Déclaration de M. Edouard Courtial, secrétaire d'Etat aux Français de l'étranger, sur les relations entre la France et les pays d'Amérique latine, à Saint-Domingue (République dominicaine) le 13 octobre 2011.

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Circonstance : Déplacement à Saint-Domingue (République dominicaine) à l'occasion de la clôture des consultations bilatérales franco-dominicaines et du 12ème "Foro" de Biarritz, les 12 et 13 octobre 2011

Texte intégral

Monsieur le Président de la République Dominicaine,
Monsieur le Président de la République d’Haïti,
Messieurs les Chefs d’États,
Mesdames et Messieurs les Chefs de Gouvernement,
Mesdames et Messieurs les Parlementaires, les Maires, les Élus,
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
Mesdames et Messieurs les Représentants du monde universitaire, des médias et du monde de l’entreprise,
Mesdames et Messieurs,
Chers Amis,
C’est pour moi à la fois un grand plaisir que d’intervenir ce matin en ouverture de ce XIIème Foro de Biarritz et un honneur que de parler ici, en terre amie, devant des amis, au nom de la France.
Ma présence parmi vous n’est pas fortuite puisque j’ai mesuré l’intérêt de ce Foro en participant l’an dernier à Biarritz à un débat fort riche consacré aux «processus d’intégration dans l’Union européenne et en Amérique latine». J’intervenais alors en tant qu’élu et j’ai mesuré la pertinence qui s’attache à faire dialoguer des praticiens du terrain, des universitaires et des hommes politiques venus des deux rives de l’Atlantique.
Ce Foro, il suffit de mesurer l’importance de l’assistance, a trouvé toute sa place dans l’agenda des rencontres entre l’Europe, l’Amérique latine et les Caraïbes. Sa valeur ajoutée réside dans le choix que vous avez fait il y a maintenant douze ans, cher Didier Borotra, d’offrir une enceinte de discussion ouverte au pluralisme et à la diversité des expressions de nos deux régions.
Ce Foro, vous avez tenu dès l’origine à le placer sous le signe de la réciprocité en abandonnant une année sur deux votre belle ville de Biarritz au profit d’une capitale latino-américaine que nous avons ainsi le privilège de découvrir.
Soyez donc remercié, Monsieur le Sénateur-Maire, pour cette initiative que vous n’avez cessé de porter avec enthousiasme et pugnacité, avec l’appui de vos amis latino-américains, qui ne se comptent plus. La diversité des participants ici réunis, hommes politiques, journalistes, universitaires, illustre bien la spécificité de la relation qui unit deux régions qui ont en partage ce bien rare et précieux : la démocratie. A l’heure où des peuples luttent pour leur liberté, il nous revient de faire fructifier ensemble ce bien commun.
L’Amérique latine, qui a su trouver ses propres chemins pour restaurer la démocratie qui lui avait été confisquée, peut apporter beaucoup à partir de sa propre expérience.
Je salue les nombreux parlementaires et élus présents aujourd’hui.
J’étais l’un des vôtres il y a encore quelques semaines et je voudrais vous exprimer ma conviction de l’importance des liens qu’il faut encore développer entre nos parlements, à coté des relations de nos gouvernements. La diplomatie parlementaire recèle en effet un champ de coopération dont toute la richesse n’a pas encore été explorée. Dans un monde chaque jour plus interdépendant, il est nécessaire d’échanger nos pratiques, nos réflexions, nos expériences tirées de la proximité avec ceux qui nous ont élus. Sur le terrain de la cohésion sociale et de la recherche d’une croissance responsable, nous avons sans aucun doute beaucoup à apprendre les uns des autres.
Monsieur le Président de la République,
Je voudrais vous remercier très sincèrement d’accueillir ce Foro à Saint-Domingue.
C’est la première fois, je crois, qu’il se réunit dans les Caraïbes, c’est-à-dire, pour reprendre l’expression en exergue de cette rencontre, là «où tout a commencé», où nos deux mondes se sont rencontrés avec le débarquement de Christophe Colomb. Beaucoup de délégués français sont venus, vous le savez, en voisins.
Par ses Départements des Amériques, dont je salue chaleureusement les élus et les nombreux représentants, la France est, elle aussi, l’une des composantes de ce monde caribéen et elle en est fière. Dans cet esprit, je voudrais insister sur quelques traits qui me paraissent traduire la singularité de cette région Caraïbes et marquer ses évolutions.
En premier lieu, j’évoquerais la culture.
Les Caraïbes me paraissent être l’expression vivante de ce concept de diversité culturelle que nous avons fait reconnaitre tous ensemble à l’UNESCO.
Sur la base d’une matrice historique héritée d’un passé colonial mouvementé, la région Caraïbes a su faire de la diversité culturelle un des éléments fondateurs de son identité. Diversité des langues d’une part : on parle ici l’espagnol, l’anglais, le néerlandais, le français et le créole. Diversité de cultures d’autre part, qui s’exprime dans la variété des expressions artistiques. Ce multiculturalisme a forgé une identité, que soude sans l’y réduire, la créolité.
L’appartenance caribéenne est bien une réalité, qui fonde ce «vivre ensemble» qui fait fi des frontières et des différences de niveau de vie ou de systèmes politiques. Cette identité caraïbe multiple et vivante, qui essaime dans le monde entier, est une richesse. Elle crée des solidarités puissantes, comme on l’a vu après le séisme qui a frappé Haïti.
Je voudrais rappeler ensuite que l’espace Caraïbes est arrivé à s’imposer comme une zone exempte de tensions. Il participe à ce titre à la stabilité régionale et à l’essor du commerce international, facteur fondamental de la croissance mondiale. Dans un futur proche, la mer des Caraïbes va gagner encore en importance avec l’élargissement du canal de Panama, qui permettra d’intensifier le trafic entre l’Atlantique du Pacifique.
Troisièmement, la région Caraïbes doit pouvoir tirer mieux parti de sa position géographique aux confluences des Amériques du nord et du sud et de l’Europe, présente par ses territoires, pour valoriser son potentiel. Elle dispose de ressources naturelles qui commencent tout juste à être exploitées, d’une biodiversité et d’une nature exceptionnelles, source de revenus touristiques, et plus largement d’une économie de services qui constitue le socle de l’économie de cette région. Dans ce contexte, la France et l’Europe soutiennent les efforts en faveur de l’intégration et de la coopération régionale. Ce sont les clefs de voûte d’un développement endogène fondé sur l’accroissement des échanges dans la zone, mais aussi d’une meilleure prise en compte de la voix de la région Caraïbes dans les négociations internationales.
La France entend par ailleurs œuvrer à une meilleure insertion des départements français des Amériques dans leur environnement régional. Une réunion à La Martinique associera prochainement les ambassadeurs de France de la région avec les acteurs des départements français des Amériques. Elle permettra d’ouvrir de nouvelles pistes.
D’ores et déjà, les Départements français d’Amérique mettent au service des États de la zone des compétences notamment dans les domaines de la prévention des risques naturels, de la sécurité civile, de l’environnement et du développement durable.
Les partenariats entre collectivités territoriales se multiplient. L’accord de coopération passé entre le conseil régional de la Guadeloupe et la République Dominicaine en est d’ailleurs un excellent exemple.
Monsieur le Président de la République,
Mesdames et Messieurs,
Chers Amis,
Je voudrais vous dire que la France a parfaitement pris la mesure des changements intervenus en Amérique latine au cours des trois dernières décennies.
Pôle de stabilité dans un monde en turbulences, l’Amérique latine et les Caraïbes constituent aujourd’hui un des pôles de la croissance mondiale, avec l’Asie. C’est une bonne nouvelle pour le continent. C’est aussi une bonne nouvelle pour l’Europe, qui peut trouver de nouveaux ressorts pour relancer sa propre économie.
Si aujourd’hui de nombreux acteurs sont à l’œuvre en Amérique latine, avec en particulier la spectaculaire percée de la Chine, l’Europe reste le premier investisseur, sur des choix qui l’engagent sur le long terme, et qui répondent aux exigences de responsabilité et de croissance durable. La France inscrit évidemment son action dans cette approche, et est heureuse de participer, par exemple, à l’extension du métro de Saint-Domingue ou à la reforestation d’une partie du territoire dominicain. Cette émergence économique va de pair avec la consolidation de la démocratie. C’est là un «marqueur» pour le continent latino-américain. Cela induit l’expression d’une demande sociale de plus en plus forte, portée par des classes moyennes de plus en plus nombreuses.
Nous retrouvons, là aussi, des défis propres aux démocraties sociales : une éducation de qualité qui joue le rôle d’ascenseur social, un socle universel de sécurité sociale, une protection des consommateurs, une exigence de justice sociale. Autant de sujets qui nous rapprochent.
L’Amérique Latine et les Caraïbes s’affirment sur la scène internationale et font entendre leur voix non seulement dans les enceintes des Nations Unies mais aussi au sein du G20, auquel le Mexique, le Brésil et l’Argentine participent, ou encore à l’OCDE, dont le Mexique et le Chili sont membres…
Sur le plan régional, la coopération politique se renforce.
L’UNASUR consolide son poids tandis que l’Union européenne aura pour interlocuteur, pour la première fois lors du sommet de Santiago du Chili en 2012, la Communauté des États d’Amérique Latine et des Caraïbes qui va se constituer début décembre.
Le continent se projette dans le monde en tissant de nouveaux liens avec l’Afrique, le monde arabe, et bien sûr l’Asie. Nous applaudissons à une Amérique latine plus forte, disposée à assumer de nouvelles responsabilités sur la scène internationale tout comme nous applaudissons à une Amérique latine plus unie, capable de parler d’une même voix. Sur les grands enjeux de la planète : sécurité, changement climatique, biodiversité, mais aussi régulation de la mondialisation, l’Amérique latine a vocation à être un partenaire engagé. C’est à ce titre, que la France, dans l’exercice de sa présidence du G20, a travaillé en étroit partenariat avec les trois membres latino-américains de cette enceinte et a également associé régulièrement les États et les organisations régionales du continent.
Début novembre, le sommet du G20 abordera d’ailleurs la question de la lutte contre la spéculation sur les denrées alimentaires, un thème sur lequel vous avez, Monsieur le Président de la République, lancé une initiative très intéressante lors de l’assemblée générale des Nations unies.
L’Amérique latine, et je voudrais terminer par là, a démontré sa capacité à agir collectivement et à prendre ses responsabilités en Haïti, avant, pendant et après le tremblement de terre du 12 janvier 2010. Ce fut le cas non seulement à travers la Mission des Nations unies pour la stabilisation de ce pays, la MINUSTAH, mais encore à travers sa coopération bilatérale et régionale, et en veillant au respect des règles démocratiques lors des dernières élections.
La France est résolument engagée aux cotés d’Haïti où le Président de la République a été le premier chef d’État français à se rendre depuis l’Indépendance. Nous avons là, Européens et latino-américains, un même objectif : soutenir les nouvelles autorités haïtiennes, au premier rang desquelles le président Martelly, dans la reconstruction du pays et d’un État.
Dans la droite ligne du thème de nos débats - un nouveau modèle de développement - nous devons nous employer à démontrer qu’il n’existe pas de déterminisme du sous-développement en Haïti pas plus qu’ailleurs.
Ensemble, nous pouvons œuvrer pour permettre aux Haïtiens de prendre leur destin en mains. Je forme en tout cas le vœu que Haïti, ce pays qui nous est cher, trouve sa propre voie et reprenne la place qui lui revient dans cet espace Caraïbes.
Monsieur le Président de la République,
Mesdames et Messieurs,
Les convergences entre l’Europe et l’Amérique latine ne sont pas toujours totales. C’est pourquoi il faut continuer à nous parler, à échanger et à faire dialoguer nos intellectuels, à favoriser les échanges entre étudiants, à faire travailler ensemble nos chercheurs et à tirer parti des multiples réseaux tissés au fil des années entre nos sociétés.
Je ne doute pas qu’une fois de plus, ce Foro contribuera à une meilleure compréhension des enjeux de l’interdépendance de notre monde actuel et de ses conséquences sur les relations entre nos deux continents.
Comme l’assure un proverbe créole, «Men ampil, chay pal ou» : «la charge est moins lourde quand plusieurs mains la portent».
L’Europe et l’Amérique latine affronteront plus efficacement les crises actuelles et à venir en unissant leurs forces dans un monde multipolaire.
Je vous souhaite donc un débat fructueux, dans le cadre si propice qui nous est offert par nos hôtes dominicains.
Je vous remercie de votre attention.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 17 octobre 2011