieux pays. Mais en réalité cest un phénomène mondial qui mérite beaucoup mieux quun slogan péjoratif. Parce quil signifie que nous ne voulons pas céder aux forces de la destruction. Parce quil signifie aussi que jamais les civilisations nont autant aspiré à faire dialoguer le meilleur de leurs héritages.
Et si la France est à lavant-garde de ce mouvement, elle ne doit certainement pas sen désoler. Bien au contraire, il y a de la vie, il y a de la générosité et il y a du respect, dans cette ambition. Cest en continuant à saffirmer comme une grande puissance culturelle que notre pays continuera à peser sur le cours du monde. Et cest en continuant de souligner les liens incandescents entre les élans artistiques du passé et les fulgurances du présent que nous pouvons donner à notre univers contemporain sa profondeur.
Alors, en inaugurant avec vous ces nouvelles salles, je veux saluer la part que prend le musée dOrsay à notre rayonnement national. Et jen appelle, Mesdames et Messieurs, devant toutes ces uvres qui nous entourent en silence, à cette étincelle intime qui peut éclairer à jamais le cur de leurs visiteurs.
Source http://www.gouvernement.fr, le 13 octobre 2011