Interview de M. Thierry Mariani, secrétaire d'Etat chargé des transports et cofondateur de la Droite populaire, à RTL le 19 octobre 2011, sur le changement de la direction à Air France KLM, la préparation du budget 2012 des transports et les propositions de François Hollande, candidat désigné du PS à l'élection présidentielle.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

JEAN-MICHEL APHATIE Bonjour Thierry MARIANI.
 
THIERRY MARIANI Bonjour.
 
JEAN-MICHEL APHATIE On ne comprend pas bien ce qui se passe à AIR FRANCE-KLM. Le directeur général du groupe, Pierre-Henri GOURJEON, a été débarqué par le conseil d’administration semble-t-il à la surprise générale lundi après-midi, et il a été remplacé à la tête d’AIR FRANCE par Alexandre de JUNIAC, qui est l’ancien directeur de cabinet de Christine LAGARDE à Bercy. L’État est actionnaire à 15 % d’AIR FRANCE ; approuvez-vous ce changement ?
 
THIERRY MARIANI C’est un choix du conseil d’administration. L’État est actionnaire à 15 %, c'est-à-dire que c’est un actionnaire minoritaire et l’État dispose de trois voix sur quinze au sein du conseil d’administration.
 
JEAN-MICHEL APHATIE Pourquoi Pierre-Henri GOURJEON a été débarqué ?
 
THIERRY MARIANI Pierre-Henri GOURJEON a fait un travail remarquable. Il a aujourd'hui plus de 65 ans et le conseil d’administration a peut-être décidé qu’il était temps de réorienter la politique d’AIR FRANCE pour restaurer la compétitivité. Aujourd'hui on a une compétitivité de certaines compagnies à bas coûts sur les lignes moyennes et sur les longs courriers une compétitivité notamment des compagnies du Golfe. Moi, je crois en AIR FRANCE mais je pense qu’AIR FRANCE doit s’adapter à la concurrence internationale. Vous savez, la démondialisation ça n’existe pas encore dans le transport aérien.
 
JEAN-MICHEL APHATIE Les représentants de l’État - trois, je crois, au conseil d’administration…
 
THIERRY MARIANI Trois sur quinze.
 
JEAN-MICHEL APHATIE On voté le départ de Pierre-Henri GOURJEON ?
 
THIERRY MARIANI Oui, absolument.
 
JEAN-MICHEL APHATIE Donc il a bien fait des fautes, il a bien fait quelque chose.
 
THIERRY MARIANI Non, attendez. On peut aussi partir sans faire une faute. Qu’est-ce que c’est que cette conception ?
 
JEAN-MICHEL APHATIE Ah bon ? Il a été renouvelé il y a quatre mois.
THIERRY MARIANI Il a été renouvelé il y a quatre mois…
 
JEAN-MICHEL APHATIE Et puis, poum !
 
THIERRY MARIANI Simplement l’évolution de la situation du groupe fait que le conseil d’administration où les actionnaires j’allais dire non publics sont largement majoritaires – douze sur quinze – ont décidé de confier la présidence et la direction générale dans un premier temps à Jean-Cyril SPINETTA.
 
JEAN-MICHEL APHATIE Voilà, Jean-Cyril SPINETTA qui est donc l’homme fort, celui qui décide au sein du groupe AIR FRANCE-KLM. Lui, il ne voulait pas du remplaçant de Pierre-Henri GOURJEON à AIR FRANCE. C’est une histoire compliquée. Donc Alexandre de JUNIAC est devenu le PDG d’AIR FRANCE et dans Le Parisien de ce matin par exemple, Jean-Cyril SPINETTA dit aux cadres d’AIR FRANCE à qui il présente Alexandre de JUNIAC : « Ce n’était pas mon candidat, j’avais pensé à quelqu'un d’autre, mais il doit avoir quelques qualités sinon il ne serait pas là ». Vous laissez faire ?
 
THIERRY MARIANI Écoutez, c’est un secret pour personne que ce n’était pas le candidat de Jean-Cyril SPINETTA. Simplement je pense qu’Alexandre de JUNIAC a des qualités qui ont été reconnues, je le répète, par le conseil d’administration et d’autre part l’État ne laisse pas faire, l’État participe à une décision. L’ensemble des administrateurs ont pris une décision où, je vous le répète, l’État n’avait que trois voix sur quinze.
 
JEAN-MICHEL APHATIE Pour poser la question autrement, AIR FRANCE ne risque-t-elle pas d’être déstabilisée par cette situation d’un PDG du groupe qui ne veut pas du PDG de sa filiale ? C’est quand même incroyable !
 
THIERRY MARIANI Écoutez, AIR FRANCE est surtout à l’heure actuelle menacée par une concurrence et doit s’adapter. Si on veut garder une grande compagnie française, on a besoin peut-être de revoir un peu la compétitivité et l’organisation du groupe. Un nouveau directeur est nommé pour ça ; ça correspond à ce que font toutes les entreprises.
 
JEAN-MICHEL APHATIE En fait l’État est totalement passif : vous regardez passer les trains – enfin, en l’occurrence les avions – et puis si l’entreprise en souffre, bon eh bien tant pis ! L’argent des contribuables palliera les défauts s’il le faut, quoi.
 
THIERRY MARIANI Il y a – d’abord ça fait longtemps que l’argent du contribuable ne pallie pas les défauts d’AIR FRANCE et deuxièmement, l’État est un actionnaire attentif. Nous avons voté effectivement pour ce changement j’allais dire de direction mais une majorité d’administrateurs qui ne dépendent pas de l’État ont fait exactement le même choix. Il y avait peut-être donc une raison.
 
JEAN-MICHEL APHATIE Oui, oui, mais vous ne nous expliquez pas laquelle.
 
THIERRY MARIANI Écoutez, si vous trouvez qu’aujourd'hui AIR FRANCE est dans la meilleure situation possible - moi je constate qu’AIR FRANCE est une très bonne compagnie mais qui doit se réformer, qui doit faire face à une compétitivité accrue.
 
JEAN-MICHEL APHATIE Et donc là, il vous semble que le dispositif est en place entre un président de groupe qui ne veut pas d’Alexandre de JUNIAC ? Tout ça ne vous paraît pas inquiétant ?
 
THIERRY MARIANI Non, non, attendez. Au départ, ce n’était peut-être pas son candidat mais je crois qu’aujourd'hui le président du groupe a tout à fait j’allais dire accepter avec Alexandre de JUNIAC. Je constate qu’ils l’ont dit clairement tous les deux.
 
JEAN-MICHEL APHATIE Oui. Bon, écoutez, on regardera ça puis on aura sans doute l’occasion d’en reparler avec vous aux premières turbulences et ça ne manque pas dans le transport aérien. Puisque vous êtes ministre des Transports, vous êtes actuellement en train de discuter le budget du transport dans le cadre plus général du budget de la nation. La note de la France risque d’être dégradée, le président de la République prévient que les temps qui viennent seront très difficiles. Le budget dont vous discutez actuellement en fait est assez artificiel ; il va être retouché dans les semaines qui viennent.
 
THIERRY MARIANI Ce n’est pas un budget innocent à la veille d’élections présidentielles. C’est un budget où très clairement Nicolas SARKOZY et le gouvernement affirment leur volonté de tenir les finances publiques. Je constate quand je vois par exemple le programme du Parti socialiste que ce n’est pas le cas. La volonté affichée par le gouvernement est de dire : « On continue la politique menée depuis des années pour restreindre le train de vie de l’État et pour ne pas avoir à se retrouver demain dans la situation de la Grèce ». Donc il peut y avoir des rumeurs, des questions sur la notation de la France mais que je sache, on a toujours un AAA ; et que je sache, ce n’est pas la situation de nombreux autres pays européens.
 
JEAN-MICHEL APHATIE Hypothèse de croissance du budget 2012 : 1,7. Consensus des économistes pour 2012 : 0,8. Tout le monde sait que vous surévaluez par exemple aujourd'hui les recettes dans le budget de l’État. Tout le monde le sait…
 
THIERRY MARIANI On est en octobre. On est en octobre, on verra bien au cours des mois à venir s’il faut effectivement corriger ces prévisions.
 
JEAN-MICHEL APHATIE On évitera la rigueur, Thierry MARIANI ?
 
THIERRY MARIANI La rigueur, c’est quand on réduit les salaires, quand on réduit les prestations sociales. Je crois qu’il n’y a jamais eu de politique de rigueur en France.
 
JEAN-MICHEL APHATIE Il y en aura une bientôt.
 
THIERRY MARIANI Il y a une politique en tous cas qui tient les finances publiques et qui est désormais économe du denier du contribuable.
 
JEAN-MICHEL APHATIE Vous êtes membre de l’UMP, fondateur de la Droite populaire, Thierry MARIANI. Quel est votre jugement sur François HOLLANDE, le candidat désigné désormais du Parti socialiste à l’élection présidentielle ?
 
THIERRY MARIANI C’est un candidat qui est complètement dans l’illusion lyrique de l’époque mitterrandienne. C'est-à-dire que je crois que c’est vraiment le candidat du XXème siècle et pas du tout du XXIème. C’est un candidat qui nous présente – qui nous a présenté au cours des primaires, et c’est ce qu’a démontré hier l’UMP dans sa convention des solutions du passé. Créer plus d’emplois publics, plus de dépenses, des vieilles j’allais dire lunes fantasmes socialistes. Moi je suis quand même choqué quand je vois Martine AUBRY au soir où le Sénat bascule qui vient nous annoncer comme première réforme indispensable le droit de vote aux élections locales pour les étrangers. Voilà, je crois que c’est surtout un Parti socialiste qui n’a pas compris que le siècle avance.
 
JEAN-MICHEL APHATIE Elle disait que la première loi qu’elle ferait voter, c’était une loi d’égalité salariale entre femmes et hommes. Elle disait que c’était la première.
 
THIERRY MARIANI Oui, mais…
 
JEAN-MICHEL APHATIE Ce n’est pas bien, ça, l’égalité salariale entre les femmes et les hommes ?
 
THIERRY MARIANI S’il suffisait d’une loi pour régler le problème, il y a longtemps que ça aurait été fait.
 
JEAN-MICHEL APHATIE On ne sait pas comment le régler en fait, avec ou sans loi.
 
THIERRY MARIANI On avance et un certain nombre de mesures ont été prises par notre gouvernement mais je sais aussi que dans ses premières mesures, il y avait cette fameuse proposition du droit de vote des immigrés. C’est quand même là aussi une proposition emblématique du Parti socialiste depuis des années.
 
JEAN-MICHEL APHATIE Et vous présentez une pétition, Thierry MARIANI, pour vous opposer à ce droit de vote des étrangers. La Droite populaire se situe très clairement à la droite de l’UMP. Que représente pour vous, Marine LE PEN ? Pas le Front National mais Marine LE PEN ? Une adversaire ou une concurrente ?
 
THIERRY MARIANI Une impasse. Une impasse parce que…
 
JEAN-MICHEL APHATIE Non, non ! Une adversaire ou une concurrente ?
 
THIERRY MARIANI Ah ! Pour moi c’est la même chose : une adversaire…
 
JEAN-MICHEL APHATIE Non, ce n’est pas du tout la même chose. La langue française est riche, il y a des nuances.
 
THIERRY MARIANI Oui. Une adversaire.
 
JEAN-MICHEL APHATIE D’accord. Eh bien voilà.
 
THIERRY MARIANI Une adversaire mais elle représente surtout à mon avis une impasse et une chimère pour beaucoup de Français. Il y a des incantations mais aucune solution
 Source : Premier ministre, Service d’Information du Gouvernement, le 21 octobre 2011