Texte intégral
Q - Que va-t-il se passer en Libye ?
R - Le terrain appartient aux Libyens et au Conseil national de transition. Celui-ci est lancé dans un effort difficile, lémergence dun système politique stable. Le CNT va pouvoir annoncer un gouvernement. Il y aura suffisamment de notables kadhafistes détenus pour y associer le procès du régime. Notre mission va se simplifier puisque nous navons pas vocation à mettre en place un État ou des forces de sécurité en Libye.
Q - Va-t-on arrêter les frappes ?
R - Le dispositif va être dabord allégé, et au regard de notre mission de protection des populations civiles, nous passerons à une phase de démontage. Ce sera fait dans les jours ou semaines qui viennent car laffrontement séloigne. Nous nirons pas jusquà la Toussaint.
Q - Quel rôle va jouer la France ?
R - Elle va sefforcer de jouer le rôle dun partenaire principal, dans un pays dont les dirigeants savent quils nous doivent beaucoup.
Q - Faut-il une nouvelle réunion multilatérale ?
R - Les pays de la coalition vont probablement adopter des positions plus bilatérales dans leur relation avec la Libye. Chacun cherchera à tirer son épingle du jeu. Nous ne serons ni les derniers ni les plus vulgaires. Nous navons pas eu dengagement tardif, médiocre, incertain. Et nous navons rien à nous faire pardonner.
Q - On a reproché à la France de faire cavalier seul. LOTAN a-t-elle bien fonctionné ?
R - Une volonté politique nationale qui sait construire des alliances tire le meilleur des structures pour agir. Cest la méthode de Nicolas Sarkozy. La France a tiré de son accord avec la Grande-Bretagne un poids politique à lintérieur de lUnion européenne, qui a permis de faire aboutir une résolution au Conseil de sécurité de lONU, puis de passer le relais au commandement de lOTAN. La construction politique et la réactivité militaire ont été les conditions du succès.
La France a été partenaire principal de lopération en utilisant ses alliances, lUnion européenne et lOTAN, comme des moyens et non comme des tuteurs. Le secrétaire général de lOTAN a accompagné cette dynamique. LOTAN est un commandement intégré qui est tout sauf tyrannique : la possibilité de mener une opération sous casquette nationale est réelle. Nous mettons un système de défense nationale au service de lAlliance. Nous ne cotisons pas à un système multinational en renonçant à notre identité.
Q - Cest lOTAN plutôt que lUnion européenne ?
R - Nous allons débattre de cette mécanique complexe lundi au Parlement européen. Il serait injuste de dire que lUnion européenne a été inutile. Elle a permis à lintérieur de lOTAN de consolider un groupe qui a pu convaincre les États-Unis. Nous savions quils allaient se retirer des frappes tout en apportant lindispensable soutien logistique. Le fait que les États-Unis, dès lors quils ne sopposent pas, jouent le jeu du soutien matériel, prouve que lAlliance fonctionne. Elle a un socle permanent que sont les états-majors, ils ont assez bien fonctionné.
Q - Les Allemands nont pas participé à lopération et réduisent leurs moyens militaires. Comment travailler avec eux ?
R - Les Allemands engagent une réforme que nous avons faite il y a quinze ans : ils évoluent vers une armée professionnelle, à effectif réduit, capable dinterventions extérieures. Il leur faut, après ces décisions structurelles, prendre les décisions stratégiques, comme nous lavons fait avec le Livre blanc de 2008. Nous allons travailler avec eux, car certains sujets majeurs sont au cur de notre relation : la défense antimissile, le système de surveillance terrestre de lOTAN, la relation avec la Russie, lémergence dune industrie européenne.
Q - Mais nos divergences sur le nucléaire demeurent ?
R - Sur lantimissile, la France voit ce quelle peut accepter : le volet détection avec notre apport en satellites, et le contrôle otanien sur le commandement.
Mais il reste une ambiguïté de fond entre ce que les États-Unis dun côté, la France et le Royaume-Uni de lautre, les autres Européens enfin, attendent de la défense antimissile. Pour beaucoup, cest une assurance qui a le mérite de ne coûter quune cotisation et permet de pouvoir dire aux Français que leur dissuasion est inutile. Nous disons aux Américains quil faut valoriser nos apports, nous ne sommes pas de simples cotisants. Nous garderons notre dissuasion, car la défense antimissile ne sera jamais certaine à 100 %. Cest donc dabord un débat européen.
Q - LEurope peine à faire de la défense un sujet commun.
R - Il est indispensable que nous parlions librement de défense entre Européens. Cela permet dharmoniser nos points de vue pour avoir une attitude solidaire dans lOTAN. Cela ne veut pas dire quil faille des structures opérationnelles redondantes. LEurope doit être un lieu de discussion stratégique.
Q - Qui créditer du succès libyen ?
R - Nicolas Sarkozy. Cest le succès des institutions françaises, qui font du président de la République le chef des armées et le patron de la diplomatie. Lhomme qui avait ces pouvoirs les a exercés. Il na jamais agi seul, mais avec David Cameron, lONU, lOTAN. Avec pragmatisme, il a construit des alliances.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 24 octobre 2011