Texte intégral
Monsieur le Président,
Monsieur le Président de la Commission des Affaires européennes,
Mesdames et Messieurs les Députés,
Si les Conseils européens sont des rendez-vous importants, celui du 23 octobre prochain est majeur. Ils sont importants pour la France et pour lEurope, pour lensemble des peuples qui attendent avec angoisse une sortie de crise et des solutions aux problèmes auxquels ils font face au quotidien. Ils définissent les grandes orientations de la politique européenne et permettent de prendre au plus haut niveau les décisions nécessaires. Aujourdhui, ces décisions sont impératives et doivent être courageuses.
Dans les temps bouleversés que nous vivons, le Conseil du 23 octobre prend un sens particulier. Comme la dit M. Lequiller, lEurope se situe à un tournant de son histoire, car nous traversons une crise globale, qui marque la fin dun monde ancien et annonce la construction nécessaire dun monde nouveau dont lEurope doit faire partie. Le statu quo est intenable, nous ne pouvons plus hésiter, encore moins reculer. Nous avons limpérieux devoir daller de lavant et dentrer dans cette nouvelle époque avec détermination et confiance.
Pour cela, nous devons examiner avec lucidité les faiblesses de la construction européenne. Dabord, nous avons adopté une monnaie unique sans faire converger nos politiques économiques, extrêmement hétérogènes. Ensuite, face à la concurrence des pays émergents, les pays occidentaux développés se sont réfugiés dans un endettement public devenu insoutenable.
Mesdames et Messieurs les Députés, nous ne sommes pas devant une crise de lEurope, encore moins devant une crise de leuro, qui est une monnaie forte, mais devant une crise de la dette souveraine dun certain nombre de pays de la zone euro. Nous avons donc à résoudre des problèmes nationaux au niveau européen.
Jentends souvent dire que lEurope met du temps à prendre ses décisions, et javoue être surpris de lentendre dans la bouche de parlementaires. LEurope est faite dÉtats démocratiques et les décisions prises par les chefs dÉtats passent devant les parlements, quil sagisse du Bundestag ou de lAssemblée nationale. Il est donc logique que ce parcours démocratique, qui passe par lensemble des parlements européens, prenne un certain temps.
Par ailleurs, certains se demandent comment il se fait que le président de la République nait pas pris de décision. Je vous rappelle, Mesdames et Messieurs les Députés, que le président de la République française nest pas le maître de lEurope et que le couple franco-allemand ne décide pas non plus pour lensemble de lEurope.
Lorsque la chancelière allemande et le président de la République française se réunissent et proposent des décisions, jen entends qui sétonnent de les voir décider seuls pour les autres. Mais, lorsquils ne se réunissent pas, ou quils se réunissent mais ne prennent pas de décisions fortes, certains sétonnent encore ! Il faut être lucide, et prendre conscience du fait que le couple franco-allemand est lindispensable moteur de lEurope pour faire des propositions, pour des raisons historiques, mais aussi économiques : la France et lAllemagne représentant 55 % du produit intérieur brut de la zone euro, il nest pas anormal que nos deux pays se réunissent pour faire des propositions.
Aujourdhui, chacun doit savoir faire preuve de modération et considérer que linitiative du président de la République est la bienvenue, mais que, au niveau européen, les décisions démocratiques nécessitent un certain temps, celui de lintervention des parlements.
LEurope, jen suis sûr, sortira de cette crise comme des autres ; elle en sortira renforcée et plus intégrée.
Les débats du Conseil seront centrés sur trois thématiques décisives : la gouvernance économique de la zone euro et la croissance de demain ; le G20, au sein duquel la France, qui le préside, et lEurope doivent marquer leur empreinte sur le monde ; le réchauffement climatique et la conférence de Durban.
En ce qui concerne la zone euro et la gouvernance économique, les avancées sont claires. Qui aurait pensé, il y a encore quelques mois, voire quelques semaines, que lon puisse parler de gouvernance économique européenne et dintégration européenne, que lon puisse avancer sur un fonds monétaire européen, quHervé de Charette avait appelé de ses vux, que lon puisse enfin évoquer le fédéralisme économique - ce mot nest pas un tabou pour moi, car ce quil recouvre est devenu une idée neuve et forte pour la construction européenne ? Oui, le Fonds européen de stabilité financière est un véritable fonds monétaire européen. Il va servir à travailler de manière préventive, à racheter la dette sur les marchés secondaires et à recapitaliser les banques en difficulté.
La Commission européenne va annoncer aujourdhui des propositions visant à moderniser nos outils de recapitalisation des banques et à aller plus loin que les projets élaborés dans le cadre des accords de Bâle III. Il sagit de recapitaliser les banques pour quelles aient des fonds propres plus importants. Cela dit, je précise que les banques françaises, dans leur ensemble, ne sont pas en difficulté.
La gouvernance économique a progressé. Le Parlement européen a voté ce que lon appelle le paquet «gouvernance économique», dit «six pack», qui va permettre une meilleure prévention, la surveillance des bouleversements macroéconomiques qui peuvent se dérouler notamment dans notre pays et une surveillance renforcée des politiques budgétaires et des risques de dette.
Pierre Lequiller la dit très justement : il est nécessaire de renforcer le pilotage de la zone euro. Notre objectif est dinstaurer un gouvernement économique commun, car nous partageons une monnaie unique.
Le président du Conseil fera connaître ses propositions dans les jours qui viennent. Dores et déjà, la France et lAllemagne, à linitiative du président de la République, ont demandé que les chefs dÉtat et de gouvernement se réunissent régulièrement, en loccurrence deux fois par an. La présidence stable du sommet de la zone euro, qui pourrait être confiée à Herman Van Rompuy, confortera cette ébauche de gouvernement économique européen.
La gouvernance économique renforcée naura de sens que si elle sappuie sur la croissance. À cet égard, nous oublions parfois que nous disposons aujourdhui dune force considérable au niveau européen, avec 500 millions dhabitants et un PIB cumulé annuel de 12 000 milliards deuros. Si lon se souvient que la Grèce représente 2 % de ce PIB et que sa dette compte pour 4 % de celle de la zone euro, on comprend que le problème nest pas insurmontable.
La France se bat pour une politique industrielle forte, particulièrement dans les domaines de linnovation, avec Galileo, le Programme européen de surveillance de la Terre, le numérique et les technologies vertes. Cest là que résident lavenir de lEurope et celui de la croissance et de lemploi ; cest là que se trouve lavenir de nos concitoyens.
Enfin, je rappelle que la France défend le principe de réciprocité, qui nest rien dautre que la loyauté commerciale. Jentends un certain nombre de pays accuser la France de protectionnisme. Est-ce du protectionnisme que dimposer à lintérieur de la zone euro des règles sociales et écologiques, sans oublier le développement durable, alors même que nos marchés sont pénétrés par des pays qui nont en aucun cas le respect de ces règles ?
Est-il normal que 12 % des pneus qui roulent sur les routes européennes ne soient pas conformes aux normes que nous imposons à nos industriels ?
Est-il normal quune société chinoise, aidée par son gouvernement, trouble la concurrence entre les entreprises en décrochant le marché dune autoroute en Pologne quelle nest même pas capable de finir ? LEurope doit aussi être un marché qui sache se protéger.
Sagissant du G20, vous savez que la présidence française se veut résolument européenne. Elle doit répondre à la crise économique et financière, qui est une crise des marchés mondiaux. Cest la raison pour laquelle la date butoir, fixée au début du mois de novembre, est importante : nous devons avoir réglé les problèmes de la zone euro avant le sommet du G20, sous peine de voir lEurope porter la responsabilité de la crise, alors que cette responsabilité ne lui revient en rien.
Retour de la croissance, redressement de nos finances publiques et stabilité du système financier : voilà les objectifs du G20, dans lequel la France a imposé une dimension sociale de la mondialisation, avec une reconnaissance dun socle de protection sociale. Cest la marque de la France ; cest la marque de lEurope. Dans le domaine agricole, il sera question de la prévention des crises agricoles et, en ce qui concerne le développement, de la taxation des transactions financières. En effet, il nous paraît normal que les transactions financières puissent être taxées : cest en partie à cause des mouvements financiers que la crise mondiale existe.
Enfin, pour ce qui est du réchauffement climatique et de la conférence de Durban, je sais que certains dentre vous se sont fortement impliqués dans ce projet - projet français et exigence française. LUnion européenne a toujours assumé une politique volontariste en matière de développement durable. Elle a ainsi fixé des barèmes très hauts en matière déconomie verte et de transferts de technologie pour lénergie de demain ; lobjectif est de 20 % pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Mais lEurope ne représente que 11 % des émissions mondiales. De même, lensemble des pays signataires du Protocole de Kyoto ne représente que 16 % des émissions.
Cest la raison pour laquelle il est impératif que nous puissions convaincre le monde de limportance de cet enjeu économique et social, qui met en cause lavenir de notre planète.
Cest la raison pour laquelle il faut engager une seconde période du Protocole de Kyoto, pour permettre une transition vers un accord global, ambitieux et juridiquement contraignant, qui nous permettra de tenir lengagement de limiter à deux degrés lélévation de la température mondiale.
Jai une conviction forte que je voudrais vous faire partager. Nous avons besoin de construire une Europe nouvelle. Nous avons la lucidité de regarder les faiblesses que nous avons accumulées au fil du temps.
La crise, cest le passage dun monde qui disparaît à un monde qui se construit. Nous avons la responsabilité de faire en sorte que lon puisse créer une Europe nouvelle ; une Europe qui protège par ses frontières lensemble dun territoire, mais qui protège aussi son économie de celles qui la concurrencent de manière déloyale ; une Europe intégrée et innovante ; une Europe aux frontières stables et protégées ; une Europe des valeurs qui soit capable de développer lidée de liberté et de démocratie ; une Europe prospère, capable dexhorter le monde à regarder le modèle européen.
Q - (À propos de la Politique agricole commune)
Monsieur Lachaud, sachez que la Politique agricole commune constitue une priorité pour la France. À cet égard, nous avons trois exigences. Dabord, nous nous opposons à la renationalisation de la PAC. Il sagit bien dune politique communautaire ; lEurope en a la responsabilité et doit continuer à lassumer.
Ensuite, en ce qui concerne la défense de la PAC dans les perspectives financières pour la période 2014-2020, la France a affirmé de manière très claire quelle naccepterait aucun projet financier pour cette période si la stabilité de la PAC nest pas incluse dans le paquet financier. Nous lavons répété à plusieurs reprises, si bien que même les pays qui ne sont pas très favorables à la Politique agricole commune ont compris que notre intransigeance serait totale.
Enfin, nous refusons tout accord commercial avec un tiers ou une zone géographique qui ne respecterait pas le principe de la réciprocité, que jai déjà évoqué. Il nest pas question douvrir les marchés agricoles de lEurope de façon à créer des situations de concurrence déloyale.
Par ailleurs, la Commission européenne a accepté aujourdhui même un paquet législatif sur lavenir de la PAC.
Vous avez également évoqué, à juste titre, le coût du travail dans les exploitations agricoles. Le Premier ministre sest engagé en mars dernier à faire baisser le coût du travail au vu de la crise que connaît le secteur.
Le président de la République a annoncé hier, lors de son déplacement dans la Creuse, que certains amendements déposés sur le projet de loi de finances pour 2012 par MM. de Courson, Remiller, Reynès et Dionis du Séjour seraient acceptés par le Gouvernement.
Q (Sur les euro-obligations et la convergence fiscale)
R - Monsieur le Député, votre question comporte deux aspects : vous posez le problème dun fédéralisme des régions, auquel le Gouvernement nest pas favorable, mais vous soulevez également celui des euro-obligations.
Quest-ce quune euro-obligation ? Cest la mutualisation de la dette de lensemble des pays de la zone euro, par lémission de bons du Trésor, pour faire en sorte quil ny ait plus quune seule dette. Cela serait possible, Monsieur Cochet, sil ny avait aucune hétérogénéité à lintérieur de la zone euro. Mais il suffit de comparer la dette grecque et la dette allemande, la dette espagnole et la dette française, pour se rendre compte que nos économies sont très disparates. Si nous faisions immédiatement ce que vous suggérez, nous mettrions donc la charrue avant les bufs. Le projet que vous évoquez nest pas utopique, mais il passe par une convergence et une discipline.
Il faudra, en effet, une certaine convergence sociale et fiscale, pour que chaque peuple se sente solidaire des autres. Grâce à cette convergence, grâce à la politique de croissance quelle permettra, leuro-obligation sera possible.
Leuro-obligation que vous évoquez suppose de la solidarité, mais elle implique aussi de la discipline. La solidarité sans la discipline, cela mène la Grèce là où elle est, cela mène à la faillite des États. La discipline sans la solidarité, cela mène à la misère pour les peuples. Aujourdhui, au travers des propositions du président de la République et de la chancelière allemande, lEurope apporte à la fois la discipline et la solidarité.
Q (À propos de la concurrence et de la politique commerciale de lUnion européenne)
R - Monsieur le Député, jai lu avec intérêt votre rapport relatif à la politique industrielle. Il comporte de nombreux éléments pertinents, que vous avez rappelés.
Une Europe qui se construit, cest une Europe qui se défend, qui affirme quelle a des frontières, qui ne sétendent pas éternellement à lensemble des pays du monde. Une Europe qui se construit, cest une Europe qui approfondit, qui défend la compétitivité. Une Europe qui se construit, cest une Europe qui défend la croissance.
Compétitivité et croissance : je lévoquais dans mon propos préliminaire, comment pouvons-nous faire en sorte de vivre dans un monde ouvert sans nous retrouver dans une situation de non-réciprocité ou de concurrence déloyale ? Je préférerais dailleurs lexpression de «concurrence déloyale», pour que certains esprits chagrins ne taxent pas la France de protectionnisme. Nous ne sommes pas là pour protéger nos industriels, mais pour que les règles du jeu soient les mêmes à lintérieur de lEurope et à lextérieur.
Nous sommes là pour faire en sorte que, lorsquun produit industriel est fabriqué dans des conditions sociales et écologiques très différentes de celles imposées à lintérieur de la zone euro ou de lEurope, une taxe soit imposée aux frontières. Et nous en venons aux deux grandes propositions de la France au niveau européen : il faut imposer la réciprocité et la concurrence loyale, imposer que, grâce au budget européen, lEurope progresse, se projette, avec les grands projets concernant le numérique, Galileo ou ITER, et imposer, au sein de la zone euro, lémergence de lélément social, culturel et démocratique. La réciprocité, la concurrence loyale, la compétitivité : cest lobjectif de la France, cest lobjectif de lEurope.
Q (Sur la prévention de lendettement privé et la gestion des solutions durables pour lutter contre la spéculation sur la dette des États)
R Madame la Députée, votre question pertinente et complexe montre que vous connaissez les problèmes techniques que vous évoquez. Je ne pourrai quy répondre incomplètement dans les deux minutes qui me sont imparties, mais je commencerai par rappeler deux points.
Lorsque la banque Lehman Brothers fait faillite, les États-Unis décident de ne pas venir à son secours, parce quelle doit assumer ses responsabilités et parce quil faut montrer à lensemble du système bancaire quil est des voies sur lesquelles on ne doit pas saventurer. On connaît la suite : une crise financière mondiale qui devient économique, puis sociale. Aujourdhui, face à la crise dun pays souverain, la Grèce, les mêmes nous disent de laisser tomber, quelle la bien cherché et que, de toute façon, elle ne sen sortira pas.
Nous avons un devoir de solidarité, mais aussi un devoir déconomie générale. Ceux qui ont aimé labandon dune banque aux États-Unis adoreront labandon dun pays dans la zone euro. Cela aboutira aux mêmes phénomènes en chaîne, à la même contamination et, après la Grèce, viendront lItalie et lEspagne, puis dautres. Et lEurope sera désagrégée et livrée aux spéculateurs mondiaux.
Nous voulons construire les outils que vous avez évoqués : un Fonds européen de stabilité financière, un véritable fonds monétaire européen. En même temps, il faut, bien sûr, recapitaliser les banques et les obliger à le faire sur leurs fonds propres, sans redistribuer lensemble de leurs dividendes à leurs actionnaires. En six mois, les banques françaises ont recapitalisé 10 milliards deuros. Cela signifie bien que lexposition des banques françaises à la dette grecque nétait jamais que de 10 milliards deuros.
Notre objectif est donc raisonnable : nous soutiendrons la Grèce, elle ne sortira pas de la zone euro. La zone euro sera renforcée. Les mécanismes que nous utilisons, tant pour les banques que pour les États, viendront stabiliser lensemble des politiques économiques et financières de la zone euro, mais viendront aussi au secours des peuples en difficulté.
Q (Sur lhypothèse dun défaut partiel de la Grèce)
R - Monsieur le Député, je vous remercie de vos marques damitié, de confiance, de convergence. Je suis désolé de nêtre que le ministre des Affaires européennes, mais, vous le savez, lorsque le ministre des Affaires européennes sexprime, il le fait au nom de la France, sur limpulsion du président de la République, du Premier ministre et sous le contrôle du ministre dÉtat. Lorsque je prends la parole ici, ce nest donc pas seulement ma voix personnelle qui sexprime : si tel était le cas à un moment ou à un autre, je ne manquerais pas de le signaler.
Vous posez la question de linquiétude. Faut-il que je dévoile les hypothèses que la Commission peut envisager ? Faut-il que je relate le petit-déjeuner de lundi matin qui a réuni, à huis clos, les ministres des Affaires européennes à la demande de Herman Van Rompuy, et au cours duquel celui-ci a évoqué lensemble de ces problèmes. Je note dailleurs que M. Van Rompuy ne sest pas posé la question de savoir sil aurait en face de lui des ministres dÉtat ou des ministres des Affaires européennes. Il a convoqué les ministres des affaires européennes.
Lorsque la Grèce a été placée dans cette situation où la rigueur a amené la récession et la récession la misère, nous avons eu, ensemble, la volonté dapporter de la croissance à ce pays.
Lorsque les banques ont renoncé à 21,5 % de leurs dettes, elles ont en partie restructuré la dette grecque. Il est bien normal que les banques renoncent à une partie de leurs dettes devant un État souverain en grande difficulté. Et il nest pas anormal que, aujourdhui, nous demandions la recapitalisation des banques sur leurs fonds propres pour quelles puissent assumer le problème bancaire au niveau de responsabilités de la crise dans laquelle nous nous trouvons.
Oui, nous aiderons la Grèce, oui, la Grèce restera dans la zone euro, non, la Grèce ne fera pas faillite : lEurope ne le permettra pas. Au contraire, elle veillera à ce que, après cet épisode, la Grèce retrouve la croissance nécessaire, grâce dailleurs aux 8 milliards deuros débloqués pour les fonds structurants.
Q (Sur la Présidence française et lorganisation de lUnion européenne au G20)
Q (Sur la révision des traités de lUnion européenne)
R - Vous avez posé deux questions.
Vous avez dabord demandé si la présidence française du G20 était une présidence européenne. Vous venez de le démontrer, la France a voulu, présidant le G20, faire en sorte que tous les pays soient associés à lensemble des décisions qui sont prises, en particulier au niveau de chaque conseil des ministres concerné. Cette présidence française est une présidence européenne et les décisions qui se prendront au G20 seront des décisions fortes.
Votre seconde question est institutionnelle. Faut-il réviser les traités ? Non. Chacun sen souvient, chaque pays a adopté, avec quelques difficultés, un certain nombre de règles. Le traité de Lisbonne, dit traité simplifié, a offert diverses possibilités. Mais, que ce soit au niveau du Fonds européen de stabilité financière ou au niveau de la présidence, nous navons pas besoin de revoir nos traités pour conforter un pilotage économique européen de la zone euro.
En revanche, à linitiative du président de la République et en accord avec la chancelière, des propositions ont été faites sur lensemble de la zone euro pour permettre davoir une présidence stable. Grâce au président Van Rompuy, qui désormais préside le Conseil, une certaine stabilité est donnée aux décisions européennes et donc à la gestion du nouvel instrument quest le Fonds européen de stabilité financière.
Je ne pense pas que, dans la situation actuelle, il soit nécessaire de changer nos institutions ou nos traités. Nous avons des outils. Nous avons la volonté politique, qui a été affichée clairement par le président de la République et qui est partagée par lensemble des chefs dÉtat. Il ne reste plus, à vingt-quatre heures près, quun pays pour adopter le Fonds européen de stabilité financière. Le paquet de gouvernance économique a été approuvé par le Parlement européen. Nous pouvons désormais aller de lavant et aller plus loin, vers une Europe plus efficace et plus intégrée.
Q (Sur la crise de la dette des pays de la zone euro)
R - Vous avez raison, Madame la Députée, dévoquer la crise de 2008 et la crise actuelle. Mais la crise de 2008, cest une crise des banques alors que la crise actuelle, cest une crise des dettes, une crise des dettes des États souverains. Non, pas à cause des banques, à cause des déficits qui ont été creusés dans un grand nombre de démocraties.
Je métonne que vous posiez la question de cette façon dans la mesure où il semble que vous ne soyez pas favorable à la règle dor qui imposerait justement que lon arrête le déficit dans notre pays. Je voudrais également vous rappeler les engagements qui ont été pris pour les déficits de la France : 5,7 % maintenant, 4,6 % lannée prochaine et 3 % - justement le critère de Maastricht - lannée daprès.
Dans une période de crise, la France tient le cap et fait en sorte dêtre un exemple pour lensemble des pays européens. Je souligne - bien que je sache que cela na pas une grande valeur à vos yeux - quelle a une notation triple A. Jajoute - et je sais que cela a une valeur à vos yeux - que la France emprunte à un taux très bas, pratiquement le même taux que lAllemagne : lAllemagne emprunte à 2,2 %, la France emprunte à 2,8 %, quand la Grèce emprunte à 18 %.
Ainsi, lorsquon a une économie saine et que lon se dote dun plan rigoureux de gestion de la dette publique, on est récompensé par des possibilités demprunter, parce que la signature de la France est honorée.
Vous me demandez ensuite si nos propositions resteront des effets dannonce ou si elles se concrétiseront. Un fonds européen de stabilité financière voté par tous les États, est-ce une annonce ou un fait réel ? Cest un fait réel. Une gouvernance économique mise en place avec une présidence stable de Van Rompuy, est-ce un effet dannonce ou une réalité ? Cest une réalité. Lobligation pour les banques de se restructurer et de faire en sorte que leurs fonds propres augmentent - réponse de Bâle 3 -, est une annonce ou une réalité ? Cest une réalité.
Contrairement à ce que vous avez lair de dire, le 21 juillet, des décisions ont été prises, qui sont en train de se mettre en place. Elles nous font une Europe plus forte, plus intégrée et plus efficace, pour lintérêt de lensemble des États, mais également de chaque peuple.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 17 octobre 2011
Monsieur le Président de la Commission des Affaires européennes,
Mesdames et Messieurs les Députés,
Si les Conseils européens sont des rendez-vous importants, celui du 23 octobre prochain est majeur. Ils sont importants pour la France et pour lEurope, pour lensemble des peuples qui attendent avec angoisse une sortie de crise et des solutions aux problèmes auxquels ils font face au quotidien. Ils définissent les grandes orientations de la politique européenne et permettent de prendre au plus haut niveau les décisions nécessaires. Aujourdhui, ces décisions sont impératives et doivent être courageuses.
Dans les temps bouleversés que nous vivons, le Conseil du 23 octobre prend un sens particulier. Comme la dit M. Lequiller, lEurope se situe à un tournant de son histoire, car nous traversons une crise globale, qui marque la fin dun monde ancien et annonce la construction nécessaire dun monde nouveau dont lEurope doit faire partie. Le statu quo est intenable, nous ne pouvons plus hésiter, encore moins reculer. Nous avons limpérieux devoir daller de lavant et dentrer dans cette nouvelle époque avec détermination et confiance.
Pour cela, nous devons examiner avec lucidité les faiblesses de la construction européenne. Dabord, nous avons adopté une monnaie unique sans faire converger nos politiques économiques, extrêmement hétérogènes. Ensuite, face à la concurrence des pays émergents, les pays occidentaux développés se sont réfugiés dans un endettement public devenu insoutenable.
Mesdames et Messieurs les Députés, nous ne sommes pas devant une crise de lEurope, encore moins devant une crise de leuro, qui est une monnaie forte, mais devant une crise de la dette souveraine dun certain nombre de pays de la zone euro. Nous avons donc à résoudre des problèmes nationaux au niveau européen.
Jentends souvent dire que lEurope met du temps à prendre ses décisions, et javoue être surpris de lentendre dans la bouche de parlementaires. LEurope est faite dÉtats démocratiques et les décisions prises par les chefs dÉtats passent devant les parlements, quil sagisse du Bundestag ou de lAssemblée nationale. Il est donc logique que ce parcours démocratique, qui passe par lensemble des parlements européens, prenne un certain temps.
Par ailleurs, certains se demandent comment il se fait que le président de la République nait pas pris de décision. Je vous rappelle, Mesdames et Messieurs les Députés, que le président de la République française nest pas le maître de lEurope et que le couple franco-allemand ne décide pas non plus pour lensemble de lEurope.
Lorsque la chancelière allemande et le président de la République française se réunissent et proposent des décisions, jen entends qui sétonnent de les voir décider seuls pour les autres. Mais, lorsquils ne se réunissent pas, ou quils se réunissent mais ne prennent pas de décisions fortes, certains sétonnent encore ! Il faut être lucide, et prendre conscience du fait que le couple franco-allemand est lindispensable moteur de lEurope pour faire des propositions, pour des raisons historiques, mais aussi économiques : la France et lAllemagne représentant 55 % du produit intérieur brut de la zone euro, il nest pas anormal que nos deux pays se réunissent pour faire des propositions.
Aujourdhui, chacun doit savoir faire preuve de modération et considérer que linitiative du président de la République est la bienvenue, mais que, au niveau européen, les décisions démocratiques nécessitent un certain temps, celui de lintervention des parlements.
LEurope, jen suis sûr, sortira de cette crise comme des autres ; elle en sortira renforcée et plus intégrée.
Les débats du Conseil seront centrés sur trois thématiques décisives : la gouvernance économique de la zone euro et la croissance de demain ; le G20, au sein duquel la France, qui le préside, et lEurope doivent marquer leur empreinte sur le monde ; le réchauffement climatique et la conférence de Durban.
En ce qui concerne la zone euro et la gouvernance économique, les avancées sont claires. Qui aurait pensé, il y a encore quelques mois, voire quelques semaines, que lon puisse parler de gouvernance économique européenne et dintégration européenne, que lon puisse avancer sur un fonds monétaire européen, quHervé de Charette avait appelé de ses vux, que lon puisse enfin évoquer le fédéralisme économique - ce mot nest pas un tabou pour moi, car ce quil recouvre est devenu une idée neuve et forte pour la construction européenne ? Oui, le Fonds européen de stabilité financière est un véritable fonds monétaire européen. Il va servir à travailler de manière préventive, à racheter la dette sur les marchés secondaires et à recapitaliser les banques en difficulté.
La Commission européenne va annoncer aujourdhui des propositions visant à moderniser nos outils de recapitalisation des banques et à aller plus loin que les projets élaborés dans le cadre des accords de Bâle III. Il sagit de recapitaliser les banques pour quelles aient des fonds propres plus importants. Cela dit, je précise que les banques françaises, dans leur ensemble, ne sont pas en difficulté.
La gouvernance économique a progressé. Le Parlement européen a voté ce que lon appelle le paquet «gouvernance économique», dit «six pack», qui va permettre une meilleure prévention, la surveillance des bouleversements macroéconomiques qui peuvent se dérouler notamment dans notre pays et une surveillance renforcée des politiques budgétaires et des risques de dette.
Pierre Lequiller la dit très justement : il est nécessaire de renforcer le pilotage de la zone euro. Notre objectif est dinstaurer un gouvernement économique commun, car nous partageons une monnaie unique.
Le président du Conseil fera connaître ses propositions dans les jours qui viennent. Dores et déjà, la France et lAllemagne, à linitiative du président de la République, ont demandé que les chefs dÉtat et de gouvernement se réunissent régulièrement, en loccurrence deux fois par an. La présidence stable du sommet de la zone euro, qui pourrait être confiée à Herman Van Rompuy, confortera cette ébauche de gouvernement économique européen.
La gouvernance économique renforcée naura de sens que si elle sappuie sur la croissance. À cet égard, nous oublions parfois que nous disposons aujourdhui dune force considérable au niveau européen, avec 500 millions dhabitants et un PIB cumulé annuel de 12 000 milliards deuros. Si lon se souvient que la Grèce représente 2 % de ce PIB et que sa dette compte pour 4 % de celle de la zone euro, on comprend que le problème nest pas insurmontable.
La France se bat pour une politique industrielle forte, particulièrement dans les domaines de linnovation, avec Galileo, le Programme européen de surveillance de la Terre, le numérique et les technologies vertes. Cest là que résident lavenir de lEurope et celui de la croissance et de lemploi ; cest là que se trouve lavenir de nos concitoyens.
Enfin, je rappelle que la France défend le principe de réciprocité, qui nest rien dautre que la loyauté commerciale. Jentends un certain nombre de pays accuser la France de protectionnisme. Est-ce du protectionnisme que dimposer à lintérieur de la zone euro des règles sociales et écologiques, sans oublier le développement durable, alors même que nos marchés sont pénétrés par des pays qui nont en aucun cas le respect de ces règles ?
Est-il normal que 12 % des pneus qui roulent sur les routes européennes ne soient pas conformes aux normes que nous imposons à nos industriels ?
Est-il normal quune société chinoise, aidée par son gouvernement, trouble la concurrence entre les entreprises en décrochant le marché dune autoroute en Pologne quelle nest même pas capable de finir ? LEurope doit aussi être un marché qui sache se protéger.
Sagissant du G20, vous savez que la présidence française se veut résolument européenne. Elle doit répondre à la crise économique et financière, qui est une crise des marchés mondiaux. Cest la raison pour laquelle la date butoir, fixée au début du mois de novembre, est importante : nous devons avoir réglé les problèmes de la zone euro avant le sommet du G20, sous peine de voir lEurope porter la responsabilité de la crise, alors que cette responsabilité ne lui revient en rien.
Retour de la croissance, redressement de nos finances publiques et stabilité du système financier : voilà les objectifs du G20, dans lequel la France a imposé une dimension sociale de la mondialisation, avec une reconnaissance dun socle de protection sociale. Cest la marque de la France ; cest la marque de lEurope. Dans le domaine agricole, il sera question de la prévention des crises agricoles et, en ce qui concerne le développement, de la taxation des transactions financières. En effet, il nous paraît normal que les transactions financières puissent être taxées : cest en partie à cause des mouvements financiers que la crise mondiale existe.
Enfin, pour ce qui est du réchauffement climatique et de la conférence de Durban, je sais que certains dentre vous se sont fortement impliqués dans ce projet - projet français et exigence française. LUnion européenne a toujours assumé une politique volontariste en matière de développement durable. Elle a ainsi fixé des barèmes très hauts en matière déconomie verte et de transferts de technologie pour lénergie de demain ; lobjectif est de 20 % pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Mais lEurope ne représente que 11 % des émissions mondiales. De même, lensemble des pays signataires du Protocole de Kyoto ne représente que 16 % des émissions.
Cest la raison pour laquelle il est impératif que nous puissions convaincre le monde de limportance de cet enjeu économique et social, qui met en cause lavenir de notre planète.
Cest la raison pour laquelle il faut engager une seconde période du Protocole de Kyoto, pour permettre une transition vers un accord global, ambitieux et juridiquement contraignant, qui nous permettra de tenir lengagement de limiter à deux degrés lélévation de la température mondiale.
Jai une conviction forte que je voudrais vous faire partager. Nous avons besoin de construire une Europe nouvelle. Nous avons la lucidité de regarder les faiblesses que nous avons accumulées au fil du temps.
La crise, cest le passage dun monde qui disparaît à un monde qui se construit. Nous avons la responsabilité de faire en sorte que lon puisse créer une Europe nouvelle ; une Europe qui protège par ses frontières lensemble dun territoire, mais qui protège aussi son économie de celles qui la concurrencent de manière déloyale ; une Europe intégrée et innovante ; une Europe aux frontières stables et protégées ; une Europe des valeurs qui soit capable de développer lidée de liberté et de démocratie ; une Europe prospère, capable dexhorter le monde à regarder le modèle européen.
Q - (À propos de la Politique agricole commune)
Monsieur Lachaud, sachez que la Politique agricole commune constitue une priorité pour la France. À cet égard, nous avons trois exigences. Dabord, nous nous opposons à la renationalisation de la PAC. Il sagit bien dune politique communautaire ; lEurope en a la responsabilité et doit continuer à lassumer.
Ensuite, en ce qui concerne la défense de la PAC dans les perspectives financières pour la période 2014-2020, la France a affirmé de manière très claire quelle naccepterait aucun projet financier pour cette période si la stabilité de la PAC nest pas incluse dans le paquet financier. Nous lavons répété à plusieurs reprises, si bien que même les pays qui ne sont pas très favorables à la Politique agricole commune ont compris que notre intransigeance serait totale.
Enfin, nous refusons tout accord commercial avec un tiers ou une zone géographique qui ne respecterait pas le principe de la réciprocité, que jai déjà évoqué. Il nest pas question douvrir les marchés agricoles de lEurope de façon à créer des situations de concurrence déloyale.
Par ailleurs, la Commission européenne a accepté aujourdhui même un paquet législatif sur lavenir de la PAC.
Vous avez également évoqué, à juste titre, le coût du travail dans les exploitations agricoles. Le Premier ministre sest engagé en mars dernier à faire baisser le coût du travail au vu de la crise que connaît le secteur.
Le président de la République a annoncé hier, lors de son déplacement dans la Creuse, que certains amendements déposés sur le projet de loi de finances pour 2012 par MM. de Courson, Remiller, Reynès et Dionis du Séjour seraient acceptés par le Gouvernement.
Q (Sur les euro-obligations et la convergence fiscale)
R - Monsieur le Député, votre question comporte deux aspects : vous posez le problème dun fédéralisme des régions, auquel le Gouvernement nest pas favorable, mais vous soulevez également celui des euro-obligations.
Quest-ce quune euro-obligation ? Cest la mutualisation de la dette de lensemble des pays de la zone euro, par lémission de bons du Trésor, pour faire en sorte quil ny ait plus quune seule dette. Cela serait possible, Monsieur Cochet, sil ny avait aucune hétérogénéité à lintérieur de la zone euro. Mais il suffit de comparer la dette grecque et la dette allemande, la dette espagnole et la dette française, pour se rendre compte que nos économies sont très disparates. Si nous faisions immédiatement ce que vous suggérez, nous mettrions donc la charrue avant les bufs. Le projet que vous évoquez nest pas utopique, mais il passe par une convergence et une discipline.
Il faudra, en effet, une certaine convergence sociale et fiscale, pour que chaque peuple se sente solidaire des autres. Grâce à cette convergence, grâce à la politique de croissance quelle permettra, leuro-obligation sera possible.
Leuro-obligation que vous évoquez suppose de la solidarité, mais elle implique aussi de la discipline. La solidarité sans la discipline, cela mène la Grèce là où elle est, cela mène à la faillite des États. La discipline sans la solidarité, cela mène à la misère pour les peuples. Aujourdhui, au travers des propositions du président de la République et de la chancelière allemande, lEurope apporte à la fois la discipline et la solidarité.
Q (À propos de la concurrence et de la politique commerciale de lUnion européenne)
R - Monsieur le Député, jai lu avec intérêt votre rapport relatif à la politique industrielle. Il comporte de nombreux éléments pertinents, que vous avez rappelés.
Une Europe qui se construit, cest une Europe qui se défend, qui affirme quelle a des frontières, qui ne sétendent pas éternellement à lensemble des pays du monde. Une Europe qui se construit, cest une Europe qui approfondit, qui défend la compétitivité. Une Europe qui se construit, cest une Europe qui défend la croissance.
Compétitivité et croissance : je lévoquais dans mon propos préliminaire, comment pouvons-nous faire en sorte de vivre dans un monde ouvert sans nous retrouver dans une situation de non-réciprocité ou de concurrence déloyale ? Je préférerais dailleurs lexpression de «concurrence déloyale», pour que certains esprits chagrins ne taxent pas la France de protectionnisme. Nous ne sommes pas là pour protéger nos industriels, mais pour que les règles du jeu soient les mêmes à lintérieur de lEurope et à lextérieur.
Nous sommes là pour faire en sorte que, lorsquun produit industriel est fabriqué dans des conditions sociales et écologiques très différentes de celles imposées à lintérieur de la zone euro ou de lEurope, une taxe soit imposée aux frontières. Et nous en venons aux deux grandes propositions de la France au niveau européen : il faut imposer la réciprocité et la concurrence loyale, imposer que, grâce au budget européen, lEurope progresse, se projette, avec les grands projets concernant le numérique, Galileo ou ITER, et imposer, au sein de la zone euro, lémergence de lélément social, culturel et démocratique. La réciprocité, la concurrence loyale, la compétitivité : cest lobjectif de la France, cest lobjectif de lEurope.
Q (Sur la prévention de lendettement privé et la gestion des solutions durables pour lutter contre la spéculation sur la dette des États)
R Madame la Députée, votre question pertinente et complexe montre que vous connaissez les problèmes techniques que vous évoquez. Je ne pourrai quy répondre incomplètement dans les deux minutes qui me sont imparties, mais je commencerai par rappeler deux points.
Lorsque la banque Lehman Brothers fait faillite, les États-Unis décident de ne pas venir à son secours, parce quelle doit assumer ses responsabilités et parce quil faut montrer à lensemble du système bancaire quil est des voies sur lesquelles on ne doit pas saventurer. On connaît la suite : une crise financière mondiale qui devient économique, puis sociale. Aujourdhui, face à la crise dun pays souverain, la Grèce, les mêmes nous disent de laisser tomber, quelle la bien cherché et que, de toute façon, elle ne sen sortira pas.
Nous avons un devoir de solidarité, mais aussi un devoir déconomie générale. Ceux qui ont aimé labandon dune banque aux États-Unis adoreront labandon dun pays dans la zone euro. Cela aboutira aux mêmes phénomènes en chaîne, à la même contamination et, après la Grèce, viendront lItalie et lEspagne, puis dautres. Et lEurope sera désagrégée et livrée aux spéculateurs mondiaux.
Nous voulons construire les outils que vous avez évoqués : un Fonds européen de stabilité financière, un véritable fonds monétaire européen. En même temps, il faut, bien sûr, recapitaliser les banques et les obliger à le faire sur leurs fonds propres, sans redistribuer lensemble de leurs dividendes à leurs actionnaires. En six mois, les banques françaises ont recapitalisé 10 milliards deuros. Cela signifie bien que lexposition des banques françaises à la dette grecque nétait jamais que de 10 milliards deuros.
Notre objectif est donc raisonnable : nous soutiendrons la Grèce, elle ne sortira pas de la zone euro. La zone euro sera renforcée. Les mécanismes que nous utilisons, tant pour les banques que pour les États, viendront stabiliser lensemble des politiques économiques et financières de la zone euro, mais viendront aussi au secours des peuples en difficulté.
Q (Sur lhypothèse dun défaut partiel de la Grèce)
R - Monsieur le Député, je vous remercie de vos marques damitié, de confiance, de convergence. Je suis désolé de nêtre que le ministre des Affaires européennes, mais, vous le savez, lorsque le ministre des Affaires européennes sexprime, il le fait au nom de la France, sur limpulsion du président de la République, du Premier ministre et sous le contrôle du ministre dÉtat. Lorsque je prends la parole ici, ce nest donc pas seulement ma voix personnelle qui sexprime : si tel était le cas à un moment ou à un autre, je ne manquerais pas de le signaler.
Vous posez la question de linquiétude. Faut-il que je dévoile les hypothèses que la Commission peut envisager ? Faut-il que je relate le petit-déjeuner de lundi matin qui a réuni, à huis clos, les ministres des Affaires européennes à la demande de Herman Van Rompuy, et au cours duquel celui-ci a évoqué lensemble de ces problèmes. Je note dailleurs que M. Van Rompuy ne sest pas posé la question de savoir sil aurait en face de lui des ministres dÉtat ou des ministres des Affaires européennes. Il a convoqué les ministres des affaires européennes.
Lorsque la Grèce a été placée dans cette situation où la rigueur a amené la récession et la récession la misère, nous avons eu, ensemble, la volonté dapporter de la croissance à ce pays.
Lorsque les banques ont renoncé à 21,5 % de leurs dettes, elles ont en partie restructuré la dette grecque. Il est bien normal que les banques renoncent à une partie de leurs dettes devant un État souverain en grande difficulté. Et il nest pas anormal que, aujourdhui, nous demandions la recapitalisation des banques sur leurs fonds propres pour quelles puissent assumer le problème bancaire au niveau de responsabilités de la crise dans laquelle nous nous trouvons.
Oui, nous aiderons la Grèce, oui, la Grèce restera dans la zone euro, non, la Grèce ne fera pas faillite : lEurope ne le permettra pas. Au contraire, elle veillera à ce que, après cet épisode, la Grèce retrouve la croissance nécessaire, grâce dailleurs aux 8 milliards deuros débloqués pour les fonds structurants.
Q (Sur la Présidence française et lorganisation de lUnion européenne au G20)
Q (Sur la révision des traités de lUnion européenne)
R - Vous avez posé deux questions.
Vous avez dabord demandé si la présidence française du G20 était une présidence européenne. Vous venez de le démontrer, la France a voulu, présidant le G20, faire en sorte que tous les pays soient associés à lensemble des décisions qui sont prises, en particulier au niveau de chaque conseil des ministres concerné. Cette présidence française est une présidence européenne et les décisions qui se prendront au G20 seront des décisions fortes.
Votre seconde question est institutionnelle. Faut-il réviser les traités ? Non. Chacun sen souvient, chaque pays a adopté, avec quelques difficultés, un certain nombre de règles. Le traité de Lisbonne, dit traité simplifié, a offert diverses possibilités. Mais, que ce soit au niveau du Fonds européen de stabilité financière ou au niveau de la présidence, nous navons pas besoin de revoir nos traités pour conforter un pilotage économique européen de la zone euro.
En revanche, à linitiative du président de la République et en accord avec la chancelière, des propositions ont été faites sur lensemble de la zone euro pour permettre davoir une présidence stable. Grâce au président Van Rompuy, qui désormais préside le Conseil, une certaine stabilité est donnée aux décisions européennes et donc à la gestion du nouvel instrument quest le Fonds européen de stabilité financière.
Je ne pense pas que, dans la situation actuelle, il soit nécessaire de changer nos institutions ou nos traités. Nous avons des outils. Nous avons la volonté politique, qui a été affichée clairement par le président de la République et qui est partagée par lensemble des chefs dÉtat. Il ne reste plus, à vingt-quatre heures près, quun pays pour adopter le Fonds européen de stabilité financière. Le paquet de gouvernance économique a été approuvé par le Parlement européen. Nous pouvons désormais aller de lavant et aller plus loin, vers une Europe plus efficace et plus intégrée.
Q (Sur la crise de la dette des pays de la zone euro)
R - Vous avez raison, Madame la Députée, dévoquer la crise de 2008 et la crise actuelle. Mais la crise de 2008, cest une crise des banques alors que la crise actuelle, cest une crise des dettes, une crise des dettes des États souverains. Non, pas à cause des banques, à cause des déficits qui ont été creusés dans un grand nombre de démocraties.
Je métonne que vous posiez la question de cette façon dans la mesure où il semble que vous ne soyez pas favorable à la règle dor qui imposerait justement que lon arrête le déficit dans notre pays. Je voudrais également vous rappeler les engagements qui ont été pris pour les déficits de la France : 5,7 % maintenant, 4,6 % lannée prochaine et 3 % - justement le critère de Maastricht - lannée daprès.
Dans une période de crise, la France tient le cap et fait en sorte dêtre un exemple pour lensemble des pays européens. Je souligne - bien que je sache que cela na pas une grande valeur à vos yeux - quelle a une notation triple A. Jajoute - et je sais que cela a une valeur à vos yeux - que la France emprunte à un taux très bas, pratiquement le même taux que lAllemagne : lAllemagne emprunte à 2,2 %, la France emprunte à 2,8 %, quand la Grèce emprunte à 18 %.
Ainsi, lorsquon a une économie saine et que lon se dote dun plan rigoureux de gestion de la dette publique, on est récompensé par des possibilités demprunter, parce que la signature de la France est honorée.
Vous me demandez ensuite si nos propositions resteront des effets dannonce ou si elles se concrétiseront. Un fonds européen de stabilité financière voté par tous les États, est-ce une annonce ou un fait réel ? Cest un fait réel. Une gouvernance économique mise en place avec une présidence stable de Van Rompuy, est-ce un effet dannonce ou une réalité ? Cest une réalité. Lobligation pour les banques de se restructurer et de faire en sorte que leurs fonds propres augmentent - réponse de Bâle 3 -, est une annonce ou une réalité ? Cest une réalité.
Contrairement à ce que vous avez lair de dire, le 21 juillet, des décisions ont été prises, qui sont en train de se mettre en place. Elles nous font une Europe plus forte, plus intégrée et plus efficace, pour lintérêt de lensemble des États, mais également de chaque peuple.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 17 octobre 2011