Déclaration de M. Henri de Raincourt, ministre de la coopération, sur l'action de la France en faveur de l'accès à l'eau et à l'assainissement dans les pays du bassin du Niger, à Bamako (Mali) le 17 octobre 2011.

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Circonstance : Déplacement au Mali à l'occasion des Journées franco-maliennes et du Forum "Solidarité pour l'eau dans les pays du Bassin du Niger", du 15 au 17 octobre 2011

Texte intégral

Monsieur le Président de la République du Mali,
Monsieur le Président de la République du Tchad,
Monsieur le Président de la Commission de l’Union africaine,
Monsieur le Président du Conseil mondial de l’eau,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
Mesdames et Messieurs,
Je suis particulièrement heureux de représenter le gouvernement français à cette importante conférence. Je souhaite remercier le peuple et le gouvernement du Mali, et tout particulièrement le président Touré, de nous accueillir dans cette belle ville de Bamako. Je remercie la fondation du président Jacques Chirac d’avoir pris l’initiative de cette réunion de haut niveau sur ce sujet essentiel qu’est la solidarité pour l’eau dans les pays du Bassin du Niger.
La France est particulièrement mobilisée en faveur de l’accès à l’eau et à l’assainissement. C’est une des priorités de nos actions en matière de coopération. Malgré les contraintes budgétaires actuelles, nos engagements financiers en faveur de l’eau ont plus que doublé depuis 2005 et, avec près de 700 millions d’euros par an, nous sommes aujourd’hui l’un des tout premiers bailleurs internationaux en ce domaine.
Nous sommes convaincus que l’accès à l’eau pour tous est une condition essentielle pour atteindre l’ensemble des Objectifs du millénaire pour le développement. C’est pourquoi la France a soutenu aux Nations unies la résolution qui en 2010 a fait du droit à l’accès à l’eau et à l’assainissement l’un des droits de l’Homme. Sans accès à l’eau, comment faire progresser la production agricole afin de faire reculer la faim et la pauvreté ? Sans accès à l’eau, comment espérer améliorer la santé des populations ? Sans accès à l’eau, comment penser que les familles pourront se permettre d’envoyer les enfants à l’école, en particulier les jeunes filles ? Face à cette réalité inacceptable de près d’un milliard d’habitants de notre planète qui n’ont pas accès à une eau saine, à ces 2,5 milliards de personnes qui n’ont pas accès à l’assainissement et à ces 8 millions de décès causés chaque année par une eau insalubre, la France souhaite mobiliser à la fois ses moyens et son expertise.
Notre pays a en effet cette particularité d’avoir pris conscience très tôt dans son histoire que pour être efficace, la gestion de l’eau devait associer étroitement de nombreux acteurs. Il s’agit des utilisateurs, des pouvoirs publics, des entreprises, des collectivités, qui doivent coopérer de manière pragmatique et en tenant compte des réalités locales. C’est ce qui caractérise aujourd’hui la «culture de l’eau» française, et c’est sans doute ce qui nous a permis d’atteindre à une certaine expertise, que l’on veut bien nous reconnaître en ce domaine.
C’est la raison pour laquelle la France a saisi tout l’intérêt de la création de l’Autorité du Bassin du Niger. Notre pays s’est tenu très tôt à ses côtés, afin de favoriser la coopération de ses États membres autour de la gestion concertée de la ressource en eau. Les réalisations de l’Autorité du Bassin du Niger sont considérables, tant dans le domaine des infrastructures, de l’allocation de la ressource ou la prise en compte des aspects sociaux et environnementaux. La France est fière d’avoir pu y apporter son concours. A cet égard, la Déclaration de Paris en 2004, avec l’implication personnelle du président Chirac, a joué un rôle de catalyseur dont l’effet continue de se faire sentir. Mais les réalisations accomplies sont avant tout le fait de la volonté des pays du bassin du Niger, et je salue l’engagement de leurs autorités sur ce grand projet de coopération régionale. Je n’oublie pas non plus les avancées qui sont menées à bien par l’Organisation pour la mise en valeur du fleuve Sénégal (OMVS), que la France soutient également.
Les succès obtenus par ces organisations de coopération régionale démontrent quels bénéfices peuvent être retirés lorsque se met en place une vision partagée entre tous les acteurs concernés. Une vision partagée au plan international, c’est aussi ce que nous espérons voir émerger du Forum mondial de l’eau qui se tiendra à Marseille au mois de mars prochain. Ce rendez-vous majeur doit être un moment privilégié pour échanger des propositions et partager des solutions. Il est capital que l’Afrique prenne toute sa place dans la préparation de cet événement. Je salue l’action menée par le conseil des ministres africains de l’eau (AMCOW) dans le pilotage du processus consultatif, qui conduira à l’élaboration de la contribution africaine au Forum de Marseille. Cette contribution est très attendue, car c’est sur le continent africain que les besoins en matière d’accès à l’eau et à l’assainissement sont aujourd’hui les plus criants. Mais c’est aussi en Afrique que la gestion concertée des grands fleuves transfrontaliers, comme le Niger, le Sénégal le Congo ou la Volta, peut produire rapidement des bénéfices très appréciables pour les populations, que ce soit en matière d’agriculture, de production électrique, ou de transport. La soixantaine de fleuves transfrontaliers que compte l’Afrique pourra ainsi contribuer puissamment à son développement. Je suis certain que le Forum de Marseille permettra d’avancer sur ces questions qui sont essentielles pour le développement à long terme de l’Afrique.
Si tout le monde s’accorde à reconnaître que l’eau c’est la vie, il convient d’ajouter que dans de nombreuses régions du monde, l’eau c’est aussi la paix. Face aux perspectives de croissance de la démographie mondiale, notamment dans ce continent africain qui comptera 2 milliards d’habitants en 2050, il est indispensable de se doter d’un cadre de coopération et de gouvernance permettant d’éviter les tensions qui pourraient naître de besoins sans cesse croissants et d’une ressource toujours plus rare. La France estime que la convention des Nations Unies de 1997 sur la gestion des eaux transfrontalières constitue le cadre juridique approprié pour traiter ces questions. Nous appelons l’ensemble des États concernés à la ratifier rapidement, afin de permettre son entrée en vigueur sans délai, dès 2012 si possible.
Mais ces progrès sur le plan du droit doivent aussi se traduire par des réalisations concrètes, et des bénéfices tangibles pour les populations. L’eau est un enjeu global mais c’est aussi une réalité locale. C’est tout l’intérêt des actions qui sont réalisés dans le cadre de la coopération décentralisée, dont je tiens à saluer les promoteurs. Quand des élus locaux aident d’autres élus locaux, il y a de bonnes chances que les projets entrepris répondent effectivement aux besoins des populations. Je sais que cette forme de coopération a produit des résultats tout à fait appréciables ici au Mali, comme dans toute l’Afrique de l’Ouest.
En outre, la coopération décentralisée est aussi un laboratoire qui permet d’expérimenter des solutions innovantes en matière de financement. Vous connaissez l’engagement de la France sur cette question. Je sais que cette vision est partagée par le Mali, et je saisis cette occasion de remercier à nouveau le Président Touré pour la contribution déterminante du Mali au groupe pilote sur les financements innovants. La réunion ministérielle du G20 consacrée aux questions de développement, que j’ai présidée avec François Baroin à Washington le 23 septembre, a permis des avancées substantielles sur cette question. Je suis persuadé que dans le domaine de l’eau, des solutions nouvelles sont possibles afin de trouver les financements nécessaires pour faire face aux besoins actuels et futurs. Au plan national, la France met déjà en œuvre depuis 2005 un dispositif innovant avec la loi Oudin-Santini, et je salue la présence du Sénateur Oudin à cette conférence. Cette mesure permet aux collectivités territoriales et aux agences de l’eau française de mener leurs propres actions de coopération auprès des villes et des villages du Sud, avec des résultats très encourageants. Il existe de nombreuses autres pistes. Je souhaite que le Forum de l’eau de Marseille soit l’occasion de parvenir à des propositions concrètes et opérationnelles sur les solutions innovantes pour financer l’accès à l’eau et à l’assainissement.
En lançant l’année dernière la préparation du Forum de Marseille, le Président de la République française a souligné que l’eau serait l’un des enjeux les plus lourds du XXIème siècle. Face à un tel défi, notre responsabilité collective est immense. Mais les raisons d’optimisme ne manquent pas. La mobilisation de l’ensemble des acteurs dont témoigne cette conférence est un signe particulièrement encourageant. Je suis certain que l’Afrique saura prendre toute sa place lors du Forum mondial. Je sais que les pays du Bassin du Niger, forts de leur expérience réussie en matière de coopération et de gestion partagée de la ressource, sauront être à l’avant-garde de la mobilisation des pays du continent. Vous pouvez compter sur la France pour être à vos côtés, et continuer à appuyer les réalisations de l’Autorité du Bassin du Niger.
Il me reste à vous souhaiter à tous d’excellents travaux durant cette réunion, qui ne manquera pas de donner lieu à des échanges fructueux et à de nombreuses propositions dans la perspective du Forum mondial de Marseille, où je retrouverai dans quelques mois avec le plus grand plaisir !
Je vous remercie.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 19 octobre 2011