Déclaration de M. Jean Leonetti, ministre des affaires européennes, sur la crise de la zone euro, le sommet du G20 et sur la lutte contre le réchauffement climatique, à l'Assemblée nationale le 12 octobre 2011.

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Circonstance : Débat préalable au Conseil européen à l'Assemblée nationale, le 12 octobre 2011

Texte intégral

Monsieur le Président,
Monsieur le Président de la Commission des Affaires européennes,
Mesdames et Messieurs les Députés,
Si les Conseils européens sont des rendez-vous importants, celui du 23 octobre prochain est majeur. Ils sont importants pour la France et pour l’Europe, pour l’ensemble des peuples qui attendent avec angoisse une sortie de crise et des solutions aux problèmes auxquels ils font face au quotidien. Ils définissent les grandes orientations de la politique européenne et permettent de prendre au plus haut niveau les décisions nécessaires. Aujourd’hui, ces décisions sont impératives et doivent être courageuses.
Dans les temps bouleversés que nous vivons, le Conseil du 23 octobre prend un sens particulier. Comme l’a dit M. Lequiller, l’Europe se situe à un tournant de son histoire, car nous traversons une crise globale, qui marque la fin d’un monde ancien et annonce la construction nécessaire d’un monde nouveau dont l’Europe doit faire partie. Le statu quo est intenable, nous ne pouvons plus hésiter, encore moins reculer. Nous avons l’impérieux devoir d’aller de l’avant et d’entrer dans cette nouvelle époque avec détermination et confiance.
Pour cela, nous devons examiner avec lucidité les faiblesses de la construction européenne. D’abord, nous avons adopté une monnaie unique sans faire converger nos politiques économiques, extrêmement hétérogènes. Ensuite, face à la concurrence des pays émergents, les pays occidentaux développés se sont réfugiés dans un endettement public devenu insoutenable.
Mesdames et Messieurs les Députés, nous ne sommes pas devant une crise de l’Europe, encore moins devant une crise de l’euro, qui est une monnaie forte, mais devant une crise de la dette souveraine d’un certain nombre de pays de la zone euro. Nous avons donc à résoudre des problèmes nationaux au niveau européen.
J’entends souvent dire que l’Europe met du temps à prendre ses décisions, et j’avoue être surpris de l’entendre dans la bouche de parlementaires. L’Europe est faite d’États démocratiques et les décisions prises par les chefs d’États passent devant les parlements, qu’il s’agisse du Bundestag ou de l’Assemblée nationale. Il est donc logique que ce parcours démocratique, qui passe par l’ensemble des parlements européens, prenne un certain temps.
Par ailleurs, certains se demandent comment il se fait que le président de la République n’ait pas pris de décision. Je vous rappelle, Mesdames et Messieurs les Députés, que le président de la République française n’est pas le maître de l’Europe et que le couple franco-allemand ne décide pas non plus pour l’ensemble de l’Europe.
Lorsque la chancelière allemande et le président de la République française se réunissent et proposent des décisions, j’en entends qui s’étonnent de les voir décider seuls pour les autres. Mais, lorsqu’ils ne se réunissent pas, ou qu’ils se réunissent mais ne prennent pas de décisions fortes, certains s’étonnent encore ! Il faut être lucide, et prendre conscience du fait que le couple franco-allemand est l’indispensable moteur de l’Europe pour faire des propositions, pour des raisons historiques, mais aussi économiques : la France et l’Allemagne représentant 55 % du produit intérieur brut de la zone euro, il n’est pas anormal que nos deux pays se réunissent pour faire des propositions.
Aujourd’hui, chacun doit savoir faire preuve de modération et considérer que l’initiative du président de la République est la bienvenue, mais que, au niveau européen, les décisions démocratiques nécessitent un certain temps, celui de l’intervention des parlements.
L’Europe, j’en suis sûr, sortira de cette crise comme des autres ; elle en sortira renforcée et plus intégrée.
Les débats du Conseil seront centrés sur trois thématiques décisives : la gouvernance économique de la zone euro et la croissance de demain ; le G20, au sein duquel la France, qui le préside, et l’Europe doivent marquer leur empreinte sur le monde ; le réchauffement climatique et la conférence de Durban.
En ce qui concerne la zone euro et la gouvernance économique, les avancées sont claires. Qui aurait pensé, il y a encore quelques mois, voire quelques semaines, que l’on puisse parler de gouvernance économique européenne et d’intégration européenne, que l’on puisse avancer sur un fonds monétaire européen, qu’Hervé de Charette avait appelé de ses vœux, que l’on puisse enfin évoquer le fédéralisme économique - ce mot n’est pas un tabou pour moi, car ce qu’il recouvre est devenu une idée neuve et forte pour la construction européenne ? Oui, le Fonds européen de stabilité financière est un véritable fonds monétaire européen. Il va servir à travailler de manière préventive, à racheter la dette sur les marchés secondaires et à recapitaliser les banques en difficulté.
La Commission européenne va annoncer aujourd’hui des propositions visant à moderniser nos outils de recapitalisation des banques et à aller plus loin que les projets élaborés dans le cadre des accords de Bâle III. Il s’agit de recapitaliser les banques pour qu’elles aient des fonds propres plus importants. Cela dit, je précise que les banques françaises, dans leur ensemble, ne sont pas en difficulté.
La gouvernance économique a progressé. Le Parlement européen a voté ce que l’on appelle le paquet «gouvernance économique», dit «six pack», qui va permettre une meilleure prévention, la surveillance des bouleversements macroéconomiques qui peuvent se dérouler notamment dans notre pays et une surveillance renforcée des politiques budgétaires et des risques de dette.
Pierre Lequiller l’a dit très justement : il est nécessaire de renforcer le pilotage de la zone euro. Notre objectif est d’instaurer un gouvernement économique commun, car nous partageons une monnaie unique.
Le président du Conseil fera connaître ses propositions dans les jours qui viennent. D’ores et déjà, la France et l’Allemagne, à l’initiative du président de la République, ont demandé que les chefs d’État et de gouvernement se réunissent régulièrement, en l’occurrence deux fois par an. La présidence stable du sommet de la zone euro, qui pourrait être confiée à Herman Van Rompuy, confortera cette ébauche de gouvernement économique européen.
La gouvernance économique renforcée n’aura de sens que si elle s’appuie sur la croissance. À cet égard, nous oublions parfois que nous disposons aujourd’hui d’une force considérable au niveau européen, avec 500 millions d’habitants et un PIB cumulé annuel de 12 000 milliards d’euros. Si l’on se souvient que la Grèce représente 2 % de ce PIB et que sa dette compte pour 4 % de celle de la zone euro, on comprend que le problème n’est pas insurmontable.
La France se bat pour une politique industrielle forte, particulièrement dans les domaines de l’innovation, avec Galileo, le Programme européen de surveillance de la Terre, le numérique et les technologies vertes. C’est là que résident l’avenir de l’Europe et celui de la croissance et de l’emploi ; c’est là que se trouve l’avenir de nos concitoyens.
Enfin, je rappelle que la France défend le principe de réciprocité, qui n’est rien d’autre que la loyauté commerciale. J’entends un certain nombre de pays accuser la France de protectionnisme. Est-ce du protectionnisme que d’imposer à l’intérieur de la zone euro des règles sociales et écologiques, sans oublier le développement durable, alors même que nos marchés sont pénétrés par des pays qui n’ont en aucun cas le respect de ces règles ?
Est-il normal que 12 % des pneus qui roulent sur les routes européennes ne soient pas conformes aux normes que nous imposons à nos industriels ?
Est-il normal qu’une société chinoise, aidée par son gouvernement, trouble la concurrence entre les entreprises en décrochant le marché d’une autoroute en Pologne qu’elle n’est même pas capable de finir ? L’Europe doit aussi être un marché qui sache se protéger.
S’agissant du G20, vous savez que la présidence française se veut résolument européenne. Elle doit répondre à la crise économique et financière, qui est une crise des marchés mondiaux. C’est la raison pour laquelle la date butoir, fixée au début du mois de novembre, est importante : nous devons avoir réglé les problèmes de la zone euro avant le sommet du G20, sous peine de voir l’Europe porter la responsabilité de la crise, alors que cette responsabilité ne lui revient en rien.
Retour de la croissance, redressement de nos finances publiques et stabilité du système financier : voilà les objectifs du G20, dans lequel la France a imposé une dimension sociale de la mondialisation, avec une reconnaissance d’un socle de protection sociale. C’est la marque de la France ; c’est la marque de l’Europe. Dans le domaine agricole, il sera question de la prévention des crises agricoles et, en ce qui concerne le développement, de la taxation des transactions financières. En effet, il nous paraît normal que les transactions financières puissent être taxées : c’est en partie à cause des mouvements financiers que la crise mondiale existe.
Enfin, pour ce qui est du réchauffement climatique et de la conférence de Durban, je sais que certains d’entre vous se sont fortement impliqués dans ce projet - projet français et exigence française. L’Union européenne a toujours assumé une politique volontariste en matière de développement durable. Elle a ainsi fixé des barèmes très hauts en matière d’économie verte et de transferts de technologie pour l’énergie de demain ; l’objectif est de 20 % pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Mais l’Europe ne représente que 11 % des émissions mondiales. De même, l’ensemble des pays signataires du Protocole de Kyoto ne représente que 16 % des émissions.
C’est la raison pour laquelle il est impératif que nous puissions convaincre le monde de l’importance de cet enjeu économique et social, qui met en cause l’avenir de notre planète.
C’est la raison pour laquelle il faut engager une seconde période du Protocole de Kyoto, pour permettre une transition vers un accord global, ambitieux et juridiquement contraignant, qui nous permettra de tenir l’engagement de limiter à deux degrés l’élévation de la température mondiale.
J’ai une conviction forte que je voudrais vous faire partager. Nous avons besoin de construire une Europe nouvelle. Nous avons la lucidité de regarder les faiblesses que nous avons accumulées au fil du temps.
La crise, c’est le passage d’un monde qui disparaît à un monde qui se construit. Nous avons la responsabilité de faire en sorte que l’on puisse créer une Europe nouvelle ; une Europe qui protège par ses frontières l’ensemble d’un territoire, mais qui protège aussi son économie de celles qui la concurrencent de manière déloyale ; une Europe intégrée et innovante ; une Europe aux frontières stables et protégées ; une Europe des valeurs qui soit capable de développer l’idée de liberté et de démocratie ; une Europe prospère, capable d’exhorter le monde à regarder le modèle européen.
Q - (À propos de la Politique agricole commune)
Monsieur Lachaud, sachez que la Politique agricole commune constitue une priorité pour la France. À cet égard, nous avons trois exigences. D’abord, nous nous opposons à la renationalisation de la PAC. Il s’agit bien d’une politique communautaire ; l’Europe en a la responsabilité et doit continuer à l’assumer.
Ensuite, en ce qui concerne la défense de la PAC dans les perspectives financières pour la période 2014-2020, la France a affirmé de manière très claire qu’elle n’accepterait aucun projet financier pour cette période si la stabilité de la PAC n’est pas incluse dans le paquet financier. Nous l’avons répété à plusieurs reprises, si bien que même les pays qui ne sont pas très favorables à la Politique agricole commune ont compris que notre intransigeance serait totale.
Enfin, nous refusons tout accord commercial avec un tiers ou une zone géographique qui ne respecterait pas le principe de la réciprocité, que j’ai déjà évoqué. Il n’est pas question d’ouvrir les marchés agricoles de l’Europe de façon à créer des situations de concurrence déloyale.
Par ailleurs, la Commission européenne a accepté aujourd’hui même un paquet législatif sur l’avenir de la PAC.
Vous avez également évoqué, à juste titre, le coût du travail dans les exploitations agricoles. Le Premier ministre s’est engagé en mars dernier à faire baisser le coût du travail au vu de la crise que connaît le secteur.
Le président de la République a annoncé hier, lors de son déplacement dans la Creuse, que certains amendements déposés sur le projet de loi de finances pour 2012 par MM. de Courson, Remiller, Reynès et Dionis du Séjour seraient acceptés par le Gouvernement.
Q – (Sur les euro-obligations et la convergence fiscale)
R - Monsieur le Député, votre question comporte deux aspects : vous posez le problème d’un fédéralisme des régions, auquel le Gouvernement n’est pas favorable, mais vous soulevez également celui des euro-obligations.
Qu’est-ce qu’une euro-obligation ? C’est la mutualisation de la dette de l’ensemble des pays de la zone euro, par l’émission de bons du Trésor, pour faire en sorte qu’il n’y ait plus qu’une seule dette. Cela serait possible, Monsieur Cochet, s’il n’y avait aucune hétérogénéité à l’intérieur de la zone euro. Mais il suffit de comparer la dette grecque et la dette allemande, la dette espagnole et la dette française, pour se rendre compte que nos économies sont très disparates. Si nous faisions immédiatement ce que vous suggérez, nous mettrions donc la charrue avant les bœufs. Le projet que vous évoquez n’est pas utopique, mais il passe par une convergence et une discipline.
Il faudra, en effet, une certaine convergence sociale et fiscale, pour que chaque peuple se sente solidaire des autres. Grâce à cette convergence, grâce à la politique de croissance qu’elle permettra, l’euro-obligation sera possible.
L’euro-obligation que vous évoquez suppose de la solidarité, mais elle implique aussi de la discipline. La solidarité sans la discipline, cela mène la Grèce là où elle est, cela mène à la faillite des États. La discipline sans la solidarité, cela mène à la misère pour les peuples. Aujourd’hui, au travers des propositions du président de la République et de la chancelière allemande, l’Europe apporte à la fois la discipline et la solidarité.
Q – (À propos de la concurrence et de la politique commerciale de l’Union européenne)
R - Monsieur le Député, j’ai lu avec intérêt votre rapport relatif à la politique industrielle. Il comporte de nombreux éléments pertinents, que vous avez rappelés.
Une Europe qui se construit, c’est une Europe qui se défend, qui affirme qu’elle a des frontières, qui ne s’étendent pas éternellement à l’ensemble des pays du monde. Une Europe qui se construit, c’est une Europe qui approfondit, qui défend la compétitivité. Une Europe qui se construit, c’est une Europe qui défend la croissance.
Compétitivité et croissance : je l’évoquais dans mon propos préliminaire, comment pouvons-nous faire en sorte de vivre dans un monde ouvert sans nous retrouver dans une situation de non-réciprocité ou de concurrence déloyale ? Je préférerais d’ailleurs l’expression de «concurrence déloyale», pour que certains esprits chagrins ne taxent pas la France de protectionnisme. Nous ne sommes pas là pour protéger nos industriels, mais pour que les règles du jeu soient les mêmes à l’intérieur de l’Europe et à l’extérieur.
Nous sommes là pour faire en sorte que, lorsqu’un produit industriel est fabriqué dans des conditions sociales et écologiques très différentes de celles imposées à l’intérieur de la zone euro ou de l’Europe, une taxe soit imposée aux frontières. Et nous en venons aux deux grandes propositions de la France au niveau européen : il faut imposer la réciprocité et la concurrence loyale, imposer que, grâce au budget européen, l’Europe progresse, se projette, avec les grands projets concernant le numérique, Galileo ou ITER, et imposer, au sein de la zone euro, l’émergence de l’élément social, culturel et démocratique. La réciprocité, la concurrence loyale, la compétitivité : c’est l’objectif de la France, c’est l’objectif de l’Europe.
Q – (Sur la prévention de l’endettement privé et la gestion des solutions durables pour lutter contre la spéculation sur la dette des États)
R – Madame la Députée, votre question pertinente et complexe montre que vous connaissez les problèmes techniques que vous évoquez. Je ne pourrai qu’y répondre incomplètement dans les deux minutes qui me sont imparties, mais je commencerai par rappeler deux points.
Lorsque la banque Lehman Brothers fait faillite, les États-Unis décident de ne pas venir à son secours, parce qu’elle doit assumer ses responsabilités et parce qu’il faut montrer à l’ensemble du système bancaire qu’il est des voies sur lesquelles on ne doit pas s’aventurer. On connaît la suite : une crise financière mondiale qui devient économique, puis sociale. Aujourd’hui, face à la crise d’un pays souverain, la Grèce, les mêmes nous disent de laisser tomber, qu’elle l’a bien cherché et que, de toute façon, elle ne s’en sortira pas.
Nous avons un devoir de solidarité, mais aussi un devoir d’économie générale. Ceux qui ont aimé l’abandon d’une banque aux États-Unis adoreront l’abandon d’un pays dans la zone euro. Cela aboutira aux mêmes phénomènes en chaîne, à la même contamination et, après la Grèce, viendront l’Italie et l’Espagne, puis d’autres. Et l’Europe sera désagrégée et livrée aux spéculateurs mondiaux.
Nous voulons construire les outils que vous avez évoqués : un Fonds européen de stabilité financière, un véritable fonds monétaire européen. En même temps, il faut, bien sûr, recapitaliser les banques et les obliger à le faire sur leurs fonds propres, sans redistribuer l’ensemble de leurs dividendes à leurs actionnaires. En six mois, les banques françaises ont recapitalisé 10 milliards d’euros. Cela signifie bien que l’exposition des banques françaises à la dette grecque n’était jamais que de 10 milliards d’euros.
Notre objectif est donc raisonnable : nous soutiendrons la Grèce, elle ne sortira pas de la zone euro. La zone euro sera renforcée. Les mécanismes que nous utilisons, tant pour les banques que pour les États, viendront stabiliser l’ensemble des politiques économiques et financières de la zone euro, mais viendront aussi au secours des peuples en difficulté.
Q – (Sur l’hypothèse d’un défaut partiel de la Grèce)
R - Monsieur le Député, je vous remercie de vos marques d’amitié, de confiance, de convergence. Je suis désolé de n’être que le ministre des Affaires européennes, mais, vous le savez, lorsque le ministre des Affaires européennes s’exprime, il le fait au nom de la France, sur l’impulsion du président de la République, du Premier ministre et sous le contrôle du ministre d’État. Lorsque je prends la parole ici, ce n’est donc pas seulement ma voix personnelle qui s’exprime : si tel était le cas à un moment ou à un autre, je ne manquerais pas de le signaler.
Vous posez la question de l’inquiétude. Faut-il que je dévoile les hypothèses que la Commission peut envisager ? Faut-il que je relate le petit-déjeuner de lundi matin qui a réuni, à huis clos, les ministres des Affaires européennes à la demande de Herman Van Rompuy, et au cours duquel celui-ci a évoqué l’ensemble de ces problèmes. Je note d’ailleurs que M. Van Rompuy ne s’est pas posé la question de savoir s’il aurait en face de lui des ministres d’État ou des ministres des Affaires européennes. Il a convoqué les ministres des affaires européennes.
Lorsque la Grèce a été placée dans cette situation où la rigueur a amené la récession et la récession la misère, nous avons eu, ensemble, la volonté d’apporter de la croissance à ce pays.
Lorsque les banques ont renoncé à 21,5 % de leurs dettes, elles ont en partie restructuré la dette grecque. Il est bien normal que les banques renoncent à une partie de leurs dettes devant un État souverain en grande difficulté. Et il n’est pas anormal que, aujourd’hui, nous demandions la recapitalisation des banques sur leurs fonds propres pour qu’elles puissent assumer le problème bancaire au niveau de responsabilités de la crise dans laquelle nous nous trouvons.
Oui, nous aiderons la Grèce, oui, la Grèce restera dans la zone euro, non, la Grèce ne fera pas faillite : l’Europe ne le permettra pas. Au contraire, elle veillera à ce que, après cet épisode, la Grèce retrouve la croissance nécessaire, grâce d’ailleurs aux 8 milliards d’euros débloqués pour les fonds structurants.
Q – (Sur la Présidence française et l’organisation de l’Union européenne au G20)
Q – (Sur la révision des traités de l’Union européenne)
R - Vous avez posé deux questions.
Vous avez d’abord demandé si la présidence française du G20 était une présidence européenne. Vous venez de le démontrer, la France a voulu, présidant le G20, faire en sorte que tous les pays soient associés à l’ensemble des décisions qui sont prises, en particulier au niveau de chaque conseil des ministres concerné. Cette présidence française est une présidence européenne et les décisions qui se prendront au G20 seront des décisions fortes.
Votre seconde question est institutionnelle. Faut-il réviser les traités ? Non. Chacun s’en souvient, chaque pays a adopté, avec quelques difficultés, un certain nombre de règles. Le traité de Lisbonne, dit traité simplifié, a offert diverses possibilités. Mais, que ce soit au niveau du Fonds européen de stabilité financière ou au niveau de la présidence, nous n’avons pas besoin de revoir nos traités pour conforter un pilotage économique européen de la zone euro.
En revanche, à l’initiative du président de la République et en accord avec la chancelière, des propositions ont été faites sur l’ensemble de la zone euro pour permettre d’avoir une présidence stable. Grâce au président Van Rompuy, qui désormais préside le Conseil, une certaine stabilité est donnée aux décisions européennes et donc à la gestion du nouvel instrument qu’est le Fonds européen de stabilité financière.
Je ne pense pas que, dans la situation actuelle, il soit nécessaire de changer nos institutions ou nos traités. Nous avons des outils. Nous avons la volonté politique, qui a été affichée clairement par le président de la République et qui est partagée par l’ensemble des chefs d’État. Il ne reste plus, à vingt-quatre heures près, qu’un pays pour adopter le Fonds européen de stabilité financière. Le paquet de gouvernance économique a été approuvé par le Parlement européen. Nous pouvons désormais aller de l’avant et aller plus loin, vers une Europe plus efficace et plus intégrée.
Q – (Sur la crise de la dette des pays de la zone euro)
R - Vous avez raison, Madame la Députée, d’évoquer la crise de 2008 et la crise actuelle. Mais la crise de 2008, c’est une crise des banques alors que la crise actuelle, c’est une crise des dettes, une crise des dettes des États souverains. Non, pas à cause des banques, à cause des déficits qui ont été creusés dans un grand nombre de démocraties.
Je m’étonne que vous posiez la question de cette façon dans la mesure où il semble que vous ne soyez pas favorable à la règle d’or qui imposerait justement que l’on arrête le déficit dans notre pays. Je voudrais également vous rappeler les engagements qui ont été pris pour les déficits de la France : 5,7 % maintenant, 4,6 % l’année prochaine et 3 % - justement le critère de Maastricht - l’année d’après.
Dans une période de crise, la France tient le cap et fait en sorte d’être un exemple pour l’ensemble des pays européens. Je souligne - bien que je sache que cela n’a pas une grande valeur à vos yeux - qu’elle a une notation triple A. J’ajoute - et je sais que cela a une valeur à vos yeux - que la France emprunte à un taux très bas, pratiquement le même taux que l’Allemagne : l’Allemagne emprunte à 2,2 %, la France emprunte à 2,8 %, quand la Grèce emprunte à 18 %.
Ainsi, lorsqu’on a une économie saine et que l’on se dote d’un plan rigoureux de gestion de la dette publique, on est récompensé par des possibilités d’emprunter, parce que la signature de la France est honorée.
Vous me demandez ensuite si nos propositions resteront des effets d’annonce ou si elles se concrétiseront. Un fonds européen de stabilité financière voté par tous les États, est-ce une annonce ou un fait réel ? C’est un fait réel. Une gouvernance économique mise en place avec une présidence stable de Van Rompuy, est-ce un effet d’annonce ou une réalité ? C’est une réalité. L’obligation pour les banques de se restructurer et de faire en sorte que leurs fonds propres augmentent - réponse de Bâle 3 -, est une annonce ou une réalité ? C’est une réalité.
Contrairement à ce que vous avez l’air de dire, le 21 juillet, des décisions ont été prises, qui sont en train de se mettre en place. Elles nous font une Europe plus forte, plus intégrée et plus efficace, pour l’intérêt de l’ensemble des États, mais également de chaque peuple.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 17 octobre 2011