Déclaration de M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication, sur les relations culturelles entre la France et l'Estonie, Paris le 7 octobre 2011.

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Circonstance : Lancement de la saison "Estonie tonique" à Paris le 7 octobre 2011

Texte intégral


En 1994, un jeune homme et un politicien discutent de l’avenir de l’Estonie. « Juste après, on aborda la politique et les projets d'intégration de l'Estonie dans l'Union européenne. Eerik y voyait des accords et des contrats, August voyait Dante, Shakespeare et Schiller. Aucun des deux ne voyait les normes alimentaires, la pasteurisation du lait, les croissants à l'huile sous emballage plastique, ni les passeports à empreinte digitale incorporée. Ils voulaient à tout prix être européens, échapper à la vieille barbarie asiatique, lui préférant la barbarie européenne dont ils n'avaient pas encore eu à pâtir, ou si peu. » Ces lignes sont de Katrina Kalda, brillante et jeune auteur estonienne installée en France, tirées de son Roman estonien. Je crois que l’occasion qui nous réunit ce soir vient précisément démentir les propos désabusés du narrateur de Katrina Kalda. Les saisons culturelles sont là pour nous rappeler la réalité de l’Europe de la culture, qui ne sera jamais soluble dans la froideur des normes.
Je suis en effet très heureux de vous accueillir ce soir rue de Valois pour célébrer ensemble le lancement du festival « Estonie tonique », qui démarre aujourd’hui même, et se prolongera jusqu'au 17 décembre prochain. Je souhaite tout particulièrement la bienvenue à tous ceux qui viennent spécialement d'Estonie pour participer à cet événement, et en particulier aux artistes du Choeur national d'hommes de Tallinn, qui donneront deux concerts dans le cadre du festival d'Île-de-France, et qui vont en avant-première nous donner le privilège d'interpréter deux courts morceaux après ces quelques mots.
Ce festival est incontestablement placé sous le signe de l'Europe, y compris depuis son origine. Ce n'est paradoxalement ni à Paris, ni à Tallinn, mais à Barcelone que nous avons pris ensemble, avec enthousiasme et détermination, la décision de donner concrètement naissance à un festival estonien, lors d'une rencontre, Monsieur le Ministre, avec votre prédécesseur, Madame Laine Jänes, en marge de la réunion informelle des ministres de la Culture de l'Union européenne, en Mars 2010.
Signal fort pour l’Europe de la culture aussi, car, comme vous l'avez rappelé, ce festival s'inscrit étroitement en lien avec Tallinn, Capitale européenne de la Culture cette année.
Signal fort pour l’Europe, enfin, car il est une nouvelle marque de la volonté affirmée de votre pays, depuis la restauration de son indépendance il y a 20 ans, de partager une identité et un devenir européens communs, en cette année où votre pays n’a pas hésiter à adopter l'Euro pour monnaie.
Je ne reviendrai pas sur le détail de la très riche programmation qui va être proposée au public, et qui témoigne de la formidable vitalité et de la créativité culturelle de votre pays. Je me réjouis que la cinquantaine d'événements programmés concerne l’ensemble des domaines de la culture, de la musique au cinéma, du théâtre aux arts visuels et numériques, de l'architecture à la littérature.
Ce festival témoigne en tout premier lieu de l'exceptionnelle affinité entre votre pays et la musique ; toutes les musiques, de la plus traditionnelle, comme celle du peuple seto présentée à la Maison des cultures du Monde, à la plus branchée et la plus innovante, telle que la performance numérique qui se tiendra au Cube à Issy-les-Moulineaux, ou les performances prévues au Mama, au Point éphémère ou au festival Jazzy Color. C’est cette affinité, cette relation spéciale à la musique, qui a valu aux Estoniens le surnom de « peuple chantant » ; en Estonie, c’est en chantant qu’on fait la révolution.
Il n’est donc guère surprenant que la musique contemporaine soit également un domaine dans lequel l’Estonie excelle ; et en la matière je me réjouis de l'hommage particulier qui sera rendu lors de plusieurs concerts à votre très célèbre compositeur, Arvo Pärt, dans des lieux aussi variés que l’église Saint-Eustache, le 104 ou le temple de l’Oratoire. Non seulement les mélomanes, mais aussi les cinéastes et le public du cinéma le connaissent bien, pour avoir souvent emprunté ou entendu ses créations musicales, des Amants du Pont-Neuf jusqu'à Habemus Papam.
Nos relations culturelles s’appuient sur des associations très fécondes dont cette saisons est l’image, telles que le groupe franco-estonien « Rouge Madame » qui se produira au Point Ephémère, la direction de l’Orchestre de Paris désormais assurée par le chef estonien Paavo Järvi, ou encore les ateliers prévus entre architectes dans les écoles supérieures d'architecture de Belleville et Val-de-Seine. « Estonie Tonique » sera l'occasion de multiplier les rencontres entre talents français et estoniens, d'où jailliront de nouveaux élans créatifs.
Au-delà de la musique, je n'oublie pas que c'est tout un pays qui vient à la rencontre des parisiens, symbolisé par l'arrivée aujourd'hui sur le canal Saint-Martin, du bateau viking, emblématique de l'appartenance de votre pays à l'espace nordique.
« Vabadus », le mot estonien pour « Liberté », est le titre de l'exposition qui réunira au château d'Asnières, les oeuvres de certains des meilleurs artistes contemporains estoniens. C’est aussi tout l’esprit de ce festival, et de tous vos créateurs qui s’y sont impliqués. Le volet théâtral témoignera de cet esprit de liberté, voire d’irrévérence, avec notamment la série de représentations à l’Odéon - Théâtre de l’Europe de la pièce Comment expliquer des tableaux à un lièvre mort. Le volet cinématographique de ce festival, à la Cinémathèque, au festival d’Amiens, au Musée du Quai Branly, ou au cinéma le Lincoln, nous donnera également un témoignage de cette très grande créativité.
Pour terminer, je voudrais vous remercier, Monsieur le Ministre, et avec vous l’ambassade d’Estonie en France et le monde culturel estonien, pour ce magnifique aperçu de la culture estonienne, que vous nous donnez le privilège de goûter et d'apprécier en cet automne 2011. Je tiens à remercier aussi tous les opérateurs culturels français, nombreux ici ce soir, en espérant que vous me pardonnerez de ne pas tous les citer, et qui ont ainsi souhaité devenir partenaires de « Estonie tonique ».
Je voudrais enfin vous remercier, cher Xavier, et avec vous les équipes de l'Institut français, qui se sont remarquablement mobilisées pour apporter à cette saison toute la richesse, la diversité et l'impact qu'elle mérite.
Au final, ce festival aura atteint son but, s'il donne aux artistes, aux architectes, aux écrivains estoniens qui vont se succéder à Paris pendant deux mois, l'envie de revenir ici, de travailler et de créer avec leurs homologues français, et à ceux-ci l'envie d'aller aussi à la rencontre des créateurs estoniens chez eux, en Estonie. Je ne doute pas qu’il va également donner au public le désir d'aller plus loin dans la connaissance de la culture estonienne et de découvrir un pays que la France et l’Europe portent dans leur coeur. C’est Karl Ristikivi qui écrivait : « nos racines ne sont pas dans l'enfance, elles sont en chaque lieu où nous sommes passés un jour ».
Tous mes voeux de succès à la saison estonienne. Soovin Eesti festivalile kordaminekut ja edu!
Je vous remercie. Suur tänu!
Source http://www.culture.gouv.fr, le 11 octobre 2011